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chefs ennemis, il essaya de faire la paix, mais sans succès. Les Gurrahs et les Condoes avaient fourni un renfort, et les guerriers de la côte, espérant s'emparer de la propriété des colons, avaient consenti à renouveler la guerre. Le 30 novembre, à quatre heures du matin, ils recommencèrent l'attaque, au même moment, de deux côtés opposés. Pénétrant le long des bords escarpés et fangeux de la rivière jusqu'à l'angle occidental de la palissade, ils firent feu, mais ils furent repoussés avec perte par une décharge de canons. Dix minutes après, ils retournèrent au combat un peu plus haut et avec plus de vigueur, et firent ensuite un troisième effort sans réussir.

Du côté opposé, un corps nombreux, caché par une chaîne de rochers à la distance de 120 pieds, s'approcha sans être vu jusqu'à 40 pieds du camp, qu'il attaqua avec furie. On dirigea sur lui une batterie de 2 canons, qui, après quelques coups, l'obligea à se retirer derrière les rochers; mais des tirailleurs, protégés par ces mêmes rochers, des arbres abattus et de grandes fourmilières, continuèrent le feu. Le corps principal se rallia et revint quatre fois à la charge; ensuite il prit position vers le poste méridional, où il fut exposé au feu du canon, et forcé encore de se retirer. Du côté de l'ouest, l'attaque dura 70 minutes; de celui de l'est, go minutes. Le nombre d'assaillans était plus grand que dans l'attaque du 11; mais leur perte fut moins considérable. Leurs fusils, des plus fortes dimensions, étaient chargés de morceaux de cuivre et de fer. Il paraît que tous les rois de la côte ont des canons; mais ils mettent une demi-heure à les charger, et ils croient que ce n'est que par sorcellerie que les Américains les tirent cinq ou six fois par minute. Trois des colons qui servaient les canons au poste oriental furent blessés, dont un mortellement. Trois balles percèrent les habits de l'agent sans le blesser. Un mauvais canif, un rasoir et une épinglette, servirent d'instrumens de chirurgie pour panser les blessures.

La nuit, après le combat, l'officier du poste occidental, ayant découvert quelque mouvement dans ce quartier, fit plusieurs dé

charges de canon et de mousqueterie, ce qui attira l'attention du capitaine du navire anglais le Prince-Régent, qui tenait le large près du Cap, où il attendait l'aurore pour savoir ce qui se passait. Un kroomann lui donna des renseignemens sur la situation de la colonie. Ce navire, chargé de munitions de guerre, avait à son bord le capitaine Laing, de l'infanterie légère royale d'Afrique, et l'équipage d'un navire capturé par le lieutenant Gordon. Les officiers se rendirent auprès de l'agent de la colonie, et, en qualité de neutres, ils essayèrent de pénétrer les intentions de l'ennemi. Les chefs, accablés de chagrin et de honte, leur accordèrent une entrevue, et signèrent un traité d'après lequel ils consentirent à une suspension d'armes pour un temps indéfini, et s'engagèrent à soumettre tous leurs différends au gouverneur de Sierra-Leone.

Par cette intervention, la colonie devint invincible contre toutes les forces combinées des naturels. Les colons exprimèrent leur reconnaissance à ces hommes généreux, qui devinrent les victimes de ce dévoûment: Gordon et huit de onze marins qui s'étaient offerts comme garans de la trève, étaient morts de maladies à bord de la goëlette, le 4 décembre, quatre mois après son départ de la côte (1).

Le 8 décembre, une forte goëlette armée en course, portant le pavillon de Colombia, jeta l'ancre dans la rade. Elle était commandée par le capitaine Welsey, citoyen des États-Unis ; plusieurs des officiers en étaient aussi citoyens. Pendant quatre semaines de séjour, ce capitaine prêta ses ouvriers pour mieux fortifier l'établissement, et un chirurgien pour soigner les blessés.

Le 12 mars, les enfans captifs furent rendus à la colonie, d'après une décision du conseil des chefs du pays. Confiés aux soins de femmes âgées, celles-ci avaient tellement gagné leur affection, pendant ces quatre mois de captivité, que les parens se trouvèrent

(1) Voy. le 7 rapport annuel de la Société de Colonisation.

forcés de les arracher de leurs bras, au milieu des expressions les plus marquées de l'attachement mutuel.

Les provisions de la colonie se trouvaient de nouveau presque épuisées, lorsque le 31, la Cyane, des Etats-Unis, commandée par le capitaine Spence, arriva à Montserado. Cet officier fit réparer la goëlette désemparée l'Augusta, et mettre à bord une quantité de provisions suffisante pour l'établissement, et un équipage sous les ordres du lieutenant Richard Dashkill. En même temps, on continua la construction de la tour dite Martello et de la maison de l'agent, qui furent presque achevées avant le 20 avril. Les gens de l'équipage de la Cyane furent aussi les victimes de leurs généreux services : les maladies qu'ils avaient gagnées au Cap en enlevèrent 40, bientôt après leur arrivée aux États-Unis (1).

Une autre circonstance heureuse fut l'arrivée du navire Oswego, venant des États-Unis, ayant à bord 66 émigrés des États du centre, un médecin, et beaucoup de provisions pour la colonie (2).

Le 12 juin 1827, la goëlette américaine Shark, sous le commandement du lieutenant Norris, arriva pour l'inspection de la colonie, d'après les instructions du secrétaire de la marine. Cet officier fit tous ses efforts pour réprimer la traite et fortifier les relations entre les naturels et les colons. Dans son rapport, il représente la colonie comme très-florissante, les colons en bonne santé, satisfaits, et vivant en harmonie avec les naturels du pays.

Le 11 avril, la goëlette la Doris arriva à Liberia, de la rade de Hampton, en Virginie, ayant à bord 93 émigrés, la plupart de la Caroline du nord. Ils furent établis à Caldwell, sur le SaintPaul.

(1) Il est bon de remarquer que ce navire venait de faire antérieurement une longue campagne de croisière aux Indes occidentales.

(2) Histoire de la colonie de Liberia, depuis le mois de décembre 1821 jusqu'en 1823, par J. Ashmun, rédigée d'après les archives de la colonie; 42 p. in-8°. Washington, 1826.

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D'après un décret de la cour suprême des États-Unis, 142 Africains, repris des navires négriers, furent renvoyés dans leur pays natal à bord du navire Norfolk. Ce navire partit de la Savannah en Géorgie, le 10 juillet, et jeta l'ancre au Cap Montserado le 27 août. L'agent trouva moyen de les placer pour environ trois ans chez les colons, excepté une vingtaine qui restèrent à la charge des États-Unis.

La population de la colonie, y compris ces émigrés, était alors de plus de 1200 individus. De ce nombre, 533 furent introduits en 1827.

Le 15 janvier 1828, le brick la Doris arriva des États-Unis à Liberia avec 107 passagers, dont 62 esclaves affranchis. Dans la longue traversée de soixante-un jours, une seule personne âgée mourut, mais ensuite 24 périrent de maladie.

Le 17 du même mois, la goëlette Randolph arriva des États-Unis, après un voyage de vingt-six jours, avec 26 Africains qui avaient été affranchis par leurs maîtres, près Cheraw, dans la Caroline

du Sud.

Le 19 février, le Nautilus arriva à Liberia, après un voyage de cinquante-quatre jours, de la rade de Hampton, en Virginie, avec 164 passagers de la Caroline du Sud.

Dans le dernier rapport annuel de la Société américaine, il est dit qu'environ 600 hommes de couleur libres cherchaient un passage à Liberia; que six propriétaires avaient offert 165 esclaves à la Société, et qu'on en avait demandé l'exportation de plus de 200; que le navire Harriet allait mettre à la voile de Norfolk, ayant bord 160 émigrés, destinés pour l'établissement de Saint-Paul. De ce nombre, 18 étaient de Norfolk, 67 de Richmond, et 19 de Petersburg, en Virginie.

à

L'accroissement annuel des gens de couleur esclaves et libres des États-Unis est évalué à 52,000. Si on retranche ceux qui n'arrivent pas à l'âge de puberté, et ceux au-delà de 50 ans, qui n'ajoutent rien à l'accroissement, il faut en transporter annuellement

30,000, afin de diminuer la population de cette race. L'accroissement annuel des noirs libres n'étant que de 6,000, il sera facile de les envoyer en Afrique (1).

Acquisitions de terres. Les agens de la Liberia ont trouvé moyen d'augmenter le territoire par plusieurs acquisitions importantes de terres. 1o Toute la rive gauche de la crique de Stockton, depuis le Montserado jusqu'à la rivière Saint-Paul, fut achetée le 11 mai 1825. Il y a trois établissemens florissans dans ce district. 2o Toute la rive droite de l'île de Bushrod a été cédée à la Société, et plusieurs familles y sont établies. Le sol en est fertile; la situation en est agréable. L'acte de cession de ce territoire fut exécuté sur la rivière Saint-Paul, le 15 décembre 1827, entre l'agent de la Société, et Mary - Mac Kenzie, propriétaire de la partie septentrionale de ladite île, qui renferme, dit M. Ashmun, 20,000 acres de terres basses, destinées à devenir le verger du district de Montserado.

2o Les rois Pierre, Long Pierre, Gouverneur, Zoda et Jimmy, en personne et par leurs représentans, pour eux-mêmes et leur peuple, d'une part, et J Ashmun et C. M. Waring, agent et viceagent de la Société américaine, de l'autre, s'étant assemblés, le 11 mai 1825, à Goerah, dans l'île de Bushrod, ont signé une paix perpétuelle. La colonie américaine s'engage à ne jamais troubler lesdits rois ni le peuple dans la possession tranquille des terres qu'ils occupent ou pourront occuper à l'avenir. Avec leur consentement, la colonie doit prendre possession de terres non occupées, bornées vers l'ouest par la crique de Stockton, au nord par le Saint-Paul, avec la libre navigation de cette rivière. En considération de ce droit, la Société de colonisation paiera 500 bars de tabac, 3 barriques de rum, 5 de poudre, 5 pièces de long buff, 5 caisses de pipes, 10 fusils, 5 ombrelles, 10 pots de fer et 10

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(1) V. M. Clays'address at the voth annual meeting of the Colonisation Society.

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