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la loi qui en commande l'exacte observation; car, Lanfrey part d'un faux principe, en disant que l'endosseur par assimilation, ne peut invoquer la fin de

non-recevoir.

» La cause peut se réduire à ce seul point de fait : Leleu s'est-il rendu, par l'acte du 6 frimaire an 6, garant pur et simple du paiement des six traites, ou s'est-il seulement soumis à garantir ce paiement, ni plus ni moins que s'il eut été endosseur? Au premier cas, l'article 15 du titre 3 de l'ordonnance a été faussement appliqué par le jugement dont se plaint Lanfrey; au deuxième, le tribunal d'appel d'Orleans a fait de cette article une application parfaitement juste.

» Cette question est clairement résolue par l'acte du 6 frimaire, notamment par ces termes: (Ainsi, et de la même manière que si nous étions endosseurs desdites traites). Leleu se rend donc garant solidaire du paiement desdites traites, mais non purement et simplement; c'est comme endosseur qu'il se constitue tel; il n'est donc obligé que comme endosseur, et ne l'est pas dans le cas où un endosseur cesseroit de l'être.

» Mais, dit Lanfrey, Leleu, en se rendant garant personnel de l'accepteur, a reconnu qu'il ne pouvoit pas être dans celle du simple endosseur.

» Point du tout. Le simple endosseur, qui écrit et signe son nom au dos d'une lettre de change, se rend le garant direct, personnel et solidaire du terme et de celui qui doit payer, et quelle en est la raison? c'est dit Pothier, dans son Traité du Contrat de Change, n.° 79, « que l'eudossement et un vrai contrat de

change, par lequel celui à qui l'ordre est passé, » échange l'argent qu'il donne à l'endosseur dans le » lieu où se fait l'endossement, contre l'argent que l'en

dosseur s'oblige de son côté de lui faire recevoir dans » le lieu où la lettre de change qu'il lui remet est tirée. Ce contrat (ajoute-t-il ) est entièrement semblable à celui qui intervient entre le tireur et le donneur de valeur. Il produit entre l'endosseur et celui à qui » l'ordre est passé, en cas de refus de paiement's les mêmes obligations et les mênies actions que la

» lettre ». Ainsi, par l'article 23 du titre 5 de l'ordonnance de 1673, les endosseurs sont, pour la garantie personnelle et solidaire, assimilés aux tireurs, prometteurs, donneurs d'aval et accepteurs.

«Mais, dit encore Lanfrey, la fausse explication ( ainsi, et de la même manière que si nous étions endosseurs), ne peut pas se séparer de celle qui termine l'acte, (et aura à notre egard, en justice, la méme force que lesdites traites), elle ne peut donc pas atténuer l'obligation de faire les fonds pour l'acquit des traites et d'eb garantir le paiement.

» Réponse. Elle ne l'atténue pas, elle n'en diminue pas l'intensité, elle n'en altère pas la solidarité directe et personnelle, mais elle en subordonne les faits à des formalités de rigueur; les deux choses sus-citées ne peuvent être séparées; il en résulte que le porteur de ces lettres est tenu de remplir les formalités envers les endosseurs ordinaires, et s'il y manque, il sera sans action, par la raison même que les deux clauses sont indivisibles.

» Ici s'applique la sixième règle de Pothier, pour l'interprétation des conventions; il dit, dans son Traité des Obligations, n.o 96: On doit interpréter une clause par les autres clau ses contenues dans l'acte, soit qu'elles précédent ou qu'elles suivent; ce qu'il prouve par la loi 125. (De verborum Significatione ).

Il n'importe donc, que la clause ( ainsi et de la même manière, etc.), précède on suive celle, ( la méme force, etc. ). En quelque partie de l'acte qu'elle soit placée, elle modifie toutes les autres clauses; elle en restreint les effets à ceux d'un simple endossement, en soumet l'exécution éventuel à la codition que le porteur se mettra en règle envers Leleu, comme il seroit tena de le faire envers un endosseur.

S'il y a du doute, ce ne serait pas en faveur de Lanfrey que l'acte devroit s'interprêter. Dans le doute porte la septième règle de Pothier), une clause doit s'interpreter contre celui qui a stipule quelque chose, et à la décharge de celui qui a contractė l'obligation, (Loi 99.) Ce sont ces raisons puissantes

qui ont déterminé le tribunal de la Seine, celui de la Section civile de cassation et celui d'appel.

» Un autre point de vue, sous lequel Lanfrey, trouve les jugemens des tribunaux de la Seine et d'Orléans, en contracdition avec la loi c'est, dit-il, que l'obligation imposée par la loi à ceux qui auront mis leur aval sur des lettres de change, ou autres actes concernant le commerce, est d'être tenu solidairement avec les accepteurs, encore qu'il n'en soit pas fait mention; c'est que les obligattons des accepteurs ne sont prescrites que par cinq ans, et à la charge d'affirmer la libération; c'est que celles des cautions données pour l'événement des lettres de change, durent au moins trois ans ; c'est qu'enfin, l'article 23 contient le principe applicable à cette obligation, et que les articles 20 et 21, ne permettoient pas d'admettre une prescription de quinzaine contre un garant d'accepteur, ou une caution de la sûreté des traites.

Cette partie de défense de Lanfrey, est un tissu d'erreurs condamnées par le texte même de l'ordonnance de 1673, et par l'usage universel du com

merce.

»Ne voyons plus dans cet acte que la clause portant que present engagement servira d'aval.

le

» On sera du moins forcé de convenir avec les tribunaux de la Seine, d'Orléans, et le jugement de cassation du 14 germinal an 9, qu'on doit considérer comme un aval effectif, l'engagement que Leleu a contracté par l'acte du 6 frimaire an 6. Il est reconnu que les avals ne se donnent plus sur des lettres de change auxquels ils servent de cautionnement, mais par des actes séparés. Cet usage étoit déjà établi dans les dix dernières années du dix-septième siècle, ce qu'on peut voir dans le quatorzième Parere du Receuil de Savary: L'usage n'est plus de mettre l'aval au bas de la signature de celui qui tire une lettre de change, parce que les cambistes ont trouvé qu'il nuisoit à la négociation des lettres.

» Où est-il écrit que le signataire d'un aval ne peut pas, comme le simple endosseur, se prévaloir contre le porteur, du défaut de dénonciation de protêt ?

» Cela est écrit, dit-on, dans les articles 20, 21 et 23

du titre 5 de l'ordonnance de 1673; dans l'article 20, en ce qu'il fait durer trois ans l'obligation de ceux qui ont cautionné l'événement des lettres de change; dans l'article 21, en ce qu'il fait durer cinq ans l'action en paiement contre l'accepteur; dans l'article 33, en ce qu'il déclare le donneur d'aval solidairement tenu avec les accepteurs, tireurs et endosseurs.

» C'est abuser étrangement de ces trois articles que d'en tirer une pareille conséquence; l'article 20 n'a rien de commun avec les cautionnemens qualifiés d'aval, il n'est relatif qu'aux cautionnemens fournis pour l'événement des lettres de change adirées ; et pour s'en convaincre, il suffit de le rapprocher des deux articles qui le précédent

» L'article 18 porte: la lettre payable à un particulier, et non au porteur, ou à ordre, étant adirée, le paiement pourra en étre poursuivi et fait en vertu d'une deuxième lettre, sans donner caution.

» L'article 19 ajoute: Au cas que la lettre adirée soit payable au porteur ou à ordre, le paiement n'en sera fait que par ordonnance du juge et en baillant caution de garantir le paiement qui en sera fait: precaution sage; parce que, comme l'observe Jousse, Si la lettre est payable au porteur, elle peut tomber entre les mains d'un inconnu, qui dira en devoir fourni la valeur, et que, si elle est à ordre, on peut supposer que celui qui la reçoit a passé son ordre à quelqu'un qui en viendra demander le paiement. C'est à la suite que l'article 20 continue en ces termes : Les cautions baillées pour l'évenement des lettres de change, seront déchargées de plein droit, sans qu'il soit besoin d'aucuns jugement, procedure ou sommation, s'il n'en est fait aucune demande pendant trois ans, à compter du jour des dernières poursuites,

» Le mot événement restreint évidemment l'art. 20, aux lettres de change adirées; il ne s'occupe que des cautions baillées par le porteur pour la sûreté de l'accepteur, ce qui est encore plus sensible par les iermes suivans: Sans qu'il soit besoin d'aucuns jugement, procédure ou sommation. Ce n'est que dans les articles. 32 et 33 qu'il est question des donneurs

d'aval on ne peut donc leur appliquer l'article 20; cet article n'est que l'extrait de la déclaration du 9 janvier 1664, rendu spécialement pour les cautions fournies en cas de lettres de change adirées.

» Toubeau, dans son Institut du Droit consulaire, livre 2, titre 6, nous trace la généalogie de cette déclaration.

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«Parce que les lettres de change égarées n'étoient acquittées qu'en rapportant de nouvelles lettres en vertu de jugement, et en donnant caution qui demeuroit obligée pendant 30 ans, cela empêchoit beaucoup de personnes de s'engager dans de tels cautionnemens faisoit beaucoup de tort au commerce. Les juges consuls de Paris voyant cela, convoquèrent le 19 octobre 1662, en leur chambre du conseil, les anciens juges consuls, auxquels ayant proposé la chose, il furent d'avis qu'à l'avenir toute caution baillée pour l'événement des lettres de change égarées ou perdues, ne demeuroit responsable que pour un an, après lequel temps la caution, l'accep teur et le tireur ne pourroient être recherchés ni inquiétés en façon quelconque. Ce résultat porté au Parlement avec requête des juges consuls, pour l'enterrinement, la Cour, après avoir mandé et ouï douze notables marchands, sur les conclusions du procureurgénéral, par son arrêt du 16 septembre 1663, ordonne que toutes cautions données pour l'événement des lettres de change, billets payables au porteur, ou à ordre, qui se trouvoient perdus, ne demeuroient obligées et responsables que pendant trois ans ; que trois ans passés, l'accepteur qui auroit payé, le tireur et ceux qui auroient passé leur ordre, demeureroient déchargés, sans qu'après les trois ans révolus, il puissent être recherchés ni inquiétés sur ce résultat ; et, sur cet arrêt, fût rendue une déclaration du Roi, du 9 janvier 1664, par laquelle ce réglement fût approuvé et homologué.

» Elle le fut également par une Déclaration du Roi, sous la même date et dans les mêmes termes.

» Il n'est pas question dans cette loi de cautionnement au porteur en forme d'aval, mais bien de cautionnement fourni par le porteur en cas de perte d'une lettre de charge,

et

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