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en ce qu'il accorde des droits à un tiers, ou au moins met en question s'il lui en sera accordé.

En effet, la veuve Poorter, en souscrivant un billet à ordre, s'est soumise à le payer à la personne qui le lui représenteroit à son échéance. Ces effets sont une monnoie courante dans le commerce, dont le porteur est uniquement le propriétaire. Ainsi des créanciers ne peuvent, depuis l'endossement, acquérir des droits au préjudice du porteur. Par conséquent, la saisie faite par Wendewerve sur Powels ne pouvoit être opposée au porteur, qui ne doit connoître que le tireur et les endosseurs, pour se faire payer du premier, ou pour recourir contre les derniers, en cas de non-paiement. Par conséquent, les créanciers de celui à l'ordre duquel le billet étoit souscrit, ne pouvoient jamais empêcher le paiement qui devoit être fait au porteur. En appelant ce tiers créancier, le jugement avoit préjugé le fond; il avoit par là mis en question de savoir si la saisie qu'il avoit faite produiroit quelqu'effet; il a légitimé le refus mal fondé que la dame Poorter avoit fait de payer.

Au fond, il a conclu au paiement du billet.

Ces moyens étoient trop justes pour qu'ils ne fussent point accueillis; aussi servent-ils de base à l'arrêt suivant.

-ARRÊT. Attendu qu'il s'agit d'un effet payable à ordre, et dont la propriété a été transmise par simple voie d'endossement;

Attendu que la saisie étant faite sur celui au profit duquel le billet avoit été originairement créé, ne peut opérer à l'égard du porteur investi de la propriété par un endossement antérieur à la saisie; qu'ainsi cette saisie étant super non domino, l'ordonnance de mise en cause du saisissant étoit inutile.

La cour rejette la fin de non-recevoir; au principal, met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, déclare qu'il n'y a lieu à ordonner la mise en cause du sieur Wendewerve, evoquant et statuant au fond, sans s'arrêter à la saisie oppositive, condamne l'intimée à payer à l'appelant la somme de 1,814 fr., aux intérêts de ladite somme depuis la demande judiciaire, et aux dépens, tant de cause principale que d'appel.

25 Mai 1808.

Lorsqu'on prétend qu'une lettre de change a une cause illicite, peut-on astreindre les porteurs à comparoître en personne, et à produire leurs livres de commerce?

Jugé, dans l'espèce suivante, pour l'affirmative.

Des difficultés s'élèvent sur une lettre de change ainsi concue: « Montagne-le-Motier, le 30 mai 1807. - A six mois de date. payez par cette première de change, à l'ordre de M. Paul Schaffler, 11,000 liv. tournois, valeur en compte, que passerez au mien, suivant l'avis de M. Jacques-Henri Juillera. Signé J.-H. Schaffler. Accepté, J.-H. Juillerat, Et au dos: Payez à l'ordre de M. Isaac Schaffler, valeur entendue. Montagne-leMotier, le 2 juin 1807. P. Schaffler. »

L'ordre est passé à plusieurs autres personnes.

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Le sieur Arnold, porteur de la lettre de change, la présenta à son échéance au sieur Juillerat, qui refusa de la payer, attendu qu'ils n'avoit aucuns fonds. Imhoff et Gass, poursuivis comme endosseurs, actionnèrent à leur tour le tireur, l'accepteur et les endosseurs. Ceux-ci demandent que, sans s'arrêter aux prétendus lettre et endossement qui seront déclarés nuls, comme faits pour et sur une cause illicite, Imhoff et Gass soient déboutés de leurdemande; subsidiairement, qu'ils soient tenus de déposer leurs registres et de comparoître en personne, pour être interrogés sur faits et articles. Le 12 février 1808, jugement qui, attendu que l'acte du 30 mai dont il s'agit, contient tous les caractères d'une lettre de change; qu'elle est tirée d'un lieu à un autre; que les signataires d'icelle reconnoissent leurs signatures; qu'ils n'ont pas pris de fausses qualités ni de domicile supposé; qu'il ne s'y rencontre donc aucune des suppositions énoncées en l'article 112 du Code de commerce, qui puisse réduire ladite lettre à la valeur d'une simple promesse; - Que l'article 14 dudit Code ne permet aux tribunaux d'ordonner la communication des livres que dans les affaires de succession, communauté, partage de société, et en cas

de faillite; que la voie de l'interrogatoire sur faits et articles n'est également pas admise dans les tribunaux de comOrdonne l'exécution provisoire sans cau

merce......

tion.

-

Sur l'appel, Juillerat et consor's prétendent qu'il n'ont nireçu ni profité des 1 1,coo fr.; que la cause de la lettre de change est illicite, attendu qu'elle a pour objet l'assurance de la contrebande: or, dans les principes les moins véritables, l'engagement qui a pour but de frauder les lois de l'Etat, est nul.- Comment prouver cette cause illicite? En malère de simulation, les presomptions suffisent lorsqu'elles sont fortes et concluantes: or, dans l'espèce, il y a un tireur, un accepteur et quatre endosseurs, tous recherchés; ces six individus ne font aucun commerce, leur fortune est peu solide; le tireur est un simple métayer, n'ayant de nioyen de subsistance que le produit de ses vaches; l'accepteur est un jeune homme, peintre paysagiste, et le tireur et les endosseurs sont parens, hors Roess, le quatrième endosseur. Comment ces négociations ont-elles pu être aussi rapides, et les ordres porter toujours valeur en compte, lorsque cela ne doit s'entendre qu'entre négocians étant en compte courant?

Subsidiairement, les premiers juges ayant déclaré que l'interrogatoire sur fails et articles ne pouvoit avoir lieuen matière de commerce, les appelans ne peuvent y parvenir qu'en faisant réformer le jugement. Il en est de même des livres de commerce des intimés, que les appelans ont intérêt de faire produire : en effet, si ces livres ne portent aucune trace de la lettre de change, ou si elle y est mentionnée, on verra que sa cause est illicite, et, de toutes les manières, les appelans en tireront avantage.

La célérité nécessaire aux négociations des lettres de change s'oppose, en général, à la demande des appelans; mais il en est autrement lorsque, comme dans l'espèce, il y a soupçon de fraude.

L'article 428 du Code de procédure porte que le tribunal pourra, dans tous les cas, ordonner, méme d'of fice, que les parties seront entendues en personnes, etc. A plus forte raison dans le cas actuel. Cette disposition. est encore confirmée par l'art. 642 du Code de commerce. Quant aux livres de commerce, on objectera sans

doute un arrêt du parlement de Bordeaux, de 1703, qui a jugé qu'en matière de lettres de change le marchand ne peut être tenu à représenter ses livres : cet arrêt est contraire aux principes. L'ordonnance de 1673, titre 3, art.. 10, porte que le négociant peut être tenu de représenter ses livres, s'il en est requis, en offrant par la partie d'y ajouter foi; et Jousse observe qu'en cas de refus de produire les livres, le juge doit alors déférer le serment à l'autre partie: or, ici les appelans offrent, mais trèssubsidiairement, d'ajouter foi aux livres des intimés. On répondoit pour les intimés:

Les présomptions de fraude qu'on entend faire valoir, méritent à peine d'ê re réfutées.

Les appelans ne sont pas négocians, dit-on, mais tous les jours des non négocians signent des lettres de change, et par-là deviennent justiciables des tribunaux de commerce. On dit : les intimés sont des métayers, non, ils sont des propriétaires; l'un même est horloger: leur fortune est mediocre; qu'importe, pourvu qu'un seul soit solvable?

On tire avantage du matériel de la lettre de change: mais il ne s'agit pas de vérification d'écritures; d'ailleurs, les blancs-seings sont admis pour l'utilité du commerce, ce qu'a eucore confirmé un arrêt récent de la cour de cassation, du 2 prairial an 13. Quant aux ordres qu'on dit avoir été mis en blanc, cela ne sauroit concerner les intimés, pour qui il suffit que la lettre ait les caractères nécessaires à sa validité. Ils n'ont pas à rendre compte des ordres qui ont précédé celui signé de Ross; que le premier porteur et le tireur se querellent, cela devient indif férent aux intimés. Les appelans demandent subsidiairement la représentation des livres et l'interrogatoire mais les lettres de change sont le papier monnoie du commerce; une lettre une fois mise en circulation, on ne peut opposer d'exceptions contre le dernier porteur. Il résulte des art. 121, 140 et 157 du nouveau Code de commerce, et du discours de l'orateur, que le paiement d'une lettre de change ne peut être arrêté que par l'inscription de faux. Les auteurs cités par les appelans ne disent pas que le dernier porteur de lettres négociées pourra être tenu de représenter ses livres : il pourroit en être autrement, peut-être, dans un litige entre le tireur d'une

lettre et le premier endosseur, mais non à l'égard du dernier porteur, à qui toutes les négociations précédentes de la lettre ont été étrangères. Quant à l'interrogatoire qu'on exige des intimés, il seroit contre tous les principes. Le Code de procédure qui le permet en matière civile, n'a pas étendu sa disposition aux affaires commerciales; et si le Code de commerce autorise la comparution en personne, ce n'est pas dans le cas où il s'agit de lettres de change. D'ailleurs, que pourroient dire les intimés lors de l'interrogatoire, si ce n'est qu'ils ont acheté et payé la lettre? Ils ne sauroient répondre pour les endosseurs précédens. Il faudroit donc que ceux-ci représentassent aussi leurs livres, à quelque grande distance qu'il pussent être du tribunal saisi du litige. Cette manière de procéder ne peut être accueillie.

ARRÊT. Vu l'article 428 du Code de procédure, ainsi concu...; les articles 15 et 642 du nouveau Code de commerce, portant... ;

Attendu que, dans une cause de l'espèce de celle-ci, qui sort des règles ordinaires, puisque l'objet du litige est une lettre de change que l'on soutient nulle, fondé sur des circonstances graves, et notamment sur ce que la cause de cette effet est illicite, comme contraire aux loix publiques de l'état, il pouvoit être du plus grand intérêt des appelans d'obliger les intimés à s'expliquer en face de la justice, de parvenir à découvrir la vérité; que les appelans y ayant conclu formellement eu première intance, leur demande à cet égard étoit d'autant plus dans le cas d'être accueillie par le tribunal à quo, qu'il étoit même autorisé à l'ordonner ainsi d'office, comme cela résulte des dispostions du Code de commerce ci-devant rapportées : il y a donc lieu, en émendant, faisant ce que les premier juges eussent dû faire, d'ordonner la comparution des intimés en personne, et la représentation de leurs livres.

Par ces motifs, conformément aux conclusions de M, le procureur-général, la Cour met l'appellation et ce dont est appel aux néant; émendant, avant faire droit sur le principal, ordonne que dans le mois, à compter de la signification du présent arrêt, les intimés comparoîtront en personne pardevant la Cour, pour être entendus sur Les faits allégués en la requête du 8 février 1808, et autres

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