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mande à quelqu'un de payer ou compter pour moi à un tiers une certaine somme.

Suivant cette definition, les lettres de change sont une espèce de rescriptions: mais comme elles ont le nom de lettres de change, qui leur est propre, on n'enterd pas ordinairement par le terme de rescriptions, les lettres de change qui se font en conséquence d'un contrat de change d'argent entre la personne qui fournit la lettre et celle à qui elle est fournie, mais les autres espèces de rescriptions qui n'ont d'autre objet que d'acquitter une dette ou de faire un prêt d'argent, et lesquelles, quoiqu'elles aient la même figure et qu'elles soient conçues dans les mêmes termes que la lettre de change, en sont entièrement différentes.

§. I.

Des rescriptions pour acquitter une dette.

226. La principale espèce de rescription est celle par laquelle un debiteur mande à quelqu'un de payer une certaine somme pour lui à son créancier, entre les mains duquel il remet à cet effet la rescription.

C'est ce qu'on appelle adsignatio. Cette espèce d'affaire se passe entre trois personnes ; 1.o le débiteur, adsignans, qui indique à son créancier une personne de qui il recevra une certaine somme qu'il lui doit; 2.o la personne qu'on indique au créancier pour recevoir d'elle la somme, adsignatus ; 3.° le créancier à qui l'on fait assignation, adsignatarius.

La personne indiquée, adsignatus, est ordinairement quelqu'un des débiteurs de l'indiquant: mais ce peut être aussi quelqu'un de ses amis, qui, sans être son débiteur, veut bien avancer cette somme pour lui.

227. Cette affaire renferme deux contrats de mandat; l'un par lequel l'indiquant mande à la personne indiquée de payer pour lui à son créancier la somme portée par la prescription; l'autre par lequel le même indiquant maude à son créancier de recevoir de la per

sonne indiquée la somme portée par la rescription, pour la retenir en paiement de ce qui lui est dû.

La personne indiquée contracte et exécute en même temps le premier mandat en acquittant la rescription, et ne s'oblige à autre chose, actione mandati directâ, envers l'indiquant, qu'à lui remettre la rescription quittancée par son créancier, pour lui servir de quittance envers lui, et l'indiquant est de son côté obligé, mandati actione contraria, à donner à l'indiqué qui lui remet sa rescription acquittée, quittance d'autant, s'il est son débiteur ou à lui rendre la somme, s'il ne l'étoit pas.

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228. Par ce second mandat qui se contracte entre l'indiquant et son créancier à qui l'indication est faite, ce créancier, qui est le mandataire, n'est obligé à autre chose, actione mandati directâ, qu'à recevoir le moutant de la rescription, et à en donner quittance au bas à l'indiquant, et comme le mandat s'exécute sans que le mandataire fasse pour cela aucuns frais, il ne produit aucune action contraire au mandat.

249. Ce créancier de l'indiquant, porteur de la rescription, n'est obligé à aucunes diligences contre la personne indiquée; il ne peut même faire contre elle aucunes poursuites pour le paiement: la rescription ne lui donne pouvoir que de recevoir et non pas d'exiger.

C'est pourquoi le créancier, en exposant que la personne indiquée a fait refus de payer, et en offrant de remettre à son debiteur la rescription qu'il lui avoit donnée, peut exiger de lui le paiement de qu'il lui doit comme s'il ne lui avoit point donné la rescription.

Il n'y a même aucun temps dans lequel il soit précisément tenu de se présenter à la personne indiquée pour recevoir le montant de la rescription. Néanmoins s'il avoit laissé passer un temps considérable, lequel doit s'estimer arbitrio judicis, et que pendant ce temps la personne indiquée fût devenue insolvable, il paroît qu'il doit être tenu de cette insolvabilité; car s'étant chargé de recevoir cette somme en prenant la rescrip

tion, il est tenu des dommages et intérêts que souffre le mandant de ce qu'il n'a pas exécuté le mandat, et n'est pas allé, comme il s'en étoit chargé, recevoir la somme de la personne indiquée, pendant qu'elle pouvoit payer.

Mais tant que la chose est entière, et que la personne indiquée est solvable, le créancier porteur de la rescription peut se décharger de l'obligation d'aller rece voir la rescription, en offrant de la rendre à son débiteur qui la lui a donnée: car c'est un principe en fait de mandat, que le mandataire peut se décharger de l'obligation de l'exécuter, en renonçant au mandat, lorsqu'il fait cette renonciation à temps, et que le mandant peut faire par lui-même ou par un autre l'affaire dont il s'étoit chargé: Tenuntiari ( mandato ) ita potest, ut integrum jus mandatori reservetur, vel per se, vel per alium, eamdem rem commodè explicandi; L. 22, 5. I, ff. Mand.

230. Lorsque le débiteur indiqué souscrit la rescription et s'engage de l'acquitter, il n'est pas pour cela libéré envers l'indiquant, ni l'indiquant libéré envers son créancier à qui il a donné sa rescription: et en cela de la simple indication, adsignatio, diffère la vraie délégation; car dans la délégation, lorsqu'un debiteur, animo novandi, a délégué à son créancier son débiteur pour que ce débiteur paie en sa place, et que le débiteur délégué, en conséquence de la délégation, s'est obligé envers ce créancier, lequel, animo novandi, l'a accepté pour son débiteur, la créance que le délégant avoit contre son débiteur par lui délégué, est éteinte, et celle que le créancier avoit contre le délégant l'est pareillement, et il ne reste plus que la nouvelle créance que le créancier acquiert contre le débiteur délégué qui s'est engagé de le payer.

231. Le débiteur indiqué qui accepte la rescription, l'accepte comme débiteur de l'indiquant, et ne s'oblige de la payer au porteur de la rescription qu'autant et de la manière qu'il pourroit y être oblige envers l'indiquant son créancier.

C'est pourquoi si d'autres créanciers de l'indiquant atrétoient entre les mains du débiteur indiqué ce qu'il doit à l'indiquant, le débiteur indiqué, nonobstant l'acceptation qu'il auroit faite de la rescription, ne pourroit pas être obligé à payer le porteur de la rescription qu'il ne se fût fait régler avec les autres créanciers arrêtans.

Sur la contestation qu'il pourra y avoir à cet égard entre ces créanciers arrêtans et le porteur de la rescription acceptee; și ces créanciers de l'indiquant ont un privilège sur la dette arrétée; comme si le débiteur arrête est débiteur pour loyers de maison, et que les arrêtans soient créanciers d'arrérages de rente foncière dont cette maison est chargée, ou pour réparations qu'ils y ont faites; ils seront préferés au porteur de la rescription, dont la créance n'a point de privilege. S'ils ne sont point créanciers privilegies ni les uns ni les autres ; comme l'acceptation de la rescription équipolle a arrêt de la part du porteur de la rescription, si l'antériorité de la date de cette acceptation à celle des arrêts des autres créanciers est constatée par le contrôle, ou par le décès du débiteur indiqué qui l'a souscrite, le porteur de la rescription sera préféré comme premier arrêtant; sinon, l'acceptation n'ayant de date à l'égard des autres créanciers qui sont des tiers, que du jour qu'elle leur est représentée, ces autres créanciers seront préférés au porteur de la rescription. Néanmoins, l'un et en l'autre cas, si le débiteur commun étoit en déconfiture, ils viendroient tous par contribution au sou la livre, après les privilégiés s'il y en avoit.

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En cela l'indication diffère de la délégation: car la créance qu'avoit le délégant contre le debiteur qu'il a délégué à son créancier, étant éteinte par la delegation, comme nous l'avons vu, il s'ensuit qu'elle ne peut plus être arrêtée par les créanciers du délégant sur le débiteur délégué; car ce qui n'existe plus ne peut pas être arrêté.

L'indication diffère aussi en cela du transport; car la créance transportée cessant d'appartenir au cédant par la signification ou l'acceptation du transport, elle

ne peut plus dorénavant etre arrêtée par ces créanciers; qui n'ont pas droit d'arrêter ce qui n'appartient plus à leur debiteur.

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Ele diffère aussi en cela de la lettre de change; car après que le debiteur du tireur sur qui la lettre de change est tiree, l'a acceptee, les creanciers du tireur, ne p uvent pas arreter la somme que l'accepteur s'est oblige de payer pour le tireur, comme nous l'avons vu.

232, L'acceptation que fait de la rescription de debiteur indique, donne bien au porteur de la rescription une action pour se faire payer de la rescription ; mais ell ne l'obi ge pas d'user de cette action, e de faire des poursui es contre le debiteur indique; car il ne s'est charge que de recevoir et non pas d'exiger: c'est pourquoi il peut, en rendant la rescription tempore congruo, se faire payer par son propre debiteur.

233. Il nous reste à observer que l'indication de payer qui se fait par une rescription que le debiteur indiquant donne a son creancier sur la personne ind quee, ne consistant, comme nous l'avons vu, que dans des mandats qui, par leur nature, sont révocables, re integra, il suit delà que ces rescriptions peuvent être révoquées par l'indiquant, tant qu'elles n'ont point été acquittées; et qu'après cette revocation no ifiée à la personne indiquée, elle ne doit pas payer au porteur de la rescription.

§. II.

Des rescriptions pour cause de prêt ou de donation.

234 Les rescriptions peuvent être d'usage pour les prets et les donations. Je veux preter à quelqu'un une somme d'argent, ou je veux la lui donner: n'ayant pas ch z mot cette somme, je lui donne une rescription adressee à quelqu'un de mes debiteurs, ou à quelqu'un de mes amis qui voudra bien l'avancer pour moi, par laquel e je tu ma que de vouloir bien compter cette somme à la personne denommee en la rescription. "..

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