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des ministres du culte; enfin, l'article 68 des Organiques fait rentrer dans le traitement des vicaires et desservants le produit des oblations.

Ces dispositions reconnaissent à l'Eglise la faculté d'acquérir et de posséder; c'est, dans une mesure, rétablir les principaux établissements ecclésiastiques.

Mais n'allait-on pas de la sorte reconstituer une nouvelle mainmorte? Les articles 73, et 74 des Organiques ont précisément pour objet de prévenir cette conséquence. Ils règlent les conditions dans lesquelles les ministres des cultes pourront posséder.

Si l'article 72 des Organiques est rédigé de manière à laisser croire qu'il restitue aux paroisses les presbytères et les jardins attenants, non aliénés, si l'article 75 rend aux évêques la jouissance des églises que l'Etat avait encore entre les mains, les articles 73 et 74 disposent que les fondations affectées à l'entretien des ministres et à l'exercice du culte, ne pourront consister qu'en rentes sur l'Etat, et seront, de plus, subordonnées à l'autorisation du Gouvernement; de même toute acquisition d'immeubles, hormis celle des édifices destinés au logement et les jardins attenants est prohibée.

Ces prescriptions suffisent à établir que l'intention du Gouvernement n'était point de laisser l'Eglise redevenir propriétaire de biens-fonds.

Le 18 août 1803, le cardinal Caprara, au nom du pape Pie VII, écrivit au ministre Talleyrand, pour protester contre les articles organiques (1).

(1) Voici ce qu'il dit de l'article 74 : « L'article 74 veut que les immeubles, autres que les édifices destinés aux logements et les jardins attenants, ne puissent être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte, raison de leurs fonctions. Quel contraste frappant

Ces dispositions prohibitives, il est vrai, ne tardèrent pas à tomber en désuétude. Le décret du 6 novembre 1813 trace les règles de conservation et d'administration des biens que possédait le clergé dans plusieurs parties de l'empire, proclame le rétablissement des menses épiscopales en France et nous fait entrer dans la seconde partie de ce travail ou nous étudierons les menses épiscopales depuis 1813 jusqu'à nos jours.

entre cet article et l'article 7, concernant les ministres protestants ! Ceuxci non seulement jouissent d'un traitement qui leur est assuré, mais ils conservent tout à la fois et les biens que leur Eglise possède, et les oblations qui leur sont offertes. Avec quelle amertume l'Eglise ne doit-elle pas voir cette énorme différence! Il n'y a qu'elle qui ne puisse posséder des immeubles les sociétés séparées d'elle peuvent en jouir librement, on les leur conserve, quoique leur religion ne soit professée que par une minorité bien faible, tandis que l'immense majorité des français et les consuls eux-mêmes, professent la religion que l'on prive légalement du droit de posséder des immeubles. » (ANDRÉ, Cours de droit canon, p. 225, Paris, 1844.)

DEUXIÈME PARTIE

LES MENSES EPISCOPALES DEPUIS 1813 JUSQU'A NOS JOURS

CHAPITRE PREMIER

RÉTABLISSEMENT DES MENSES ÉPISCOPALES

La mense épiscopale est un établissement ecclésiastique ayant une existence propre, jouissant de la personnalité civile et dont la mission légale est, d'après le Conseil d'Etat, d'améliorer la situation matérielle du titulaire (1).

L'évêque est son mandataire légal. Représentée par lui, la mense est « capable » pour tous les actes de la vie civile. Elle peut accepter des dons et des legs, acquérir à titre onéreux, aliéner, ester en justice.

La mense est régie par le décret du 6 novembre 1813 et l'ordonnance du 2 avril 1817.

I. Existence légale des menses. Les menses épiscopales ont été, comme « tous titres, offices, béné

(1) Cf. DUBIEF et GOTTOFREY, Traité de l'Administration des Cultes, Paris, 1892, t. II, n° 1767.

fices et prestimonies généralement quelconques », supprimées par la loi du 12 juillet 1790, article 20, lequel portait expressément défense d'en établir jamais de semblables. Le Concordat de 1801 n'en fait pas mention. La loi de germinal an X, ne les rétablit pas, puisque, tout au contraire, elle confirme les lois précédentes en déclarant supprimés tous établissements ecclésiastiques autres que les chapitres cathédraux, les fabriques et les séminaires.

Plusieurs contrées des Etats de Parme et de Plaisance, où existaient des menses épiscopales et curiales dotées de biens-fonds, furent annexées à la France. Ni les lois de la République, ni le Concordat n'y avaient été promulgués; les biens ecclésiastiques y étaient encore régis par les articles du Concile de Trente, lequel n'était point reçu en France. C'est dans ces conditions qu'intervint le décret du 6 novembre 1813. On en a contesté la légalité; on a soutenu qu'il était inconstitutionnel, parce que, contrairement à la défense portée par la loi de 1790, il rétablissait de véritables offices, bénéfices ou patrimoines. On répond à cela que le décret, rendu en Conseil d'Etat, n'a pas été attaqué devant le Sénat dans les formes et délais prévus par la Constitution de l'an VIII, alors en vigueur; s'il est irrégulier, cette irrégularité se trouve done couverte. Cette opinion est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation.

On a dit également que, à supposer que le décret du 6 novembre 1813 fût légalement obligatoire, il n'était applicable que « dans quelques parties du territoire », d'après les termes mèmes de son intitulé : « Décret impérial sur la conservation et l'adminis

tration des biens que possède le Clergé dans plusieurs parties de l'Empire. »

par

Mais, outre que le texte ne détermine pas les ties du territoire auxquelles il est fait allusion, cette interprétation restrictive tombe devant les déclarations de Bigot de Préameneu. Celui-ci dit, en effet, dans son exposé des motifs : « Qu'il est convenable qu'il y ait à cet égard un régime uniforme dans toutes les diverses parties de la France (1). »

Le décret du 6 novembre 1813 est donc une véritable loi, obligatoire pour toute l'étendue du territoire, où la jurisprudence s'est formée en ce sens.

II. Loi du 2 janvier 1817. - La loi du 2 janvier 1817 donna plus de latitude aux menses épiscopales :

<< Tout établissement ecclésiastique, reconnu par la loi, pourra accepter, avec l'autorisation du roi, tous les biens meubles ou immeubles, ou rentes qui lui seront donnés par actes entre vifs, ou par acte de dernière volonté. » (Art. 1er.)

<<< Tout établissement ecclésiastique, reconnu par la loi, pourra également, avec l'autorisation du roi, acquérir des biens immeubles ou des rentes. >> (Art. 2.)

«Les immeubles ou rentes appartenant à un établissement ecclésiastique seront possédés à perpétuité par ledit établissement et seront inaliénables, à moins que l'aliénation n'en soit autorisée par le roi.» (Art. 3.)

Cette loi dont l'application a été déterminée par

(1) Archives Nationales, A. F. IV, 805. Cité par DUBIEF et GOTTOFREY Op. cit., t. II, p. 441.

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