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celte remise, lorsqu'elle n'est qu'une décharge personnelle, n'opère la libération ni de l'accepteur, ni des endosseurs précédens, ni du tireur: les créances qu'il a contre ces différentes personnes étant des créances différentes, quoique d'une même somme, il peut faire remise de l'une, et retenir les autres. (Art. 1234 et 1282 du Code Napoléon ).

ARTICLE III.

Des autres manières dont s'éteignent les créances de la lettre de change.

§. 1.

De la compensation. ( Art. 1289 du Code Nap.)

184. La lettre de change s'éteint par la compensation, ou par le total, lorsque depuis l'échéance de la lettre de change l'accepteur se trouve créancier du propriétaire de la lettre de change, d'une somme pareille, ou plus grande que celle portée par la lettre de change, et dont le temps du paiement est pareillement échu; ou du moins pour partie, et jusqu'à due concurrence de la somme dont l'accepteur se trouve créancier du propriétaire de la lettre de change, lorsque cette somme est moindre que celle portée par la lettre.

Cette compensation a sur-tout lieu lorsque la dette dont l'accepteur se trouve créancier du propriétaire de la lettre de change, est payable au même lieu que celui où la lettre est payable. Nous verrons infrà si elle doit avoir lieu même dans le cas auquel les deux dettes sont payables en différens lieux.

185. Cette compensation équipolle à un paiement réel, et elle éteint les créances que renferme la lettre de change, de la même manière que les auroit éteintes le paiement réel de la somme portée par la lettre de change.

De là il suit que depuis que cette compensation s'est faite, c'est-à-dire depuis l'échéance de la lettre si dès le jour de l'échéance de la leure l'accepteur se trouvoit créancier du propriétaire de la lettre, ou du jour qu'il l'est devenu, s'il ne l'est devenu que depuis, on ne peut plus passer valablement aucun endossement au profit de personne; car il est évident qu'on ne peut pas ceder par un endossement des droits qui n'existent plus, et qui ont été éteints par la compensation.

Par la mème raison, si la compensation ne s'est faite que pour partie de la somme portée par la lettre de change, l'endossement, depuis que s'est faite cette compensation, ne pourra plus se faire que pour ce qui reste dû de la somme portée par la lettre.

186. Observez que cette compensation ne peut se faire que lors de l'échéance de la leitre de change, ou depuis; elle ne peut se faire auparavant. La raison est, que le propriétaire de la lettre de changelne pouvant être obligé à recevoir le paiement reel qu'on voudroit lui faire de la lettre de change avant son échéance, il ne peut, par la même raison, en souffrir, avant cette échéance, la compensation, qui équipolle au paiement réel.

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C'est pourquoi, quoique l'accepteur se trouve, avant l'échéance de la lettre de change, créancier du propriétaire de la lettre d'une somme égale ou plus grande que celle portée par la lettre, il ne se fait pas encore de compensation elle ne se fera que lors de l'échéance de la lettre, si le propriétaire débiteur de l'accepteur s'en trouve alors être propriétaire: mais si avant l'échéance, il a cessé de l'être, par un endos sement qu'il en auroit passé à quelqu'un, il ne pourra plus y avoir lieu à la compensation.

187. Suffit-il, pour qu'il y ait lieu à la compensation, que le terme de paiement porté par la lettre de change soit écoulé et echu? est-il necessaire d'attendre que le terme de grace le soit aussi? La Déclaration, du 28 novembre 1713 ayant décidé que le porteur de la lettre de change ne peut être obligé à en recevoir.

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le paiement avant le dixième jour auquel expire ce terme, c'est une conséquence que la compensation ne peut s'en faire plutô!, par la raison dejà ci-dessus dite. Qu'on n'oppose pas que nous avons établi en notre Traité des Obligations, n. 591, que les termes de grace n'empêchent pas la compensation; car nous n'y avons parle que des termes de grace qui sont purement termes de graces, tels que ceux que donnent des lettres de répit ou d'Etat, qui n'ont d'autre effet que d'arrêter les poursuites du créancier; mais ce terme qu'accorde l'ordonnance, n'est terme de grace que de nom, parce que c'est humanitatis ratione qu'elle l'a accorde et pour le distinguer de celui porté par la lettre: il est réellement terme de Droit, puisque c'est la loi qui le donne.

Est-il nécessaire, pour qu'il puisse y avoir lieu à la compensation, que la dette dont le propriétaire de la lettre de change se trouve, au temps où depuis l'échéance de la lettre, débiteur envers l'accepteur, soit payable au même lieu où est payable la lettre de change? La diversité des lieux auxquels les deux dettes sont payables, en empêche-t-elle la compensation? Par exemple, si j'ai une lettre de change de mille livres tirée sur un banquier de Lyon, et payable à Lyon, et que ce banquier, lors de l'échéance de la lettre, se trouve mon créancier d'une somme égale ou plus grande, payable à Orléans, lieu de mon domicile, ce banquier pourra-t-il opposer à mon correspondant porteur de la lettre, qui se présentera pour la recevoir pour moi, la compensation de la somme que je lui dois, payable à Orléans, lieu de mon domicile? Suivant les principes du Droit romain, la compensation peut avoir lieu même en ce cas, à la charge par ce banquier de me faire raison du coût de la remise. C'est ce qui résulte de la loi 15, ff. de Compens. On pourroit douter si cette décision doit être suivie parmi nous. Elle est une suite des principes du Droit romain sur l'action de eo quod certo loco, par laquelle un créancier pouvoit exiger de son débiteur, où il le trouvoit, le paiement de la somme qu'il lui devoit, quoique payable dans un autre lieu, en lui tenant compte du coût de la remise du lieu où

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elle étoit payable, à celui où elle lui est demandée. mais Automine, sur le titre de eo quod certo loco, atteste que cette action n'est pas reçue parmi nous. Un créancier ne pouvant donc, parmi nous, exiger la somme qui lui est due qu'au lieu où elle est payable, il semble qu'on peut en conclure qu'il ne peut pareillement l'opposer en compensation d'une dette qu'il doit en un autre lieu en conséquence il semble que dans l'espèce proposée, si le banquier m'oppose en compensation de la somme portée par une lettre de change qu'il doit me compter à Lyon, la somme que je lui dois, payable à Orleans je puis lui répondre que je suis prêt de lui payer à Or léans ce que je lui dois à Orléans; que n'étant pas obligé de lui payer à Lyon ce que je lui dois à Orléans, il ne peut m'obliger de le compenser ; qu'ayant besoin de l'argent qu'il me doit à Lyon pour faire les affaires que j'ai à Lyon, et ayant pour cet effet échangé avec le tireur qui m'a fourni la lettre de change et dont il est le mandataire, de l'argent d'Orléans contre celui qu'il m'a donné à recevoir à Lyon, je ne dois pas être obligé de recevoir l'argent que je dois à ce banquier à Orléans, à la place de celui qu'il me doit à Lyon, et dont j'ai besoin à Lyon. Neanmoins Domat, lib. 4, §. 2, n. 8, pense qu'on doit admettre la compensation de dettes, quoique payables en différens lieux, en faisant raison du coût de la remise. Cela pourroit dépendre des circonstances, et de l'examen du besoin pressant que le propriétaire de la lettre auroit d'avoir son argent sur le lieu.

188. Les créances de la lettre de change peuvent aussi s'éteindre par la compensation de ce dont le propriétaire de la lettre de change se trouveroit être débiteur envers le tireur qui la lui a fournie. Mais cette compensation ne peut se faire qu'après le protêt de la lettre et la dénonciation de ce protêt faite au tireur: car ce n'est que par cette dénonciation que la créance du propriétaire de la lettre contre le tireur est ouverte et exigible; et une créance ne peut être sujette à compensation que depuis qu'elle est devenue exigible. (Art. 1234 et 1289 du Code Napoléon.)

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5. I I.

De la Novation. (Art. 1271 du Code Nap.)

189. La créance d'une lettre de change peut, de même toutes les autres créances, que s'éteindre par la novation; et ce que nous avons dit de la novation en notre Traité des Obligations, part. 3, chap. 2, `peut s'appliquer à cette espèce de créance de même qu'à toutes les autres.

Y a-t-il novation dans l'espèce suivante? Pierre, banquier de Paris, m'a donné, le premier février 1762, une lettre de change de mille livres sur Yves, banquier de Nantes, payable le premier mars. Le 8 dudit mois de février je me suis présenté à Yves pour la lui faire accepter. Au-lieu de l'accepter, il m'a donné à la place une lettre de change d'autant sur David de la Rochelle, payable le 15 dudit mois de février. Je lui ai remis un exemplaire de ma lettre de change tirée sur lui par Pierre, et j'ai mis au bas: Quittance en une lettre de change du premier fevrier, qu'il m'a fournie sur David de la Rochelle J'ai envoyé à mon correspondant de la Rochelle ma lettre sur David, qui a fait refus, à l'échéance, de payer: mon correspondant me l'a renvoyée avec un protêt. Ayant eu avis par mon correspondant, dès avant l'échéance, que David pourroit bien ne pas payer, j'ai écrit à Pierre de m'envoyer un second exemplaire de sa lettre de change, en lui marquant seulement que je ne l'avois plus, sans lui marquer ce qui s'étoit passé. J'ai dénoncé à Yves le protêt de la lettre qu'il m'avoit donnée sur David; je lui ai demandé que faute d'en avoir pu avoir paiement, il me payât la lettre tirée sur lui par Pierre. Sur son refus, j'ai fait le protêt de cette lettre le 10 mars, jour de l'expiration du terme de grace de cette lettre; je l'ai dénoncé à Pierre, et j'ai intenté mon action de garantie contre Pierre: je n'avois que cette ressource, Yves ayant fait banqueroute Pour moyen, je dis que le tireur d'une lettre de change n'en peut être acquitté envers celui à qui il l'a fournie, que par

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