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§ 1er de l'art. 3 ces mots : « les départements, les communes, » ajoutés à l'énumération des travaux qui seraient autorisés par une loi. Il ne fut pas adopté après un court débat entre quelques membres et les représentants de l'administration. Point d'autre discussion jusqu'à l'art. 12 inclusivement. Ce dernier article soulevait une question déjà longuement con→ troversée et sur laquelle la jurisprudence avait également varié. Fallait-il en effet excepter de l'application des art. 8,9 et 10, l'ouverture et le redressement des chemins vicinaux, comme étant des travaux d'un intérêt communal? La Chambre des députés le décidait ainsi, comme le gouvernement (Voy. ci-dessus). Mais la commission de la pairie interprétait autrement la loi de 1833, ainsi que le faisait depuis quelque temps la Cour de Cassation. Elle voyait dans le redressement et l'ouverture des chemins vicinaux plus qu'un intérêt communal; et, bien que le commissaire du roi inclinât à se ranger à cette interprétation, il pensait cependant que les formes plus simples de l'art. 12 suffisaient pleinement.

Au nom de la commission, M. Daru réfuta l'argumentation du directeur des ponts-et-chaussées : la suppression des enquêtes communales, au lieu d'aider à la rapidité des travaux, les compliquerait et les rendrait plus pénibles; on n'aurait plus, par exemple, l'utile débat entre le maire et l'ingénieur.

Un amendement de M. Laplagne-Barris sembla placer la question sur son véritable terrain; cet amendement consistait à ajouter à l'article de la commission ces mots : « Chemins vicinaux de grande communication. » Devait-on, en effet, pouvait-on considérer comme entrepris dans l'intérêt d'une commune seulement des chemins qui ont quelquefois vingt lieues, traversent le territoire de quatre-vingts ou cent autres communes, et sont aussi importants pour les départements que les routes départementales elles-mêmes? (23 avril.) M. d'Argout se prononça contre l'un et l'autre

amendements; il ne trouvait pas nécessaires les commissions d'enquêtes pour les chemins vicinaux, et préférait de beaucoup, comme plus utiles, les commissions facultatives dues aux choix des préfets.-Dans l'intérêt de la petite propriété, à ses yeux aussi respectable que la grande, M. le marquis de Cordoue s'associait à la pensée de la commission. Tandis que M. le président Boyer trouvait pour cette propriété même, dans la loi de 1836 sur les chemins vicinaux, toutes les garanties désirables: la Chambre des députés n'avait fait que mettre d'accord les deux lois.

M. de Montalivet, sans se prononcer d'une manière absolue, fit quelques observations pour établir que, dans certains cas, ceux notamment où les travaux à entreprendre toucheraient à des intérêts plus généraux, l'absence d'enquête ne serait pas également efficace. L'orateur se rapprochait en conséquence de la pensée de la commission et de l'amendement de M. Laplagne.

M. Teste, ministre des travaux publics, trouvait dans les préliminaires de l'arrêté déclaratif de l'utilité publique et les formalités postérieures consignées dans les art. 4, 5, 6 et 7, une protection suffisante pour la propriété contre les dangers de l'arbitraire.

Les nouveaux développements de M. Laplagne-Barris ne pouvaient plus rien ajouter à une question parfaitement précisée, et c'est en prenant la discussion à ce point de vue, sa ́voir : s'il était nécessaire, sinon pour les chemins qui ne seraient point de grande communication, au moins pour ces derniers, de consulter les commissions d'enquête ; c'est, disons-nous, en prenant à ce point de vue la question, que M. Persil repoussa l'amendement comme devant consacrer une formalité oiseuse et peu exécutable.

La commission avait senti qu'il fallait circonscrire la question; elle s'était rangée à l'amendement de M. Laplagne. Après quelques observations dans ce sens faites par le rapporteur (M. Daru) et par M. Legrand, à l'appui de son ar

gumentation première, on alla aux voix sur l'amendement : il fut rejeté, et l'article du gouvernement adopté.

Le titre III (art. 13-20) fut voté dans sa teneur. On passa au titre Iv du Réglement des indemnités. A propos de l'acceptation des offres, la commission proposait le délai de huitaine au lieu de la quinzaine du projet (art. 24). Huit jours paraissaient suffisants à la commission; le propriétaire aurait en outre, pour manifester ses intentions, le temps qui s'écoule jusqu'à la réunion du jury. Il pourrait toujours se prononcer, son silence n'étant puni que d'une pénalité insignifiante, les frais du procès.

Le ministre des travaux publics trouvait peu importante la différence; et la Chambre pensa de même en n'adoptant point l'amendement.

Un débat assez long s'engagea sur l'art. 65; c'est qu'il s'agissait de la prise de possession d'urgence. Le gouvernement rédigeait ainsi cet article :

« Lorsqu'il y aura urgence de prendre possession des terrains non batis qui seront soumis à l'expropriation, l'urgence sera spécialement déclarée par une ordonnance royale. »

La commission proposait au contraire la rédaction suivante : « Lorsqu'en cours d'exécution des travaux, des circonstances exceptionnelles et spéciales feront reconnaître l'urgence de prendre possession de terrains non batis, dont l'expropriation aura déjà été prononcée par le tribunal dans les formes prescrites par l'art. 44, l'urgence sera déclarée par ordonnance du roi.

» Cette urgence devra être motivée sur la nature des travaux, sur les obstacles imprévus qui s'opposent à leur exécu tion, et sur la nécessité de les terminer sans délai. »

A la différence du projet, cette dernière rédaction ne provoquait l'ordonnance déclarative de l'urgence qu'après l'épuisement de tous les délais nécessaires pour arriver au jugement d'expropriation, ou plutôt après ce jugement lui-même. D'après le commissaire du roi, c'était concéder la loi et

en même temps l'annuler dans les mains de l'administration; c'était, de plus, lui donner un caractère d'hostilité qu'elle n'avait pas.

M. Villiers du Terrage ne voyait, lui, dans les deux rédactions qu'une différence de mots: la commission disant plus longuement ce que le projet disait en moins de mots.

Que voulait cependant la commission, puisque aussi bien elle avait une intention? M. Daru répondit à cette question Prévenir l'abus des déclarations d'urgence, prononcées en même temps que les actes autorisant l'ouverture des travaux.

Et cette considération était précisément celle qui touchait le moins le ministre des travaux publics: selon lui, le bienfait de la loi n'était pas seulement dans la faculté de balayer les obstacles, mais encore dans l'avantage de l'abréviation des délais, au cas où il faudrait exécuter d'urgence un travail. Et cet avantage serait palpable si la déclaration pouvait avoir lieu dans la première période.

M. d'Argout conclut dans le même sens, mais à un point de vue nouveau et fort judicieux: le titre vi du projet mettrait notre législation en harmonie avec la législation des principaux pays de l'Europe, la Saxe, la Prusse, l'Autriche et la Belgique, qui toutes mettent en pratique la possession préalable, et partant nous devancent dans l'exécution des grands travaux d'utilité publique.

Les efforts nouveaux du rapporteur du projet de la commission n'entraînèrent point la Chambre; elle repoussa l'amendement. Les autres articles furent votés comme au projet.

Résultat du scrutin sur l'ensemble: 109 votants: 14 boules noires contre 95 boules blanches. Le pays avait enfin la loi de 1833 revue et améliorée.

CHAPITRE IV.

Suite des matières purement législatives.-Lois spéciales.-Ventes à l'encan. Responsabilité des propriétaires de navires. — Propriété littéraire.

Chambre des députés, 24 février.-La Chambre des députés avait consacré de nombreuses séances à des lois relatives aux biens immeubles, soit qu'il s'agît de leur aliénation dans un intérêt privé, soit qu'elle fût réclamée dans l'intérêt public. Ses délibérations portaient aujourd'hui sur une question uniquement mobilière, la détermination des limites dans lesquelles pourraient avoir lieu désormais les ventes de marchandises neuves. C'était un projet tout spécial, détaché de celui qui avait pour objet de réglementer les prisées et les ventes publiques de biens-immeubles en général, que le gouvernement retirait maintenant. Il courait au plus pressé, ainsi que l'annonçait le ministre de la justice (M. Martin du Nord), et les ventes de marchandises neuves étaient en effet ce qui demandait la plus prompte solution. Le projet que présentait M. Martin scindait en conséquence le projet primitif; il déclarait en principe que les ventes en détail aux enchères ne seraient point un moyen régulier de faire le commerce; quelques exceptions, loin de déroger à la règle générale, la confirmeraient par cela même. Les ventes en gros étaient réservées aux courtiers selon des distinctions que nous ferons connaître à la discussion des articles. On ne définissait point le sens des mots marchandises neuves : seulement il allait de soi que l'on ne pourrait comprendre dans les prohibitions de la loi, des marchandises qui, bien que neuves, auraient cessé d'être dans le commerce et se trouveraient dans les mains d'un consommateur.

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