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Je demeure à Orléans, et j'ai trois mille livres à recevoir à Lyon. Je vais trouver un marchand à Orléans qui fait commerce à Lyon, à qui je propose de lui donner une lettre de change de trois mille livres sur mon débiteur de Lyon, pour trois mille livres qu'il me comptera ici. Il veut bien prendre ma lettre de change; mais, ne se fiant pas à moi, il ne me veut compter les trois milles livres que lorsqu'il aura eu avis de son correspondant de Lyon, que la lettre de change que je lui aurai donnée aura été acquittée; et pour cela il me donne un billet portant reconnoissance de la lettre de change, et promesse de payer lorsqu'elle aura été acquittée. Il étoit autrefois d'usage en ce cas de concevoir la lettre de change en ces termes, valeur entendue, ce qui signifie que la valeur n'en a pas encore été fournie à celui qui a donné la lettre de change. Savary nous apprend que cette quatrième espèce de lettre de change n'est plus en usage.

Le tireur, dans cette espèce, ne fait plus de difficulté d'exprimer valeur reçue comptant, regardant la reconnoissance qu'on lui a donnée comme de l'argent comptant; ou bien l'on met, valeur en compte.

Cette espèce de lettre de change valeur en compte, est aujourd'hui d'un fréquent usage. Elle se fait, de même que celles de la seconde espèce, en exécution d'un contrat de change: celui qui me la fournit, échange l'argent qu'il me donne à recevoir dans le lieu où elle est tirée, contre celui qu'il me doit, et dont je m'oblige de lui tenir compte ici.

12. Il y a une autre division de lettres de change, qui se tire des différens temps dans lesquels elles sont payables.

La première espèce est de celles qui portent qu'elles sont payées à vue.

Ces termes à vue, signifient que la lettre doit être acquittée aussi-tôt que le porteur la présente.

13. La seconde espèce est de celles qui sont à tant de jours de vue, comme à six jours de vue, à huit jours de

vue, etc.

Ces lettres renferment un terme de paiement qui ne

court que du jour de la vue, c'est-à-dire, du jour qu'elles ont été présentées et acceptées par celui sur qui elles sont tirées; et dans ce temps on ne compte point le jour de l'acceptation, suivant cette règle, qu'en fait de délais, le jour duquel court le délai, n'est pas ordinairement compté dans le délai; Dies à quo, non computatur in termino. Si donc j'ai une lettre de change payable à six jours de vue, et que je la fasse accepter le premier d'octobre, l'accepteur aura de droit, suivant le texte de la lettre, un terme de paiement de six jours, qui ne courra que depuis le premier octobre, icelui jour non compris, et n'expirera par-conséquent que le 7 octobre.

14. La troisième espèce est de celles qui sont payables à un certain jour nommé, comme au 15 octobre prochain.

15. La quatrième espèce est de celles qui sont payables à une usance ou à deux, ou à un plus grand nombre d'usances.

Ce mot d'usance vient d'usage, et signifie le temps qu'il est d'usage dans un pays d'accorder pour le paiement des lettres de change.

Ce temps est réglé par l'ordonnance de 1673, tit. 5, art. 5, à trente jours, soit que le mois de la date de la lettre de change ait plus ou moins de jours.

Ce temps court du jour de la date de la lettre de change, icelui non compris.

Une lettre payable à une usance est donc une lettre payable dans les treute jours du jour de la date. Une lettre à deux usances est une lettre payable dans les soixante jours, etc.

S'il n'étoit pas dit simplement à tant d'usances, mais à tant d'usances de vue, il faudroit compter les usances, non du jour de la date de la lettre, mais du jour de la vue, c'est-à-dire, du jour de la date de l'acceptation, qui est celui auquel la lettre a été présentée; Savary parere 47.

16. La cinquième espèce est de celles qui sont payables à certains temps solemnels de foire.

Par exemple, il y a à Lyon quatre temps solemnels

de foire, qu'on appelle vulgairement les paiemens de Lyon, qui sont cliacun d'un mois; savoir, celui des Rois, celui de Pâques, celui d'Août, et celui de la Toussaints.

Les lettres de change payables à ces temps de foire, ne font mention que du temps de la foire, sans faire autre mention précise du jour.

Suivant un réglement du 2 juin 1667, juin 1667, rendu pour Lyon, art. I, les paiemens doivent se faire depuis le premier jour jusqu'au sixième inclusivement; et l'on peut commencer dès le septième jour les poursuites faute de paiement *.

CHAPITRE II,

Des personnes qui interviennent dans la négociation de la Lettre de change, et de la qualité qu'elles doivent avoir,

5. I.

Des personnes qui interviennent dans la négociation de la lettre de change (IV).

17.

IL intervient ordinairement quatre personnes dans la négociation d'une lettre de change: il en faut au

moins trois :

1.° Celui qui fournit la lettre de change, qu'on appelle trahens, ou tireur.

2. Celui qui acquiert du tireur la lettre de change pour la valeur qu'il lui en compte ou qu'il s'oblige, de lui compter on l'appelle donneur de valeur, ou

remittens.

*

Voyez sur tout ceci l'Ordonna co de 1673, titre 5, Jousse et Bernier sur cette Ordonnance,

Le Répertoire de Jurisprudence, au mot Lettre de Change, el le Code de Commerce, titre 8.

Observez que je ne suis pas moins censé être le donneur de valeur, acquéreur et propriétaire de la lettre de change, quoique je n'en aie pas moi-même compté la valeur au tireur, et que ce soit un autre qui la lui ait comptée pour moi et pour mon compte ; car fictione brevis manús, je suis censé avoir reçu de mon correspondant la somme qu'il a comptée pour mon compte et en mon nom au tireur, et l'avoir moi-même donnée au tireur, comme dans cette espèce : Robert d'Orléans a écrit à Pierre de Paris, son correspondant, de lui chercher une lettre de change de tant sur Lyon. Pierre ayant trouvé Paul qui avoit des lettres de change à tirer sur Lyon, et Pierre ne voulant pas être garant de la lettre, prend de Paul, pour le compte de Robert, une lettre de change conçue en ces termes : M. Jacques de Lyon, vous paierez à l'ordre de Robert d'Orléans la somme de tant, valeur reçue de Pierre. Ce n'est point Pierre qui est censé intervenir dans la négociation, si ce n'est pour prêter à Robert la somme qu'il compte pour lui au tireur : c'est Robert qui contracte avec ce Paul par le ministère de Pierre; c'est Robert qui est l'acquéreur et le propriétaire de la lettre de change, et aux risques de qui elle est.

3. Celui à qui elle est adressée et qui la doit payer. Lorsqu'il l'a acceptée, il s'appelle accepteur, ou acceptans.

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4. Celui qui en doit recevoir la valeur, et à qui pour cet effet le donneur de valeur passe son ordre au dos de la lettre, et la lui remet afin qu'il la reçoive pour ledit donneur de valeur, et comme son mandataire. On appelle cette personne le porteur de la lettre, ou præ

sentans.

18. Quelquefois néanmoins cette négociation se fait en trois personnes seulement; savoir, lorsque celui qui a donné la valeur et qui a reçu la lettre de change est un voyageur qui doit aller en recevoir lui-même le paiement au lieu où la lettre de change doit être payée : il est en même-temps le donneur de valeur et le por teur, le remittens et le præsentans.

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9. Il y a encore deux autres cas où il ne paroît que

trois personnes dans la négociation de la lettre de change.

Le premier est lorsque celui sur qui la lettre est tirée, est en même temps le commissionnaire du tireur et de celui à qui la lettre est fournie, et qu'en conséquence la lettre de change porte: Vous paierez à vous-même la somme de tant, valeur reçue comptant d'un tel.

Observez que quoique dans cette négociation il ne paroisse que trois personnes, il y en a véritablement quatre; car celui à qui l'on écrit de payer à soi-même, tient la place de deux personnes. Il est le mandataire du tireur; il acquitte pour le tireur la lettre de change : il est le mandataire du donneur de valeur, puisqu'il reçoit pour le donneur de valeur : il est donc en même temps: acceptans et presentans.

20. Le second cas est lorsque je tire une lettre de change sur mon débiteur, valeur en moi-même. Il n'y a que trois personnes dans cette négociation; mon débiteur, qui doit payer la lettre de change; mon correspondant, qui doit la recevoir pour moi; et moi, qui suis tout-à-la-fois et le tireur et le donneur de valeur. Mais cette lettre n'est pas proprement lettre de chancomme nous l'avons déjà observé suprà, n.

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10.

21. De même que dans la négociation d'une lettre de change une seule personne tient lieu quelquefois et fait la fonction de deux, comme nous le venons de voir, de même aussi quelquefois plusieurs personnes ne tiennent lieu que d'une partie; comme lorsque plusieurs associés fournissent ensemble à quelqu'un une lettre de change, tous ces associés ne sont qu'une même partie dans la négociation; ils s'engagent tous solidairement comme tireurs de la lettre, envers celui à qui ils la fournissent. Pareillement, lorsque la lettre est tirée sur plusieurs associés qui l'acceptent, ils sont tous ensemble et solidairement accepteurs, et ne sont tous ensemble qu'une même partie dans la négociation. (V).

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