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en 1422, ne fut pas moins malheureux que le précédent; la taille, qui jusque là n'avait été que momentanée, fut déclarée perpétuelle. Cette mesure eut pour motif de payer un corps régulier de milice, qu'on peut regarder comme les premières troupes réglées qu'ait eues la France. Avant cela il n'y avait qu'une milice féodale et des troupes levées à la hâte et indisciplinées, et qui, en paix comme en guerre, vivaient de pillage. Les peuples consentirent, avec une sorte de satisfaction, à la perpétuité de la taille, dans l'espoir d'être délivrés d'un aussi grand fléau; mais ils ne s'en trouvèrent pas mieux : car ces troupes régulières devinrent, dans les mains d'un prince dissipateur, un instrument irrésistible pour percevoir des impôts excessifs.

Ce régime de vexations, à l'aide des militaires, ne fit que s'accroître sous Louis XI, qui surchargea tellement le peuple, qu'en vingt-deux ans il augmenta les tailles de trois millions, somme énorme pour cette époque.

Louis XII, malgré les guerres continuelles de son règne, diminua les impôts d'année en année. Il avait coutume de dire: « J'arrange de mon » mieux les affaires, mais ce grand garçon (en

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En effet François Ier, dont le caractère était porté à la munificence et à la prodigalité, haussa les tailles, aliéna le domaine, et établit plusieurs nouveaux impôts.

Cependant c'est, en quelque façon, au règne de François Ier que doit commencer l'histoire de nos finances, de même que celle de nos intérêts politiques au dehors. Les lumières qu'il fit éclore, en encourageant la culture des belles-lettres et des arts, favorisée par l'invention encore récente de l'imprimerie (1450), ouvrirent une carrière nouvelle, et firent naître des idées qui conduisirent aux premiers principes de la science et de l'économie politiques. C'est à ce règne que l'on doit rapporter la régularisation de la dette publique par la création des rentes sur l'Etat.

Le règne très-court de François II, celui de Charles IX, sans cesse troublé par les fureurs du fanatisme et par les orages de l'ambition, n'apportèrent aucun adoucissement dans l'administration des finances : les tailles reçurent, sous le dernier de ces deux règnes, de nouveaux accroissemens d'autres impôts furent créés sous diffé

rens prétextes, et exigés avec tant de rigueur, qu'en aucun temps la misère ne fut si grande dans les campagnes.

Jamais les droits de toute espèce ne furent en aussi grand nombre que sous Henri III : les denrées de tout genre, et les marchandises en particulier en furent surchargées. Les abus sous ce règne s'accrurent d'une manière désastreuse.

La faiblesse de ce prince envers ses favoris, leur excessive avidité, ses scandaleuses prodigalités, achevèrent de porter dans la régie des finances une confusion qui ne se peut exprimer : la misère du peuple était au comble. Toutes les parties du revenu étaient affermées bien au-dessous de leur valeur : les fermiers étaient sûrs de trouver de l'appui dans le Conseil, dont plusieurs des membres étaient à la fois leurs associés et leurs complices. Les impôts s'étendaient arbitrairement les favoris faisaient un trafic honteux des charges et des emplois ; ils avaient imaginé une foule de petits droits à leur bienséance, qu'ils se permettaient d'exercer sans autorisation légale en un mot, le trésor public était au pillage. Ces prodigalités, jointes aux sommes énormes que répandait l'Espagne pour

soutenir la cause de la Ligue, organisée par Henri de Guise, avaient amené un luxe jusqu'alors inconnu. Le peuple étant dans une impuissance totale de subvenir à tant de profusions, le prince eut recours à des emprunts.

Henri IV, obligé de conquérir ses provinces l'une après l'autre, de solder des secours étrangers, de récompenser chèrement les rebelles qui rentraient dans le devoir, se trouva dans la pénible position de voir, chaque jour, augmenter les charges, et diminuer les revenus par l'épuisement des peuples, le ravage et la désolation des campagnes. Enfin, la paix succéda à tant de calamités, et Sully, repoussé deux fois du Conseil, sous le prétexte de sa religion, mais en réalité par les craintes qu'inspiraient aux concussionnaires sa sagacité et son austère vertu; Sully, nommé surintendant des finances, en 1599, parvint, à force d'application et de probité, à faire succéder l'ordre à la confusion, la prospérité à la détresse. Lorsqu'il entra en fonctions, il fournit la preuve au Roi que les cinq grosses fermes n'étaient pas adjugées au quart de leur valeur, par suite de la connivence des membres du Conseil avec les traitans.

En quelques années cet habile administrateur vint à bout de mettre les recettes au niveau des dépenses, et dans la suite d'acquitter toutes les dettes, de diminuer les tailles, ainsi que plusieurs autres contributions, tout en augmentant les revenus; de telle sorte qu'en 1610, à la mort de Henri-le-Grand, il se trouva que, pendant son règne, il avait été acquitté trois cents millions de dettes, et racheté des parties de domaines pour soixante millions (l'argent étant à 20 livres 5 sous 4 deniers le marc).

Sous ce Monarque, les arsenaux avaient été pourvus de toutes sortes d'armes et de munitions; on avait fortifié grand nombre de villes frontières, érigé de superbes édifices, et acquis une quantité considérable de meubles précieux et de pierreries. Il se trouvait quarante et un millions d'argent dans le trésor du Roi, au moment où il fut assassiné. Quelle meilleure preuve pourrait-on produire des ressources inépuisables de la France, quand elles sont administrées avec ordre et économie ?

Le ministère du cardinal de Richelieu, qui produisit de si grands changemens dans les intérêts politiques de l'Europe, n'apporta aucune in

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