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ministre, n'a pas l'intention de rentrer en Espagne ; si elle l'avait, elle l'eût déclaré par d'autres voies. »

Ce long débat prit fin le 10 juillet. Les sénateurs et les députés étaient réunis en congrès. 235 membres levés, contre 4 assis, décidèrent que le vote serait public et nominal. 203 contre 36 décidèrent que la tutelle de la jeune reine et de sa sœur était vacante. Enfin on procéda au scrutin, à la nomination du tuteur. M. Arguelles eut 180 voix; les autres se reportèrent sur plusieurs personnages. Marie-Christine n'eut qu'un seul suffrage. En conséquence, M. Arguelles fut investi des fonctions de tuteur des jeunes princesses. Le choix était sage, conforme à l'équité, politique et national.

CHAPITRE VIII.

Protestation de la reine Christine. Sa lettre à Espartero. - Protestation de Narvaez. Protestation du Régent contre la cour de Rome.- Mesures arrêtées à ce sujet. — Clôture des Cortès. — Résumé et appréciation de leurs travaux. —Insurrection dans les provinces.— O'Donnell.— Insurrection à Madrid. Diégo-Léon et Concha. Détails sur les deux insurrections. Proclamation du Régent. Action et succès du pouvoir central. Vengeances politiques.

Les juntes. Espartero daus le

Dernières mesures.

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Les Fueros.

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nord. L'ordre rétabli. - Convocation et ouverture des Cortès. Relations internationales. -Conclusion.

La reine Christine protesta contre la dernière décision des cortès. Voici les motifs que portait le document qu'elle adressa de Paris, le 19 juillet, au régent du royaume : L'art. 10 du testament de Ferdinand VII l'ayant appelée à exercer la tutelle et curatelle de ses filles mineures, cette nomination était valable et légitime en ce qui concernait la tutelle de la reine Isabelle sa fille, aux termes de la loi 3, titre 15 de la partida 2 eten vertu de l'art. 60 de la constitution de l'État,les lois civiles rendaient ensuite cette nomination non moins légitime et valable, en ce qui concernait l'infante MaricLouise-Ferdinande. Alors d'ailleurs que la reinc-mère ne fût pas devenue par la volonté de son époux tutrice et curatrice des augustes orphelines, elle le devenait encore par le bénéfice et le vœu de la loi, en sa qualité de mère et de vcuve; ni les lois du royaume, ni la constitution de la monarchie n'accordent au gouvernement la faculté d'intervenir dans la tutelle des rois, ni dans celle des infants d'Espagne; Ann. hist. pour 1841. 38

si en cette matière les cortès ont un droit, c'est uniquement celui de nommer au roi mineur un tuteur, quand le testament n'en a pas désigné, ou que le père ou la mère ne demeure pas en état de veuvage, sans que ce droit puisse être applicable à aucun autre cas, ni à aucun autre genre de tutelle. Or, le gouvernement a mis des entraves à la tutelle qu'exercait la reine Christine, en nommant des agents pour intervenir dans l'administration du domaine et du patrimoine royal, dans la forme et pour les fins énoncées aux décrets du 2 décembre dernier; puis, au mépris des lois et constitution déjà citées, les cortès ont déclaré vacante la tutelle de ses enfants, et nommé un autre tuteur; en conséquence la reine-mère protestait...

« Je déclare de plus, ajoutait l'ex-régente, nuls et faux les motifs allégués pour m'enlever la tutelle de mes augustes filles en déchirant mes entrailles de mère.

>> Une seule consolation me reste, c'est que pendant que mes mains ont tenu le gouvernail de l'État, nombre d'Espagnols ont vu luire pour eux le jour de la clémence, tous le jour de l'impartiale justice, aucun le jour de la vengeance.

» C'est moi qui à Saint-Ildefonse, accordait le bienfait de l'amnistie. Madrid fut témoin de mes constants efforts pour faire renaître la paix; Valence enfin m'a vu la dernière àdéfendre les lois foulées scandaleusement aux pieds par les hommes qui étaient le plus obligés à les défendre.

>> Vous le savez, Espagnols, les objets privilégiés de ma sollicitude et de mes pensées ont toujours été et seront toujours la plus grande gloire de Dieu, la défense et le maintien du trône d'Isabelle II et le bonheur de l'Espagne.

A cette protestation était jointe une lettre en date du même jour 19 juillet, et par laquelle la mère d'Isabelle invitait le régent à faire publier dans la Gazette de Madrid le document que l'on vient de lire.

Un ton de reproche et d'amertume régnait dans la lettre

de la reine exilée. Elle savait bien, disait-elle, que l'outrage qui à Valence acheva de porter un coup funeste à l'autorité royale et au gouvernement... ne serait que le prélude des nouvelles violences, des nouvelles persécutions qui lui étaient réservées à elle, la reine Christine. Peu satisfaits de lui avoir arraché la régence à laquelle elle s'était vue forcée de renoncer pour ne trahir pas ses serments; peu satisfaits de l'avoir réduite à la cruelle nécessité de s'éloigner pour un temps de l'Espagne, les auteurs de cet attentat, manquant à tous les principes consacrés par la religion et l'humanité, et se servant de prétextes mensongers et contraires à son honneur et à sa considération, ont travaillé depuis ce moment, et d'une manière ouverte, à lui ravir la plus douce et la plus tendre consolation dont puisse jouir une mère animée de la sollicitude et de l'amour qu'elle portait à ses filles.

« Les paroles me manquent, disait encore Marie-Christine, pour exprimer toute l'étendue de la douleur que j'ai ressentie en apprenant qu'enfin j'avais été arbitrairement dépouillée de la tutelle dont l'exercice m'était assuré à moi seule, par des titres aussi nombreux que légitimes et sacrés. Les cortès, en décidant ainsi de cette affaire, vous et les ministres, en la soumettant à leur délibération, vous vous êtes arrogé des pouvoirs qui ne vous appartiennent pas; vous avez méconnu les sentiments de la nature, et autant qu'il était en vous, vous en avez rompu les liens ; vous avez bouleversé, vous avez enfreint toutes les règles de la justice, et vous m'avez impitoyablement choisie pour votre victime, moi qui, pour arriver à une sage conciliation, ai fait en vain tous les sacrifices compatibles avec ma dignité et avec mes devoirs maternels. La longue correspondance que dans ce but j'ai entretenue avec vous, en porte un éclatant témoignage. >>

En quoi la reine était injuste, c'était en ce qu'elle attribuait à un seul homme ce qui bien certainement était le fait d'une

nation. Des imprudences nombreuses, l'inexpérience d'un régime nouveau auquel on ne pouvait être encore accoutumé; enfin des circonstances privées, toujours périlleuses, et dont l'effet déteint, si nous pouvons nous exprimer de la sorte, de la personne royale sur le pouvoir; tout cela avait amené la révolution de septembre; et cette révolution, la grande majorité du peuple espagnol l'avait sanctionnée. Espartero s'était trouvé là pour exprimer le sentiment national. Nous disons la grande majorité du peuple espagnol, car il restait à compter avec une remuante et puissante minorité. Le régent ne se conforma qu'en partie au désir manifesté par Marie-Christine: la Gazette officielle du 5 août publia a protestation que nous venons de mettre sous les yeux du ecteur. A cette protestation de la personne qui avait l'inérêt le plus immédiat à la question de la tutelle, s'en vint indre une autre que nous ne passerons pas sous silence, vu le rang et le renom de son auteur. Dans une dépêche venant de Paris, et adressée au sénat, l'un de ses membres, Francisco Narvaez déclarait qu'à ses yeux les cortès avaient foulé aux pieds la constitution et les lois en nommant à la reine un nouveau tuteur: « Elles ont eu tort, disait le sénateur absent, de remplacer la reine Marie-Christine de Bourbon, et elles ont semé l'amertume sur l'existence de la jeune reine. » L'incident causa au sein du sénat quelque agitation (3 août).

Un membre (M. Seoane), d'ailleurs tout dévoué au gouvernement actuel, s'écria que l'auteur de la dépêche n'avait pas le droit de la faire: « C'est, disait-il, une insulte qui doit appeler une mesure sévère. Il est un fait assez étrange, c'est qu'il se trouve en ce moment tant de généraux à l'étranger. Je ne crois pas me tromper en disant que M. Narvaez a publié cette dépêche pour se concilier la faveur d'un, haut personnage. Il aurait pu montrer son dévouement d'une manière plus glorieuse, en combattant dans les champs de la Navarre les ennemis de la constitution et de la reine. Je

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