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qu'étant créancier du propriétaire de la lettre de change, je mets au bas de cette lettre, accepté pour payer à moi-même, pourvu que ma créance soit d'une somme liquide, qu'elle soit echue ou doive échoir au temps de l'écheance de la lettre : le refus que je lui fais par cetie espèce d'acceptation, de lui faire un paiement réel, étant un refus qui procède de ce qu'il est mon debiteur, et par-conséquent qui procède de son fait, ne peut donner lieu à aucun recours de sa part contre le tireur qui lui a fourni la lettre. C'est l'avis de La Serra, chap. 8.

Pareillement si un créancier du propriétaire de la lettre de change, avant que je l'eusse acceptée, avoit fait saisir entre mes mains ce que je dois ou de vrai par la suite à ce propriétaire, j'accepterai en ce cas la lettre, pour payer à qui sera par justice ordonné, avec un tel saisissant, sans que le proprietaire de la lettre puisse se plaindre de cette acceptation, puisque c'est son fait qui donne lieu à la restriction qu'elle renferme; La Serra, ibid.*

48. L'acceptation doit être faite pour la même somme portée par la lettre ; et elle est censée faite pour cette somme, lorsqu'il n'y a aucune somine désignée dans l'acceptation. Si elle etoit farte pour une somme moindre, ce seroit un refus d'accepter pour le surplus, et l'on pourroit protester pour ce surplus.

Si au contraire elle étoit faite pour une somme plus grande, le moins étant compris dans le plus, l'acceptation seroit valable pour la somme portée par la lettre.

49. L'acceptation doit être faite pour payer à la même échéance. Si le porteur ou le propriétaire de la lettre souffroit que l'acceptation se fit pour un temps plus long, il ne pourroit pas l'exiger avant le terme qu'il a bien voulu accorder; mais la prolongation du terme ne pouvant pas nuire au tireur qui n'y a pas consenti, le

Ces acceptations doivent encore être valables: elles ne dérogent pas aux principes du Code de Commerce, qui n'empêche pas la compensation.

porteur n'auroit point de recours contre le tireur et les endosseurs, en cas de faillite du débiteur, arrivée depuis la prolongation du terme.

§. I V.

Des avals. (IX).

50. Aval est le cautionnement de celui qui se rend caution dans une lettre de change pour le tireur, ou pour quelqu'endosseur, ou pour l'accepteur : la forme est que la caution met sa signature au bas de celle de celui pour qui il se rend caution. Un négociant très-expérimenté m'a dit que les avals ou cautionnemens en cette forme n'étoient plus guère en usage, et qu'ils se faisoient par un billet séparé. (Article 141 et 142 du Code de Commerce).

CHAPITRE IV.

Des différens Contrats que renferme la négociation des Lettres de change.

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Du contrat qui intervient dans la négociation des lettres de change, entre le tireur qui fournit la lettre, et le donneur de valeur à qui elle est fournie.

Le principal contrat qui intervient dans la négociation. des lettres de change, et qui donne lieu à toute leur négociation, est celui qui intervient entre le tireur qui fournit la lettre de change, et le donneur de valeur à qui

elle est fournie.

Nous traiterons dans un premier paragraphe, de la nature de ce contrat; dans les deux suivans, des obligations et des actions qui en naissent.

§. I.

De la nature du contrat qui intervient entre le tireur qui fournit la lettre de change, et le donneur de valeur à qui elle est fournie.

51. Ce contrat est le contrat de change dont nous avons déjà donné la définition, suprà, n. 2.

Par ce contrat le donneur de valeur échange ce qu'il donne ici ou ce qu'il s'oblige de donner ici au tireur, contre l'argent que le tireur s'oblige de lui faire compter -dans un autre lieu, par le moyen d'une lettre de' change sur ce lieu, qu'il lui fournit, ou qu'il s'oblige de lui fournir.

Quelques auteurs qui s'imaginent appercevoir l'usure par-tout, ont cru que ce contrat, lorsque la valeur de la lettre de change étoit comptée en argent, n'étoit autre chose qu'un prêt d'argent que le donneur de valeur qui compte ici en argent la valeur de la lettre de change qui lui est fournie, fait au tireur qui la lui fournit: en conséquence ces auteurs regardent le droit de change que le banquier reçoit du donneur de valeur, comme un intérêt usuraire de l'argent qu'il a compté au tireur, et regardent le commerce de banque comme un commerce usuraire et illicite.

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Cette opinion a été universellement rejetée. On convient aujourd'hui que le contrat qui intervient entre le tireur qui fournit la lettre de change, et celui qui la prend et qui en donne la valeur en argent, n'est pas un contrat de prêt; que c'est ou un contrat de vente selon quelques auteurs, ou selon d'autres, dont l'opinion est la plus plausible, un contrat d'echange; en conséquence, que le droit de change qui est payé au banquier, n'est pas un intérêt usuraire, et que le commerce de banque, bien loin d'être un commerce illicite, est un commerce louable, et utile à la société.

Il est facile d'appercevoir les différences entre ce contrat et le contrat de prêt d'argent. Le contrat de prêt d'argent se fait pour l'utilité seule de l'une des parties contractantes, qui est l'emprunteur. Le prêteur ne

reçoit aucune utilité de ce contrat; c'est un pur bienfait qu'il fait à l'emprunteur : ce contrat est de la classe des contrats bienfaisans. Au contraire le contrat par lequel l'une des parties donne son argent qu'elle a ici, en echange de l'argent qu'on lui donne à recevoir dans un autre lieu par le moyen de la lettre de change, est un contrat intéressé de part et d'autre, qui se fait pour l'utilité. réciproque des deux contractans; car lorsque je vous donne mon argent ici pour une lettre de change que vous me donnez à la place, je ne vous le donne tant pour vous faire plaisir, que pour mon utilité particulière; parce que j'ai plus besoin de l'argent que vous me donnez à recevoir dans le lieu où la lettre de change est tirée, que de celui que je vous donne ici; comme vous avez plus de besoin de celui que je vous donne ici, que de celui que vous me donnez à recevoir dans un autre lieu.

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Il y a encore d'autres différences. Le contrat de prêt d'argent est un contrat reel, qui ne reçoit sa perfection que lorsque l'argent est compté. C'est un contrat unilateral, par lequel il n'y a que l'un des contractans, c'est-à-dire l'emprunteur, qui s'oblige envers l'autre. Au contraire le contrat qui intervient entre celui qui fournit la lettre de change et celui qui la reçoit, est un contrat consensuel, qui est parfait par le seul consentement des contractans: car aussi-tôt que nous sommes convenus que vous me fourniriez une lettre de charge de tant sur un tel lieu, et que je vous compterois ici tant pour la valeur d'icelle, le contrat, quoiqu'il n'ait pas reçu encore de part ni d'autre son exécution, est parfait; et vous êtes dès-lors obligé à me fournir la lettre, comme de mon côté je suis obligé à vous en compter la valeur.

Il résulte aussi de ceci, que ce contrat est un contrat synallagmatique, différent encore en cela du contrat de prêt d'argent, qui est unilateral.

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52. Le contrat qui intervient entre le tireur qui fournit la lettre de change et celui qui en donne la valeur en argent, n'étant pas un contrat de prêt, il suit delà que le droit de change qu'on paie par ce contrat quelquefois, à un banquier à cause de l'argent qu'il vous

dobne pour une lettre de change, ne peut passer pous un intérêt usuraire, l'usure proprement dite ne pouvant se contracter que dans les contrats de prêt.

Pour savoir ce que c'est que ce droit de change qui se paie aux banquiers, il faut savoir que dans les villes de commerce les lettres de change sur une certaine ville gagnent quelquefois sur l'argent, et quelquefois c'est l'argent qui gagne sur les lettres de change.

Cette différence du prix de l'argent et des lettres de change vient de l'abondance ou de la rareté des remises ou des traites. Par exemple, si à Lyon, dans le temps que la négociation se fait, les négocians de Lyon out beaucoup d'argent à remettre à Marseille à leurs correspondans, et peu à en tirer, en ce cas il y aura beaucoup plus de personnes qui chercheront à troquer leur argent contre des lettres de change sur Marseille qu'il n'y en aura qui demanderont à troquer leurs lettres de change sur Marseille pour de l'argent : parconséquent le besoin des lettres de change sur Marseille étant plus grand que celui de l'argent, les lettres de change gagneront quelque chose sur l'argent, putà, un ou demi pour cent; et pour avoir une lettre de change de mille livres sur Marseille, il faudra donner au banquier qui vous la fournit, mille dix livres ou mille cinq livres, suivant le cours de la place. Au contraire, si au temps de la négociation les négocians de Lyon ont peu d'argent à remettre à Marseille, et beaucoup à en tirer, il y aura beaucoup plus de personnes qui chercheront à troquer leurs lettres de change sur Mar seille pour de l'argent, qu'il n'y en aura qui demanderont a troquer leur argent contre des lettres sur Marseille: c'est pourquoi en ce cas l'argent devra gaguer sur les lettres; et le banquier qui me donnera de l'argent pour une lettre de change sur Marseille que je lui donnerai, retiendra pour le droit de change un ou deux pour cent, suivant le cours de la place.

Ce droit de change qu'il retient, n'est pas un intérêt de l'argent qu'il me compte, mais une espèce de soulte ou retour de ce qu'au temps de la négociation, suivant le cours de la place, l'argent vaut de plus que les lettres de change sur Marseille. S'il exigeoit de moi un droit de change plus fort que le cours de la place, il commettroit

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