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compétence du tribunal, et demandoient leur renvoi devant les tribunaux ordinaires.

Cette défense a été rejetée par le tribunal de commerce, qui, après s'être déclaré compétent, les a condamnés, avec contrainte par corps et solidairement, au paiement des traites envers le tiers-porteur, comme ayant fourni des marchandises, et devant jouir de la faveur attachée à de véritables lettres de change.

que

Sur l'appel, ce jugement fat infirmé, et les parties furent renvoyées devant le tribunal civil. attendu Porta, tireur des prétendues lettres de change, et Biandra qui les avoit acceptées, n'etoient que de simples propriétaires qu'on ne pouvoit ranger dans la classe des négocians;que quoique ces lettres de change portassent la date de Moncalieri, elles avoient été faites à Turin; qu'elles devoient donc être réputées de simples promesses, n'y ayant pas eu remise de place en place; que Belz avoit participé à leur simulation, ou l'avoit connue en les recevant; et qu'en résultat, il ne s'agissoit que d'une vente de marchandises faite par Belz à Porta et à Biandra, par l'entremise du juif Ottolengo.

POURVOI en cassation pour violation de l'art. 2, titre 12 de l'ordonnance de 1673.

Tous les efforts du demandeur, devant la Cour, se sont concentrés dans les argumens tirés de la forme substantielle des lettres de change, et dans les effets quí leur étoient attribués par la loi; il étoit ensuite tiersporteur et conséquemment étranger à leur confection; d'où il concluoit que, sous ce dernier rapport, la condamnation contre les souscripteurs et endosseurs étoit indépendante des vices mêmes dont les lettres pouvoient être entachées.

Ces raisonnemens étoient justes en thèse générale, mais ils s'évanouissoient devant l'assertion positive de l'arrêt qu'il y avoit eu simulation dans la date et dans la remise d'argent, et que le demandeur n'avoit point été étranger à cette simulation.

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ARRÊT. - La cour; Attendu qu'aux termes de l'art. 2, tit. 12 de l'ordonnance de 1673, (article publié dans le ci-devant Piémont, le 24 frimaire an 10), il est de l'essence d'une lettre de change qu'elle soit

tirée d'une place sur une autre place; que si la lettre est tirée d'une place sur la même place, entre autres personnes que des négocians et pour des causes étrangères au commerce, elle ne peut être considérée que comme une simple promesse dont la connoissance appartient aux tribunaux ordinaires; que cet ancien principe est consacré par les articles 112 et 636 du nouveau Code de commerce; que l'arrêt dénoncé a reconnu, en point de fait, que les lettres dont il s'agit, bien que datées de Moncalieri, avoient été souscrites à Turin; que Porta, tireur, et Biandra, accepteur, n'étoient pas négocians et qu'il s'agissoit d'actes simulés, étrangers au commerce et suspects de fraude, auxquels Belz, quoique tiers-porteur, avoit néanmoins participé;- Rejette, etc.

20 Février 1809.

L'inscription d'une créance, après la faillite du débiteur, a-t-elle pu conserver une hypothèque antérieurement acquise?

Sur la question ci-dessus, il existe deux arrêts de la Cour de cassation, Il y a même deux arrêts analogues que nous avons rapportés dans le second Volume des Hypothèques. De ces quatres arrêts, le premier fut rendu le 3 avril 1808, conformément aux conclusions de M. le procureur-génér.-imp. ; et sur la demande de Laugier, contre la dame Badaraque, il casse un arrêt rendu le 25 avril 1807, par la Cour d'appel séant à Aix; lequel avoit décidé que l'inscription après la faillite étoit sans effet. - Par suite de cette cassation, il y eut renvoi à la Cour d'appel de Grenoble, qui vient de juger comme la Cour d'Aix. Voici le texte de l'arrêt.

ARRÉT. Considérant, en premier lieu, que le jugement du 7 juillet 1774, qui à homologué le rapport d'experts portant liquidation des créances des enfans Briançon, et qui a déclaré ce rapport exécutoire dans tous ses chefs, a conféré hypothèque ; qu'ainsi l'énonciation de ce titre et sa remise lors de l'inscription du 9 ventôse an 4, ont rempli suffisamment le vœu de la

loi du 9 messidor an 3, relativement à la régularité de cette inscription;

Considérant que la dame Camoin n'a pas persisté devant la Cour à soutenir que cette inscription auroit dû être renouvelée dans les dix ans ; qu'en effet ce renouvellement ne peut plus être nécessaire, lorsque l'hypothèque inscrite a produit l'effet qu'on devoit en attendre avant l'époque fixée pour ce renouvellement;

Considérant, en second lieu, que l'inscription des enfaus Briançon, quoique régulière en la forme, n'a pu néanmoins leur attribuer aucun avantage au préjudice de la dame Camoin;

Considérant qu'en effet, dans le ressort du ci-devant parlement de Provence, avant la promulgation des lois du 9 messidor an 3, et du 11 brumaire an 7, il étoit de principe constant que les créanciers d'un failli, dès l'ouverture de la faillite, ne pouvoient faire aucun acte qui tendît à s'avantager les uns au préjudice des autres, et qu'ils devoient rester irrévocablement dans l'etat et la position où ils se trouvoient;

Considérant que cette règle ancienne étoit la conséquence d'autres principes qui portoient que, dès l'ouverture d'une faillite, le débiteur perdoit l'administration de ses biens; ses créanciers formoient une masse, une communauté, et devenoient possesseurs de ses biens, sous la surveillance de la justice;

Considérant que des syndics, un curateur étoient nommés; que dès-lors toute démarche particulière étoit interdite ou infructueuse;

Considérant que les créanciers d'un failli étant assimilés à des communistes, devoient être régis par les lois qui défendent à des communistes de rien faire à leur avantage, au détriment des autres ; qui leur défendent de s'arroger un droit nouveau sans leur ayeu et leur participation;

Considérant que ces principes déterminèrent la disposition de l'art. 4 du titre 11 de l'ordonnance du commerce, qui annulloit tous les actes préjudiciables aux créanciers, faits depuis la faillite, et la disposition de la déclaration de 1702, qui a étendu cette nullité aux actes semblables faits dans les dix jours avant la faillite

et a refusé l'hypothèque aux jugemens obtenus dans ces dix jours;

Considérant que la loi du 9 messidor au 3, celle du 11 brumaire an 7, et le Code Napoléon, n'ont point dérogé à ces principes; qu'au contraire ces lois les ont successivement consacrés et renouvelés, puisqu'elles ont disposé qu'une inscription faite après la faillite, et même pendant un délai antérieur qu'elles déterminent, seroit nulle et inefficace. (Art. 11 de la loi du 9 messidor an 3; art. 5 de la loi du 11 brumaire an 7, et art. 2146 du Code Napoléon);

Considérant que les règles anciennes étant reconnues et confirmées sur ce point par les lois nouvelles successivement rendues sur le régime hypothécaire, il n'est pas présumable que ces mêmes lois aient voulu contrevenir à leur propre disposition, en permettant à des créanciers hypothécaires, à l'époque d'une faillite, de pouvoir, à l'aide d'une inscription postérieure à cette faillite, déranger et l'état et la position où ils se trouvoient auparavant;

Considérant que les mêmes raisons, la même justice exigent une décision semblable dans les deux cas; qu'une interprétation contraire tendroit évidemment à supposer aux lois nouvelles sur les hypothèques des dispositions contradictoires, insolites et injustes;

Considérant que si les art. 37, 38 et 39 de la loi du II brumaire an 7, paroissent avoir une disposition générale, c'est pour tous cas autres que celui d'une faillite déclarée, du sort de laquelle cette foi s'étoit déjà occupée dans l'art. 5;

Considérant que dire que cet art. 5 n'a trait qu'aux faillites à venir, ce seroit supposer que la loi a voulu permettre, pour le passé, ce qu'elle défendoit pour l'avenir; qu'elle a voulu permettre pour le passé ce que les lois d'alors prohiboient; ce servit lui supposer une rétroactivité qu'on ne doit point présumer;

Considérant que dire que le même art. 5 n'a prohibé que l'acquisition des hypothèques et non leur conservation, est une pure subtilité, attendu que cette prétendue conservation seroit une réelle acquisition d'un droit qui n'existoit pas avant l'inscription, une innovation indirecte, mais effective à la situation des créan

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ciers, lors de l'ouverture de la faillite; une concession, sans motifs justes et raisonnables, d'un avantage à un créancier postérieur, au préjudice d'un créancier antérieur; que l'inscription donnant la priorité à la dernière hypothèque sur la première non inscrite, on ne peut pas dire avec exactitude que l'inscription n'a fait que conserver l'hypothèque, puisqu'elle en procureroit une nouvelle, toute différente et bien plus avantageuse;

Considérant que celte amélioration attributive d'un droit nouveau, d'un droit plus fort, est précisément refusée par cette même loi depuis sa promulgation; qu'il seroit inconcevable que des créanciers d'un débiteur en faillite déclarée depuis la loi du 11 brumaire an 7, ne pussent se primer par le moyen d'inscription poste rieure à cette faillite, et que des créanciers d'un débiteur en faillite avant cette loi, pussent se procurer cet avantage que leur avoient refusé les lois existantes alors;

Considérant que le systême de publicité des anciennes hypothèques, établi par la loi du 11 brumaire an 7, n'a eu et pu avoir pour but que l'avantage et la sûreté des personnes qui se proposeroient à l'avenir de contracter avec un débiteur jouissant de l'exercice de tous ses droits; mais qu'un failli, dès l'ouverture de la faillite ne pouvant plus contracter valablement étoit en ce cas inutile d'ordonner l'inscription des anciennes hypothèques ;

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il

Considérant que, sous tous les rapports, il est évident que l'inscription du 29 ventôse an 4, n'a pu attribuer aux enfans Briançon, ni à leur cessionnaire, un avantage qu'ils n'avoient pas lors de la faillite du sieur Badaraque, n'a pu leur procurer le droit de primer la dame Camoin qui, à cette époque, avoit une hypothèque antérieure à la leur;

Considérant d'ailleurs que si, en thèse générale, il étoit possible de concevoir des doutes sur cette question, la dame Camoin se trouve dans une hypothèse particulière qui la dispensoit de toute inscription;

Considérant qu'en effet la discussion des biens du failli Badaraque avoit été introduite; qu'un jugement rendu, dans cette discussion, avoit definitivement réglé l'ordre des hypothèques entre la dame Camoin et les autres créanciers; que la dame Camoin, qui réclame

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