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ou du porteur de la lettre, son mandataire, que l'accepteur a été induit en erreur ; comme lorsque le propriétaire de la lettre de change l'a égaree, et que l'accepteur avant que d'avoir été averti de se faire certifier de la personne qui la lui présenteroit, l'a payée à un filou à qui elle est parvenue, qui a pris le nom de celui à qui elle étoit payable. Il semble que dans cette espèce l'accepteur peut dire au propriétaire de la lettre : C'est votre faute, ou celle de votre mandataire, dont vous êtes responsable, de n'avoir pas eu le soin que vous deviez avoir de conserver la lettre que vous étiez chargé de me faire présenter, et de l'avoir égarée: c'est cette faute qui a fait tomber la lettre entre les mains du filou, et qui m'a induit en erreur: je ne dois pas souffrir de votre faute, et vous payer la lettre que j'ai déjà, par votre faute, payée au filou qui me l'a présentée. Néanmoins des négocians m'ont assuré que même en ce cas l'accepteur ne pouvoit pas se dispenser de payer une seconde fois la lettre au propriétaire; qu'il ne pouvoit pas lui opposer qu'il avoit été induit en erreur par sa faute; parce que c'étoit lui-même qui étoit en faute; la règle du commerce étant qu'un banquier ne doit pas payer une lettre de change à la personne qui la lui présente, lorsqu'il ne la connoît pas, sans se faire certifier qu'elle est celle à qui la lettre est payable.

La question ne souffriroit aucune difficulté, si l'accepteur avoit été averti, soit par le texte de la lettre de change, soit par une lettre d'avis, de se faire certifier la personne qui présenteroit la lettre.

S. I I.

Par qui le paiement de la lettre de change peut-il être fait?

170 Le paiement de la lettre peut se faire non-seulement par celui sur qui elle est tirée, par les personnes indiquées dans la lettre en cas d'absence ou de refus de celui sur qui elle est tirée, et par ceux qui ont mis leur aval au bas de l'acceptation; il peut encore être fait, mais seulement en cas de protêt, par quelque personne que ce soit, pour faire honneur au tireur ou à quelqu'un Traité du Contrat de Change.

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des endosseurs, et pour empêcher les poursuites qui seroient la suite du protét.

Observez que ce n'est qu'en cas de protêt qu'un étranger qui n'est ni indiqué par la lettre, ni intéressé à son acquittement, peut obliger le propriétaire de la lettre à en recevoir le paiement. (Art. 158 du Code de Commerce:) hors ce cas, il n'est pas reçu à lui payer

la lettre, si le propriétaire ne le veut bien. Cela est conforme aux principes que nous avons établis au Traitė des obligations, n. 464.

171. Quoiqu'à l'égard des autres dettes, l'étranger qui n'a aucun intérêt à les acquitter ne soit pas, en les payant, subrogé aux droits du créancier, s'il n'a pour cette subrogation le consentement du créancier ou du débiteur; néanmoins à l'égard des lettres de change l'étranger qui l'acquitte en cas de protêt est subrogé de plein droit à tous les droits du propriétaire de la lettre, quoiqu'il n'en ait point de transport, et que la quittance qui lui a été donnée ne fasse mention d'aucune subrogation qui lui ait été accordée, ou ne dise point qu'il l'ait requise. C'est la disposition de l'Ordonnance de 1673, tit. 5, art. 3. Cela a été établi jure singulari, pour engager davantage les amis du tireur et des endosseurs à leur rendre ce service, et à conserver par ce moyen l'honneur du commerce et le crédit des négocians. (Art. 159 du Code de Commerce.)

§. III.

Quand le paiement de la lettre de change peut-il étre fait, et sur quel pied?

172. La dette d'une lettre de change convient en cela avec les autres dettes, que lorsqu'il y a un terme apposé pour le paiement, le débiteur. ne peut être contraint au paiement qu'après l'échéance du terme.

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Elle a cela de particulier, 1°. qu'outre le terme ac-. cordé par la lettre de change, le débiteur jouit encore d'un certain terme qu'on appelle terme de grace, dont nous avons déjà parlé suprà, n. 139. Ce terme de dix jours, qui, suivant les termes de l'Ordonnance de

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1673, tit. 5, art. 4, sembleroit ne concerner que le porteur, est aussi en faveur du debiteur, si ce n'est dans les lieux où il y a un usage contraire: Declarations du Roi des 28 novembre 1713 et 20 fevrier 1714.

J'ai ouï dire à un ancien négociani que quelques per. sonnes pensoient que celui sur qui la lettre est tirée devoit jouir de ce terme de grace de dix jours indistinctement à l'égard de toutes les lettres de change, même de celles qui ne contiennent aucun terme, et qui sont payables à vue purement et simplement. Je ne crois pas cette opinion véritable; car, comme l'a fort bien observé M. Jousse en son Commentaire sur l'Ordonnance de 1667, page 620, l'Ordonnance qui accorde ce terme de grace, ne parle que des lettres acceptées, ou qui échéent à jour certain, et ne peut par conséquent être étendue à celles qui étant payables à vue, n'ont aucun jour certain d'échéance. D'ailleurs il seroit contre l'équité qu'une personne qui prend une lettre de change à vue sur une ville par où il doit passer sans y séjourner, et qui, pour continuer son voyage, a besoin de l'argent qu'on lui donne à recevoir par cette lettre, fût retenu dix jours dans cette ville pour en attendre le paiement.

173. 2.° Quoique dans les dettes ordinaires le terme soit présumé n'avoir été apposé qu'en faveur du débijeur, et qu'en conséquence le débiteur puisse obliger le créancier à recevoir le paiement de la dette avant l'échéance du terme, et sur son refus, consigner; au contraire dans les lettres de change, suivant la Décla❤ ration du 28 Novembre 1713, le porteur de la lettre de change ne peut être obligé à en recevoir le paiement avant l'échéance du terme La raison est, que les marchands ayant ordinairement besoin de leur argent dans un certain lieu, à jour nommé, le terme dans les lettres de change est censé apposé aussi-bien pour le créancier que pour le débiteur.

174. C'est encore une chose qui est particulière aux lettres de change, que lorsque le porteur de la lettre ne s'est pas présenté pour la recevoir au dernier jour du terme de grace, ou s'il n'y en a pas,

au jour même de l'échéance de la lettre, et qu'il soft depuis survenu une diminution sur les espèces, le porteur de la lettre soit tenu d'en recevoir le paiement sur le pied que les espèces diminuées valoient alors. C'est ce qui a été ordonné par la déclaration de 1713, contre les fraudes des porteurs de lettres de change, qui, pour éviter la perte d'une diminution d'espèces dont on etoit menace, ne se présentoient point pour recevoir le paiement de leurs lettres de change, quoiqu'échues, jusqu'à ce que la diminution fût arrivée ; et pour subvenir aux débiteurs, lesquels ignorant en quelles mains se trouvoit la lettre de change, etoient privés du moyen de se libérer par des offres et par la consignation. *

La disposition de cette loi ne peut avoir d'application qu'aux lettres de change qui ont une échéance certaine; elle ne peut s'appliquer aux lettres à vue. Mais dans celles-ci on stipule souvent que la lettre sera payable en espèces sur le pied de la valeur pour laquelle elles avoient cours au temps de la date de la lettre. C'est ce qu'on exprime par ces termes, vue, en espéces au cours de ce jour. (Art. 143 du Code de Commerce).

ARTICLE II

De la remise. (Art. 1282 du Code Napoléon).

à

175. La créance de la lettre de change peut s'éteindre, de même que toutes les autres créances par la remise qu'en fait le créancier au débiteur.

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La lettre de change, dans tout ce qu'elle renferme, contenant différentes créances, quoique d'une même somme, contre le tireur, l'accepteur et les endosseurs, lorsqu'il y en a; le propriétaire de la lettre de change, à qui ces différentes créances appartiennent, peut, lorsqu'il est usant de ses droits, en faire remise à chacun de ces débiteurs.

* L'article 143 ne décide pas la question. On doit suivant nous suivre ici la doctrine de M. Pothier.

§. I.

De la remise faite à l'accepteur.

176. Lorsque le propriétaire de la lettre de change a fait remise de la dette de la lettre de change à l'accepteur, soit avant, soit depuis l'échéance de la lettre, la créance de la lettre est éteinte, et ne subsiste plus.

en

S'il avoit fait cette remise à l'accepteur par une lettre missive, en retenant la lettre de change, et que depuis, au préjudice de cette remise, il eût endossé la lettre à votre profit, et en eût reçu de vous la valeur je ne crois pas que l'accepteur pût vous opposer utilement la remise portée par cette lettre missive, pour se defendre d'acquitter la lettre de change, lorsque vous vous présenteriez à l'échéance pour la recevoir : car suivant les principes établis notre Traité des Obligations, n. 715, cette lettre missive, qui auroit pu être antidatée, ne fait pas foi de sa date contre vous qui êtes un tiers, et ne peut par-conséquent établir que la lettre de change etoit remise et éteinte lors de l'endossement qui vous en a été passé ; et cette lettre est d'autant plus suspecte, que si votre endosseur, dont on vous représente la lettre missive, eût voulu effectivement faire remise de la lettre de change à l'accepteur, la voie naturelle étoit de la renvoyer à l'accepteur avec l'acquit an bas. Enfin, ayant payé de bonne-foi la valeur à votre endosseur, votre cause est favorable, certas de damno vitando. C'est pourquoi l'accepteur ne peut se diss penser de vous payer le montant de la lettre de change: mais il aura son recours, pour en être acquitté, contre celui qui vous l'a endossée au préjudice de la remise qu'il lui en avoit faite; car sa lettre, qui ne fait pas foi du temps de cette remise contre vous qui êtes un tiers, en fait foi contre lui qui l'a écrite.

La remise d'une dette ne pouvant se faire, suivant les principes établis en notre Traité des Obligations, n. 578, que par le concours des volontés du créan cier qui fait la remise, et du débiteur qui l'accepte

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