Page images
PDF
EPUB

» Il a été assigné au tribunal de commerce, par Bourgeois, son porteur d'ordre, en remboursement de la somme de 162,908 f., montant des six premieres traites; le lendemain il a dénoncé cette assignation aux sieurs Leleu, oncle et neveu, en les citant à son tour au même tribunal, pour se voir comdamner par corps à la garantie.

» Le 24, jugement par défaut, qui adjuge à Bourgeois et Lanfrey leurs conclusions respectives, sauf qu'il ne prononce pas contre Leleu, oncle, la contraite par corps.

» 16 Floréal suivant, autre jugement par défaut, qui déboute Leleu oncle de son opposition au premier."

» APPEL, tant par Leleu oncle, condamné à payer les 162,908 f. portes dans l'acte du 6 frimaire an 6, que par Lanfrey, en ce qu'il n'avoit pas obtenu la Contrainte par corps.

» L'affaire portée au tribunal civil du département de la Seine, Leleu soutient que, par l'acte du 6 frimaire an 6, il ne s'est constitué qu'endosseur des six lettres de changes fournies par son neveu et SaintSimon à Lanfrey; qu'en consequence, Lanfrey auroit dû le poursuivre dans les délais fixés par l'article 15 du titre 5 de l'ordonnance de 1673; que Lanfrey, n'ayant donné que long-temps après son assignation en garantie, est par cela seul non recevable; que Bourgeois, demandeur originaire, ayant intenté trop tard son action contre Laufrey, la fin de non-recevoir qui repousse sa demande, doit en même-temps repousser l'action de Lanfrey en garantie; qu'enfin, et à tout événement, l'acte du 6 frimaire an 6, n'existe plus; que l'engagement contracté par cet acte, a été éteint par une novation qui a eté le résultat de la substitution des douze nouvelles traites du 4 pluviôse an 7, aux six premières du 6 frimaire an 6; qu'ainsi, il a été mal jugé par le tribunal de Commerce de Paris.

[ocr errors]

Lanfrey répond que l'acte du 6 frimaire n'est pas un endossement, mais un cautionement simple et solidaire, pour l'éxécution duquel l'article 20 du titre

5 de l'ordonnance de 1673 accorde trois ans aux porteurs de lettres de change cautionnées; qu'en tous cas Leleu, considére comme endosseur, devoit prouver aux termes de l'article 16 du même titre, que Saint - Simon, accepteur des six traites, avoit fonds ou provision pour les payer; que comme co-acheteur des toiles vendues le 6 frimaire an 6, qualité qu'il offre de justifier par témoins, Leleu ne peut se dispenser d'en acquitter le prix; qu'enfin il n'y a pas de novation dans ceite affaire.

» Le 24 messidor an 7, jugement interlocutoire qui ordonne qu'il sera rapporte des Parere des places de de Paris, Rouen et Orléans sur les questions suivantes. 1.° L'acte du 6 frimaire an 6, doit-il être considéré comme un aval?

» 2.° Est-il reçu et usité dans le commerce, qu'un aval séparé de la traite ait tous les effets d'un aval mis sur la traite elle-même, et d'un endossement? En conséquence l'art. 15 du titre 5 de l'ordonnance de 1673, est-il aplicable à un pareil aval, en cas de défaut de protêt ou de demande en garantie dans les délais fixés par la loi? ou bien y a-t-il lieu dans cette espèce, à l'application de l'article 20, qui donne 3 ans pour agir contre les cautions baillées pour l'événement des lettres de change?

[ocr errors]

»3.o Est - il reçu et usité dans le commerce, que le porteur d'une lettre de change acceptée puisse exiger, soit du donneur d'aval, soit du tireur, soit des endosseurs, la preuve que l'accepteur étoit redevable, ou avoit provision au temps où la traite auroit dû être protestée?

» Sur les trois questions, des Parere ont été rapportés de part et d'autres ; il ne sont pas d'accord dans leurs résultats. >>

sur

» Le 14 fructidor an 7, jugement définitif qui, T'appel de Lanfrey, dit qu'il a été bien jugé; sur celui de Leleu, infirme le jugement du tribunal de Commerce, decharge Leleu des condamnatiou prononcées contre lui, et, faisant droit au principal, déclare Lanfrey non-recevable dans ses demandes.

L

[ocr errors]

Les motifs de ce jugement sont que Bourgeois est non-recevable dans son action en remboursement contre Lanfrey; que ce dernier l'est également dans son recours en garantie contre Leleu; qu'abstraction faite de l'action de la fin de non-recevoir que Lanfrey pourroit opposer à Bourgeois, et dont il ne peut pas priver son garant, Lanfrey est encore personnellement non-recevable >>.

» Lanfrey s'est pourvu en cassation du jugement, comme violant les lois du commerce.

1.° Celles qui veulent que les conventions soient respectées ;

2. Celles qui règlent la nature et les effets du contrat de change;

» 3.° Celles qui admettent la preuve par témoins dans les affaires commerciales.

"De ces trois moyens, le second a fixé l'attention de la Section civile du Tribunal de cassation; et le 14 germinal an 9, jugement est intervenu qui a cassé celui de la Seine, tant pour fausse application de l'art. 15, que pour contravention aux art. 16, 20, 21 et 33 du titre 5 de l'ordonnance du 1673, et a renvoyé la cause au tribunal d'appel d'Orléans.

» Les parties se sont présentées devant le tribunal d'appel d'Orléans; le tribunal, sans s'arrêter à la décision sectionnaire du tribunal suprême, a prononcé le 18 messidor an 9 comme celui du département de la Seine.

» Lanfrey s'est pourvu de nouveau en cassation, a demandé et obtenu la permission de faire citer son adversaire devant les sections réunies ».

» Il faut examiner si le tribunal d'Orléans a violé les lois conservatrices des contrats, a dit M. Merlin, procureur-général, qui a porté la parole dans cette grande affaire; s'il a faussement appliqué et enfreint les dispositions de l'ordonnance de 1673 relative à la nature et aux effets du contrat de change; s'il a contrevenu à l'article 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1667, concernant la preuve testimoniale.

On observe que de ces trois moyens, le premier rentre dans le second, et que le troisième est sans fondement.

» Car, de quoi est-il question au procès? 1.° De savoir si par l'acte du 5 frimaire an 6, Leleu s'est rendu simplement garant, ou si seulement il s'est constitué, soit endosseur, soit donneur d'aval, des six traites en litige; 2°.si cet acte n'offre de la part de Leleu qu'un promesse pure et simple de garantie d'une dette ordinaire, qu'un cautionnement de pur droit commun; alors il y a dans le jugement attaqué fausse application de l'art. 15 du titre 5 de l'ordonnance de 1673, et par suite contravention aux lois qui veulent que les contrats soient executés. Mais supposez à l'acte du 6 frimaire an 6, le caractère et les effets, soit d'aval, soit d'endossement, alors cet article aura reçu une juste application, et on ne pourra voquer les lois générales sur les contrats, parce que le contrat de change est soumis par l'ordonnance de 1673 à des règles particulières, qui font exception aux lois générales.

» En abandonnant le troisième moyen de cassation de Lanfrey, comme étant sans fondement, voyons le second qui seul a attiré l'attention de la Section civile, lors de son jugement du 14 germinal an 9, et s'il est vrai, comme le dit Lanfrey, que la fin de nonrecevoir établie contre le tireur et les endosseurs, par non exercice de poursuite dans la quinzaine du jour du protêt faute de paiement, n'a lieu que contre le vrai tireur et contre celui qui a effectivement endossé une lettre de change dans la forme et aux charges prescrites, et non contre un garant quelconque, qui par assignation seroit placé dans la classe des endosseurs.

» On peut répondre à cette proposition, que les fins de non-recevoir sont en général peu favorables; que l'on ne peut les étendre d'un cas à l'autre, et que celui qui n'est endosseur que fictivement, ne peut pas s'ap proprier une fin de non-recevoir que la loi n'accorde qu'à l'endosseur véritable et proprement dit. » La loi a établi la fin de non-recevoir pour faciliter et contribuer à la prompte expedition des affaires, et à tout ce qui tend à les dégager de toute espèce d'eniraves, et tout ce qui a pour objet de mettre chacun à portée d'exercer rapidement les actions qu'il peut

avoir, c'est une protection de la loi en faveur du commerce; elle l'a prononcée en haîne du tort que le porteur de la lettre de change protestée fait à ses garants, en ne les mettant pas à même d'exercer leur recours contre leurs arrières garants; en ne leur fournissant pas le titre qui pourroit fonder ce recours; en les exposant par-là à toutes les chances d'insolvabilité qui peuvent survenir dans l'intervalle car, sans cette dénonciation, ils ne pourroient ni agir, ni prouver à leur cédant, ni à l'accepteur le defaut d'acquit de la lettre à son échéance; et s'ils n'en ont pas la preuve en main, ils ne pourront réussir dans leur action récursoire. C'est pour l'avantage du garant que la dénonciation du protêt doit être faite dans la quinzaine du protêt; c'est en sa faveur que l'ordonnance la requiert: donc, au lieu de la regarder comme odieuse, on doit au contraire accueillir comme très-favorable, la fin de non-recevoir que la loi fait résulter d'une semblable négligence.

» Mais, si celte fin de non-recevoir est favorable, pourquoi en interdire l'usage aux endosseurs fictifs?

» C'est aller contre la maxime qui veut que toute fiction ait, dans le cas pour lequel elle a été introduite, les mêmes effets que la vérité. Cette maxime s'applique avec bien plus de force aux fictions conventionnelles, aux fictions qui ont fait partie des conditions sous lesquelles une obligation a été contractée, et celles sans lesquelles, peut-être, cette obligation n'existeroit pas.

» Par l'acte du 6 frimaire an 6, Leleu oncle s'est rendu garant du paiement desdites lettres de change. et ne l'a voulu qu'à condition qu'il seroit considéré comme endosseur de ces effets, et que les lois de l'endossement lui seroient applicables;, si cette condition ne convenoit pas à Lanfrey, il falloit qu'il s'opposât à ce qu'elle fût insérée dans l'acte: il ne l'a pas fait; donc il a accepté cette garantie, telle qu'elle est conçue, et qui fait loi entr'eux: vouloir aujourd'hui séparer la condition qui y a été apposée et vouloir traiter Lelea comme endosseur et garant pur et simple, c'est diviser un contrat, qui, par le concours des volontés respectives a été rendu indivisible; c'est violer

« PreviousContinue »