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CHAPITRE TROISIÈME

ADMINISTRATION DE LA MENSE ÉPISCOPALE

Pour chacune des différentes catégories de possessions qui appartiennent à la mense, l'évèque jouit des mêmes droits que les seigneurs laïques, et le domaine épiscopal ne diffère pas des autres domaines seigneuriaux, quant au mode d'administration et de perception des revenus.

L'évêque est l'administrateur de la mense épiscopale, soit par lui-même, soit par ses délégués. Il a la capacité juridique, pour acquérir, à titre gratuit et onéreux, aliéner, faire les réparations, consentir les baux, donner à cens et à rentes, opérer le recouvrement des revenus, redevances et dimes. Mais, pour chacun de ces actes, il doit se conformer aux règles des conciles, décrétales, lettres patentes, édits, ordonnances, arrêts de règlement, déclarations royales promulguées dans le royaume. Pour plus de clarté, nous traiterons, article par article, les diverses opérations qui rentrent dans l'admininistration de la mense.

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I. Règles du droit canonique. Les règles du droit canonique, au sujet des biens d'Eglises, sont résumées dans cette décrétale d'Alexandre III, adressée

au huitième siècle, à l'archevêque de Paris : « Tout prélat ou bénéficier peut rendre la condition de son Eglise meilleure, mais jamais pire. Conditionem ecclesiæ meliorare potest, facere deteriorem non debet ». Par conséquent, liberté d'acquérir et défense d'aliéner.

II. Conditions imposées par le pouvoir civil. Sous les deux premières races, les évêques ont la capacité la plus absolue d'acquérir à titre gratuit ou onéreux. Plus tard, le droit d'amortissement, et, au dix-huitième siècle, l'édit de 1749, mettent un obstacle à la facilité qu'ont les menses épiscopales d'acquérir des biens indéfiniment.

Parlons d'abord du droit d'amortissement; nous examinerons ensuite l'édit de 1749, et nous terminerons par une autre formalité : l'insinuation.

Amortissement. - L'amortissement ou droit de mainmorte n'avait pas pour but, à l'origine, d'empêcher la propriété ecclésiastique de se développer; il ne fut pas non plus imposé par la préoccupation de l'intérêt général, comme le sera l'édit de 1749. Il devait fournir une compensation pécuniaire au suzerain, en échange des services et impôts féodaux que les gens d'Eglise et les biens incorporés au patrimoine ecclésiastique, ne pouvaient rendre.

Pour empêcher que le fief ne devint abrégé, c'està-dire, n'échappât à tout jamais et sans compensation à l'autorité des seigneurs, on eut d'abord recours à deux procédés bien connus celui de la revente forcée au bout de l'an et jour, et celui de l'homme vivant et mourant; puis on finit par laisser de côté toute fiction, en exigeant, une fois pour toutes, un droit d'amortissement qui s'élevait généralement au

revenu de deux années des biens qui étaient concédés à l'Eglise. Cette quotité, d'ailleurs, a varié suivant les temps et les lieux. Moyennant la somme versée, le seigneur consentait à ce que la terre devint bien de mainmorte; mais en vertu des principes féodaux, le consentement du suzerain immédiat ne suffisait pas, car l'amortissement diminuait aussi le domaine éminent du seigneur supérieur. Il fallait donc, pour amortir, remonter de suzerain en suzerain, jusqu'au seigneur souverain, baron, comte, duc ou roi, sans le consentement duquel l'amortissement n'était pas définitif.

A la fin du treizième siècle, le roi affirme son droit de souverain fieffeux de tout le royaume, et par suite, la nécessité de son autorisation pour tout amortissement.

On en vint enfin à ne plus payer l'amortissement qu'au roi et une indemnité au seul seigneur suzerain. L'indemnité donnée au suzerain immédiat fut regardée elle-même comme un simple accessoire, et le droit d'amortissement versé au fisc royal devint le principal.

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Taxe de nouvel acquêt. Grâce à une théorie nouvelle des jurisconsultes du seizième siècle, le droit d'amortissement est censé venir d'une loi antérieure à la féodalité, interdisant de tout temps, dans la monarchie franque, l'acquisition de biens par les établissements ecclésiastiques, sans l'autorisation du roi: l'amortissement n'est, d'après le système nouveau. qu'une taxe de nouvel acquêt payée par l'Eglise à l'occasion de l'autorisation royale.

Dès lors, il n'y a plus de distinction à établir entre les fiefs et les alleux; tout nouvel acquèt est soumis à un droit du fisc.

Pour terminer tous les conflits élevés entre les gens d'église et les agents du roi, Louis XIII accorda, par le contrat de Mantes, un amortissement général, moyennant une somme de 5 millions et demi de livres, consentie par le clergé.

La théorie nouvelle faisant toujours son chemin, on se sert de l'amortissement pour entraver les acquisitions de biens par l'Eglise, qui, à la vérité, sont exagérées et nuisent à l'intérêt général.

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Edit de 1749. L'édit de 1749 continue de laisser toute liberté pour l'acquisition des meubles. Quant aux immeubles, il est absolument interdit aux gens de mainmorte de les recevoir par testament, à l'exception des rentes constituées sur l'Etat et le clergé. Par tous les autres modes de transmission, vente, donation, échange, les établissements ecclésiastiques, les menses épiscopales, ne peuvent acquérir d'immeubles, qu'après en avoir obtenu l'autorisation, accordée par lettres patentes du roi.

En résumé, les menses épiscopales ont eu liberté absolue d'acquérir des immeubles à titre gratuit et onéreux jusqu'en 1749. A partir de ce moment, il faut, en plus des droits d'amortissement à payer, obtenir l'autorisation royale par lettres patentes.

Insinuation. Une autre formalité, relative aux donations, supprimée par la féodalité, fut rétablie au seizième siècle par l'édit de 1539 (art. 132), proclamant la nécessité de l'insinuation : « Toutes les donations non insinuées seront réputées nulles et ne commenceront à avoir leur effet que du jour de la dite insinuation. >>

Auparavant il suffisait de s'adresser à deux notaires et de faire rédiger les intentions des parties.

Les donations à charge de services religieux et à charge de fondations exceptées par l'édit de 1539, furent également soumises à l'insinuation par l'ordonnance de février 1731. Déjà en 1691, un édit de Louis XIV soumet à l'enregistrement « les acquisitions à titre d'achapt, fondations testamentaires ou autres titres, transactions sur procès, ainsi que les baux ». On devait payer pour chaque contrat d'achat ou de donations d'immeubles « 20 francs par rolle de deux pages, la page de vingt-deux lignes et la ligne de quinze syllabes, et 10 francs par rolle, pour les contrats d'aliénation, engagements, engagements,

transac

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que aussi bien que les Capitulaires des rois défendirent de bonne heure l'aliénation des biens d'Eglise, sauf pour quatre motifs : « necessitas, utilitas, pietas et incommoditas ».

Necessitas. Par la nécessité, on entend l'obligation de payer des dettes de la mense ou de satisfaire à un devoir de justice. Une mense est tenue, par exemple, de la réparation de la cathédrale ou autres bâtiments; si elle n'a aucun autre moyen de se procurer des ressources, l'évèque peut vendre quelques immeubles.

Utilitas. - Il est utile d'aliéner un immeuble lorsque la vente produit plus d'avantages que la possession du bien en question; dans ce cas, la vente est permise, alors même que le donateur aurait inséré la clause de non-aliénation.

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