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tain lieu, pour et en échange d'une somme d'argent que vous vous obligez de me faire compter dans un autre lieu.

C'est le contrat de change que les docteurs appellent cambium locale, mercantile, trajectitium.

3. Ce contrat s'exécute par le moyen de la lettre de change. On peut définir la lettre de change, une lettre revêtue d'une certaine forme prescrite par les lois, par laquelle vous mandez au correspondant que vous avez dans un certain lieu, de m'y compter, ou à celui qui aura mon ordre une certaine somme d'argent, en échange d'une somme d'argent ou de la valeur que vous avez reçue ici de moi, ou réellement, ou en compte *.

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Il ne faut pas confondre la lettre de change avec le contrat de change. La lettre de change appartient à l'exécution du contrat de change : elle est le moyen par lequel ce contrat s'exécute; elle le suppose et l'établit; mais elle n'est pas le contrat même.

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4. Lorsque celui qui par le contrat de change s'est obligé de me faire toucher une somme dans un certain lieu, n'a pas une lettre de change prête, il me donne en attendant, un billet par lequel il s'engage de me fournir une lettre de change sur le lieu où il s'est obligé de me faire toucher la somme: on appelle cette espèce de billet, un billet de change.

On appelle aussi billet de change le billet par lequel celui à qui l'on a fourni une lettre de change dont il n'a pas payé la valeur, s'oblige de la payer. (I).

5. Nous diviserons ce Traité en deux parties. Nous

*M. Jousse donne peut-être une définition plus exacte de la lettre de change.

autre

« Une lettre de change est une cession ou transport d'une somme d'argent que le tireur de la lettre fait à celui au profit duquel il la tire, ou à l'ordre de ce dernier, pour être payée par le correspondant de ce tireur dans un lieu que celui d'où la lettre est tirée. Cette cession transport, se fait au moyen de la valeur que celui à qui la lettre est fournie en donne au tireur, soit en argent, soit en marchandises, ou autres effets ».

ou

traiterons dans la première, du Contrat de Change et de la négociation qui se fait relativement à ce contrat, par le moyen de la lettre de change. Dans la deuxième partie, nous traiterons des Billets de Change, et des autres Billets de commerce.

PREMIERE PARTIE.

Du Contrat de Change, et de la Négociation relative à ce contrat, qui se fait par la lettre de change.

Nous diviserons cette partie en six chapitres. Dans le premier, nous examinerons quelle est l'origine du contrat de change et de la lettre de change, et quelles en sont les différentes espèces. Nous traiterons dans le deuxième, des personnes qui interviennent dans la négociation de la lettre de change; dans le troisième, de la forme de la lettre de change, et des autres actes qui interviennent dans cette négociation; dans le quatrième, des différens contrats et quasi-contrats que renferme la négociation de la lettre de change; des obligations et des actions qui en naissent; dans le cinquième, de l'exécution de la négociation de la lettre de change, des protêts et autres procédures qui en sont la suite; dans le sixième, des différentes manières dont s'éteignent les droits et actions résultans de la négociation de la lettre de change, et des prescriptions auxquelles ils sont sujets.

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CHAPITRE PREMIER.

Quelle est l'origine du Contrat de change et de la lettre de change; et quelles sont les différentes espèces de lettres de change.

5. I.

Quelle est l'origine du contrat de change et de la lettre de change.

6. Il n'y a aucun vestige de notre contrat de change

L

ni des lettres de change dans le Droit romain. Ce n'est pas qu'il n'arrivât quelquefois chez les Romains que l'on comptât pour quelqu'un une somme d'argent dans un lieu à une personne qui se chargeoit de lui en faire compter autant dans un autre lieu. Ainsi nous voyons dans les lettres de Cicéron à Atticus, que Cicéron youlant envoyer son fils faire ses études à Athènes, s'informe si, pour épargner à son fils de porter lui-même à Athènes l'argent dont il y auroit besoin, on ne trouveroit pas quelque occasion de le compter à Rome à quelqu'un qui se chargeroit de le lui faire compter à Athènes. Epist. ad Att. XII, 24; XV, 25. Mais cela n'étoit point la négociation de lettres de change telle qu'elle a lieu parmi nous; cela se faisoit par de simples mandats. Cicéron chargeoit quelqu'un de ses amis de Rome qui avoit de l'argent à recevoir à Athènes, de faire tenir de l'argent à son fils à Athènes; et cet ami, pour exécuter le mandat de Cicéron, écrivoit à quelqu'un des debiteurs qu'il avoit à Athènes, et le chargeoit de compter une somme d'argent au fils de Cicéron. Au reste on ne voit point qu'il se pratiquât chez les Romains comme parmi nous un commerce de lettres de change; et nous trouvons au contraire en la loi 4, §. 1, ff. de nant. Fæn., qui est de Papinien, que ceux qui prêtoient de l'argent à la grosse aventure aux marchands

qui trafiquoient sur mer, envoyoient un de leurs esclaves. pour recevoir de leur débiteur la somme prêtée, lorsqu'il seroit arrivé au port où il devoit vendre ses marchandises; ce qui certainement n'auroit pas été néces saire, si le commerce des lettres de change eût été en usage chez les Romains.

7. Quelques auteurs ont prétendu que l'usage du contrat de change et des lettres de change est venu de la Lombardie, et que les Juifs qui y etoient etablis, en ont été les inventeurs: d'autres en attribuent l'invention aux Florentins, lorsqu'ayant été chassés de leur pays par la faction des Gibelins, ils s'établirent à Lyon et en d'autres villes. Il n'y a rien sur cela de certain, si ce n'est que les lettres de change étoient en usage dès le quatorzième siècle. C'est ce qui paroît par une loi de Venise de ce temps, sur cette matière, rapportée par Nicolas de Passeribus, en son livre de Script. privat lib. 3. (II).

§. I I.

Des differentes espèces de lettres de change.

8. Savary distingue quatre espèces de lettres de change. La première est de celles qui n'expriment point qu'elle espèce de valeur a été reçue de celui à qui la lettre de change a été fournie, et qui portent purement et simplement, valeur reçue. (Ar 110 du Code de Commerce).

L'usage de cette première espèce de lettres de change est défendu par T'ordonnance de 1678, tit. 5, art. I comme nous le verrons par la suite. (IKT),

9. La seconde espèce est de celles qui expriment l'espèce de valeur qui a été reçue de celui qui on les fournies; ce qui s'exprime, ou par ces termes, valeur reçue comptant, lorsque c'est en argent que la valeur a été reçue ; ou par ceux-ci, valeur reçue en marchandises, lorsque c'est pour le prix de marchandises que la lettre de change a été fournie.

C'est celle de cette seconde espèce qui est le plus en

sage, et qui est parfaitement lettre de change. (Art a10 du Code de Commerce ).

10. La troisième espèce est de celles qui sont pour valeur en soi-même.

Je tire en ces termes une lettre à mon ordre, sur Pierre, marchand de Lyon, qui me doit mille écus: M. Pierre, vous paierez à mon ordre, à telle échéance, Â la somme de mille écus, valeur en moi-même, que je vous passerai en compte »; et je la lui fais accepter. Il est dit valeur en moi-même, parce que je n'en ai encore reçu la valeur de personne : ensuite je donne ici cette lettre acceptée à un courtier pour me chercher une personne qui m'en donne la valeur, et je passe mon ordre et endossement à cette personne, valeur reçue comptant d'elle. Cette lettre, avant mon endossement, n'est pas proprement une lettre de change; ce n'est que par l'endossement que je fais au profit de celui qui m'en donne la valeur, que se contracte le contrat de change, et qu'elle devient une véritable lettre de change.

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Lorsque la lettre porte, vous paierez à un tel, valeur en moi-même ou valeur de moi-même, ou valeur rencontrée en moi-même cette lettre n'est pas non plus une lettre de change, mais un simple mandement: ces termes, valeur en moi-même, et les autres semblables, ne se réfèrent pas à celui à qui la lettre est payable, mais à celui sur qui elle est tirée; et ils ne signifient autre chose sinon que le tireur tiendra compte à celui sur qui elle est tirée, lorsqu'il l'aura acquittée, de la valeur de la lettre, en déduction de ce qui est dû au tireur par celui sur qui elle est tirée. A l'égard de celui à qui la lettre est payable, la lettre ne portant pas qu'il en ait payé aucune valeur au tireur, il ne peut avoir, en cas de refus de paiement, aucun recours de garantie contre le tireur: au contraire, si la lettre lui est payée, il devient débiteur envers le tireur de la somme par lui reçue. C'est l'interprétation de Savary, tome 2, parere 35. (Article 110 du Code de Commerce).

11. La quatrième espèce est de celles qui sont pour valeur entendue : en voici nn exeniple.

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