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lettre de change, et il fit assigner Blanquart père et fils, à la jurisdiction consulaire de Lille, pour lui payer les 5,000 liv.

Les assignés ont opposé le défaut de protêt au jour fixé par la loi pour l'exigibilité de la traite, et la prématurité de celui qui avoit été fait.

Sentence du 15 juin qui les condamne, vu l'usage constant, immémorial, géneralement établi, de faire protester les effets de commerce les veilles de fêtes et dimanches. Ce sont les termes du jugement

APPEL au parlement de Douay. Il est de principe, disoient les appelans, que qui a terme ne doit rien; or, l'auteur, ou l'accepteur d'une lettre de change a six ou dix jours de terme pour l'échéance; il ne doit donc que le sixième ou le dixième jour.

Ainsi, la sommation prématurée que peut faire le porteur, n'est pas un acte légitime et régulier. On peut lui répondre sans se compromettre, saus être mis en demeure, etc., parce que cette sommation ne peut produire d'effet; qu'elle ne peut équivaloir à un protêt nécessaire, régulier, et fait dans les termes de l'ordonnance.

De là il résulte que le protêt de la lettre dont il s'agit ne pouvoit être fait que le 6 juin, puisque son échéance n'avoit lieu que pour ce jour.

Le Parfait Négociant nous instruit que de son temps il arrivoit aussi de grandes contestations quand les dix jours de faveur venoient à écheoir les jours de dimanches et fêtes solemnelles. Les uns disoient qu'il suffisoit de faire l'acte de protêt le lendemain; les autres qu'il falloit le faire la veille. Ces contestations troublèrent infiniment le commerce. C'est la raison, dit Savary, pourquoi il y a un article dans l'Ordonnance, qui est le sixième, qui porte: Que dans les quinze jours seront compris ceux du protét, des dimanches et fêtes méme solemnelles. Par la disposition de cet article, toutes les contestations sout cessées.

Il est clair, par la date de l'ordonnance, celle

:

des déclarations de 1668 et 1715, qu'il n'y a pas d'usage immémorial qui déroge à leurs dispositions. Pothier, après avoir dit au Contrat de Change, Chap. 5, qu'un négociant lui a assuré qu'il avoit été jugé au consulat d'Orléans, qu'on ne devoit pas réitérer le dimanche un protêt fait la veille, mais qu'on devoit attendre chez soi que le payeur vînt acquitter, ajoute, je trouve beaucoup de difficulté dans cette décision la dette d'une lettre de change est querable. Celui sur qui elle est tirée a le droit de jouir du temps des délais. Il ne peut donc être obligé d'aller trouver le porteur le jour de la fête ; c'est au contraire le porteur qui est tenu d'y retourner; et faute d'y être retourné, et d'avoir fait constater, par une réitération de protêt, qu il y est retourné, il ne peut pas établir qu'il n'a pas dépendu de lui de recevoir la lettre, et par-conséquent de fonder son recours en garantie.

Remarquons d'ailleurs, sur la réitération du protêt, que tout devient arbitraire lorsqu'on s'écarte de la loi, Nonobstant ces raisons, l'usage a triomphé au parlement de Douai, comme il avoit triomphé devant les juges de première instance. La sentence a été confirmée.

Nous avouerons que cet usage étoit universel à Paris, à Lyon, à Orléans, etc.

X X.

Distinction à l'égard des jours de grâce. Nous devons dire ici, au sujet des jours de grâce, que l'on distinguoit jadis (Art. 31 de l'ordonnance de 1673) les billets négociés pour valeur reçue en deniers, et les billets négociés pour valeur reçue en marchandises.

A l'égard des premiers, le porteur devoit faire le protệt dans les 10 jours, il devoit même faire plus ; il devoit assigner le débiteur du billet dans les io jours. Telle étoit l'obligation imposée au porteur du billet par ces termes faire ses diligences.

Pour les seconds, le porteur devoit faire ses dililigences dans les trois mois.

Remarquez bien que les autres billets non négociés n'étoient pas sujets au délai de 10 jours, ou de trois mois établis par l'art. 31 de l'ordonnance de 1673. Il est peut-être nécessaire de fixer d'une manière precise les différentes espèces de billets. On peut les réduire à quatre espèces principales.

autres

La première sorte de billets est de ceux qui se font au profit d'un particulier y nommé, sans ajouter ces mots : ou à ordre. Ces billets ne peuvent se négocier et ne sont payables qu'à celui au profit de qui ils sont souscrits ou à la personne qui a procuration de lui. Il doit y être fait mention, comme dans tous les autres billets en général, si la valeur en a été reçue en deniers, marchandises ou effets, et de quelles personnes elle a été reçue. Ces sortes de billets sont payables à leur échéance sans aucun délai, lorsque la valeur en a été payée en argent; et daus le mois, si cette valeur a été payée en marchandises, ainsi qu'il vient d'être observé si ce n'est dans les provinces où il y a d'autres usages, (v. g. à Orléans, etc.)

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La seconde espèce de billets est de ceux qui sont payables à un particulier y nommé, ou à son ordre. Ils sont sujets aux mêmes formalités que les précédens et ils peuvent se négocier. Le délai pour exiger le paiement de ces billets quand ils sont négociés, est de dix jours pour ceux dont la valeur a eté reçue en marchandises, comme il est dit en cet article si ce n'est qu'il peuvent être exigés plutôt dans les provinces où il y a des usages contraires.

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Lorsqu'un billet à ordre n'a pas été négocié, le délai pour exiger le paiement est de dix jours, st la valeur a été payée en argent, ou d'un mois si cette valeur a été payée en marchandises, suivant la Déclaration du 28 novembre 1713, si ce n'est dans les villes où il est d'usage de pouvoir exiger le paiement de ces derniers à leur échéance.

La troisième espèce de billets est de ceux appellés billets en blancs qui se font au profit d'une personne dont le nom est en blanc et qu'on peut ensuite remplir du nom que l'on veut ; ces billets ont été trouvés

d'une conséquence si dangereuse, à cause des inconvéniens qui en sont arrivés, particulièrement dans les banqueroutes, qu'ils ont été defendus par plusieurs arrêts; ensorte qu'on en voit très peu aujourd'hui.

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La quatrièmeespèce de billets, sont de ceux payables au porteur et qui sont payables à quelque personne que ce soit qui s'en trouve porteur; il faut, dans ces billets, comme dans tous les autres, qu'il soit fait mention si la valeur en a été reçue en argent ou en mar、 chandises, et de qui elle a été reçue. On ne peut guères mettre ces sortes de billets dans la classe des billets négociés, et par-conséquent il n'y a aucun délai pour pouvoir en exiger le paiement, si ce n'est le délai d'un mois lorsqu'ils sont causés pour valeur en marchandises, à la réserve des endroits où ce délai n'a pas lieu.

L'usage des billets payables au porteur est trèsdangereux dans le commerce, parce que, quand un négociant tombe en faillite, il peut disposer de ces effets en faveur de qui il lui plaît, comme d'un argent comptant, ou en faire recevoir le montant par le premier venu, et par ce moyen tromper ses créanciers; il peut user aussi de cette même voie sans être en faillite, lorsqu'il appréhende que celui qui doit payer le montant du billet, et à qui il doit d'ailleurs une somme, ne veuille user à son égard de compensation, ce qui est agir contre la bonne-foi du commerce. Ces billets ont été supprimés pendant un temps par des raisons d'Etat ; mais depuis ils ont été rétablis comme utiles à certains égards dans le commerce, quoiqu'il arrive rarement qu'on en fasse usage.

Quand on donne ces sortes de billets en paiement, on ne met au dos, ni garantie, ni signature en blanc, parce que celui qui les donne en transfère la propriété de la main à la main : néanmoins celui qui prend en paiement un billet de cette espèce doit prendre la précaution de se faire garantir par celui de qui il le recoit, et de faire écrire et signer cette garan tie au dos du billet.

X X I.

Du délai dans lequel le protét doit être fait.

L'art. 163 du Code de Com. est ainsi conçu: le porteur n'est dispensé du protét faute de paiement, ni par le protét faute d'acceptation, NI PAR LA MORT OU FAILLITE de celui sur qui la lettre de change est tirée.

Ceci est précisement le cas inverse de la question qu'examine M. Pothier. La loi est précise; il faut aujourd'hui faire le protêt, lors même que celui sur qui la lettre de change est tirée est décédé.

Mais, Quid, lorsque c'est le porteur qui est décédé? Il semble qu'il n'y a pas de raison pour ne pas admettre la décision de M. Pothier; et l'on peut dire même qu'elle devient une conséquence de l'art. 163 qui, en prescrivant impérieusement l'obligation de protester, lors du décès de celui sur qui est tirée la lettre de change, paroît admettre la nécessité de prolonger le délai du protêt, dans le cas où c'est le porteur de la lettre qui est mort.

Mais alors il faut une ordonnance du juge, comme dans le cas d'une lettre de change égarée depuis son acceptation (Art. 151 du Code de Commerce).

V. le 6 146 de M. Pothier, aussi la note 18, sur les dix jours de grâce.

X X I I.

Est-il des cas où l'on soit dispensé du protét?

Voyez les articles 150, 151, 163 et 175 du Code de Commerce, qui ne dispensent pas de la formalité du protêt, même en cas de perte de la lettre de change. Ce n'est que par induction que l'on semble être autorisé à conclure que le porteur est dispensé de faire un protêt; en effet, il ne peut donner dans le protêt la transcription littérale de l'effet, puisqu'il est égaré. Il ne peut donc faire de protêt.

Néanmoins, en analysant le Code de Commerce, on parvient à une solution juste.

L'art. 175 porte: Nul acte de la part du porteur

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