Page images
PDF
EPUB

mal sonnant dans chaque profession de foi, et après le vote général, quand le pays, après cette grande crise, n'aspirera qu'au repos, irez-vous prolonger encore son agitation fébrile par ces imprudents procès ? Si vous l'aviez fait une fois, vous seriez obligés de le faire toujours, et vous jetteriez le gouverne. ment dans les plus grands embarras; vous l'obligeriez à opposer jury a jury, corps électoral à corps électoral. Ce ne serait pas là de l'ordre, messieurs; ce serait de la perturbation.

Je terminerai par un mot, messieurs les jurés; vous n'êtes pas seulement des hommes probes et libres, vous êtes des hommes politiques; irez-vous condamner un homme qui a obtenu les suffrages de vos voisins? Puis, prenezy garde, si le ministère public peut poursuivre le député après la dissolution du collège électoral, il pourra aller le saisir au milieu du college; je sais qu'il ne le fera pas, car nous avons un gouvernement prudent et modéré ; mais qui vous garantit qu'à une autre époque, un pouvoir violent et imprudent ne poussera pas jusqu'à leurs dernières conséquences les principes que vous aurez posés ?

Permettez-moi, messieurs, de vous rappeler une décision qui appartient à l'Assemblée constituante: Un électeur de Falaise avait donné au député par lui nommé un mandat impératif de telle nature que le parlement de Rouen crut devoir poursuivre; le comte de Mirabeau rappela avec énergie que jamais aucun tribunal en Angleterre n'a osé poursuivre un membre du corps électoral pour les opinions par lui exprimées dans l'exercice du droit d'élection, et l'Assemblée déclara la poursuite intentée par le parlement de Rouen nulle et attentatoire à la souveraineté nationale. Vous imiterez cet exemple d'une de nos plus sages assemblées, et Vous sauverez la liberté électorale mise en péril par cette poursuite.»

M. Arago a la parole. Messieurs, dit-il, si je me suis arraché sans effort aux occupations qui remplissent ma vie, si hier je n'analysais pas devant mes illustres collègues de l'Académie une correspondance si intéressante, si au. jourd'hui le bureau des longitudes est sans guide, si demain doit chômer une commission administrative, c'est que

j'ai cru devoir me porter là où la liberté me semblait menacée, et que j'ai cru que c'était le devoir de tout bon citoyen.»

Après avoir rappelé les diverses opinions qu'en plusieurs circonstances il soutint à la tribune de la chambre, le défenseur-académicien-député termine en exprimant la crainte que si une condamnation était prononcée, il n'en résultat quelque déconsidération pour le jury. En effet, le jury de la Sarthe a prononcé un verdict à la majorité de 9 voix contre 3; il y aurait perturbation si un autre jury pouvait réformer ce verdict à la majorité de 7 voix

contre 5.

M• Berryer a la parole comme défenseur de M. Hauréau; il commence par justifier sa présence au proces.

Arrivant aux faits de la cause, «Quel est, dit-il, le délit imputé à M. Haoréau? D'avoir recueilli une profession de foi électorale, et de l'avoir portée à la connaissance du public..

Examinant en détail la question de la liberté de tout dire dans les assemblées électorales, l'orateur rapelle que sous la restauration jamais une profession de foi prononcée devant un collège électoral n'a été poursuivie.

Et cependant, continue-t-il, il s'est passé depuis un fait immense ; l'avènement de 1830 n'a pas eu sans doute pour seul résultat la substitution d'une branche à une autre, il y a eu substitution d'un principe à un autre; la souveraineté nationale a remplacé l'ancien principe de la monarchie.

Que voudrait-on faire maintenant? on voudrait se refuser aux conséquences de ce principe qui veut que le pays, j'entends tout le pays, soit le souverain.

Le collége électoral assemblé appelle un candidat; le devoir de celui-ci est de s'expliquer franchement et complètement. Vous redoutez, dites-vous, des désordres, ah! vous craignez donc bien la liberté, si vous ne regardez pas les électeurs comme les seuls juges iégitimes de ce qui est prononcé de.ant eux ? Décider le contraire ce serait interdire la candidature aux hommes de cœur et de bonne foi qui seraient restés fidèles à l'un des nombreux systémes que nou avons traversés depuis cinquante ans, et qui voudraient loyalement le faire triompher.

Il n'y a, dit le défenseur, qu'un châtiment pour les mauvaises doctrines qui peuvent être développées en présence d'un collége électoral, c'est le refus par les électeurs de nommer celui qui les a proférées.

Ah! messieurs, ne désespérez pas les hommes qui professent des opinions autres que les vôtres, ne les empêchez pas de faire entendre leur voix dans les colléges électoraux. Moi-même, après avoir combattu à la chambre en 1830, l'établissement nouveau, je n'ai pas désespéré du pays, et j'ai usé du droit que me donnait la constitution nouvelle pour essayer de faire prévaloir mes doctrines. Et vous-mêmes, hommes dévoués à la monarchie de 1830, si la république venait à triompher, renonceriez-vous, dites-le, à user des droits que les institutions républicaines vous laisseraient, pour préparer par votre part d'actions publiques le retour du gouvernement auquel vous êtes dévoués? »

M. le président : Me Marie, désirezvous prendre la parole?

[ocr errors]

Si nous

M Marie fait un signe négatif. M. le procureur général : ne consultions que nos forces oratoires, nous devrions reculer, nous novice de ces grandes luttes, devant les hautes puissances oratoires que vous venez d'entendre; mais il y a quelque chose en nous qui nous soutiendra, c'est le sentiment du devoir.

Permettez-nous d'abord quelques explications sur ce qui a été dit: on nous a reproché de ne pas vouloir de la liberté des élections; il nous semble cependant que la liberté n'a jamais été gênée le moins du monde ; on a respecté les professions de foi tant qu'elles ne se sont pas attaquées à l'ensemble de nos institutions.

Nous craignons la liberté, dit-on; mais, de bonne foi, à quelle époque la liberté de parler et d'écrire a t-elle été plus large et plus complète ? On a parlé de la restauration, mais jamais, sous la restauration, rien de pareil n'a été osé.

Nous avons reproché au prévenu d'avoir provoqué au renversement du gouvernement; nous n'avons pas dit qu'il y eût provocation ouverte et brutale à la révolte; mais nous avons soutenu qu'on voulait substituer un gou

vernement nouveau à notre forme de gouvernement, qui consiste en un roi et deux chambres. Si ce n'est pas cela que vous avez voulu, dites-le bien haut au jury, et nous entendrons cette rétraction avec bonheur.

L'honorable M. Odilon Barrot vous a dit que c'était un devoir.pour le can. didat que les électeurs appelaient devant eux, de leur dire toute sa pensée sur les lois qu'il pouvait, en qualité de député, être appelé à faire ou à modifier. Sans doute, messieurs, le candidat peut s'expliquer sur les lois, les combattre, pourvu que ce ne soit pas en termes injurieux; mais il lui est interdit de demander le renversement de nos institutions fondamentales placées en dehors de toute discussion.

Nous avons peine à comprendre, messieurs, ce système qu'on soutient devant vous; eh quoi! parce qu'en 1830 un grand acte de la volonté nationale s'est accompli, est-ce à dire que chaque jour le pays puisse défaire par parcelles ce qu'il a fait dans un jour donné et s'en remettre sans cesse à la loterie des révolutions? Non, ce n'est pas là le principe de notre gouvernement que de s'en remettre à chaque instant pour son établissement fondamental au résultat de la lutte des volontés individuelles; nous tomberions alors dans le deplorable éparpillement que la Convention elle mème a combattu avec tant d'énergie, comme contraire à l'indivisibilité du pays.

Ce sont pourtant là les principes que tendrait à faire prévaloir le dernier discours que vous avez entendu ; mais c'est là, qu'il me soit permis de le dire, une logique de désespoir, une logique de mensonge, non pas pour les hommes, mais pour les principes.

Eh quoi vous déplorez la parcimonie du gouvernement dans la distribution des libertés au pays! Oubliez-vous que parmi les libertés dont le pays est en possession depuis dix ans, il n'en est pas une qui n'eût effrayé, il y a quinze ans, l'opinion au nom de laquelle vous parlez? Est-ce donc bien dans ce pays où s'agitait, il y a dix ans, le drapeau de la guerre civile au nom d'un parti que je ne veux pas nommer, que vous venez parler des tendances libérales de ce parti? Je l'ai dit, et je le répète, messieurs, c'est là une politique de dé

sespoir et de mort; je n'en dirai pas davantage.»

Me Marie a la parole pour répliquer. Il commence par se féliciter de voir tant d'hommes éminents, d'opinions si diverses, se rassembler dans un effort commun dès que la liberté est menacée; examinant ensuite la thèse légale, il soutient que les lois de septembre sont suspendues du jour de l'élection, puis que ces lois transitoires sont précisément en question, et que leur abrogation ou leur maintien dépend du vote des électeurs.

Le défenseur soutient que l'organe du ministère public a négligé de discu. ter légalement les quatre chefs de délit qualifiés par l'arrêt de renvoi.

M. le procureur général : « Le discours sera distribué à MM. les jurés ; nous pensons que sa lecture leur suffira pour justifier la prévention. ■

Le défenseur termine en exortant les jurés à ne pas prononcer une décision qui frapperait M. Ledru-Rollin dans son avenir, dans sa fortune et dans sa liberté.

Après cette plaidoirie l'audience est suspendue pendant un quart d'heure ; elle est reprise à cinq heures.

M. le président demande aux deux prévenus s'ils ont quelque chose à ajouter à leur défense; tous deux répondent négativement.

M. le président présente le résumé des débats; il termine en donnant lecture des questions posées au jury; elles sont au nombre de buit pour M. Ledru. Rollin,et comprennent deux catégories: 1° prévention d'avoir commis les quatre délits qualifiés par l'arrêt de renvoi, en prononçant devant les électeurs le discours incriminé: 2o prévention d'avoir commis les mêmes délits en autorisant la publication de son discours. Les questions relatives à M. Hauréau sont au nombre de quatre et se rapportent seulement à la publication.

A cinq heures et demie, les jurés se retirent dans la chambre des délibérations.

A six heures 40 minutes, MM. les jurés rentrent en séance, et M. le chef du jury donne lecture de la déclaration dont voici le résultat :

M. Ledru-Rollin est déclaré non coupable des quatre délits à lui imputés, autant que ces délits auraient été com

mis en prononçant son discours dans l'assemblée électorale; mais il est déclaré coupable de ces quatre délits à raison de l'autorisation qu'il a donnée de publier son discours;

M. Hauréau est déclaré coupable sar toutes les questions qui le concernent. M. Berryer présente quelques observations sur l'application de la peine à M. Hauréau.

M. le procureur général requiert l'application des articles 5 et 6 de la loi du 29 novembre 1835, 1er de la loi du 29 novembre 1830, 41 de la loi du 25 mars 1822, et 1° de la loi du 17 mai 1819.

La cour se retire dans la chambre da conseil pour en délibérer.

A sept heures un quart la cour rentre en séance, et M. le président donne lecture d'un arrêt qui condamne,savoir: M. Ledru Rollin à quatre mois d'emprisonnement et 3,000 fr. d'amende, et M. Hauréau à trois mois d'emprisonnement et 2,000 fr. d'amende, ordonne la suppression de l'écrit condamné, et ordonne l'insertion de l'arrêt dans le Courrier de la Sarthe.

Par application de l'article 5 de la loi du 9 septembre 1835, de la loi du 29 novembre 1830, des articles 1er de la loi du 17 mai 1819, 8 de la loi du 9 septembre 1833, 8 de la loi du 17 mai 1819, 4 de la loi du 25 mars 1832, 26 de la loi du 26 mai 1819 et 11 de la loi du 9 juin 1819.

[blocks in formation]

1

sident, les accusés répondent dans l'ordre suivant :

Quenisset (François), âgé de vingtsept ans, né à Selles (Haute-Saône), scieur de long, demeurant à Paris, rue Popincourt, 58;

Boucheron (Jean-Marie), âgé de trente-six ans, scieur de long, né à Roullée (Sarthe), demeurant à Paris, rue de Lappe, 2;

Colombier (Jean-Baptiste), âgé de quarante-trois ans, marchand de vin, né à Saint-Julien de Tourzac (Cantal), demeurant à Paris, rue TraversièreSaint-Antoine, 21;

Brazier, dit Just (Just-Edouard), âgé de vingt-huit ans, menuisier, né à Amiens (Somme), demeurant à Paris, rue Traversière-Saint-An

toine, 60;

Petit, dit Auguste (Auguste), àgé de trente-un ans, ébéniste, né à Verdun (Meuse), demeurant à Paris, rue du Faubourg-Saint-Antoine, passage de la Bonne-Graine, 14;

Jarrasse, dit Jean Marie (Jean-Marie), âgé de trente-trois ans, ébéniste, né à Paris, y demeurant rue du Faubourg-Saint-Antoine, 202;

Launois, dit Chasseur (Pierre-Paul), âgé de trente-trois ans, monteur en cuivre, né à Liége (Belgique), demeurant à Paris, rue Traversière Saint-Antoine, 21;

Dupoty (Auguste-Michel), âgé de quarante-quatre ans, rédacteur en chef et gérant du Journal du Peuple, né à Versailles (Seine et-Oise), demeurant à Paris, rue de Bussy, 12-14;

(L'accusé Prioul, étant malale, n'a pu être amené à l'audience.)

Boggio, dit Martin (Antoine), âgé de trente-deux ans. serrurier, né à Aurillac (Cantal), demeurant à Paris, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 172;

Mallet (Napoléon-François), âgé de trente-sept ans, cordonnier, né à Epineau-lès-Voves (Yonne), demeurant à Paris, rue de Charonne, 25;

Martin (Jean-Baptiste - Charles), âgé de vingt-cinq ans, ébéniste, né à Saint-Sauveur - Landelin (Manche), demeurant à Paris, rue de Charonne,25;

Fougeray (Alexis), âgé de vingtquatre ans, ébéniste, né au Mans (Sarthe), demeurant à Paris, rue de Charonne, 25;

Bouzer (Charles-Henri), âgé do

trente-quatre ans, ébéniste, né à Montbéliard (Doubs), demeurant à Paris, rue Saint Honoré, 278;

Considère(Claude-François-Xavier), âgé de trente-quatre ans, marchand de vin, à Montmartre, rue du VieuxChemin, 8;

Bazin (Napoléon), âgé de vingtneuf ans, garçon de cuisine, né à Gumery (Aube), demeurant à Paris, rue Saint-Denis, 21.

L'accusé Dufour est absent.

Le greffier en chef lit l'acte d'accusation, dont voici le texte :

Le procureur général du roi près la cour des pairs

Expose que, par arrêt du 18 novembre 1841, la cour a ordonné la mise en accusation des accusés ci-dessus et que de l'instruction et des pièces de la procédure résultent les faits suivants:

S. A. R. Mgr. le duc d'Aumale venait de traverser presque toute la France à la tête du régiment qu'il commande, et partout il avait recueilli sur son passage les témoignages de la plus vive sympathie: LL. AA. RR. MMgrs. les ducs d'Orléans et de Nemours s'étaient portés à la rencontre de leur frère et des braves qu'ils avaient eux-mêmes éprouvés dans les travaux de leurs campagnes d'Afrique.

Le 13 septembre dernier, le 17° régiment d'infanterie légère, marchant sous la conduite des trois princes, arrivait à Paris par la route qui aboutit à la barrière de Charenton; il devait se diriger, par les boulevarts extérieurs, vers la barrière du Trône, où l'attendait un nombreux état-major, et par laquelle devait avoir lieu son entrée dans la capitale. La population se pressait sur le chemin qu'il devait parcourir.

Lorsque le cortège, après s'être for. mé à la barrière du Trône, s'avança dans l'intérieur de Paris, il marchait dans l'ordre suivant: Un peloton de cuirassiers; le lieutenant général com. mandant la place de Paris et les officiers de tous grades et de toutes armes qui s'étaient réunis pour se porter au-devant des princes; les sapeurs, les tambours et la musique du 17a régiment d'infan terie légère: les princes, accompagnés de MM. les lieutenants-généraux Pajol et Schneider, et suivis de plusieurs officiers; le régiment, marchant en colonne et par sections.

Les princes s'avançaient à peu près sur une même ligne, Mgr. le duc d'Aumale au milieu, ayant a sa droite Mgr. le duc d'Orléans, à sa gauche Mgr. le duc de Nemours. M. le lieutenant-général Pajol était à la droite de Mgr.leduc d'Orléans, et M. le lieutenant-général Schneider à la gauche de Mgr. le duc de Nemours. M. Levaillant, lieutenantcolonel du 17", se tenait à la gauche et un peu en arrière de M. le lieutenantgénéral Schneider.

On était parvenu dans la rue du Faubourg Saint-Antoine, à la hauteur de la rue Traversière, lorsqu'une détonnation se fit entendre. Un coup de feu venait d'être tiré sur les princes! Mais, portant trop bas, il atteignit le cheval du général Schneider et celui du lieutenant-colonel.Levaillant : une balle à été trouvée dans la blessure que l'un de ces chevaux avait reçue, et le rapport du vétérinaire qui a extrait cette balle constate «qu'elle était dirigée sur les princes, et que ce n'est que par un bonheur providentiel qu'ils n'ont pas été atteints, que, si elle avait été dirigée 25 centimètres plus haut, elle aurait passé au-dessus de la tête du cheval de M. Levaillant et au-dessus du garrot de celui de M. le général Schneider, et aurait été frapper directement les princes.

L'indignation que cette tentative excita fut unanime et fit explosion avec une violence si spontanée, si menaçante, que l'autorité du commandement suffit à peine pour enchaîner la colère des carabiniers du 17, et que l'assassin fut immédiatement saisi par les citoyens qui l'entouraient. Ce fut un ouvrier qui se jetta le premier sur lui, et qui contribua, avec les agents de la force publique à dompter sa résistance désespérée

Avant de commettre cet attentat,celui qui allait s'en rendre coupable s'était fait remarquer par l'exaltation furieuse avec laquelle il poussait les vociférations les plus séditieuses. On l'avait vu se saisir de son pistolet, ajuster rapidement, et lâcher le coup. Quand il luttait contre ceux qui s'étaient emparés de sa personne, il avait jeté ce cri: A moi, les amis ! indiquant ainsi qu'il complait sur un secours qui lui manqua; et, quand il se vit au pouvoir de la garde municipale, il invoquait la

mort, en disant qu'il la préférait à l'esclavage, et confessait son crime en exprimant le regret odieux de n'avoir pas réussi.

On le conduisit au corps-de-garde de la Bastille, et il y fut immediatement fouillé : on ne trouva sur lui qu'un car. net en papier blanc et une petite baguette en jonc, ayant environ 30 centimétres de longueur, noircie à l'une de ses extrémités par la poudre, et pa raissant avoir servi à bourrer un pistolet. Interrogé bientôt, il déclara se nommer Nicolas Papar, et nia qu'il fût l'auteur de l'attentat; il prétendit que cette baguette de jonc, qu'on venait de trouver dans sa poche, n'était pas à lui, et qu'on s'était trompé quand on avait eru, en le saisissant, arrêter l'assassin. Deux pistolets, dont l'un était encore chargé, et dont l'autre venait évidemment de faire feu, avaient été trouvés sur le lieu du crime on y avait aussi ramassé une sorte de sac renfermant une somme de 12 fr. 75 c. en menue monnaie, un serre-tête en bazin blanc, un mouchoir de couleur et quelques autres objets. Le prétendu Papart soutint que ni les armes, ni l'argent, ni aucun des effets saisis n'avaient jamais été en sa possession.

Mais ce système de défense ne pouvait pas prévaloir en présence des dépositions formelles et précises des nombreux témoins qui avaient remarqué l'assassin avant le crime, qui l'avaient vu au moment où il le commettait, qui l'avaient saisi en flagrant delit, qui avaient enfin recueilli l'aveu échappé à sa conscience dans le premier moment de son arrestation. L'individu arrêté commença par avouer que le nom de Papart n'était pas le sien, quoique ce nom fût le seul qu'il eût porté depuis plusieurs années: il s'appelait François Quenisset, vivait à Paris du métier de scieur de long, et y demenrait rue Popincourt, n. 58, avec une fille Leplâtre, de laquelle il avait eu un enfant, alors âgé de deux mois.

Il fit connaître qu'il avait servi dans le 15 régiment d'infanterie légère; que, s'étant rendu coupable d'insubor dination envers un caporal et de rébellion envers la garde, il avait éte condamné, en 1835, à cinq ans de fers; que cette peine avait été cemmuée, par la clémence royale, en celle de

« PreviousContinue »