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le paiement de la lettre; que n'en ayant pas été payé, Pierre en demeure non débiteur: ayant fait à temps le protêt et les diligences, mon action procède contre lui. Pierre répond que l'obligation du tireur d'une lettre de change peut s'éteindre non-seulement par le paiement réel, mais par la novation; que dans l'espèce proposée, j'ai fait novation de l'obligation renfermée dans la lettre de change de Pierre, par l'obligation qu'Yves a contractée à sa place envers moi en me donnant une lettre de change sur David; que ma volonté de faire cette novation ne peut être équivoque, puisque j'ai donné quittance de la lettre de change de Pierre, et que c'est dans cette quittance que j'ai fourni la valeur de la lettre qu'Yves m'a donnée sur David. Par ces raisons Scacchia, §. 2, gl. 6, quæst. 8, décide que dans ce cas je n'ai plus d'action contre Pierre. Il me paroît qu'on peut soutenir au contraire, qu'il n'y a pas en ce cas de novation; car la volonté de faire novation devant être expresse et ne se présumant point, pour qu'on pût dire dans cette espèce que j'ai voulu faire novation de la lettre de change de Pierre, il auroit fallu que j'en eusse donné une quittance pure et simple: mais ayaut énoncé dans la quittance que c'étoit une lettre qu'Yves m'avoit fournie sur la Rochelle, j'ai suffisamment déclaré que je n'entendois donner quittance de la lettre de change de Pierre que sous la condition et au cas que la lettre qu'il m'avoit fournie sur la Rochelle seroit acquittée: ne l'ayant pas été, la condition sous laquelle j'ai donne quittance de la lettre de change de Pierre, a manqué, et la quittance que j'en ai donné sous cette conditiion n'est d'aucun effet. C'est l'avis de M. R......

Il y auroit encore moins de difficulté à décider qu'il ne s'est pas fait de novation, si j'avois retenu la lettre de Pierre jusqu'au paiement de l'autre. (Art. 1271 et suiv. du Code Nap.)

§. II I.

De la confusion. (Art. 1300 du Code Nap.) 190. La créance que renferme la lettre de change,

peut

peut aussi s'éteindre par la confusion, lorsque le propriétaire de ia lettre de change est devenu héritier pur et simple de l'accepteur qui en est debiteur; ou, vice versa, lorsque l'accepteur est devenu heritier pur et simple du propriétaire de la lettre de change; ou lorsqu'un tiers est devenu hériter pur et simple de l'un et de l'autre. La raison est, que tous les droits du défunt, la qualité qu'il avoit, soit de créancier soit de débiteur de la lettre de change, passent eu la personne de son heritier, qui a de son chef la qualité opposée: ces qualités se trouvant concourrr dans une même personne, se détruisent mutuellement, personne ne pouvant être créancier de soi-même, ni débiteur de soi-même. D'ailleurs la même personne réunissant les biens du créancier et ceux du débiteur de la lettre de change, est censée avoir trouvé dans les biens du débiteur de quoi acquitter la lettre de change, laquelle en conséquence doit être censée acquittée: Aditio hæreditatis pro solutione cedit; L. 95, §. 2, ff. de Solut.

191. La confusion qui se fait lorsque le propriétaire de la lettre de change devient héritier de l'ac cepteur, aut vice versa, en opère l'extinction, nonseulement vis-à-vis de l'accepteur, mais aussi vis-àvis du tireur et des endosseurs, tant parce qu'elle est censée acquittée par cette confusion, que parce que le tireur et les endosseurs n'étant tenus de la lettre de change vis-à-vis du propriétaire de la lettre, que dans le cas où l'accepteur refuseroit de l'acquitter, et ce refus ne pouvant plus du tout avoir lieu, au moyen de la confusion, c'est une conséquence que le tireur et les endosseurs doivent être libérés.

Le tireur est bien déchargé des obligations qu'il a contractées par le contrat de change envers le donneur de valeur à qui il l'a fournie; mais ses obligations envers l'accepteur, résultantes du contrat de mandat intervenu entre eux, subsistent, et il doit lui rembourser la somme portée par la lettre de change qu'il est censé s'être payée à lui-même.

192. L'héritier succédant au défunt dès l'instant de sa mort, quand même il n'en auroit pas la connais→ Traité du Contrat de Change.

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sance, suivant la maxime de notre Droit français, Le mort saisit le vif, la confusion se fait dès l'instant de cette mort, et opère dès cet instant l'extinction de la créance que la lettre de change renferme : d'où il suit qu'il ne se peut plus dès-lors faire d'endossement valable de la lettre de change; car un droit qui est éteint et qui n'existe plus, ne peut se transporter. C'est pourquoi si le proprietaire de la lettre de change, depuis la mort de l'accepteur, dont il n'a pas encore la connoissance, et dans l'ignorance où il est que par cette mort il est devenu l'héritier de l'accepteur, a endossé la lettre de change au profit de Pierre qui lui en a donné la valeur, l'endossement est nul; Pierre a seulement en ce cas, condictione sine causâ, la répétition de ce qu'il a payé à son, endosseur comme l'ayant payé par erreur et sans cause pour le prix d'un endossement nul. Mais en cas d'insolvabilité de cet endosseur, il n'a aucun recours contre le tireur et les endosseurs précédens, qui ont été pleinement libérés de la lettre de change dès l'instant de la mort "de l'accepteur à qui le propriétaire de la lettre a succédé, par la confusion et extinction de la dette de la lettre de change qui s'est faite dès cet instant.

193. Il se fait aussi confusion et extinction de la créance de la lettre de change lorsque le propriétaire devient héritier du tireur, aut vice versa ; et cette confusion libère aussi l'accepteur, lorsque le tireur ne lui a pas remis les fonds: car ce propriétaire ne peut être recevable à lui demander le paiement de fa lettre, étant, en sa qualité d'héritier du tireur, obligé envers lui de lui remettre les fonds pour l'acquitter.

Soit que les fonds aient été remis ou non à l'accepteur, cette confusion libère les endosseurs; car le propriétaire de la lettre de change étant devenu, en sa qualité d'héritier du tireur, le garant des endosseurs, il suit encore de là qu'il ne peut plus avoir d'action

contre eux.

194. Lorsque le propriétaire de la lettre de change devient d'héritier pur et simple d'un endosseur qui en a fait l'endossement à son profit, aut vice verså,

il ne se fait confusion que de la dette particulière que cet endosseur a contractée envers lui, et de l'action qui en résulte, qu'il auroit pu avoir contre cet endosseur, en cas de refus par l'accepteur de l'acquitter; mais la créance de la lettre de change subsiste tant contre l'accepteur que contre les endosseurs précédens et contre le tireur.

195. Lorsque ce n'est pas à son endosseur que le propriétaire de la lettre de change a succédé, mais à un endosseur antérieur, aut vice versa, il se fait extinction non-seulement de la créance, et de l'action qu'il auroit pu avoir en cas de protêt, contre cet endosseur auquel il a succédé, mais aussi de celles qu'il auroit pu avoir contre les endosseurs postérieurs ; car étant devenu l'héritier d'un endosseur antérieur, il est, en cette qualité, obligé de les garantir. Au reste il conserve sa créance tant contre l'accepteur que contre les endosseurs antérieurs à celui à qui a succédé et contre le tireur.

196. Il nous reste à observer que lorsque le propriétaire de la lettre de change n'est devenu héritier que pour partie, soit de l'accepteur, soit du tireur, aut vice verâ, il ne se fait confusion et extinction de la dette de la lettre de change que pour cette partie; et s'il n'a été héritier que sous bénéfice d'inventaire, soit pour le total, soit pour partie, il ne se fait aucune confusion, l'effet du bénéfice d'inventaire étant de l'empêcher. Voyez les principes que nous avons établis sur la confusion, en notre Traité des Obligations, part. 5, chap. 5. ( Articles 1234 et 1300 du Code Napoléon ).

ARTICLE IV.

De la prescription (Art. 2229 du Code Nap.) deş

197. L'ordonnance de 1673, tit. 5, art. 21, a établi une prescription particulière à l'égard des lettres de change et billets de change; elle porte: Toutes lettres et billets de change seront réputés acquittés

après cinq ans de cessation de demande et de pour suite, à compter du lendemain de l'échéance ou du protét, ou de la dernière poursuite.

Il résulte de cet article une prescription contre les demandes que former oit le proprietaire de la lettre de ohange, soit coutre l'accepteur, soit contre le tireur ou contre les endosseurs, après les cinq ans depuis l'écheance de la lettre, si elle n'a pas été protestée; ou depuis le protêt, s'il a été fait, et qu'il n'ait pas été fait d'autres poursuites, ou depuis la dernière poursuite.

198. De quand courent les cinq ans à l'égard des lettres à vue qui n'ont pas été protestées? Je pense que la prescription doit courir dès aussi-tôt que la la lettre a pu être présentée; car une créance est échue aussi-tôt qu'elle peut être exigée. Or une lettre à vue peut être exigée aussi-tôt qu'elle peut être présentee; donc on doit compter le temps de son échéance du jour qu'elle a pu être présentée.

199. Cette prescription a-t-elle pareillement lieu contre l'action que l'accepteur qui a payé la lettre sans que le tireur lui eût remis les fonds, a contre le tireur pour en être acquitté? La question me paroît souffrir difficulté. J'inclinerois à l'avis de Savary, en son parere 72, qui pense qu'il n'y a pas lieu en ce cas à la prescription de cinq ans. Car l'ar ticle de l'ordonnance dit seulement que les lettres de change seront réputées acquittées après cinq ans; ce qui paroît exclure seulement les actions du proprié taire et créancier de la lettre pour en exiger le paie ment. L'ordonnance présume bien au bout de cinq ans que la lettre a été acquittée; mais elle ne dit pas qu'au bout de ce temps l'accepteur qui l'aura acquittée sera présumé en avoir été remboursé par le tireur. Ce sont deux choses toutes différentes. Elle accorde une prescription contre les créances qui résultent de la lettre mais ce n'est pas proprement de da lettre de change que l'accepteur qui l'a acquittée est créancier; la créance qui résultoit de cette lettre

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