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a été éteinte par le paiement qu'il en a fait: il n'est créancier que de la somme qu'il a déboursée pour le tireur en acquittant la lettre.

200. L'action qu'a le tireur qui a été obligé de payer la lettre de change retournée à protêt, contre l'accepteur qui l'a laissé protester, quoiqu'i en eût remis les fonds, est-elle sujette à la prescription de cinq ans?

Cette question souffre encore beaucoup de difficultés. On peut dire en faveur de la prescription, que c'est toujours en ce cas la lettre de change qui est due par l'accepteur, lequel, au lieu de la devoir au propriétaire de la lettre, la doit au tireur qui a payé le propriétaire de la lettre. On peut dire d'un autre côté, que la dette de la lettre ayant été acquittée par le paiement que le tireur en a fait au propriétaire, le tireur n'est pas créancier de la lettre, mais des fonds qu'il avoit remis à l'accepteur pour l'acquitter.

201. L'ordonnance dit que la prescription de cing ans court du jour de la dernière poursuite. De là naît cette question: Le porteur a fait protester sa lettre le premier janvier 1750, et a donné le premier juillet une demande contre l'accepteur ou le tireur pour être payé de sa lettre de change, qui cinq ans après, faute de poursuites, a été déclarée périmée. Pourra-t-il, le premier avril 1755, donner une nouvelle demande? Pour l'affirmative on dira que la prescription de cinq ans ne doit courir que depuis le premier juillet 1750, jour de l'exploit de demande qu'il a donné, qui est la dernière poursuite qu'il ait faite ; et qu'en conséquence la prescription n'étant point accomplie, il doit être recevable dans sa demande. La réponse, quí doit servir de raison de décider pour la négative, est que la dernière poursuite dont parle l'ordonnance, doit s'entendre d'une poursuite subsistante, et qui ne soit pas tombée en péremption. L'exploit de demande donné le premier juillet 1750 ayant été déclaré péri, doit être réputé comme non avenu, et ne peut parconséquent avoir produit aucun effet, ni avoir arré té la prescription de cinq ans portée par notre article.

Elle doit donc courir du lendemain du protêt fait le premier janvier 1750, et par-conséquent la demande donnée le premier avril 1755 n'est pas donnée à temps.

202. Si l'accepteur avoit obtenu des lettres de répit, le temps de la prescription courroit-il pendant le temps accordé par lesdites lettres de répit qui auroient été signifiées au propriétaire de la lettre de change? Heineccius dit que la question est controversée. J'inclinerois à distinguer si la lettre de change a été protestée ou non, et je penserois que si elle n'avoit pas été protestée, la prescription de cinq ans ne laisseroit pas de courir du lendemain de l'échéance, nonobstant les lettres de répit, parce que ces lettres de répit n'empêchoient pas que le propriétaire de la lettre ne pût la protester. Mais si la lettre avoit été protestée, je ne pense pas que le temps de la prescription pût courir contre le porteur de la lettre, à l'égard de l'accepteur qui lui auroit fait signifier ses lettres; parce que c'est une maxime en fait de prescription, que adversùs non valentem agere, non currit præscriptio; et que le répit empêchoit le propriétaire de la lettre de pouvoir faire aucunes poursuites contre cet accepteur.

Mais comme cela ne l'empêchoit pas de pouvoir agir contre les tireurs et endosseurs, ces tireurs et endosseurs pourront lui opposer la prescription.

Si le propriétaire de la lettre avoit obtenu sentence de condamnation, seroit-il recevable à en poursuivre l'exécution cinq ans après? Je le pense; car la sentence est un nouveau titre que le porteur a acquis contre la partie qui y est condamnée, lequel n'est sujet qu'à la prescription ordinaire de trente ans, et non point à celle de cinq ans établie par cet article. Il est dit que les lettres de change seront réputées acquittées après cinq ans ; mais il n'est rien dit de semblable des sentences de condamnation intervenues sur lesdites lettres.

203. Cette prescription n'étant fondée que sur une présomption de paiement, il suit de là que le propriétaire de la lettre, qui forme son action après le temps

de la prescription, peut déférer le serment décisoire au defendeur. C'est ce que décide l'ordonnance en l'article cité. Il est dit: Les pretendus débiteurs seront tenus d'affirmer, s'ils en sont requis, qu'ils ne sont plus redevables. Par exemple, si c'est l'accepteur qu'il a assigné, cet accepteur doit jurer qu'il a acquitté la dette; si c'est le tireur, le tireur doit jurer qu'il a remis les fonds.

L'ordonnance permet même de déférer ce serment aux veuves, héritiers et autres successeurs. Il est vrai que ces personnes ne sont pas tenues de jurer précisément que la lettre a été acquittée, ne pouvant pas avoir toujours connoissance d'une chose qui est du fait du défunt, et non du leur ; mais elles doivent au moins jurer qu'elles estiment de bonne foi qu'il n'est plus rien du. C'est ce que porte l'ordonnance...

204. Il nous resté à observer sur cette prescription, que le temps en est réglé autrement que par l'ordonnance, à l'égard des lettres qui sont payables aux paiemens de Lyon; car, suivant le réglement de 1664, art. 10, elles sont présumées acquittées au bout d'un an depuis l'échéance, à l'égard des domicilies porteurs de billets en la place et au bout de trois ans à l'égard des autres personnes; sans qu'on puisse, au bout de ce temps d'un an ou de trois ans, en demander le paiement à l'accepteur, si on ne justifie de di-, ligences contre lui faites. 9 maior

205, L'ordonnance, en l'article 20 audit titre, a établi une autre espèce de prescription en faveur de ceux qui se rendent cautions Pour l'événement des lettres de change, soit pour le tireur, soit pour un endosseur, soit pour l'accepteur : elle veut que ces cautions soient déchargées de Plein droit après trois ans, (Art. 156 du Code de Commerce) à compter du jour des dernières poursuites faites par le créancier de la lettres de

L'ordonnance s'expliquant en général des cautions, elle doit s'étendre à toutes les cautions, soit qu'elles se soient obligées sur la lettre de change, soit par acte séparé. (XXIX.)

206. Le but de ces prescriptions de cinq ans et de trois ans, etant d'empecher toutes les vieilles recherches, elles courent contre les absens comme contre les présens, et même contre les mineurs ; ordonnance de 1675, tit. 5, art. 22. ( XXX )

Sur la question, Si elles excluent le creancier de la lettre de change, non-seulement du droit d'action mais même du droit d'opposer sa creance en compensation, Voyez notre Traité des Obligations, #. 642

SECONDE PARTI E.

Des Billets de Change, Billets à Ordre, au Porteur, et autres Billets de Commerce.

ARTICLE PREMIER

207. Lg bille

Des billets de change.

billet de change est celui qui est fait en exé cution du contrat de change. (Art. 137 du Code de Commerce). ···

Il suit de cette definition qu'aucun billet ne doit être réputé de change, si ce n'est pour lettres de change qui auroient été fournies ou qui le devront être; Ordonnance de 1673, tit. 5, art. 27. ( XXXI } §. I.

Des differentes espèces de billets de change.

208: Il y a deux espèces de billets de change. La première est de ceux pour lettres de change fournies.

Voyez l'art. 189. Il est conforme au fonds aux dispositions de l'ordonnance de 1673; mais cependant il admet quelques différences, ༢ ༢ པ ༣ཎ T

1o La prescription de cinq ans ne caurait que du jour du prota ou de la dernière poursuite juridique.

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2. Les lettres do change à ordre ou à vue sont égale ment soumises à la prescription de cing anse

C'est un billet par lequel quelqu'un s'oblige envers un autre à lui payer une certaine somme pour le prix de lettres de change qu'il lui a fournies.

L'Ordonnance, art. 28, prescrit une certaine forme à ces billets. Elle veut, 1.° qu'ils contiennent la déclaration des lettres de change fournies, pour le prix desquelles le billet est fait; 2.° qu'il soit exprimé dans les billets sur qui elles ont été tirées; 3.° quel est celui qui est déclaré par ces lettres en avoir paye la valeut; 4o en quoi la valeur est déclarée par ces lettres avoir eté payée; si c'est en deniers, marchandises Ou autres effets.

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le

L'ordonnance exige ces déclarations dans le billet de change, à peine de nullité; ce qui ne signifie pas que le billet dans lequel quelqu'une de ces déclarations aura été omise, sera absolument nul, et que débiteur qui l'a souscrit pourra se dispenser de le payer, ce qui seroit contraire à la bonne foi ; mais cela signifie seulement que le billet sera nul comme billet de change, et qu'il ne vaudra que comme un billet

ordinaire.

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em

L'ordonnance exige ces formalités dans les billets de change pour assurer la vérité du billet, pour pêcher qu'on ne tire des intérêts usuraires d'un biteur pour simple prêt d'argent, sous le nom de droit de change, en lui faisant souscrire un billet faussement causé pour lettres de change fournies.

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209. La seconde espèce de billets de change est celle de billets pour lettres de change à fournir.

Un billet de change pour lettres de change à fournir, est celui par lequel quelqu'un s'oblige envers un autre à lui fournir des lettres de change sur tel lieu pour la valeur qu'il lui en a fournię.

L'ordonnance, art. 29, exige dans les billets de change de cette seconde espèce ces formalités; 1.° qu'ils fassent mention du lieu où doivent être tirées les lettres de change que celui qui souscrit le billet s'oblige de fournir; 2. qu'ils contiennent une déclaration de la valeur qu'il en a reçue; 3.o qu'ils fassent mention de la personne de qui il l'a reçue.

Ces trois formalités se trouvent dans ce style,

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