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il faudrait du moins qu'on déclarât expressément que la signification aura nécessairement lieu à domicile élu ou réel, comme l'avait proposé la commission de la Chambre des pairs.

L'opinion de l'honorable membre fut soutenue par M. Croissant, qui néanmoins proposa un sous-amendement: il s'agit ici de l'acte le plus important de la procédure, de celui qui avertit le débiteur des mesures que l'on se propose d'adopter contre lui, il faut donc qu'il soit prévenu d'une manière certaine, et conséquemment appliquer au commandement seul l'obligation du domicile réel. Ainsi raisonnait M. Croissant.

L'opinion contraire fut défendue par le garde-des-sceaux et par MM. Durand de Romorantin et Amilhau. Voici comment ils argumentaient le visa du maire va au-devant des craintes que l'on exprime; il faut également favoriser le créancier, et supprimer le domicile élu serait évidemment violer la loi du contrat (le garde-des-sceaux). Le débiteur ne sera d'ailleurs pas dépouillé, comme on le dit, à son insu, puisque, aux termes d'un autre article (677), la saisie doit toujours être signifiée à domicile réel, quinze jours avant l'adjudication (M. Durand). Il y a plus : la suppression de la faculté de signifier au domicile élu mettrait les trois quarts des créanciers à la merci de leurs débiteurs; ce serait, en un mot, renverser toute l'économie de la loi (M. Amilhau).

Ces raisons prévalurent, et l'article 673 de la commission ayant été mis aux voix, fut adopté.

L'article 674, qui règle le délai dans lequel il pourra être procédé à la saisie, passa sans discussion. Il en fut à peu près de même du 675; on ne s'arrêta point à la proposition que fit M. Durand, de désigner dans la saisie deux au moins des tenants et aboutissants des biens ruraux. M. Pascalis fit très-bien remarquer qu'une semblable désignation serait, sinon impossible, au moins difficile.

Les articles 676 et 677, le premier relatif au visa de la saisie, l'autre à la denonciation à la partie saisie, ayant été

adoptés sans débats, on passa au 678', qui règle la transcription de la dénonciation et du procès-verbal de la saisie. M. Lambert aurait voulu, pour moins de formalités et de frais, que l'on se bornât à transcrire le procès-verbal. Mais le ministre des travaux publics, et ensuite M. Dusollier, firent remarquer fort justement, qu'il ne s'agissait pas en cette occurence d'économiser les frais, mais bien d'instruire le public, qui a besoin d'être informé.

L'article 679, qui a trait à l'ordre des transcriptions, et l'article 680, qui règle le cas où une saisie étant déjà faite, le conservateur des hypothèques refuserait d'en transcrire une nouvelle, furent également admis par la Chambre.

Ce fut ensuite l'article 681, dont les deux premiers paragraphes disposent, l'un, que le président du tribunal pourra retirer, par ordonnance de référé, le séquestre judiciaire laissé au saisi; l'autre qu'il pourra, sur simple requête, ordonner la coupe des fruits pendants par racines. MM. Paul Boudet, Dugabé et Parès présentèrent à ce sujet des observations: il leur paraissait exorbitant qu'on pût ainsi enlever au saisi le séquestre qu'il tient de la loi; que l'on pùt le dépouiller en quelque sorte sans l'entendre (MM. Dugabé, Chégaray). Il y avait lieu surtout d'étendre la critique au paragraphe relatif à la coupe des fruits (les mêmes). Selon M. Boudet, il faudrait appeler à figurer dans l'incident la partie saisie, et, selon M. Parès, le poursuivant comme représentant la masse. Un savant magistrat dont l'opinion en cette matière devait être d'un grand poids, M. Debelleyme, se joignit au préopinant et demanda que la coupe ne fût ordonnée que sur référé. Cette doctrine fut combattue par le garde-des-sceaux et MM. Quénault, Moreau, Durand de Romorantin et Pascalis, rapporteur de la commission, qui firent remarquer que son application entraînerait de nouveaux frais (le garde-des-sceaux); qu'il ne s'agissait que d'une coupe de fruits ordinaires (M. Moreau); d'un simple acte conservatoire (M. Pascalis); que l'on aurait d'ailleurs

une double garantie, celle du magistrat qui connaît la solvabilité du créancier, et celle de la caisse des dépôts et consignations qui recevrait le prix (M. Durand de Romorantin). Un renvoi à la commission amena entre les deux opinions un moyen terme le réferé fut étendu à la coupe des fruits, et l'ensemble de l'article voté dans cet esprit.

Point de discussion sur l'article 682, qui traite de l'immobilisation des fruits naturels ou industriels. Au contraire, 683 amena un débat qui ne manqua pas d'intérêt : le saisi ne doit point commettre de dégradation sur l'immeuble frappé par la main-mise du créancier. En cette occasion le gouvernement le menaçait de poursuites que « la gravité des circonstances devait faire qualifier. » Au contraire, la commission spécifiait tout d'abord, en renvoyant formellement aux peines portées par la loi. Ce système devait-il être préféré? Pouvailon ainsi enchaîner l'appréciation du juge en donnant au fait du saisi un caractère déterminé? C'était, comme on voit, une assez délicate question de législation? Bien que le gouvernement, par l'organe du garde-des-sceaux et du ministre des travaux publics, se fût venu ranger ensuite à l'avis de la commission, son système, qui paraît en effet conforme aux principes, trouva des partisans: MM. Parès, Hébert, Croissant. On aurait ainsi le choix entre l'action criminelle et l'action correctionnelle (M. Hébert); il pourrait arriver que le saisi-délinquant ne fût plus séquestre judiciaire, ce qui changerait, quant à la contrainte par corps par exemple, le caractère des poursuites (M. Croissant). En conséquence, cet honorable membre proposait une rédaction ainsi conçue : « Sans préjudice des peines portées au Code Pénal. » MM. Vivien, Isambert, Durand de Romorantin, puis le garde-des-sceaux et le ministre des travaux publics défendirent l'article de la commission: Pourquoi ne pas préciser? pourquoi rester dans le vague, alors que l'on rencontre dans le Code Pénal modifié une rédaction qui prévoit le cas dont il s'agit? M. Dusollier fit remarquer que les articles invoqués ne disposent que pour

le cas d'incendie. A quoi MM. Isambert et Teste opposèrent que les articles ne parlent de l'incendie que par forme d'exemple, sans être pour cela limitatifs. L'ensemble de l'article en discussion fut adopté dans les termes proposés par la commission; mais il résulte de la réponse faite par le rapporteur, M. Pascalis, à M. Vivien, que dans aucun cas les poursuites ne seront forcées. M. Isambert pensait de même ; mais cette opinion trouva un contradicteur en M. Quénault.

L'article 684 soulevait à son tour une question qui pouvait également partager les esprits: la commission, combinant sa rédaction avec celle de M. Dalloz, déclarait que le juge pourrait annuler les baux postérieurs au commandement ou n'ayant point date certaine avant cet acte, à moins d'un commencement d'exécution (M. Dalloz). MM. Vavin et Gaillard Kerbertin firent des objections: adopter le paragraphe final de l'article serait favoriser la fraude, la collusion; que si l'on oppose l'intérêt du locataire, la réponse est facile: il peut faire enregistrer son bail (M. Vavin).

La fraude n'est pas possible; le cas est prévu par l'art. 1167 du Code Civil, qui prononce, si le concert frauduleux est établi, la nullité. L'enregistrement du bail pourrait bien enrichir le trésor, favoriser les notaires; mais ce serait un renversement de tous les principes en cette matière ; on sait que la plupart des baux sont sous seings privés ou verbaux: comment les soumettre à l'enregistrement?

A cette argumentation du ministre de la justice, M. de Kerbertin opposa qu'il faudrait alors fixer d'une manière claire, et sans laisser en ce point de place au doute, la durée du bail, ou ne lui accorder que la durée ordinaire, celle du bail verbal.

Une réplique de M. Martin (du Nord) fit ressortir avec justesse que l'art. 1736 du Code Civil réglait encore ce cas. L'espèce de faculté que laissait la rédaction de la commission en ce qui touchait l'annulation de ces sortes de baux, prêtait à un vague, que MM. Renouard, Amilhau et ensuite

le garde-des-sceaux, essayèrent de faire disparaître. L'article fut en effet rédigé dans ce sens.

L'art. 685 immobilise les fruits pour les faire distribuer par ordre d'hypothèques. M. Lambert crut devoir faire remarquer, ce qui était au moins surabondant, que les priviléges passeraient avant l'hypothèque.

Autre controverse sur 686, et d'autant plus intéressante, qu'elle touchait à tous les principes reçus en cette grave matière. Le débiteur placé sous le coup de la saisie pourrat-il hypothéquer? On conçoit qu'il puisse être prudent de lui laisser cette faculté, puisqu'elle lui permet de désintéresser le saisissant. La commission lui accordait implicitement ce droit, en ne lui défendant, à partir de la transcription, que l'aliénation. M. Gaillard de Kerbertin proposa d'abord de retirer au saisi la faculté d'aliéner, du jour de la dénonciation à lui faite du procès-verbal. En effet, dans le système de la loi, la dénonciation devant précéder la transcription, il y aurait place à la fraude, et le débiteur aurait quinze jours pour faire vendre ses immeubles.

Adopter cet amendement, interrompit M. Golbéry, serait tout-à-fait contraire au système entier de la loi.

L'amendement ne fut pas appuyé.

M. Lherbette alla plus loin: Laissez au saisi, disait-il, la faculté d'hypothéquer, « sans préjudice des sommes dues au créancier.» Cet amendement n'était que spécieux : il enlevait purement et simplement au débiteur le droit d'hypothèque que lui laissait la commission.

M. de Kerbertin se joignit à l'esprit de l'amendement en demandant derechef que le saisi ne pût hypothéquer que dans le cas prévu par les articles 687 et 688.

Le rapporteur de la commission combattit la doctrine des auteurs et des amendements, et, en ce qui touchait spécialement celui de M. Lherbette, il établit avec raison que le créancier n'a que son titre, chirographaire ou hypothécaire, et qu'il ne faut pas créer en sa faveur une troisième classe de créanciers,

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