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X IV.

De la saisie des effets de commerce.

L'Art. 12 du titre 5 de l'Ordonnance de 1673 est ainsi conçu :

Les porteurs pourront aussi (1), par la permission du juge (2), saisir les effets (3) de ceux qui auront tiré ou endosse (4) les lettres, encore qu'elles ayent été acceptées, méme les effets de ceux sur lesquels elles auront été tirees, en cas qu'ils les ayeng acceptées (5).

1. (Pourront aussi) après le protêt et faute de paiement.

Lorsque le porteur de la lettre a négligé de faire les diligences necessaires contre celui sur qui elle est tiree, ou qu'il lui accorde quelque délai, il perd tout le recours qu'il avoit contre les tireurs et les endosseurs, en cas de faillite de l'accepteur, survenue depuis le temps que la lettre étoit exigible; c'est une suite de la disposition portée en l'art. 4 cidessus.

2. (Par la permission du juge) obtenue sur une simple requête présentée à cet effet sous une autre formalité; c'est-à dire sans assignation précédente et sans qu'il soit besoin d'obtenir une sentence de condamnation.

3. (Saisir les effets, etc.) sans préjudice de la poursuite que les porteurs peuvent faire après le protêt contre les tireurs et endosseurs, pour les faire condamner par corps à payer le montant de la lettre, ensemble les dommages et intérêts.

Au reste, quoique l'esprit de l'Ordonnance soit de favoriser les porteurs des lettres de change, afin que ceux-ci ayent leur sûreté pendant le cours des pro-› cès qui pourroient survenir, néanmoins cela n'empêche pas les tireurs et endosseurs, ainsi que l'accepteur, de pouvoir exercer sur l'instance de saisie tous les droits qu'ils peuvent avoir contre le saisissant, et de former contre lui leurs demandes inci

dentelles, s'il y a lieu, pour voir déclarer la saisie nulle, soit comme étant créanciers de lui au lieu d'être ses débiteurs, ou autrement, et pour avoir mainlevée de la saisie avec dépens, si ce saisissant conteste mal-à-propos.

Il faut cependant observer que les droits de l'accepteur et autres qui s'opposent à ces saisies doivent être liquidés ; autrement, le porteur qui a ainsi saisi doit obtenir la condamnation par provision à son profit, en donuant caution.

4. (Qui ont tiré ou endossé.) Le porteur d'une lettre protestée peut exercer ses droits pour être remboursé tant du principal que des dommages et intérêts contre tous ceux compris dans la lettre de change, soit pour l'avoir acceptée, soit pour y avoir mis des ordres ou leur aval, soit pour l'avoir tirée, parce qu'il a autant de débiteurs, et même de débiteurs solidaires, que de personnes engagées. Celui qui a tiré la lettre est le principal obligé; ceux qui ont mis successivement leurs ordres sont aussi obligés solidairement : il en est de même de celui qui a accepté; il est pareillement devenu débiteur par son acceptation, et sujet comme les autres à la poursuite du porteur qui a le dernier ordre et à qui la valeur de la lettre est due. Toutes ces actions ne préjudicient point les unes

aux autres.

5. (En cas qu'ils les ayent acceptées) soit qu'ils fussent débiteurs ou non de celui qui a tiré la lettre.

Lorsque celui sur qui une lettre de change est tirée refuse de l'accepter pour la payer au temps de son échéance, et qu'elle est protestée faute d'acceptation, le porteur de la lettre peut retourner sur le tireur, non pour lui faire rendre la somme portée, parce qu'on ne peut l'obliger à cette restitution que lorsque le protêt a été fait faute de paiement, mais seulement pour lui faire donner caution qu'en cas qu'à l'échéance de la lettre, celui sur qui elle est tirée ne paie pas, il en rendra et restituera le montant, avec les changes et rechanges et frais de protêt; car il ne seroit pas juste que le tireur eût touché l'argent de

gens que par des notaires, une hypothèque sur les biens des tireurs et endosseurs, et des particuliers sur qui les billets ou lettres de change ont été tirés ».

Cette déclaration étoit conforme à l'ordonnance de 1539, qui ne donne hypothèque aux écritures privées que du jour de la reconnoissance ou dénégation, et aux articles 13 et 21 de l'ordonnance de 1673, dont le premier ne permet de saisir après le protêt qu'en vertu d'une permission du juge, dont le ministère.ne seroit pas nécessaire; si le protêt équipolloit à un contrat, on avoit une exécution parée; et l'autre, qu'une lettre de change, quoique protestée, est pres crite par une discontinuation de poursuites pendant cinq années qui ne sont pas suffisantes pour éteindre une action hypothécaire.

Selon le régime actuel, la question est encore moins douteuse, puisque l'acte synallagmatique reçu par un notaire ne confère pas l'hypothèque, si les parties n'en sont pas convenues, et n'ont spécialisé les biens assujétis à cette hypothèque volontaire. (Voyez le Traité des Hypothèques, et l'Arrêt du 17 prairial an 12).

X VI I.

De la nullité du protét.

Le protêt est encore de rigueur. Aucune procé dure, aucune formalité ne peut suppléer au défaut du protêt.

Il faut, de rigueur, un protêt faute d'acceptation. (Art. 119 du Code de Commerce.)

Il faut, de rigueur, un protêt faute de paiement. (Art. 162 du Code de Commerce.)

Et enfin, l'art. 175 exige impérieusement la forma lité du protêt qui ne peut être suppléé par un autre acte, si ce n'est dans le cas prévu par les articles 150 et suivans, touchant la perte de la lettre de change.

Cet article 175 est absolument conforme à l'article 16 du titre 5 de l'Ordonnance de 1673, qui porte :

Le protét ne pourra être supplée par aucun anire

acte.

L'acceptation pour lettres missives est-elle interdite? (V. ce que nous avons dit plus haut, note XI, p. 185.)

X VIII.

Des jours de grâce.

Le Code de Commerce a apporté un grand changement dans la législation commerciale relative aux dix jours de grâce.

Jusqu'à présent le jour de l'échéance n'étoit pas celui de l'exigibilité. L'Ordonnance de 1673 accordoit au porteur la faculté de retarder son protêt jusqu'au dixième jour après l'échéance. ( Art. 4 du tit. 5).

Peu-à-peu, ce délai est devenu d'usage, au point qu'il a même été conservé par les lois subséquentes. Le commerce attachoit quelqu'importance à ce délai de dix jours, parce qu'il etoit utile à l'accepteur pour se procurer ses fonds, et au tireur pour les lui envoyer. Mais il étoit aussi susceptible de plus grands abus, sur-tout par l'habitude où l'on étoit de compter sur ce délai,

L'art. 135 et l'art. 141 (Voyez ces art. à la fin du Volume, où se trouve rapporté le texte du Code de Commerce,) ont supprimé les dix jours de grâce. Ces deux articles rendent inutile la discussion dans laquelle M. Pothier est entré. Nous rapporterons les motifs qui ont déterminé le législateur à faire une aussi grande réformation, et qu'a fait valoir le Conseiller d'Etat chargé de présenter la loi au Corps législatif. « Il n'y avoit, dit-il, pas de véritable jour de grâce pour faire le protêt, puisqu'il appartenoit rigoureusement au payeur; que le jour même de l'échéance réelle étoit le seul jour où le protêt pût être fait. La loi nouvelle, qui statue que le protêt sera fait le lendemain, (Art. 162 du Code de Com.) accorde donc un jour de plus, et donne conséquemment une grande facilité.

» Une considération décisive d'ailleurs est celle-ci, qu'il importe singulièrement au commerce que le Traité du Contrat de Change.

N

jour de l'échéance, fait, soient fixés et porteur.

et celui où le protêt doit être ne puissent varier

au gré du » Si celui-ci pouvoit à son choix resserrer ou étendre cette échéance, par la faculté de faire protester quel. ques jours plutôt ou plus tard, le tireur et les endosseurs seroient souvent exposés à être les victimes de la complaisance qu'il auroit eu de signifier le protét; ou plutôt l'usage ne manqueroit pas de s'établir de ne faire protester que le dernier jour, et on rentreroit dans l'ancien systéme >>.

X I X,

De l'échéance des lettres de change à jour férié.

M. Merlin a traité cette question dans son Recueil des Questions de Droit, au mot Protét, p. 391.

20 Novembre 1783, Frison fait une traite conçue en ces termes: A la fin du mois prochain, payez par cette première lettre de change, à notre ordre, 5,000 liv. valeur en nous-mêmes, que vous pas serez suivant l'avis de....

Cette traite est adressée à Dirat Ghesquière, négociant à Lille, et elle est par lui acceptée.

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Frison l'avoit passée à l'ordre de Blanquart, de Mons, qui la passa le 29 décembre 1783 à Blanquart fils, de Lille. Des mains de ce dernier, elle passa par un autre endossement du même jour dans celles de Bouchelet, de Valenciennes, qui la passa le 20 mars 1784 à Reynart-Bigo. Ce dernier crut devoir faire ses diligences. La traite étant pour la fin du mois de mai, n'échéoit suivant l'usage de Lille que le 6 juin; mais le 6 juin étoit un dimanche. Reynart-Bigo crut ne pouvoir faire de protêt ce jour. Il le fit la veille, samedi 5, par le ministère d'un huissier qui se transporta chez Dirat Ghesquière, et qui ne trouva qu'un garçon de boutique, lequel répondit qu'il n'y avoit pas de fonds. L'huissier prit cette réponse pour un refus: d'un autre côté, Reynart-Bigo ne renvoya pas le lendemain pour savoir si l'on étoit prêt à acquitter la

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