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il s'ensuit que lorsque le propriétaire et créancier d'une lettre de change a écrit une lettre missive à l'accepteur, débiteur de la lettre, par laquelle il lui déclare qu'il lui fait remise de la lettre, et même la lui renvoie avec l'acquit au bas, le concours des volontés du créancier et du débiteur de la lettre de change ne pouvant se rencontrer et intervenir que lorsque la lettre missive sera parvenue à l'accepteur, la remise de la dette de la lettre de change ne peut recevoir sa perfection et avoir effet que lorsque la lettre sera parvenue à l'accepteur, le créacier et propriétaire de la lettre de change persévérant dans la même volonté. C'est pourquoi, s'il étoit mort, ou s'il étoit justifié qu'il eût changé de volonté avant que la lettre missive fût parvenue à l'accepteur, la remise n'auroit aucun effet.

Par la même raison, la remise n'aura aucun effet si l'accepteur est mort avant qu'il ait reçu la lettre par laquelle le propriétaire de la lettre de change lui écrivoit qu'il lui en faisoit remise.'

177. La remise de la lettre de change que le propriétaire de la lettre a faite à l'accepteur avant que l'accepteur ait été, par le protet, constitué en demeure de la payer, profite-t-elle au tireur? Il n'est pas douteux qu'elle lui profite en ce sens, que par cette remise il cesse d'être sujet aux actions de garantie qu'auroit pu avoir contre lui le propriétaire de la lettre: car n'y ayant que la demeure en laquelle seroit l'accepteur d'acquitter la lettre, certifiée par un protêt duement fait, qui puisse donner lieu à ces actions; et l'accepteur ne pouvant plus, au moyen de la remise qui lui a été faite de la lettre, être mis en demeure de l'acquitter, il s'ensuit bien évidemment qu'il ne peut plus y avoir lieu à ces actions de ga

rantie.

Il y a plus de difficulté sur la question de savoir si la reinise de la lettre de change faite à l'accepteur doit profiter au tireur en ce sens, que l'accepteur son mandataire ne puisse dans son compte lui passer en mise les fonds destinés à acquitter la lettre de change qu'il n'a pas acquittée, au moyen de la remise que,

le propriétaire de la lettre en a faite. Cette question se décide par une distinction que nous apprenons de la loi 10, §. fin. et §. seq., ff. Mand. Si le créancier de la lettre de change en a fait remise à l'accepteur eu récompense de services qu'il lui avoit rendus, l'accepteur est censé en ce cas avoir payé la somme portée dans la lettre de change, par la compensatiou qui s'en est faite avec la récompense de ses services, dont le créancier de la lettre étoit tenu envers lui au moins naturellement : c'est pourquoi l'accepteur peut en ce cas se faire faire raison de cette somme, actione mandati contraria, par le tireur son mandant. Mais si la remise que le créancier de la lettre de change a faite à l'accepteur, a été purement gratuite; l'accepteur ne pouvant en ce ce cas être censé avoir payé aucune chose pour l'acquittement, ne peut rien passer en mise au tireur son mandant, suivant cette règle: Sciendum est non plus fidejussorem consequi debere mandati judicio, quàm quod solverit; L. 26, §. 4, ff. Mand. Voyez notre Traité des Obligations, n. 430.

178. Lorsque c'est depuis le prolêt que le proprié taire de la lettre de change en a fait remise à l'accepteur, cette remise décharge-t-elle le tireur et les endosseurs des actions auxquelles le protêt de la lettre avoit donné ouverture? Il faut distinguer. Si celle remise est une remise réelle; si le propriétaire de la lettre de change, par la lettre qu'il a écrite à l'accep teur, a déclaré qu'il tenoit la lettre de change pour acquittée; s'il en a donné quittance à l'accepteur sans en avoir reçu le montant; une telle remise ayant éteint la dette de la lettre de change, il n'est pas douteux qu'elle opère la libération de tous ceux qui en étoient tenus, du tireur et des endosseurs aussi-bien que de l'accepteur. Traité des obligations, n. 589.

Lorsque la remise faite par le propriétaire de la lettre de change à l'accepteur, n'est qu'une décharge personnelle de son obligation; comme lorsqu'il lui á écrit qu'il le déchargeoit de la lettre de change; il faut en ce cas sous-distinguer. Si l'accepteur avoit reçu du tireur les fonds pour acquitter la lettre de change,

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et qu'en conséquence il fût tenu de garantir le tireur des poursuites qui seroient faites contre lui à défaut de paiement de la lettre de change; en ce cas la remise faite à l'accepteur opéreroit la libération du tireur et des endosseurs, soit pour le total, si le proprietaire de la lettre avoit fait remise du total à l'accepteur, soit pour la partie dont il auroit fait remise à l'accepteur; parce qu'autrement l'accepteur ne jouiroit pas de la remise qui lui a été accordée. Mais si le tireur n'avoit pas remis à l'accepteur les fonds qu'il devoit Jui remettre pour l'acquittement de la lettre de change, en ce cas la remise que le propriétaire de la lettre de change a accordée à l'accepteur depuis le protêt, n'opère pas la libération du tireur, et n'empêche pas le proprietaire de la lettre de change de former contre lui pour le total son action qui a été ouverte par le protet; parce qu'en ce cas cette action ne peut rejaillir contre l'accepteur, le tireur, qui ne lui a pas fourni les fonds, n'ayant pas en ce cas de recours contre lui.

Mais en l'un et l'autre cas la remise accordée à l'accepteur opère la libération des endosseurs, parce qu'en l'un et en l'autre cas, soit que les fonds aient été remis ou non à l'accepteur, les endosseurs doivent être acquittés par l'accepteur, n'y ayant que le tireur qui soit obligé de remettre les fonds à l'accepteur. C'est pourquoi en l'un et en l'autre cas le proprietaire de la lettre de change ne peut intenter ses actions contre les endosseurs, parce que ces actions devant rejaillir contre l'accepteur, celui-ci ne jouiroit pas de la renise qui lui a été faite.

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commun avec le propriétaire de la lettre de change, ce propriétaire de la lettre de change ne seroit pas pour cela exclu de demander le paiement du total de sa créance au tireur et aux endosseurs : l'accepteur ne seroit pas en ce cas privé indirectement de la remise du quart que le propriétaire de la lettre a été obligé de lui faire par le jugement qui a déclaré commun avec lui le contrat d'atermoieinent; car cet accepteur pourroit obliger le tireur ou les endosseurs à accéder pareillement au contrat d'atermoiement, et à lui faire la même remise sur la créance de garantie qu'ils ont contre lui. Voyez ce que nous avons dit dans une espèce approchante, en notre Traité des Obligations, n. 380.

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De la remise faite au tireur ou à un endosseur.

180. Lorsque le propriétaire de la lettre de change en a fait la remise pour le tout ou pour partie, au tireur qui la lui a fournie, cette remise, lorsqu'elle est volontaire, opère la libération pour le tout ou pour partie, non-seulement du tireur à qui elle est faite, mais aussi de l'accepteur à qui le tireur n'avoit pas encore remis les fonds pour l'acquitter; car autrement, si celui qui a fait remise de la lettre de change au tireur, pouvoit encore en demander le paiement à l'accepteur, le tireur ne jouiroit pas de la remise qui lui a été faite, puisque l'accepteur auroit, recours contre lui afin de se faire donner les fonds pour le paiement de la lettre.

181. Doit-on décider la même chose dans le cas auquel le tireur auroit remis à l'accepteur les fonds pour l'acquittement de la lettre de change, avant la remise qui lui a été faite par le propriétaire de la lettre? Quoique la raison apportée en l'espèce précédente cesse dans cette espèce, la demande contre l'accepteur ne pouvant en ce cas rejaillir contre le tireur, on peut encore dire pour la libération de l'accepteur, que l'obligation que le tireur a contractée envers le pro❤

priétaire de la lettre à qui il l'a fournie, de lui faire compter la somme portée par la lettre au lieu où ellə est payable, est l'obligation principale, à laquelle a accede celle de l'accepieur, qui, par son acceptation, s'est obligé d'acquitter l'obligation du tireur. Or c'est un principe constant, que la remise de l'obligation principale, qui en opère l'extinction, entraine nécessairement l'extinction des obligations accessoires qui ne peuvent subsister sans l'obligation principale; Voyez notre Traité des Obligations, n. 377: d'où il pourroit paroître qu'on dût conclure que même en ce cas la remise de la lettre de change que le propriétaire a faite au tireur, doit liberer l'accepteur aussi-bien que le tireur. Neanmoins je pense que si la remise que le propriétaire de la lettre de change en a faite au tireur, n'est pas une remise réelle, mais une simple décharge personnelle qu'il a voulu lui accorder, cette remise ne doit pas opérer la libération de l'accepteur à qui les fonds pour l'acquittement de la lettre de change ont été fournis par le tireur. La raison est, que l'accepteur, en accédant, par son acceptation de la lettre de change, à l'obligation contractée par le tireur envers le propriétaire de la lettre, n'y a pas accédé comme une simple caution; il s'en est rendu débiteur principal conjointement et solidai rement avec le tireur: c'est pourquoi la décharge personnelle de l'obligation du tireur n'entraîne pas la décharge de la sienne, de même que la décharge per sonnelle d'un débiteuc solidaire n'entraîne pas celle de ses co-débiteurs: Traité des Obligations, n. 581.

182. Lorsque la lettre de change n'a pas été four nie au propriétaire de la lettre par le tireur, mais par un endosseur, la décharge que le propriétaire de la lettre a accordée au tireur, opère la libération des endosseurs ; car autrement le tireur ne jouiroit pas de la remise qui lui a été faite, puisque les demandes qui seroient données contre les endosseurs rejaillí roient contre lui, qui est tenu de les acquitter.

183. Lorsque le propriétaire de la lettre de change en a fait remise à Tendosseur qui la lui a fournie

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