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l'autorisation d'accepter les dites libéralités, doit ètre accordée (1). »

L'avis de principe du 17 mars 1880 ne s'est pas expliqué sur la question de savoir si dans l'acceptation des libéralités faites aux diocèses, il est permis de remplacer ceux-ci par les établissements diocésains intéressés. Cette question a été résolue affirmativement par une note de la section de l'Intérieur, du 22 décembre 1885, relative à deux legs faits au diocèse de Saint-Claude, par la demoiselle Roumesse, l'un pour les prètres àgés ou infirmes et l'autre pour la fondation d'une bourse en faveur d'un séminariste. M. Tissier (2) ne peut approuver cette jurisprudence sans réserve. Il ne la trouve légitime que dans la mesure où elle tend à interpréter les donations et testaments, et non à les refaire. D'après lui, les établissements diocésains ne peuvent revendiquer les libéralités faites aux diocèses qu'autant que sous le nom de ceux-ci, les donateurs ou testateurs ont entendu instituer ceux-là; en d'autres termes, il n'est loisible aux établissements diocésains d'intervenir aux lieu et place des diocèses dans l'acceptation des dons et legs adressés à ces derniers, qu'autant que cette intervention est conforme aux intentions des donateurs ou testateurs. Il ne faut donc pas dire d'une façon absolue que, par cela même, qu'un don et legs fait à un diocèse est susceptible de tourner au profit d'un établissement diocésain légalement reconnu, cet établissement a qualité pour l'accepter. Cette doctrine est plus sévère que celle adoptée jusqu'en 1880, par le Conseil d'Etat, qui,

(1) Cf. Avis du 26 mars 1841. (2) Dons et Legs, t. 1, p. 383.

jusqu'alors, avait permis à l'évèque de désigner l'établissement auquel devait profiter le don ou legs.

Legs Hude. — En 1892, l'évêque de la Rochelle avait été autorisé à accepter au nom de la mense épiscopale un legs de M. l'abbé Hude. Celui-ci avait stipulé pour son légataire universel l'obligation d'offrir une partie de ses biens au diocèse, en la personne de Mgr l'Evêque. Un arrêt du 16 mai 1894, de la cour de Poitiers, prononçait la nullité de ce legs, par ce motif qu'il s'adressait non à la mense épiscopale, mais au diocèse, lequel est dépourvu d'existence civile.

Cet arrêt a été critiqué par M. Grousseau (1).

Nous n'hésitons pas à désapprouver cette décision, dit ce jurisconsulte. Il nous parait qu'une saine interprétation de la pensée de M. l'abbé Hude, devait conduire à dire que le legs au diocèse en la personne de Mgr l'Evêque, était un legs à l'évêché, parfaitement capable de recevoir avec l'autorisation du Gouvernement. En tout cas, la cour de Poitiers aurait dû se souvenir de la règle si sage tracée par l'article 1157 du Code civil: « Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire

aucun. >>

La cour d'Amiens fut mieux inspirée lorsqu'elle se prononça dans son arrêt du 16 février 1893, sur un legs, fait à l'administration épiscopale du diocèse de Soissons. Elle attribua le legs Gavet à la mense épiscopale.

(1) GROUSSEAU, Revue du culte catholique, t. 1, p. 254.

On aurait pu croire, qu'après avoir méconnu, en 1880, la capacité juridique du diocèse, le Conseil d'Etat continuerait au moins d'accorder une certaine latitude à la capacité de la mense épiscopale. Nous allons voir le contraire dans le chapitre suivant, où la jurisprudence se montre de plus en plus sévère, et applique, à cet établissement, le principe de la spécialité, avec une rigueur inouïe.

CHAPITRE QUATRIÈME

PRINCIPE DE LA SPÉCIALITÉ APPLIQUÉ AUX MENSES

ÉPISCOPALES

Les menses épiscopales sont aptes à recevoir, mais leur capacité est subordonnée au principe de la spécialité, qui la limite.

Règle de la spécialité. -M. Léon Béquet (1) a ainsi formulé cette règle. « La capacité des établissements publics a-t-il dit, est exclusivement bornée à l'exécution du service à raison duquel ils ont été institués. C'est pour accomplir une fonction administrative que la vie civile leur a été donnée; au delà de cette fonction, ils ne peuvent rien, ils n'ont droit à rien, ils ne sont rien. >>

D'après M. Ducrocq. les établissements publics <«< ne sont investis de la personnalité civile qu'en vue de l'accomplissement de leur fonction déterminée par la loi. Leur capacité civile est soumise, comme leur fonction, à cette règle de la spécialité. Il en est ainsi, parce que la fonction étant la raison d'être de la capacité juridique, cette dernière manque de base légale, lorsqu'une libéralité est faite à l'établissement, dans un but autre que celui pour lequel il a été créé et doté de la personnalité civile. Cette règle,

(1) De la capacité des fabriques, pour recevoir des dons et legs faits en faveur des pauvres. (Revue générale d'administration, 1881, t. III, p. 27.)

dite de la spécialité, n'est qu'une application de cette vérité fondamentale que la capacité des personnes civiles n'est jamais aussi étendue que celle des personnes physiques; qu'elle est toujours limitée à certains actes de la vie civile; que cette limitation est variable suivant chaque nature d'établissements; et que, mème chez ceux qui la possèdent de la manière la plus étendue, comme les établissements publics, elle est restreinte par la loi aux conditions et aux besoins de leur fonctionnement. En un mot, la personnalité civile n'est pas une notion absolue, ni toujours égale; elle est au contraire une notion relative, variant d'étendue avec chaque groupe d'établissements et appropriée à la nature de chacun d'eux. >>

La spécialité de la mense épiscopale met donc obstacle à ce qu'elle reçoive les dons et legs qui lui seraient faits sous des charges et conditions étrangères à sa condition légale.

Mais cette capacité de la mense épiscopale, limitée au point de vue du droit public et administratif, l'est-elle également dans le domaine du droit civil? C'est là l'objet d'une grave controverse que nous étudierons après avoir exposé la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui a fait naitre le principe de la spécialité.

La règle de la spécialité a été reconnue à toutes les époques par le Conseil d'Etat; son hésitation n'a jamais porté sur le principe même, mais manière de l'interpréter et de l'appliquer.

sur la

Les principales difficultés qu'il a été appelé à résoudre et qui ont eu le plus de retentissement, se sont présentées en matière de libéralités scolaires

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