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la propriété de la lettre de change le cessionnaire que du jour qu'il l'a signifié à l'accepteur sur qui la lettre est tirée, qui est le debiteur de la lettre: en conséquence, suivant les principes établis en notre Traité du Contrat de Vente, n. 555, le paiement de la lettre de change qui seroit fait au cédant depuis ce transport fait par acte séparé, mais avant la signification, seroit un paiement valable qui opéreroit la libération tant de l'accepteur que du tireur.

Au contraire l'endossement saisit de plein droit de la lettre de change et de tous les droits de l'endossur, celui au profit de qui l'endosseur a passé son ordre, et dès-lors le paiement de la lettre ne peut plus être fait à l'endosseur.

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On entend assez que nous n'avons parlé jusqu'à présent que de l'espèce d'endossement qui renferme une cession et transport de la lettre de change: l'endosseur, dans l'autre espèce d'endossement, qui ne renferme qu'un simple mandat, demeurant le propriétaire et le véritable créancier de la lettre de change, 'il n'est pas douteux que le paiement peut lui en être valablement fait, de même qu'à celui à qui il a passé son ordre.

166. Le paiement d'une créance ne pouvant, suivant les principes établis en notre Traité des Obli gations, n. 468, être valablement fait, même au véritable créancier, qu'autant qu'il est capable d'administrer son bien; il suit de-là que si le propriétaire de la lettre de change, avant que de s'en faire payer, meurt, et laisse des héritiers mineurs et nou usans de leurs droits, le paiement de la lettre ne peut être valablenient fait qu'à leur tuteur; et celui que l'accepteur auroit fait à ces mineurs ne le libéreroit pas envers eux ni envers le tuteur, si ce n'est que jusqu'à concurrence de ce que la somme payée auroit tourné à leur profit.

Il en seroit autrement si la lettre avoit été passée au profit d'un mineur, quoiqu'il ne fût pas marchand, ni usant de ses droits : le paiement de la lettre que celui sur qui la lettre est tirée, auroit fait à ce mineur, seroit valable vis-à-vis du tireur qui lui en a donné

l'ordre, selon cette règle de droit: Quod jussu alterius solvitur, perinde est ac si ipsi solutum esset ; L. 180, ff. de Reg. Jur. Il n'importe quel e soit la personne à qui le paiement est fait; L. 4, Cod. de Solut. Mais si ce mineur avoit dissipé la somme qu'il a reçue pour le paiement de la lettre de change, et que le ureur de la lettre, qui la lui a donnée à recevoir, ne pût justifier que ce mineur en a fait un emploi utile, ce mineur seroit restituable contre le billet qu'il auroit fait au tireur, par lequel il seroit oblige envers le tireur de lui donner la valeur de la lettre.

167. Lorsqu'une lettre de change a été passée à une femme usante de ses droits; si cette femme propriétaire de la lettre de change, avant de s'en faire payer, s'est mariee, et a passe sous la puissance de mari, le paiement de la lettre ne peut plus être fait valablement qu'à son mari ; et celui qui seroit fait à cette femme par l'accepteur qui la connoîtroit, ne seroit pas valable, et ne libéreroit pas l'accepteur, ni envers elle, ni envers son mari, ni envers le tireur de la lettre et ses ayans cause, si ce n'est jusqu'à concurrence de ce que la somme payée auroit tourné au profit de cette femme ou de son mari.

Mais si l'accepteur ne connoissoit pas l'état de cette femme, qui a été mariée dans un lieu éloigné de celui de sa demeure, et qu'il eût de bonne-foi payé la lettre de change à cette femme, le paiement seroit valable, et opéreroit la libération de l'accepteur, à cause de sa bonne-foi. C'est en ce cas la faute du mari d'avoir laissé la lettre de change entre les mains de sa femme, ou du moins de n'avoir pas averti celui sur qui la lettre étoit tirée, qu'il étoit devenu le mari de cette femme, lorsqu'il lui a fait le paiement de la lettre. On ne peut alléguer pour cet effet le texte de Droit où il est dit: Qui cum alio contrahit, debet esse gnarus conditionis ejus cum quo contrahit: ce texte ne peut recevoir d'application. Quand j'ai contracté avec quelqu'un, rien ne m'obligeoit de contracter avec lui, et j'ai pu prendre le temps de m'informer auparavant qui il étoit, si je ne le connoissois pas : mais un banquier à qui l'on présente une lettre de change au jour

de son échéance, est obligé de l'acquitter le jour même, et il ne peut pas avoir le temps de s'informer de l'état de toutes les personnes qui lui en présentent journellement.

168. Le principe que le paiement de la lettre de change, pour être valable, doit être fait au propriétaire de la lettre, ou à quelqu'un qui ait pouvoir de lui, ou qualite pour recevoir pour lui, sert à la décision de la question suivante.

Le proprictaire de la lettre de change l'a envoyée par la poste à son correspondant sur le lieu où elle est payable; il a passé son ordre à ce correspondant afin qu'il la reçût pour lui: le courier de la poste est attaqué en chemin par des voleurs, et dévalisé. Avant qu'on ait pu donner avis de l'accident à l'accepteur sur qui la lettre est tirée, l'un des voleurs, qui s'est emparé de la letre, se présente avec la lettre sous le faux nom de celui a qui l'ordre en est passé, et en reçoit le paiement de l'accepeur. Ce paiement opère-t-il la libération, soit de l'accepteur, soit du tireur, envers le propriétaire de la lettre? Scaccha, § 2, g'.5, n. 340, décide, conformement au principe ci-dessus , que ce paiement n'est pas valable, et ne peut opérer la libération ni du tireur ni de l'accepteur envers le propriétaire de la lettre de change, ce paiement ayant été fait à une personne qui n'avoit ni pouvoir du propriétaire de la lettre, véritable creancier de la somme y portée, ni qualité pour recevoir pour lui. Envain opposeroit-on que l'accepteur qui a payé la lettre à celui qui la lui a présentée en prenant faussement le nom de celui qui avoit ordre de la recevoir, a un juste sujet de croire, quand il a vu la lettre entre ses mains, qu'il étoit effectivement la personne qu'il se disoit être, et que le paiement qu'il lui a fait a été fait de bonne foi. La réponse est, que la dette que le tireur a contractée envers le donneur de valeur, propriétaire de la lettre de change, et ses successeurs, et à laquelle l'accepteur a accédé, n'est pas une dette d'un corps certain ; c'est une dette generis seu quantitatis, savoir, de la somme d'argent portée par la lettre que le tireur s'est obligé de lui faire payer au lieu où la lettre de change est tirée. Or il y a une

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que

grande différence entre les dettes d'un corps certain, et les dettes generis seu quantitatis, telle qu'est celle d'une somme d'argent. Dans les dettes d'un corps certain, la chose due est aux risques du créancier à qui elle est due; le débiteur en est libéré lorsque sans sa faute il a cessé de l'avoir en sa possession: d'où il suit le débiteur l'a payée à une personne qu'il avoit sujet de si croire munie du pouvoir du créancier, quoiqu'elle ne le fut pas, ce paiement est valable, opère sa libération, puisque par ce paiement il a cessé, sans aucune faute de sa part, d'avoir en sa possession la chose due. Par exemple, si vous m'avez vendu votre cheval; que j'aie envoyé Pierre avec un billet par lequel je vous marquois de livrer ce cheval à Pierre qui vous présenteroit ce billet; qu'un voleur en chemin ayant ravi ce billet à Pierre se soit présenté à vous en se disant faussement être Pierre, et que vous lui ayiez livré le cheval; il n'est pas douteux que par ce paiement vous êtes libéré envers moi de la deite de ce cheval; parce que cette deite est la dette d'un corps certain que vous avez livré de bonne foi à celui que vous aviez sujet de croire muni de mon pouvoir pour l'emmener. Il n'en est pas de même des dettes generis, telle qu'est la dette d'un somme d'argent. On ne peut donc pas dire à l'égard de ces dettes, que la chose due est aux risques du créancier à qui elle est due; parce qu'on ne peut pas précisément déierminer quelle est la chose qui est due ; c'est pourquoi, quand mêine le débiteur d'une somme d'argent auroit perdu par une force majeure les deniers qu'il destinoit pour le paiement de cette somme, il n'est pas pour cela libéré; Incendium ære alieno non exuit debitorem ; L. 11, Cod. si cert. pet. ; et par la même raison, le paiement que le débiteur a fait, quoique saus sa faute, à une personne qu'il croyoit de bonne foi avoir pouvoir du créancier pour recevoir, quoiqu'elle ne l'eût pas, ne peut le décharger de cette dette, à moins que ce ne soit par la faute du créancier qu'il ait été induit

en erreur.

Mais, dira-t-on, si le débiteur d'une somme d'argent l'a payée à celui qui avoit la procuration du créancier; ce paiement, quoique fait depuis la révocation de la procuration, est valable, à cause de la bonne foi du

débiteur, qui voyait la procuration et en ignoroit la revocation; L. 12, §. 2; L. 34, §. 3; L. 51, ff. de solur. Cependant ce paiement est fait en ce cas à une personne qui, au moyen de la révocation de la procuration, n'avoit pas pouvoir du créancier pour recevoir; donc pareillement, dans cette espèce, le paiement de la dette d'une soinme d'argent fait à une personne qui n'avoit pas pouvoir du créancier, doit operer la libération du debiteur, à cause de la bonne foi du débiteur, lorsque ce debiteur a eu un juste sujet de croire que celui à qui il payoit avoit ce pouvoir.

La repouse est, que si dans l'espèce de la révocation d'une procuration le paiement est valable, ce n'est pas precisement à cause de la bonne foi du debiteur ; c'est parce que le débiteur a été induit en erreur par la faute du creancier, qui a manque de l'avertir de la révocation de la procuration. Mais lorsqu'il n'y a aucune faute de la part du créancier, la seule bonne foi du debiteur, qui a eu un sujet de croire que celui à qui il payoit avoit pouvoir pour recevoir, quoiqu'il ne l'eût pas, ne rend pas valable le paiement d'une somme d'argent; c'est pourquoi Julien, en la loi 34. §. 4, d. tit. dit: Si nullo mandato intercedente debitor falsò existimaverit voluntate meâ pecuniam se numerare non liberabitur.

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On pourroit peut être encore opposer contre notre décision, que le paiement fait au fondé de procuration depuis la mort du créancier, mais avant qu'elle ait pu être connue du débiteur est valable. La reponse est, que la loi æquitate et utilitate ita suadente, proroge le pouvoir, qui finit par la mort, jusqu'au tems qu'elle ait pu être connue: c'est pourquoi l'on peut en ce cas dire en quelque façon que la personne à qui le paiement a été fait, avoit pouvoir pour recevoir; et conséquemment le paiement est valable.

169. Ce que nous venons de décider que le paiement de la lettre de change fait par l'accepteur, quoique de bonne foi, à une personne qui n'avoit pas pouvoir de le recevoir, n'opère pas la libération du tireur ou de l'accepteur, souffre beaucoup plus de difficulté lorsque c'est par la faute du propriétaire de la lettre de change

ου

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