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sociation commerciale. Les négociations, interrompues pendant les affaires d'Orient, avaient été reprises en 1841. Le roi Léopold, dans un voyage à Paris, s'occupa activement de cette affaire, et le 26 juillet, le cabinet de Bruxelles usant de la faculté que lui donnait la législation sur les douanes, adopta le tarif français sur les fils de lin et de chanvre. Cette mesure fut considérée comme une tendance évidente à se mettre d'accord avec la France. Les conseils généraux des deux Flandres et de Liége se prononcèrent en faveur du projet de suppression des douanes; mais le parti rétrograde, qui ne veut à aucun prix la propagation des idées françaises, le repoussa absolument par cette raison que l'union douanière amènerait à la longue entre la France et la Belgique une fusion d'intérêts qui romprait l'équilibre européen établi par la conférence de Londres. Comme il était facile de le prévoir, l'annonce d'un projet d'union franco-belge excita l'humeur de l'Angleterre et les reproches de l'Allemagne. La neutralité officielle de la Belgique offrit aux puissances rivales de la France, et à l'Angleterre en particulier, un prétexte pour s'immiscer dans cette affaire. La diplomatie fit entendre aux Belges qu'ils devaient éviter tout ce qui pouvait les rendre suspects de partialité et de tendances exclusives, qu'ils ne devaient pas former des liens qui, dans le cas d'une guerre européenne, donneraient à leurs voisins des moyens d'influence incompatibles avec les principes de la neutralité. Ces insinuations, jointes au mauvais vouloir du parti rétrograde et aux plaintes des industries que la mesure devait froisser, ralentirent l'élan du gouvernement belge, qui substitua à l'idée d'une union douanière celle d'un traité de commerce ayant pour objet d'abaisser et d'égaliser quelques tarifs. Mais cette grande idée une fois abandonnée, la question ainsi restreinte, ne laissa pas de présenter encore des difficultés au moins aussi grandes: car le système prohibitif ne pouvait être modifié sans troubles ni pertes pour les nombreux intérêts qu'il s'agissait de concilier. Dès ce moment, l'affaire

traîna en longueur, et bientôt les négociateurs déclarérent que plusieurs points capitaux, tels par exemple que l'introduction des fers, exigeaient de nouvelles enquêtes et un examen plus approfondi.

Le parti orangiste qui commençait à se dissoudre et à tomber dans l'oubli, résolut de profiter du mécontentement causé par l'état de souffrance où se trouvait alors l'industrie et de la rupture décisive entre les deux partis jusqu'alors réunis contre lui, pour se relever par une démonstration éclatante en faveur de la maison de Nassau. Lors des fêtes de septembre, le bruit se répandit qu'un mouvement devait avoir lieu à Bruxelles; la police prit quelques précautions, mais la tranquillité ne fut pas troublée.

Cependant des révélations adressées à plusieurs ministres signalaient des communications fréquentes entre des hommes que leur caractère entreprenant, leurs opinions tranchées et leurs antécédents pouvaient rendre suspects. L'autorité se tint sur ses gardes. Enfin, le 29 octobre au matin, le ministre de la guerre fut averti que l'on fondait des boulets dans une maison située hors de la porte de Namur. Le conseil s'assemble; ordre est donné d'arrêter le général d'artillerie Vandermissen, destitué pour avoir pris part à la révolte d'Anvers, en 1831; le comte Vandermeere, général en non activité; le général Lecharlier, l'intendant de la gendarmerie de Bruxelles Van Parys, bien connu par ses opinions orangistes; le major d'artillerie Kessel; le capitaine Crehen, et plusieurs autres des plus compromis. Des mandats d'amener furent également lancés dans les provinces. Les conjurés avaient réuni d'assez puissants moyens d'action quatre pièces de canons, montées et attelées, deux obusiers, des gargousses, des boulets, des caisses d'armes, et une grande quantité de poudre furent saisis. L'exécution était fixée au 31 octobre. Depuis six semaines, les conspirateurs étaient en permanence: l'absence du roi favorisait l'entreprise. Le complot avait des ramifications à Anvers et Ann. hist. pour 1841.

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à Gand; en effet, des troubles eurent lieu le 8 novembre dans cette dernière ville, mais ils furent facilement réprimés. A Bruxelles, la découverte de la conspiration, et les arrestations qui en furent la suite, produisirent une assez vive sensation, mais là s'arrêtèrent les symptômes de désordre; la tranquillité ne fut pas autrement troublée.

Le premier mouvement de l'opinion fut d'attribuer au roi Guillaume II le projet de reconquérir la Belgique; mais les journaux hollandais déclarèrent que la Néerlande ne consentirait jamais à une réunion, sous quelque forme que l'on tentat de l'opérer. Le bruit ayant couru que les conspirateurs avaient réussi à pratiquer des intelligences dans le régiment des guides et le régiment d'élite, les officiers de ces deux corps s'empressèrent de signer une adresse pour protester de leur fidélité au roi et à la constitution, et demandèrent qu'une enquête fût ouverte sur leur conduite. Le roi, qui se trouvait à sa terre des Ardennes, revint précipitamment à Bruxelles, et dépêcha à Paris son secrétaire, M. Van Praet.

L'ouverture des Chambres eut lieu quelques jours après ces évènements, le 9 novembre. Le roi, dans le discours qu'il prononça à cette occasion, ne parla des tentatives et des projets orangistes, que pour les qualifier d'odieuses et folles menées, Revenant ensuite à la politique extérieure, le chef du gouvernement belge se réjouit du rétablissement de la bonne intelligence entre les grandes puissances européennes, et de l'état de relations de son gouvernement avec les cabinets étrangers; il annonça que des négociations commerciales avec la France se continuaient d'après le principe d'une politique nationale et d'une saine appréciation des intérêts matériels de la Belgique; et, passant à un autre sujet, fit mention d'une convention entre le gouvernement et la ville de Bruxelles, à l'effet de mettre la capitale en mesure de s'acquitter des sommes mises à sa charge, par suite des pillages de 1831 et 1834. En terminant, le roi rappela la nécessité déjà reconnue, de réviser la législation communale.

Les partis attachés au nouvel ordre de choses, comprirent que le lendemain d'une tentative contre la sûreté de l'État, il était de leur devoir d'ajourner toute attaque contre le ministère. Après une discussion remarquable, le sénat adopta à l'unanimité l'adresse en réponse au discours de la couronne. Celle de la Chambre des représentants fut également votée à l'unanimité.

Les travaux législatifs, jusqu'à la fin de cette année, offrant un moindre intérêt, nous nous bornerons à mentionner quelques incidents.

L'annonce de la formation d'un camp d'observation dans notre département du Nord, fut le sujet d'une interpellation adressée au ministre des affaires étrangères par un membre de la seconde Chambre. M. Mulenaëre répondit que le gouvernement avait reçu avec le plus vif étonnement la nouvelle d'un mouvement de troupes françaises opéré sur la frontière belge, aucune démarche de sa part ne l'ayant provoqué. Cette déclaration fut accueillie par des marques d'incrédulité. Au dire de membres bien informés, le roi, soupçonnant le parti démocratique d'être gravement engagé dans le complot orangiste, n'avait envoyé son secrétaire à Paris que pour demander au cabinet des Tuileries de préparer une démonstration militaire, destinée à prouver que la France était prête à réprimer toutes les tentatives anarchiques qui pourraient être faites contre la nationalité belge.

Quelques attaques peu sérieuses furent ensuite dirigées contre le ministère. Esprit souple, flexible et partant plus ambitieux peut-être que convaincu, M. Nothomb, interpellé par son prédécesseur, M. Rogier, sur les motifs de l'avènement du cabinet, crut devoir appuyer sa réponse d'une théorie assez étrange dans un gouvernement représentatif. Il déclara que le cabinet avait pris le pouvoir pour empêcher une dissolution qui eût nécessairement amené une majorité libérale. Le gouvernement devait toujours s'appliquer à empêcher le pouvoir de passer aux mains d'un des grands partis

de la nation; il devait avoir son parti à lui, placé au milieu; la Restauration avait péri en France parce qu'elle n'avait pas su se composer un parti qui ne fût ni tout-à-fait libéral, ni tout-à-fait royaliste. Ces interpellations n'eurent pas d'autre suite, et la Chambre passa à la discussion du budget, dont l'ensemble, qui s'élevait en recettes à 105,850,612 fr., et en dépenses à 105,826,140 fr. 81 cent., fut adopté à l'unanimité des 78 membres présents.

HOLLANDE.

L'abdication de Guillaume Ier avait mis fin au conflit engagé depuis longtemps entre les États et le gouvernement; nous allons voir le nouveau roi consolider par une politique sage et libérale l'heureux accord que son avènement a rétabli entre les pouvoirs.

Les autorisations accordées l'année dernière à plusieurs ordres religieux n'étaient que le prélude à une mesure plus considérable, et destinée à réparer les injustices du gouvernement précédent envers les catholiques, qui forment les deux cinquièmes de la population du royaume. A une époque où Guillaume Ier espérait encore à l'aide de concessions justement mesurées, se concilier l'affection de ses sujets belges, en 1827, le cabinet de La Haye, représenté à Rome par M. de Celles, avait conclu avec le Saint-Siége un concordat en vertu duquel les catholiques hollandais devaient avoir deux évêques de leur communion, l'un à Amsterdam et l'autre à Bois-le-Duc. Sur la réclamation des protestants, l'exécution de cette convention avait été retardée jusqu'en 1830, et Guillaume 1o se voyant dispensé par la révolution belge de tout ménagement envers les catholiques, avait éludé jusqu'à la fin de son règne l'exécution de ses engagements. Guillaume II voulant que la liberté religieuse fut un bien commun à tous ses sujets, annonca, au commencement de cette année, l'intention de réaliser les promesses du con

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