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Il s'agit de billets de change:

» L'ordonnance de 1673 consacroit sept articles à tracer les règles des billets d change, ainsi nommés, parce qu'ils etoient faits pour lettres de change tournies, ou à fournir.

» Ces billets, assimilés en quelque sorte aux lettres de change elles-memes, étoient negociables par l'ordre ou l'endossement, et soumis, en cas de non paiement, aux formalites du protet et aux effets de la garantie: on ne sera pas surpris que, malgre l'unanimité des commentateurs à vanter leur utilité dans les circulations commerciales, usage en ait decide autrement.

» Ces billets ont ete insensiblement negligés, et sont aujourd'hui, , presque par-tout, étrangers aux opérations commerciales, precisement parce qu'ils n'apportent au commerce ni force n mouvement.

» Le projet de loi n'en fait aucune mention, el son silence, qui n'indique point la volonte de les exclure et de les proscrire, n'aura d'autre effet que de ranger ces sortes de billets dans la classe des promesses et billets ordinaires, dont la force et les effets sont déterminés par la forme dans laquelle il sont rédigés ».

I I.

De l'origine des lettres de change en France.

L'origine des lettres de change, dans notre histoire, devient pour nous un objet d'un trop grand intérêt pour que nous ne rapportions pas ici ce qu'en di Villaret, t. 14 de l'Hist. de France, p. 210.

» Toutes les affaires relatives aux monnoies étaient portées à la chambre des comptes, qui recevoit aussi le serment des ouvriers et des officiers; il y eut d'abord un maître souverain des monnoïes, appelé dans la suite gouverneur général, chargé de faire annuellement la visite dans les divers lieux où l'on fabriquoit des espèces : chaque monnoie avoit son maître particulier, institué par le général. On etablit ensuite plusieurs maîtres généraux, nommés depuis simplement généraux sur le fait des monnoies, avec jurisdiction sans ressort, sur les ouvriers; excepté le cas de rapport de vol, de meur

fre et d'incendie, tous les gens employés au service de la mounole jouissoient de privilèges considérables. Ils étoient exempts de corvées, de contributions, de taille et du service militaire; leurs personnes étoient en quelque sorte sous la sauve-garde du Prince. PhilippeAuguste statua que quiconque frapperait l'un d' seroit contraint de se presenter nud devant l'offensé, la discrétion duquel le pardon du délit seroit remis.

eux

à

Cette multiplicité de monnoies différentes, dont le cours étoit resserré dans des districts particuliers, et principalement interdit dans toute l'étendue des domaines du roi, auroit toujours rendu le commerce impraticable sans le secours des changeurs établis dans les grandes villes et sur-tout dans celles où se tenoient les foires.Ceux de Paris demeuroient sur le grand pont, auquel ils donnèrent le nom de Pont-au-change: instruits du titre et de la valeur des espèces de chacune des monnoies particulières, ils les recevoient toutes indistinctement, et don noient en échange le prix de ces espèces en monnoies ayant cours dans les lieux où ceux qui les leur apportoient se proposoient d'aller.Quelquefois,au lieu de les acquitter en argent, ils donnoient des cédules ou des billets, pour en recevoir la valeur des mains du changeur d'une autre ville. C'est vraisemblablement à cet usage qu'il faut rapporter l'usage de nos lettres de change, qui procurent au commerce une activité dont il n'étoit pas susceptible avant leur introduction.

Ces changeurs titrés, établis dans presque toutes les grandes villes,furent nos premiers banquiers. Ils faisoient de plus le commerce de bijoux d'or ou d'argent, de pierreries et de perles. Leur nombre étoit fixé. Obligés de donner caution avant que d'être admis, leur solvabilité reconnue rendoit les relations aussi sûres que fidèles. Ils avoient seuls la faculté de tirer les lettres de change, ou ordres de payer, pour les villes du royaume qu'embrassoit leur correspondance respective. Les marchands qui suivoient les foires, ne pouvoient donner de mandemens que pour les villes où ils devoient se trouver dans les fermes de l'échéance. Les Lombards et Jes Juifs, attentifs à tous les objets d'interèt, usurpèrent autant qu'ils purent cette partie essentielle du commerce, le vrai inobile de sa progression. Ne pouvant contracter

des obligations ou des ordres d'acquitter emme chan geurs, ils les signèrent en qualité adrchands forains, quoiqu'en effet il ne sortissent pas de la ville où ils faisoient leur residence. Ces avides étrangers unis entr'eux par l'appas du gain, ne formoient dans le royaume qu'une même famille, de mavière que chacun d'eux avoit pour-ainsi-dire autant d'associés que de compatriotes répandus dans les différentes provinces. Ces actes simulés leur furent défendus sous peine d'amende arbitraire. Mais la cupidité d'une part, de l'autre le besoin et la commodité d'un transport facile de ses fonds, sans passer par les mains des changeurs publics et autorisés, bravoient les défenses. La fraude, une fois introduite, trouva le moyen d'éluder la loi et ouvrit la porte à l'usure qui jouissoit de l'impunité dans les tenebres dont elle s'eveloppoit, à la faveur l'une tolerance acquise à prix d'argent. Ce serait un ouvrage intéressant qu'une histoire raisonnée du commerce depuis ces temps reculés jusqu'à ce jour. On verroit avec quelle constance cet esprit d'avidité s'est transmis de siècle en siècle. La malheureuse multiplication des métaux, la monstrueuse disproportion des fortunes particulières formees des debris de celles de l'Etat, et plus que tout cela un luxe immoderé, ont fait dégénérer le commerce en papier en un brigandage ouvert. L'abus des lettres de change est monté à un excès intolérable; l'usage en étoit restreint jadis aux seuls changeurs, banquiers ou marchands: aujourd'hui tout particulier est admis à signer de pareils actes; c'està dire qu'il devient marchand, et par ce moyeni usurpe une prerogative destinée pour accélérer les operations du commerce, et non pour favoriser la dissipation.

Seroit-ce un objet indigne de la bonté paternelle du Prince, de l'attention du Gouvernement, des soins éclairés de nos Magistrats, de la vigilance de notre police. de réprimer ces désordres par des réglemens qu'il ne fût pas possible de violer? On ne verroit plus un vil essaim d'agens usuraires assiéger l'innocence de notre jeunesse, épier le fils de famille au sortir de la maison de ses parents, pour lui procurer, par la signature de ces cédules ruineuses, la cruelle facilité de sacrifier son repos, sa fortune, un temps précieux, son honneur, à l'ivresse de ses passions, le plonger

dans un abime de déréglemens et l'étouffer avant que de naître. On ne verroit pas des jeunes gens qui, par leur naissance, leur éducation et leur position dans la societé, sont destinés à devenir un jour la lumière, le soutien, la goire de leur patrie, transformés en marchands de toutes espèces, trouver dans les détours ignom.nieux d'un commerce ob cur, les funestes moyens de se couvrir de honte, d'absorber leur patrimoine avant que d'en être les possesseurs, et se meure à la fin dans la fatale necessité de continuer, à la faveur de la plus insigne mauvaise-foi, des pratiques illicites, embrassees d'abord par imprudence.

I I I.

De l'essence des lettres de change, suivant l'Ordonnance de 1673 e le Code de commerce.

Le Code de commerce a adopté, sur l'essence des lettres de change, les mêmes principes que l'Ordonnance de 1673; et quelque partisan que l'on soit des nouveautés, on ne peut se dispenser d'avouer que les rédacteurs du Code de Commerce n'ont rien pu ajouter aux principes élémentaires reconnus par l'ancienne loi.

Comme long-temps encore on aura occasion de citer dans nos tribunaux l'Ordonnance de 1673; que le jurisconsulte renoncera difficilement à l'habitude routinière de l'invoquer; que l'homme d'Etat jetera toujours avec autant d'étonnement que d'u'ilité, ses regards sur cette loi qui a fait sortir notre commerce du cahos, qui lui a donne son éclat et sa prospérité; cette loi enfin que nos pères ont dû au grand Colbert, nous mettrons ici en parallèle l'article premier du titre 5 de l'Ordonnance de 1673, et l'article 110 du Code de Commerce.

Art. I.er du titre 5 de l'Ordonnance de 1673: Les lettres de change contiendront sommairement le nom de ceux auxquels le contenu devra être payé; Le temps du paiement;

Le nom de celui qui en a donné la valeur;

Et sielle a été reçue en deniers, marchandises o autres effets.

Nous remarquerons que l'article 119 prescrit une

formalité que l'ordonnance de 1673 paroft avoir omise: la lettre de change doit être datee.

Nous allons rapporter ce que dit M. Jousse, sur l'article premier; ce sera le meilleur commentaire de l'art. 110 du Code de Commerce, puisque les deux lois ont adopté les mêmes règles.

« Contiendront sommairement : Tout ce qui con> cerne la torine des lettres de change regarde, 1. le » nom des personnes savoir, le nom de celui » qui fournit la lettre, de celui qui la doit payer, » et de celui à qui elle doit être payée; 2.° le temps » du paiement; 3.o ce que l'on doit payer; de quelle » monnoie la valeur a ete payée.

Le temps du paiement. Les lettres de change se payent ordinairement en quatre manières.

» La première est quand la lettre est payable à jour nomme par exemple, au 10 mai ou autre jour fixé. Le temps pour pouvoir exiger le paiement de ces sortes de lettres ne court que du lendemain de leur écheance.

"La deuxième, est quand la lettre est payable une ou plusieurs usances; c'est-à-dire à un ou plu sieurs mois de sa date; chaque usance étant d'un mois, et le mois de trente jours. Les lettres qui se tirent d'un royaume à un autre, se tirent ordinairement de cette manière.

» La troisième manière dont les lettres de change sont payables est à vue. Dès le moment que ces lettres sont présentées à celui sur qui elles sont tirées, il doit les payer, si non elles doivent être protestées faute de paiement; parce que, dans ces sortes de lettres, il n'y a point de jour de grâce pour faire le protêt; ce qui résulte des termes de l'article 4, qui ne parle que des lettres acceptées, ou qui échoient à jour certain.

» Il faut observer en général, à l'égard des temps fixés pour le paiement des lettres de change, que ces temps doivent être francs ; c'est-à-dire pour les lettres & vue, le jour de la date de la lettre; et pour les autres, le jour de l'échéance et celui de l'acceptation, ou du protêt faute d'acceptation, ne doivent point être compris. Ainsi celui sur qui une lettre de change est tirée payable, v. gr., le 10 mai, a tout le jour pour payer;

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