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§ 2. Droit des héritiers ou ayant-cause de cette classe de propriétaires.

M. de Golbéry fit ajouter qu'on ne pourrait pas invoquer contre les dispositions que ferait l'auteur, les articles du Code Civil relatifs à la quotité disponible.

Art. 6. Ouvrages anonymes ou pseudonymes.

§ 1er. Rejet d'un amendement de M. Dubois, qui aurait réduit à quinze ans, au lieu de trente, le droit de cette classe d'auteurs. On connaît en effet presque toujours ceux dont le nom ou le véritable nom n'est pas inséré en tête du livre. § 2. Rentrée de l'auteur dans son droit alors qu'il se fait

connaître.

§ 3. Adopté avec la modification restrictive qui suit, proposée par M. Renouard, à savoir: que si la qualité de l'auteur n'était établie qu'après sa mort et avant trente ans révolus, à partir de la première publication, les héritiers ou ayant-cause de l'auteur ne jouiraient «< du droit exclusif que jusqu'à l'accomplissement de trente ans ; » au lieu de « jouiront du droit exclusif jusqu'à, etc.

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Art. 7. Droit de l'État sur les ouvrages publiés par son ordre et à ses frais. Droit des académies sur les écrits émanés d'elles ou sur leurs dictionnaires.

M. Vatout voudrait, pour une prompte popularité des ouvrages publiés par l'État, que le délai à lui concéder fût réduit à cinq ans. M. Gustave de Beaumont allait plus loin: il voulait, sauf quelques restrictions, la main-mise immédiate du domaine.

La première partie de cet amendement fut d'abord adoptée après un court débat. La restriction du deuxième paragraphe avait en vue le cas où l'État, ne voulant pas publier à ses frais, confierait la publication à un éditeur. Le domaine public n'exercerait alors son droit qu'à partir de l'épuisement de la première édition, sinon après le délai de dix ans.

Pour ne pas trop restreindre le droit de l'État, en ne lui permettant de faire une concession que pour une seule édi

tion, M. de Salvandy, en consentant à ce qu'on fixât dix années au lieu des vingt qu'il avait d'abord 'proposées, demandait la rédaction suivante: « Toutefois, si l'Etat publie un ouvrage par l'entremise d'un éditeur, il peut lui céder le droit exclusif sur cet ouvrage pour une période qui n'excèdera pas dix ans. » La Chambre vota ce sous-amendement. Il était juste, ainsi que le demandait M. Renouard, que l'on n'appliquât point aux actes officiels (après leur publication officielle, addition proposée par M. Villemain) le droit exclusif conféré aux autres ouvrages de l'État. Cet autre. amendement fit partie de l'art. 7.

Les art. 8 et 9 ne présentèrent aucun sujet important de discussion.

Droits des auteurs dramatiques. Fallait-il laisser à cette classe d'écrivains, comme aux autres, la faculté de disposer en tout ou en partie de leur droit posthume, c'est-à-dire la survie de trente ans? C'était le système de la commission. Ou bien, convenait-il, ainsi que le voulait M. Renouard, d'ouvrir en quelque sorte, au décès de l'auteur, la concurrence universelle, sauf la rétribution convenue entre les parties, ou à défaut celle que l'auteur percevait au moment de son décès? C'est dans ces termes que se débattait la question. M. Villemain proposa une rédaction plus conciliante: «< Après le décès de l'auteur et à défaut de conventions contraires, et dont copie sera déposée au ministère de l'intérieur, le droit de représenter l'ouvrage appartiendra à toute entreprise théâtrale dûment autorisée. »

M. Renouard se rallia à cette rédaction, qui eut en effet l'assentiment de la Chambre.

Art. 13. (Ouvrages dramatiques posthumes et sans nom d'auteur.) Adopté.

Dessins, sculptures et objets d'art. M. Lestiboudois essaya, dans un amendement, de tracer la démarcation entre l'art et l'industrie: Il n'accordait qu'à l'art véritable le droit de reproduction. Mais suffisait-il, pour attribuer à

Ann. hist. pour 1841.

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l'art une œuvre, de dire qu'elle devait, par sa destination, appartenir aux sciences, aux lettres, etc. ?

M. le rapporteur ne le croyait pas: A une époque comme la nôtre, il est si facile de confondre les genres, les choses! Toutefois (séance du 30 mars), la commission fit droit au moins au vœu de l'amendement; elle disposa de la même manière, mais avec plus de clarté, en n'accordant le droit de reproduction qu'aux auteurs de dessins, tableaux, etc., d'un caractère non industriel. Cet amendement entrait dans l'art. 16, qu'un autre amendement de M. Mathieu (de Saôneet-Loire) dut compléter. Il avait pour objet de n'attribuer qu'au gouvernement le droit de reproduction des plans et cartes hydrographiques publiés par son ordre pour l'usage de la marine,

Il s'agit ensuite (art. 17) du droit de l'acquéreur d'un ouvrage d'art. Deux systèmes étaient en présence: le premier, celui du gouvernement et de la commission, ne laissait à l'auteur le droit exclusif de reproduction qu'autant qu'il aurait conservé la propriété de l'ouvrage original; l'autre, celui de divers amendements d'abord séparés, puis réunis (MM. Berryer, Denis, Renouard), maintenait, même dans ce cas, le droit exclusif de l'auteur, à moins de stipulation contraire.

Rien ne paraissait plus rationnel: aussi bien l'amendement collectif fut-il adopté après un long débat entre les deux opinions.

On admit ensuite, comme une sorte de correctif, la première partie d'un amendement de M. Denis, portant: 1o que l'acquéreur ne pourrait pas être tenu de mettre à la disposition de l'auteur l'ouvrage qu'il aurait acheté; 2° que les propriétaires de collections pourraient publier en corps d'ouvrages, et sans qu'aucune feuille pût être mise en vente isolément, la gravure des morceaux de sculpture et de peinturequi les composaient.

Mais voici un résultat qui put faire présager le sort de

l'ensemble de la loi : mis aux voix dans son entier, l'art. 17 fut rejeté! Restait l'article du gouvernement: la première partie seulement fut adoptée. Il allait en effet de soi que si l'original était vendu, le droit de l'auteur suivait le même sort. Remarquons néanmoins qu'à partir de ce moment, la discussion dut nécessairement avoir quelque chose de confus; cette loi si péniblement élaborée devait aboutir à un rejet.

Il y avait un titre: Des dispositions générales; l'art. 19 lui servait d'introduction et était relatif au droit de réciprocité internationale. Il fut décidé (amendement de M. Renouard, séance du 1er avril) qu'il pourrait être accordé, par des conventions diplomatiques, aux auteurs d'ouvrages de littérature, etc., publiés pour la première fois à l'étranger, tout ou partie des droits établis par la présente loi.

Art. 18 les déshérences. Adoption de l'article du gouvernement. Art. 20 (Droit des auteurs au moment où la loi serait promulguée). — Si à ce moment le droit avait été aliéné en totalité, il tomberait dans le domaine public à l'expiration du terme de la cession faite sous la législation précédente.-Art. 21 (Dépôt des exemplaires). Adopté sauf quelques modifications.

Tit. VI. Dispositions pénales. Les articles composant ce titre ne donnèrent lieu qu'à de courtes discussions que nous n'analyserons pas, l'ensemble de la loi devant d'ailleurs être rejeté.

On alla enfin au scrutin pour tout le projet ; nombre des votants, 232: pour, 108; contre, 124. La Chambre n'adoptait pas, après avoir consacré à cette discussion huit ou dix des plus longues et des plus laborieuses séances. Toutefois ces débats ne seront pas perdus : ils formeront quelque jour les éléments d'un projet plus sérieux et plus complet.

CHAPITRE V.

LOIS D'ORGANISATION CIVILE OU MILITAIRE: Travail des enfants dans les manufactures.- Juges suppléants près le tribunal de la Seine.-État-major de l'armée navale. - Recrutement. - Autre projet sur cette matière. Remonte de la cavalerie.

Nous avons rassemblé, dans les deux précédents chapitres, les lois destinées à régler ou à modifier les conditions de la propriété en général ou de certaines propriétés en particulier, nous passerons en revue dans celui-ci les projets ayant pour objet certaines branches du service civil ou militaire. La loi relative au travail des enfants dans les manufactures en ouvre la série. Nous avons donné, dans notre précédent volume, l'analyse détaillée des discussions des deux Chambres, sur le projet qui avait pour but de moraliser le travail de ces enfants; voté primitivement par la pairie, puis adopté au Palais-Bourbon, mais avec quelques modifications, il revenait naturellement cette année au Luxembourg. Il y fut de nouveau discuté avec moins de détails sans doute, mais toutefois avec le même soin; et la Chambre pensa qu'il était nécessaire d'y introduire de nouveaux changements, qui laissaient d'ailleurs intact le principe de la loi (22 et 23 février). Enfin la Chambre des députés adhéra sans restriction aux conditions consacrées par ce nouveau vote (11 mars). La sanction royale ne se fit pas attendre: cette loi, d'ailleurs si urgente, fut promulguée (22 mars).

Restaient les difficultés de l'application. A cet égard, personne ne se faisait illusion, le gouvernement reconnaissait lui-même que la loi n'était point parfaite; que l'expérience en révélerait les défauts. Le ministre du commerce l'avait avoué, promettant d'appeler la législature à y porter remède

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