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autres et leur ont comme servi de modėle; la médiocrité même des avantages attachés au titre de membre de Ï'Institut en révèle la dignité. Notre culte, à nous, ce n'est pas la fortune : c'est la gloire, c'est l'estime au moins, avec la passion du vrai et du beau.

Chaque année l'Institut tout entier se présente au public et l'initie aux travaux de toutes les Académies par des lectures appropriées à l'objet de cette solennité. Chaque Académie est appelée à son tour à présider cette réunion; c'est aujourd'hui celui de la plus jeune. L'Académie des Sciences morales et politiques, arrivée la dernière dans la famille académique, s'efforce de ne pas être indigne de ses afnées. Le sort a voulu qu'elle fût ici représentée par un membre d'une section vouée à des études qui ne peuvent être populaires. La philosophie, messieurs, n'est pas accoutumée a tant d'honneur; et elle s'empresse de céder la parole aux interprètes éprouvés de la littérature, des sciences et des arts.

M. Mignet, secrétaire perpétuel, rap pelle que la commission avait annoncé qu'elle accorderait pour le concours de 1841 une médaille d'or de 1,200 francs à l'ouvrage de philologie comparée qui lui en paraîtrait le plus digne; trois mémoires ont été envoyés :

No 1. Recherches sur la fusion du franco-normand et de l'anglo-saxon, par M. Thommerel.

N° 2. Essai d'unité linguistique raisonnée, manuscrit portant pour épigra phea Moins il y a de ressemblance entre deux ou plusieurs langues, plus ces langues se trouvent dans l'unité linguistique raisonnée. »

N° 3. Tableau historique et compa ratif de la langue parlée dans le midi de la France et connue sous le nom de langue romano – provençale, par M. Mary-Lafond, en partie imprimé et en partie manuscrit, in-8°.

La commission partage le prix entre M. Mary-Lafond, auteur du Tableau historique, no 3, et M. Thommerel, auteur des Recherches, no 4, et elle décerne à chacun des auteurs une médaille d'or de la valeur de 600 francs.

La commission annonce qu'elle accordera, pour le concours de 1842, une médaille d'or de la valeur de 1,200 fr., a l'ouvrage de philologie comparée qui

lui en paraîtra le plus digne parmi les ouvrages, tant imprimés que manuscrits, qui lui seront adressés avant le 1er mars 1842.

Cinq mémoires avaient été envoyés pour le concours relatif à la question proposée, dès l'origine de la fondation du prix, par M. le comte de Volnay. La commission a remarqué dans le n° 4 une analyse ingénieuse des sons produits par l'appareil vocal, et une grande simplicité dans le système des signes dont l'auteur s'est servi pour représen ter les diverses intonations de la voix humaine. Elle ne pense pas qu'il ait résolu d'une manière définitive la question proposée par le fondateur; mais ayant égard aux efforts et au mérite de M. Carlotte, auteur du mémoire, elle croit devoir lui accorder le prix.

M. Blanqui est appelé à donner lecture d'une Notice sur la vie et les ourrages de J.-B. Say.

Un pareil travail devait embrasser à la fois les détails biographiques qui se rattachent à l'homme qui a fondé en France la science de l'économie politique, aux événements immenses qui se sont accomplis depuis cinquante années, et à l'exposition dogmatique de quelques-unes des idées dontle célèbre économiste s'est constitué le promoteur ou l'antagoniste.

L'Académie a ensuite entendu la lecture d'un fragment d'un voyage en Grèce et au Levant, de M. Raoul-Rochette, ayant pour titre Promenade d'Athènes à Eleusis, ainsi que des fables de M. Vienne, que le public a vivement applaudies.

L'heure avancée de la séance a fait ajourner une communication de M. Mollevaut sur l'art dramatique chez les Hé broux, et de M. Gasparin sur les progrès de l'industrie des soies depuis le commencement du siècle.

4. Amérique. Mort du général Herrisson, président des Etats-Unis.-Le président des Etats-Unis, le général Harrisson, est décédé à Washington dans la matinée du 4 avril. La cause immédiate de cette mort a été une altaque de pleurésie, avec une violente diarrhée, qui a défié le talent des plus habiles médecins, dont les efforts ont été impuissants à prolonger ses jours. Le général Harrisson était âgé de

2429. Paris. Cour des PairsProcès Darmès. Présidence de M. Pas. quier, chancelier.

A midi et quart, la cour entre en séance.

M. Franck-Carré, procureur général à la cour royale de Paris, remplissant les mêmes fonctions près la cour des pairs, prend place au banc du ministère public, assisté de MM. Boucly et Nouguier, avocats généraux, et Glandaz, substitut du procureur général.

soixante-neuf ans. Il est mort dans le mois qui a suivi son inauguration, et c'est le premier président des EtatsUnis qui soit mort dans l'exercice de ses fonctions. Le 5, le public a été admis à voir son corps, qui avait été placé dans un cercueil de plomb, avec un couvercle en forme de dôme. On le voyait à travers une glace; le cercueil en plomb était lui-même renfermé dans une bière en bois d'acajou de la même forme. Le tout était recouvert d'un drap mortuaire en velours noir brodé et lamé d'argent. Les funérailles ont eu lieu le mercredi 7, et le corps a été déposé dans le cimetière public. Les obsèques du président ont présenté un spectacle vraiment imposant. Le cortége occupait un espace de deux milles et a été le plus beau qu'on ait jamais vu à Washington.

Le gouvernement fédéral, au 4 mars 1841, fonctionne depuis cinquantedeux ans; pendant cette période, il y a eu huit présidents des Etats-Unis, dont trois sont encore vivants, ce sont MM. Adams, Jackson et van Buren. Voici l'ordre dans lequel ils ont servi et la durée de leur service. Le général Washington, de la Virginie, 8 ans ; J. Adams, de Massachusetts, 4 ans ; Thomas Jefferson, de la Virginie, 8 ans ; J. Madisson, de la Virginie, 8 ans ; J. Murroe, de la Virginie, 8 ans ; J.-Q. Adams, de Massachusetts, 4 ans; And. Jackson, de Tennessee, 8 ans; M. van Buren, de New-York, 4 ans.

A cette liste, il faut ajouter, depuis le 4 mars, le général Harrison et M. Tyler. Sur ce nombre de présidents (40),4 étaient veufs, savoir : MM. Jefferson, Jackson, van Buren et Tyler.

15. Paris. Election académique. L'Académie des Inscriptions et BellesLettres, dans sa séance d'hier, a nommé à la place vacante parmi ses membres par la mort de M. le marquis de Pastoret, Le nombre des votants était de 34; majorité absolue, 18. Il n'y a eu qu'un tour de scrutin, où M. Natalis de Wailly, chef de section aux archives du royaume, a obtenu 48 voix; M. Sédillot 43, et M. Dubeux 3. En conséquence, M. Natalis de Wailly a été élu membre de l'Institut. Son élection sera soumise à l'approbation du roi.

Sur l'ordre de M. le président, des gendarmes introduisent les accusés et prennent place avec eux sur le banc qui leur a été dressé en face de la cour.

Darmés est de petite taille, presque difforme; sa physionomie est insignifiante; l'appareil de la cour ne paraît pas l'émouvoir. Il a les yeux presque constamment fixés sur la cour ou les tribunes. Ses deux co-accusés sont de taille ordinaire; bruns tous deux ; Considère porte la barbe et les cheveux longs. Leur physionomie est également sombre; leurs yeux, profondément enfoncés dans leurs orbites, se lèvent rarement sur l'assemblée.

Me Pinede, Me Ledru et Me BlotLequesne prennent place au banc des

avocats.

M. Cauchy, faisant les fonctions de greffier près la cour des pairs, procéde à l'appel nominal, qui constate 174 pairs présents.

M. le président : Accusé Darmės, levez-vous et répondez. Quels sont vos nom, prénoms et qualités.

Darmès (Ennemond-Marius), âgé de 43 ans, frotteur, né à Marseille (Bouches-du-Rhône), demeurant à Paris, rue Paradis-Poissonnière, n. 41.

Duclos (Valentin), âgé de 44 ans, né à Paris, propriétaire de cabriolets de remise, demeurant à la Chapelle-SaintDenis, passage de la Goutte d'Or, 4.

Considere (Claude-François-Xavier), âgé de 30 ans, né à Montbazon (HauteSaône), marchand de vins, demeurant à Montmartre, rue du Vieux-Chemin, 8.

MM. Cauchy, greffier en chef, et Henri de la Chauvinière, greffier-adjoint, donnent lecture de l'acte d'accusation et de l'arrêt de la cour.

Le procureur général du roi près la cour des pairs déclare que de l'instruction et des pièces de la procédure résulte les faits suivants :

Après avoir triomphé des factions pa la justice, le gouvernement de Juillet a voulu les désarmer par la clémence. Cette politique conciliatrice, en ralliant les hommes égarés, ne laissait plus désormais en face du drapeau national qu'une poignée de fanatiques incorrigibles, dont les haines devaient s'irriter encore d'un bienfait qui pesait à leur orgueil; ils affectèrent de n'y voir qu'un outrage ou une concession; ils n'y cherchèrent qu'un nouvel aliment à leurs passions, ou un encouragement à leurs projets. Leurs rangs s'étaient éclaircis, sans doute, mais ils se flattaient de suppléer au nombre par l'audace; et, s'ils ne pouvaient plus compter sur l'indulgence, qu'en avaient-ils besoin? Ils espéraient obtenir au prix des témérités les plus criminelles, un succès heureusement impossible. La France les a vus à l'œuvre la sanglante surprise du 12 mai a révélé tout ce que peuvent causer les colères des partis, dépravés par leur impuissance jusqu'à la rapine et à l'assassinat. Toutefois, au milieu de ces graves désordres, une pensée plus affligeante encore devait préoccuper les esprits. La révolte vaincue n'essayerait-elle pas une de ces låches revanches qui, déjà tant de fois, sont venues contrister le pays? Quatre années écoulées depuis le crime de Meunier, le repentir du coupable, la pitié magnanime descendue sur lui du haut du trône, et qui cependant n'avait pas pu le protéger dans son exil contre l'horreur justement attachée à sa personne; tout portait à croire qu'enfin cette race de parricides était éteinte. Vaine illusion! Devant l'action de la justice, les sociétés populaires s'étaient dispersées; mais leurs cadres rompus ne tardèrent pas à se reformer, et bientôt, cette arme que Meunier avait laissé tomber de ses mains mal assurées, un autre a eu l'odieux courage de la relever! Quelles ont été les circonstances de ce nouvel attentat? Quel en est l'auteur? Au milieu de quels instincts pervers, sous quelles incitations corrompues la pensée en at-elle été conçue et s'est-elle produite? Telles sont les douloureuses questions qui vont être agitées devant la justice.

Le 15 octobre dernier, vers six heures du soir, à la chute du jour, le roi, accompagné de la reine et de S, A. R.

madame Adélaïde, quitta le palais des Tuileries, pour se rendre à Saint-Cloud. Les voitures suivirent le quai. Au moment où elles arrivaient à l'angle da jardin, devant le poste du Lion, les soldats de garde formèrent la baie et rendirent les honneurs militaires; Sa Majesté s'inclinait pour saluer, lorsque tout-à-coup une forte explosion se fit entendre. La première voiture disparut au milieu d'un nuage de fumée: un coup de feu venait d'être tiré sur le roi. L'assassin, caché derrière le poteau d'éclairage, à douze pas environ des voitures, à droite, presque à côté du factionnaire, s'était baissé et avait dirigé son arme de bas en haut; il se releva aussitôt, et son geste parut exprimer la surprise: en effet, cette fois encore, une détestable espérance était trompée. Personne dans la voiture n'avait été atteint; à l'extérieur, M. Bertolaci, garde national à chaval, les deux valets de pied Jehl et Gruss avaient seuls été touchés légèrement par des projectiles amortis sur les roues et sur les ressorts; un ouvrier tailleur de pierres, nommé Fialon, était tombé, entraîné par la chute de sa scie frappée d'une balle dans la traverse supérieure. Sur un ordre du roi, les voitures se remirent en marche.

Cependant l'auteur de cet attentat était resté immobile à la même place et comme attéré par le coup. Le sang coulait avec abondance de sa main mutilée; les débris d'une carabine étaient à ses pieds; au-dessus de sa tête, le poteau d'éclairage présentait une forte entaille ; l'arme dont il venait d'être fait un criminel usage avait éclaté, et le coup, presque tout entier, s'était retourné contre l'assassin. Un grenadier courut à lui. « Malheureux, vous venez de tirer sur le roi»?« Oui, mon citoyen, c'est moi, répondit cet homme; que me veux-tu»? Il fut arrêté. On trouva sur lui deux pistolets chargés à balle et garnis de leurs capsules, un poignard, une brochure intitulée Histoire de la conspiration du général Mallet, par Dourille; un écrit à la main, intitulé Les Devoirs de l'homme vraiment moral; trois clés, une somme de 3 fr. 70 cent. et trois liards. Il paraissait dans un état d'exaltation remarquable, ne manifestant qu'un regret, celui de n'avoir pas pu tuer le roi, qu'il ap

pelait le plus grand tyran des temps anciens et modernes, le chef des ty rans » et contre lequel il proférait d'autres invectives plus grossières encore. Je le tenais cependant bien !. s'écriait-il avec fureur; «j'étais sûr de mon coup, si ma carabine ne s'était pas brisée.... Je l'avais trop chargée: 5 balles... 8 chevrotines. Il ajouta: «qu'il avait un poignard et des pistolets pour se défendre contre ceux qui l'auraient arrêté; que, sans l'éclat de son arme, il se serait sauvé par le quai des Tuileries, et qu'on ne l'aurait pas eu».

D

Ces emportements, vrais ou simulés, ne lui ôtaient pas toutefois la conscience de sa position personnelle, et ne l'empêchaient pas de réclamer avec instance les soins et les secours que son état pouvait exiger.

Interrogé à l'instant même, le meurtrier déclara qu'il se nommait Ennemond-Marius Darmès, était né à Marseille, habitait Paris depuis trente ans ; qu'il n'avait d'autre état que celui de conspirateur; que son intention était de tuer le plus grand des tyrans; qu'il n'avait pas de complices, n'avait conçu son projet qu'une heure avant l'exécution». Il protesta « qu'il n'appartenait à aucune société secrète, ajoutant qu'il avait pour opinion l'extermination des tyrans et la légitimité du peuple; qu'il était du peuple ; qu'il n'avait pas d'amis politique, n'était pas un fanatique exploité; que la nature agissait seule en lui»; et convint d'ailleurs «que, personnellement, il n'avait jamais eu à se plaindre du roi..

L'arrestation de Darmés sur le théâtre et au moment même du crime, ses aveux, ou plutôt ses révoltantes forfanteries, les nombreuses dépositions des témoins entendus, ne laissaient aucun doute sur sa culpabilité. La justice devait désormais s'attacher à cet homme, remonter sa vie, étudier ses véritables sentiments, en rechercher la source, sonder, s'il était possible, les origines de l'attentat, éclairer les relations de son auteur, arriver ainsi à la constatation de son isolement ou à la découverte de ses complices.

Darmés est né à Marseille, le 17 pluviôse an V (4 février 1797); son père était tailleur dans cette ville, où il est mort à l'Hôtel-Dieu, en 1830. Sa mère, remariée à un sieur Schwartz (ou Le

noir), a perdu son second mari; elle est âgée de 70 ans, habite Paris, et a peine à vivre de son travail.

Darmès, venu à Paris il y a environ 30 ans, a servi successivement dans plusieurs maisons. En 1829, il épousa une fille Lefebvre, avec laquelle il entra, en 1831, au service de M. et Mme Joly; ils en sortirent après la mort de leurs maîtres, en 1834. Pendant leur séjour dans cette maison, Darmès s'empara d'une somme de 6,000 fr. appartenant à sa femme, et la perdit à des jeux de bourse.

De la fin de 1834 au mois d'octobre 1833, Darmės et sa femme ont été portiers d'une maison, rue du Faubourg Poissonnière, no 33, appartenant à la dame Petit. En 4838, la séparation des deux époux les força de quitter cette place. La femme Darmės, justement mécontente de la perte de son argent, était en outre effrayée des opinions de son mari. Tous les témoins qui ont eu alors des relations avec lui attestent, en effet, que, depuis 1836, son exaltation avait toujours été croissant. M. Joly fils lui avait conservé de l'intérêt, et l'employait souvent à son service; mais il fut obligé de le ren. voyer en 1840, parce que ses opinions politiques devinrent tellement exagé rées, que toutes les personnes de la maison finirent par s'en plaindre. Son républicanisme était effrayant : il voulait la loi agraire et toutes les conséquences d'un partage égal entre les citoyens.

Le sieur L'Hoste, chef d'institution à Montmartre, a déclaré avoir eu pour frotteur, pendant deux ans, le nommé Darmès, et a remarqué qu'il avait des opinions démagogiques très-exaltées.

A l'époque d'un banquet qui eut licu à Belleville, il parlait souvent des communistes, et il disait : « Nous avons adopté un nouveau mode de faire de la propagande, c'est de parler aux vieilles femmes de Jésus-Christ; aux ouvriers, de leur exploitation par les maîtres; aux pauvres, de la dureté des riches; enfin à chacun de manière flatter leurs passions. »

La mère de Darmés avait recueilli de la succession de son second mari une somme de 5,000 fr., et s'était retirée à Puteaux; son fils venait la voir quelquefois; il la traitait avec dureté s

il se fit remettre une procuration pour toucher cet argent, et il le dissipa. Ce fut alors que cette malheureuse femme, privée de toute ressource, vint partager le logement de son fils, 61, rue Hauteville. Darmės, presque toujours ivre, rentrant tard, découchant quelquefois, laissait sa mere manquer du nécessaire; elle fut enfin obligée de le quitter pour chercher à vivre de son travail.

En juillet 1839, Darmès loua une petite chambre au sixième étage, rue de Trévise, 2. Il en fut bientôt renvoyé, « à raison, disent les témoins, de sa conduite obscène et du scandale qu'il causait dans la maison ».

La violence des opinions de Darmès, l'irrégularité de sa vie, lui avaient fait fermer presque toutes les maisons où il était employé comme frotteur. Il faut dire aussi que des soupçons d'infidélité s'étaient élevés contre lui, et qu'au moins, à l'égard d'une soustraction commise au préjudice de M. ChatryLafosse, l'instruction semblerait justifier ces soupçons, dont nous ne vous parlons toutefois que pour ne négliger aucun des renseignements recueillis sur Darmės. Vers la fin de septembre 1840, Darmés n'avait guère que la pratique d'une compagnie d'assurance, boulevard des Italiens, 9. Il gagnait de 20 à 30 francs par mois, et il avait des dettes. Il était arrivé à être obligé de demander à un pauvre savetier, nommé Fossola, de lui apprendre son métier. Le 13 octobre, Darmes n'ayant pas mangé, Fossola lui prêta quelque argent dont il employa sur-le-champ une partie à acheter des aliments, et dont Je reste a été trouvé sur lui au moment de son arrestation.

Le 16 octobre, un commissaire de police se rendit à la chambre de Darmės. L'aspect de cette chambre était repoussant, le rare mobilier qui la garnissait portait les traces d'une abjecte malpropreté; tout y trahissait la misère et la dégradation. Les découvertes de la perquisition opérée dans cette chambre confirment et complètent, au sur. plus, les renseignements que l'instruction avait déjà obtenus sur les habitudes et la position de Darmės.

A côté de plusieurs reconnaissances du Mont-de-Piété se trouvaient un grand nombre de brochures distribuées aux

hommes signalés par leur haine contre le gouvernement, plus particulierement aux adeptes des sociétés populaires. On peut citer la brochure égalitaire Ni châteaux ni chaumières, du nomme Pillot; la Relation du premier banquet communiste; l'Histoire popalaire de la Révolution française; les Questions scandaleuses d'un jacobin au sujet de la dotation.

Des écrits en grand nombre, la plupart de la main de Darmės, initiaient Ja justice au secret de ses pensées intimes, en même temps qu'ils en révé. iaient l'origine. A une certaine fermentation sans cause, répandue dans les classes ouvrières vers la fin de l'année dernière, il avait été facile de reconnaître le travail sourd et incessant des sociétés sécrètes, qui, un moment dispersées après le 42 mai, par l'arrestation de leurs chefs, s'étaient bientôt reformées sous le nom de Société des Communistes ou des Travailleurs éga litaires. Les discours de Darmės indiquaient assez qu'il appartenait à cette dangereuse association; les papiers trouvés à son domicile ne permettent plus d'en douter. Deux copies du reglement de la société ont été saisies; elles étaient accompagnées d'une circulaire et de la profession de foi de la nouvelle direction. L'organisation de la société, son but, ne different en rien de l'organisation et du but des sociétés précédentes. Les travailleurs se divisent en métiers, de chacun sept membres, dont le chef s'appelle ouvrier; quatre métiers composent une fabrique, quatre fabriquesune division. La direction suprême appartient à un comité supérieur, dont les membres, inconnus des sectionnaires, ne se révèlent qu'au moment de l'attaque ou du combat. Un des manifestes de la nouvelle direction, copié en entier de la main de Darmès, peut donner une idée des doctrines extravaganies au service desquelles les sectionnaires s'engageaient. On y lit que :

Le but vers lequel tendent les travailleurs est l'égalité réelle, au moyen de la communauté des biens. La nouvelle direction s'attache à faire connaître, dans le passé, et surtout dans l'histoire de la révolution, les événements favorables à la cause du peuple, à rendre hommage aux hommes vertueux, à flétrir les misérables de cette époque.

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