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novation dans les finances. Occupé tour à tour à lutter contre les ennemis de l'autorité royale, et à combattre les siens propres, ce ministre se mit peu en peine de connaître l'état des revenus publics, ou plutôt il laissa les finances à la discrétion de ceux qui les régissaient, pourvu qu'ils servissent son ambitieuse politique, et fournissent à ses profusions. Elles étaient telles, suivant Talon, que, pendant le règne de Louis XIII, il fut plus levé d'argent sur le peuple que depuis l'établissement de la monarchie, le cardinal ne s'étant soutenu dans le ministère qu'en corrompant tous ceux qui lui étaient nécessaires, tant au dehors que dans l'intérieur de la France.

A la mort du Roi, en 1643, les revenus de 1644, 1645 et 1646, étaient déjà consommés par anticipation.

Sans rien changer au fond ni à la forme des impôts, on se contenta de les étendre et de les multiplier.

Une régence orageuse succéda au règne de Louis XIII: les troubles désolaient l'intérieur ; la guerre embrasait les frontières; le poids des impôts devint si accablant, que l'impuissance de les payer imposa la nécessité de les réduire. Les

Italiens, qui avaient administré les finances sous Catherine de Médicis, chassés après sa mort, furent rappelés par le cardinal Mazarin. C'est à eux qu'il dut plusieurs moyens onéreux d'extorquer de l'argent par des affaires qu'ils prenaient en parti ou par traité pour des sommes' modiques : de là vinrent les dénominations de partisans et de traitans, que l'on donna dès lors aux financiers. L'historique de ces opérations nous conduirait trop loin; il n'aurait d'ailleurs rien de Curieux, que le scandale avec lequel elles se formaient, et étaient dirigées au mépris de toute considération publique, seulement elles étaient conçues avec beaucoup d'adresse, et afin d'échapper à la vérification des Cours de parlement, qui était devenue une formalité indispensable.

Depuis 1621 seulement, il avait été créé pour vingt-cinq millions cinq cent trente-deux mille livres de rentes, y compris les onze millions empruntés en 1634, pour rembourser au denier dix-huit les droits aliénés sur la taille et les gabelles. Les effets publics, créés pour rembourser des offices et des rentes, étaient tellement mul tipliés, qu'ils étaient avilis, parce que l'Etat se trouvait dans l'impuissance d'y faire honneur.

En 1660, le peuple payait environ quatrevingt-dix millions d'impôts, et le Roi en touchait à peine trente-cinq: le surplus était la proie des traitans il fallut, en outre, créer de nouvelles rentes pour combler des déficits qui se renouvelaient continuellement.

Les droits n'étaient pas les mêmes partout: telle province était assujettie à une taxe dont l'autre était exempte; où l'une payait le droit, l'autre s'en affranchissait par un arrangement : de là plus d'union entre les sujets d'un même royaume; plus d'unité dans les formes de leur administration. Ainsi la France semblait composée de plusieurs Etats étrangers les uns aux

autres.

Telle était la situation de la plupart de nos provinces, lorsque Colbert fut appelé à diriger. les finances. En 1661, il posa les solides fondemens de la prospérité publique, et montra dans les encouragemens prodigués à l'industrie, dans les faveurs accordées au commerce, la véritable source des revenus de l'Etat.

Tant que cet habile ministre fut à la tête des affaires, semblable à Sully, il fit prospérer les finances; mais, à peine un an après sa mort,

d

arrivée en 1683, l'administration financière retomba en des mains inhabiles: des guerres désastreuses survinrent, il fallut de nouveau, et à plusieurs reprises, recourir à des ressources extraordinaires, à des moyens forcés, entre autres à de nombreuses créations d'offices de toute espèce, à des emprunts sans mesure et sans combinaison; bref, le peuple était épuisé, et les campagnes devenaient désertes.

Après la guerre de la succession d'Espagne, et à la paix d'Utrecht, la France restait accablée sous le poids d'une dette énorme. La mort de Louis XIV accrut la calamité générale. La dette à ce moment était de deux milliards trois cents millions. Peu de temps après, les billets de banque de Law achevèrent de jeter les finances dans le plus grand désordre: ce fut un gouffre qui en trois années, de 1717 à 1720, engloutit à la fois les finances, le crédit de l'Etat, et les fortunes de la plus grande partie des sujets.

Il fallut de nouveau augmenter les impositions, et avoir recours à de nouvelles créations de rentes.

Pendant le reste du siècle dernier, l'embarras dans les finances ne fit qu'augmenter; vers la fin

du règne de Louis XVI, il était extrême. L'on évita de créer des impositions extraordinaires ; l'on eut recours à des emprunts à un intérêt que l'on peut calculer à raison de six à huit pour cent par an: l'on avait annoncé devoir les rembourser au moyen d'économies projetées, mais que les circonstances empêchèrent d'exécuter.

L'on fit en même temps des emprunts considérables en viager, pendant huit années, depuis 1779 jusqu'en 1787 ils se montèrent à 740,655,388 liv., à 9, 10, 11 et 12 pour cent d'intérêt sur une tête ; 8 et 9 pour cent sur deux têtes; 8 et demi pour cent sur trois têtes, et 8 pour cent sur quatre têtes.

Ce système d'emprunt en viager, surtout sur plusieurs têtes, a été regardé comme ruineux pour un Etat par les personnes versées dans les matières de finances.

Il résulte du compte rendu, par les commissaires de la Trésorerie, au Comité des finances de la Convention nationale, que la dette constituée montait, au 1er janvier 1793, à 89,888,335 liv. de rente annuelle, ce qui, au

denier vingt, donne un ca

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