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personnes, les marchands sédentaires, et à des conditions déterminées : telles que le domicile réel au lieu de la vente l'assistance du commissaire-priseur. Le projet amendé traçait, en son article 2, les devoirs du commissaire-priseur. La commission ne croyait pas devoir parler, comme le faisait le projet soumis à son examen, des ventes après décès ou après faillites, ou par autorité de justice: ce point étant déjà réglé par les art. 625 et 945 du Code de Proc., et par des lois spéciales. Les amendements eux-mêmes constataient d'ailleurs qu'il ne se devait agir que des ventes volontaires. En même temps, à la différence du projet voté par les députés, lequel ne se proposait de régler que les ventes en détail des marchandises neuves, la commission jugeait utile, sinon de soumettre à des dispositions nouvelles les ventes en gros faites par le ministère des courtiers, du moins de confirmer les dispositions anciennes.

Séance du 14 juin. -Le gouvernement avait fait sienne la loi votée par les députés, il convenait donc au garde-dessceaux de la défendre contre les amendements proposés. M. Martin (du Nord) fit très-bien remarquer que toute la loi était dans l'art. 1er. Le point de départ des deux projets était néanmoins le même: la nécessité de tarir la source de graves et nombreux abus. La commission, dans son respect pour la liberté commerciale, a cependant reconnu qu'il ne fallait pas que ce fût au-delà de certaines limites: le droit du propriétaire lui-même, le droit le plus sacré et le plus légitime de tous, disait le ministre, n'a-t-il pas été modifié et subordonné à des conditions? Mais il y a plus, l'interdiction des ventes à l'encan est un principe de droit commun qui a toujours existé. C'est d'abord la disposition formelle de l'arrêt de 1757, qui n'autorise cette espèce de vente que dans le cas de nécessité, et pour des créances sérieuses, dont le caractère serait apprécié par le juge. Il est vrai que la révolution a proclamé la liberté du commerce; mais déjà s'élevaient parallèlement les utiles

entraves qui la devaient contenir; tel fut l'objet de l'institution des commissaires-priseurs en l'an VII, institution étendue aux départements par la loi de 1816. Cependant la jurisprudence se divisa sur la question de savoir jusqu'à quel point les actes législatifs ou réglements qui signalèrent cette période, permettaient ou interdisaient les ventes à l'encan de marchandises neuves. Selon le ministre, s'il arriva à des tribunaux ou à des Cours royales de se prononcer pour la liberté de vendre, presque tous, dans les motifs de leur décision, ont semblé insinuer que c'était à regret, mais par respect pour la loi, qu'ils se prononçaient dans ce sens. Vingt-trois arrêts de la Cour suprême ont cassé cette jurisprudence! Vingt-trois arrêts ont prononcé que la loi était formelle, et que l'interdiction des ventes à l'encan, sinon dans des cas prévus et comme exception, était encore la législation existante. En 1838, les conseils généraux des manufactures et du commerce émirent le vœu qui est devenu le projet actuel interdiction des ventes en détail à l'encan, sauf les cas prévus par la loi, décès ou faillite. A la vérité, en 1828, plusieurs membres de ces conseils avaient pensé qu'il suffirait de quelques dispositions destinées à parer aux inconvénients du colportage; mais à cette époque le mal n'était pas comme aujourd'hui arrivé à son dernier période. La loi n'attaque pas ce colportage lui-même : c'est une industrie qu'elle protége; mais elle ne lui permet pas de recourir à des moyens extraordinaires. La commission prétend maintenir la liberté du commerce, elle ne le fait pas, puisqu'elle interdit d'une manière absolue au colporteur les ventes à l'encan; puis elle donne aux marchands sédentaires une liberté illimitée. Pourquoi tant aux uns, pourquoi rien aux autres? En second lieu, cette garantie que le projet du gouvernement plaçait dans l'appréciation des juges consulaires, la commission la déplace pour la transporter aux commissaires-priseurs. Cette garantie présente-t-elle une même, une égale sécurité? Enfin la commission maintient

les courtiers dans leur droit de faire les ventes en gros, elle attribue aux commissaires-priseurs les ventes en détail. Les premiers, d'après la législation, ne peuvent vendre que par lots, et seulement les marchandises désignées au tableau du tribunal de commerce; les autres, au contraire, pourront vendre comme ils voudront, sans limitation aucune, sans recours au tribunal. N'est-ce pas une contradiction manifeste entre le but qu'on se propose de favoriser le commerce de détail?

M. Charles Dupin se prononça dans le sens des amendements: Des abus peuvent exister, mais il est bon de chercher s'il n'y a pas des moyens de répression avant d'arriver à l'interdiction absolue. On ne peut pas non plus argumenter du système réglémentaire d'un autre temps, et d'un autre régime.

Il faut faire cesser le dissentiment qui existe sur cette question entre les diverses jurisprudences du royaume. D'autre part, il ne faut pas établir, entre ceux qui se livrent au commerce, de privilége; seulement que tous soient soumis à la tutelle de la loi, à la paternelle surveillance des tribunaux consulaires. Il ne serait pas juste non plus de déposséder les courtiers de commerce de leurs fonctions toutes spéciales pour les attribuer aux commissaires-priseurs. Ces diverses considérations font repousser à M. Portalis les amendements proposés.

Pour M. le marquis Barthélemy, la question était tout entière dans la lutte entre le commerce de colportage et le commerce sédentaire. C'est, disait-il, entre ces deux commerces qu'il faut rétablir l'équilibre. Le projet de la commission, en n'accordant qu'aux marchands sédentaires la faculté de vendre à l'encan, fait cesser la crainte que l'on pourrait avoir de voir faciliter l'écoulement de marchandises dérobées. D'autre part, pourquoi empêcherait-on une classe nombreuse, celle des ouvriers, de recourir aux commissairespriseurs pour vendre les objets qu'ils auraient fabriqués? On

leur laisse, il est vrai, la faculté de se faire autoriser par le tribunal de commerce. Se faire autoriser pour un si mince intérêt pour un meuble, un secrétaire, une commode!

M. Odier préférait le projet du gouvernement; il s'appuya pour le défendre sur le fait suivant, fort concluant d'ailleurs : Le petit commerce est organisé; il paie des patentes nombreuses et qui augmentent tous les ans, à ce point qu'il y a en France au moment présent 1,500,000 patentés. Donner à ces petits commerçants des concurrents d'une manière indéfinie, c'est leur faire éprouver de graves et nombreux préjudices.

M. Bérenger remplit, au nom de la commission, l'office de son rapporteur absent. Il s'attacha d'abord à la question de principe, à l'art. 1: C'est porter une atteinte profonde à la liberté du commerce que d'établir deux manières de vendre, de permettre l'une et de défendre l'autre, suivant les circonstances. Le palliatif imaginé par la Chambre des députés, dans l'art. 2, ce palliatif ne remédie à rien. Tel tribunal de commerce autorisera, tel autre refusera, et encore faut-il considérer l'esprit différent qui anime les tribunaux consulaires proprement dits et ceux qui en remplissent seulement les fonctions. Puis il a été dit que beaucoup de négociants reculeraient devant la crainte de se décréditer et c'est précisément ce qui a déterminé la commission à rejeter le second article du projet : le second article détruirait le premier. Cependant il fallait prévenir les abus. D'une part, le commerce de détail se plaignait de la concurrence que lui faisait le colporteur vendant à l'encan. On ne permet dès lors qu'au marchand sédentaire de procéder à cette sorte de vente et l'on ne viole pas pour cela la liberté du commerce ;-le col'porteur n'a qu'à se soumettre aux mêmes conditions et il jouira de la même faculté. D'autre part on se plaignait de ce que les commissaires-priseurs abusaient de leurs fonctions et vendaient souvent pour leur compte sous le nom d'autrui. On leur impose pour cela une grande responsabilité. D'ail leurs n'a-t-on pas en outre l'ordonnance du 26 juin 1816, qui

les place sous le coup de la destitution lorsqu'ils ont malversé ?

Le ministre du commerce défendit le projet du gouvernement: il ne pouvait plus guère ajouter aux raisons données par le garde-des-sceaux.

Enfin on discuta les articles: le premier, de la commission, fut rejeté après les mêmes efforts de la part des partisans des deux systèmes opposés. Tous les autres articles du projet du gouvernement passèrent par les mêmes épreuves comme par les mêmes objections; ils furent tous adoptés.

Le scrutin dessina expressivement les dissentiments qui régnaient dans la Chambre sur cette importante question de législation commerciale: -53 boules blanches votèrent le rejet de la loi, 56 son adoption. Une majorité de trois voix régira ainsi cet intérêt considérable! La législature était partagée aussi bien que la jurisprudence!

Chambre des Pairs. - Il s'agit ici d'un projet destiné à régler quelques-unes des conditions d'existence d'une propriété spéciale. On se rappelle le sort de la loi sur la responsabilité des propriétaires de navires, présentée aux deux Chambres en 1840 et retirée par le ministère, alors que la pairie allait le discuter. En effet, la question avait besoin d'être plus complètement étudiée. En 1840 les chambres consultatives et le conseil supérieur du commerce avaient été seuls appelés à donner leur avis. Depuis et dans l'intervalle des sessions, le ministère crut devoir consulter aussi la Cour de Cassation et les autres Cours du royaume. Le projet nouveau se présentait donc entouré de lumières plus vives. Nous en dirons en peu de mots les dispositions fondamentales. Et d'abord on procédait par une dérogation aux principes du droit commun sur le mandat. Ainsi que le gouvernement, la commission limitait la responsabilité à la valeur du navire et du fret. Vainement objectait-on que ce serait consacrer la violation des engagements contractés par l'armateur, il était facile de répondre que la limitation du mandat étant

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