Page images
PDF
EPUB

culier de l'ancien secrétaire d'État des finances, M. Skogman qui paraissait devoir jouir encore de la confiance de la cour. Il y eut alors une véritable crise ministérielle.

Le baron de Stjerneld, qui avait succédé en 1838, au comte de Wetterstedt pour les affaires étrangères, et M. de Lagerbielke, ministre de la marine, les seuls membres restés au conseil, travaillèrent activement, de concert avec M. de Posse, à constituer une nouvelle administration. Sans aucun doute M. l'archevêque de Wingard, chef du clergé suédois, président de la Chambre des prêtres, y concourut également, jouissant à la cour d'une réputation de grande habileté politique : ce n'est d'ailleurs que par cette coopération que l'on peut expliquer l'entrée de son frère et d'un professeur de l'université d'Upsal, M. de Grubbe, an conseil. M. de Cederstrom accepta par interim le portefeuille de la guerre et M. Fahreus celui de l'intérieur. Plusieurs siéges au conseil demeurèrent vacants.

L'attitude des États vis-à-vis du gouvernement ne perdit rien de son caractère menaçant. Une réforme importante avait été cependant introduite dans le conseil d'État. Par l'effet de cette réforme, les ministres devenaient de simples conseillers, des chefs d'administration, en droit du moins; mais pour que le fait suivît le droit, il fallait, dans les ministres de la couronne, une force de volonté que l'opposition n'espérait pas rencontrer chez des hommes pour la plupart courbés sous le poids de l'âge ou de capacité entièrement secondaire, ou enfin personnellement dévoués à la personne du roi.

Encore la gravité de toutes ces questions s'effacait-elle devant celle d'une autre question bien plus sérieuse, qui d'abord toute minime et pour ainsi dire inaperçue, avait pris des proportions immenses et absorbait l'attention du gouvernement et de la diète; d'autant que l'impossibilité de lui donner une solution qui satisfit et le roi et les États avait, plus que toute autre cause, déterminé la retraite des deux

Ann. hist. pour 1841.

32

.

ministres d'État, sortis récemment du conseil (MM. Posse et Stjerneld). C'était la question de la cassette royale. En réalité, il n'y avait point eu de cassette royale, dans le sens d'une caisse publique. Les finances de Suède sont réglées par deux bureaux ou cours administratives, dont Pune, le Riksgælds kontor, dépend entièrement des députés de la diète, ayant seuls les fonctions de faire des emprunts ou dettes publiques pour les besoins de l'État, aussi-tôt que les ressources ordinaires votées par la diête sont insuffisantes; l'autre, le Stats kontor, qui recueille les diverses recettes de l'État pour les placer à la banque nationale et pour prendre ensuite, selon les demandes du roi arrêtées en plein conseil d'État et contresignées par le ministre des finances, les sommes nécessaires au service du royaume. Il est bien entendu que toutes ces dispositions doivent être conformes aux termes mêmes du budget voté par la diète; les comptes-rendus des dépenses sont ensuite contrôlés par la cour des comptes, sauf toutefois la liste civile constituant le premier titre du budget et l'allocation pour les frais de la diplomatie qui fait partie du deuxième titre. Ainsi, les sommes déterminées par ces deux parties du budget sont laissées à la libre disposition du roi en dehors de toute délibération dans le conseil, sans contrôle ultérieur et sans obligation de compte rendu. On voit donc aisément, disait l'opposition, que l'allocation faite par les États à chaque diète pour les frais d'ambassades permanentes ou accidentelles, ne pouvait amener constitutionnellement la création d'une caisse d'État particulière qui pût faire des emprunts et contracter des dettes.

Cependant, le fait avait eu lieu, le gouvernement le reconnut après bien des détours. Il avait d'abord parlé d'un simple arriéré dans la cassette royale; mais l'on avait su bientôt que cet arriéré existait depuis plus de vingt années, et, bien qu'il fût réduit à environ 775,000 rixd. bco, il avait dépassé 1,000,000 rixd. bco (1). En outre, pour faire face aux

(1) L'allocation annuelle ne s'élevait pas au-dessus de 400,000 rix. bco.

dettes accumulées, un système de crédit avait été, on le pensa du moins, constitué en dehors du conseil, et pourtant signé par le roi, par l'ancien ministre d'Etat, M. Wetterstedt, et le secrétaire d'état Skogman; il était effectué concurremment avec le compte très-embarrassé de la petite colonie de SaintBarthélemy, placée sous l'administration personnelle du roi ; en sorte qu'une espèce d'effets publics, à l'insu des états génér raux et sans leur autorisation, avait été mise en circulation, et l'opposition osa dire qu'il avait été fait à l'étranger des emprunts et des crédits à compte courant à un taux très-élevé. La diète ne croyait pouvoir avouer ce système sans exposer le crédit public à la déconsidération. C'eût été d'ailleurs, au point de vue légal, se jeter dans des voies dangereuses, et dont la loi fondamentale a rigoureusement fermé l'entrée (1).

Mais ce débat entre le roi et les états avait un côté plus déplorable encore, en ce qu'il mettait la couronne entièrement à découvert, et que les amis du pouvoir, dans toutes les Chambres, n'ayant plus d'autres arguments à faire valoir pour engager la diète à payer l'arriéré, en furent réduits à vanter les droits du chef de l'État à la reconnaissance publique. Sans doute, aucun membre ne voulut contester ces droits, mais l'argument fut regardé comme peu parlementaire et peu concluant. D'autre part, il apparaissait clairement à l'opposition que si, après tant d'efforts restés jusqu'alors inutiles pour résister aux tendances, suivant elle, absolutistes du pouvoir, elle laissait échapper cette occasion, elle ne pouvait espérer de trouver un autre moyen de transaction pour faire adopter par le gouvernement cette masse de lois depuis long-temps rédigées, ou déjà plusieurs fois votées par les chambres ou bien seulement projetées et désirées comme né

(1) L'expérience du règne de Gustave III avait appris à la Suède à se tenir sur ses gardes à ce sujet. Les dettes énormes que ce prince lui a léguées ont été pour elle une leçon dont elle veut montrer qu'elle a profitė.

cessaires au bien-être politique ou matériel de la nation. Tels étaient, par exemple, les nouveaux codes de lois civiles et pénales; telle encore une loi sur l'émancipation du travail et de l'industrie, laquelle loi n'attendait plus depuis longtemps que la promulgation; telle une loi relative à l'organisation communale, à la subsistance des pauvres; telle enfin la grande question de la réforme du système représentatif, pour laquelle la volonté royale était loin de témoigner aucune sympathie. L'idée d'une transaction avec cette volonté, quand on eut trouvé une question qui l'intéressait personnellement, parut donc toute naturelle à beaucoup de députés qui considéraient d'ailleurs la somme demandée comme une bagatelle, comparativement à la dignité et à la considération de la couronne, qu'il fallait, suivant eux, soutenir avant tout. Mais, d'une part, les hommes qui nourrissaient cette illusion, et il s'en trouva plusieurs dans le comité du budget, parmi lesquels le comte Horn, tout récemment encore et depuis longtemps membre de l'opposition, ne purent déterminer quelles seraient les concessions du roi, dans le cas où la diète consentirait à payer la dette; ils ne pouvaient point davantage garantir l'assentiment des États, dont la division en quatre ordres, votant séparément, laissait la majorité douteuse. Il n'y avait donc aucun point d'appui sur lequel cette transaction désirable eût pu être opérée. Il fallut laisser la question suivre naturellement sa destinée. Après avoir tenté de la résoudre dans le comité du budget, tandis que le roi faisait les mêmes efforts dans un comité secret, on vit que le monarque, loin de fléchir, se croyait en droit d'exiger des états le paiement de l'arriéré, sans aucune condition.

L'opposition n'était cependant pas disposée à sanctionner ce précédent; et tandis que, suivant l'ancienne méthode pratiquée avec tant d'habileté par l'ancien ministre comte Wetterstedt, on essayait de gagner des votes, déjà l'esprit public prenait une attitude plus décisive encore, et, en

[ocr errors]

définitive, après avoir subi toutes les phases du débat, la demande du gouvernement et tous les amendements proposés furent rejetés à la majorité absolue.

En même temps, cette majorité avait réussi à faire connaître sa force de résistance, par rapport à d'autres objets relatifs au budget. Les ministres, ou plutôt les amis du gouvernement, qui, pendant leur absence, entreprirent de plaider sa cause, subirent plus d'un échec dans leurs demandes. pécuniaires; en revanche, ils accusèrent hautement l'opposition, et surtout le comité du budget, de vouloir renverser les fondements du royaume. L'ordre des paysans se montra en effet très-rigoureux pour toutes les dépenses qui ne lui parurent pas absolument nécessaires. Il donna cependant avec les autres ordres une preuve, que tout en se déclarant ami des économies, il n'était point incapable de bienveillance et d'équité. Le roi avait fait savoir aux États qu'il venait de fixer une pension pour les anciens conseillersd'État Akerhielm et Hard, et le secrétaire-d'État Hartmansdorff, qui, tous les trois sortis du conseil, n'avaient point été promus à d'autres charges, et Sa Majesté avait demandé une allocation pour le paiement de ces pensions. Les États rejetèrent ces dispositions, du moins en ce qui touchait MM. Akerhielm et Hartmansdorff, à cause sans doute des dispositions hostiles qu'ils avaient montrées en 1838 contre la presse; mais ils fixèrent généreusement une pension pour le comte Hard, qui n'était point en réalité très-populaire, mais qui se trouvait sans fortune et avec une famille nombreuse.

La diète, qui se prolongea fort avant dans l'année 1841, conserva toujours le même caractère, en cela différent de celui des précédentes, que le moyen ordinaire de gouvernement, qui consiste à temporiser et par là à s'assurer plus facilement de la majorité vers la fin de la diète, quand les bancs des Chambres se font déserts, n'eut point cette fois le même succès. Les formes constitutionnelles si compliquées par lesquelles on arrive à trouver la majorité absolue dans le cas

« PreviousContinue »