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constances survenues depuis le contrat, que par la suite il a tiré de Lyon l'argent que Pierre lui avoit donné à recevoir à Lyon, en ce cas le contrat de change ayant été sérieux, le droit de change qu'il a reçu est licite.

9. I I.

Des obligations que contracte le tireur par le contrat de change qui intervient entre lui et le donneur de valeur.

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58. L'obligation principale et primitive que le tireur contracte par ce contrat de change envers l'autre contractant est de lui faire payer par le moyen d'une lettre de change, au temps et au lieu convenus, l'argent qu'il lui a donné à recevoir en échange de l'argent ou autre valeur de la lettre qu'il a reçue ou qu'il doit recevoir ici de lui.

Le tireur , par ce contrat, s'oblige envers l'autre partie de lui faire donner au temps et au lieu convenus non pas précisément et déterminément tels sacs d'argent qu'il a fait remettre pour cet effet à celui sur qui la lettre est tirée, mais une certaine somme d'argent ; il se rend débiteur, non certorum corporum, sed quantitatis. C'est pourquoi, s'il arrivoit que celui sur qui la lettre est tirée vint à perdre par une force majeure les fonds qui lui ont été remis par le tireur pour l'acquittement de la lettre de change, putà, par le pillage de sa `maison dans une sédition; le tireur ne seroit pas pour cela libéré de son obligation: car le principe que la perte de la chose due, qui survient par une force majeure, tombe sur le créancier, et libère le débiteur, d'application qu'à l'égard des obligations de corps certains; mais il n'en peut avoir à l'égard des obligations d'une somme d'argent, à l'égard desquelles au contraire la loi 11, Cod. Si cert. pet. dit: Incendium ære alieno non exuit debitorem. Voyez notre Traité des Obligations, n. 622.

n'a

59. De l'obligation principale que le tireur contracte envers l'autre partie de lui faire payer au temps et au lieu convenus une certaine somme d'argent par le

moyen d'une lettre de change, dérivent, 1.o l'obligation de lui fournir la lettre de change, 2.° celle des dommages et intérêts, au cas qu'elle ne soit pas acquittée à l'échéance, ou de la restitution de la valeur qui a été donnée, au choix du donneur de valeur.

60. A l'égard de l'obligation de fournir la lettre de change, celui envers qui elle est contractée ne peut régulièrement en demander l'exécution, s'il n'offre d'accomplir de son côté son obligation, et de payer la valeur qu'il s'est obligé de donner: car c'est un principe général dans tous les contrats synallagmatiques, que l'un des contractans n'est pas recevable à demander que l'autre s'acquitte envers lui de son obligation, s'il n'es t prêt lui-même à s'acquitter de la sienne.

Cette décision a lieu lorsque la convention ne porte pas quand la valeur sera fournie par celui à qui on doit fournir la lettre de change; car en ce cas il doit fournir la valeur en même temps qu'on lui fournit la lettre.

Mais s'il étoit convenu que celui à qui on doit fournir la lettre de change, ne paieroit la valeur que dans un certain temps, ou après que la lettre de change aura été acceptée, ou après qu'elle aura été payée; en ce cas celui qui la doit fournir ne pourroit pas se dispenser de la fournir, quoique la valeur ne lui en fût pas offerie.

61. Pourroit-il au moins demander caution à celui à qui il la doit fournir, s'il ne se fioit pas à sa solvabilité? Non. C'étoit lorsqu'il a contracté avec lui qu'il devoit s'informer de sa solvabilité ; l'ayant une fois reconnu solvable, ayant une fois suivi sa foi, il ne peut plus s'en départir.

Néanmoins si depuis la convention il étoit survenu quelque changement considérable et marqué dans la fortune de celui à qui il a promis de fournir la lettre de change, celui qui la doit fournir pourroit en ce cas exiger, avant de satisfaire à son obligation, qu'on lui donnât caution de la valeur.

62. Le second chef d'obligation que contracte par ce contrat de change le tireur envers le donneur de

valeur, est l'obligation des dommages et intérêts du don neur de valeur, à défaut de paiement de la lettre à son échéance, ou de la restitution de ce qui a été donné par la lettre, au choix du donneur de valeur. C'est ce qui résulte de la loi 56, ff. de Præser. verb. In quâ actione (qui naît du contrat d'échange, contre celui qui n'accomplit pas de son côté le contrat) id veniet non ut reddas quod acceperis, sed ut damneris mihi quanti interest meâ illud de quo convenit accipere; vel si meum recipere velim, repetatur quod datum est, quasi ob rem datum re non secutâ.

63. Ces dommages et intérêts ne doivent pas néanmoins s'étendre à tout ce que celui à qui la lettre a été fournie prétend avoir souffert ou manqué de gagner par défaut de paiement de la lettre; mais ils doivent se borner à ce qui est réglé par l'ordonnance de 1673.

Par exemple, si vous m'avez fourni une lettre de change sur une telle villé, payable au temps d'une certaine foire, et que faute de recevoir la somme portée par cette lettre, je n'aie pu faire les emplettes que je me proposois de faire à cette foire, je ne pourrois pas prétendre contre vous, par forme de dommages et intérêts, l'estimation du profit qu'il y eût eu à faire sur ces emplettes; mais je dois me borner à ce qui a été réglé à cet égard par l'ordonnance de 1673; savoir, qu'en cas de protêt, c'est-à-dire de défaut de paiement de la lettre de change, le tireur qui l'a fournie soit obligé de rendre et payer à celui à qui il l'a fournie, 1.° la somme principale portée par la lettre de change; 2.° celle qu'il a reçue pour droit de change, au cas qu'il en ait reçu un; 3.° les intérêts de ces deux sommes, qui commencent à courir de plein droit contre lui du jour du protêt, même avant qu'il ait été donné aucune demande; ordonnance de 1673, tit. 6 art. 7; 4.° les frais de protèt et autres procédures dont il sera parlé infrà; 5.° les frais du voyage que celui à qui la lettre a été fournie a fait au lieu où elle étoit payable, pour y faire ses affaires, qu'il n'a pu faire faute de paiement de ladite lettre. Il doit, pour pouvoir prétendre le remboursement des frais de voyage, affirmer en justice, s'il en est requis, qu'il

a fait le voyage pour recevoir le paiement de la lettre. et qu'il ne l'eût pas fait s'il eût su qu'elle ne fût pas payée.

Observez que les intérêts de la somme à laquelle montent les frais de protêt et de voyage, ne lui sont dus que du jour de la demande qu'il en a faite.

64. 6. Celui qui a fourni la lettre de change doit quelquefois rembourser le rechange à celui à qui il la fournie.

Pour savoir ce que c'est que ce rechange, il faut ob-. server que celui à qui la lettre a été fournie, peut, en cas de refus de paiement de la lettre, après avoir fait son profêt, prendre d'un banqnier du lieu où la lettre étoit payable, une somme d'argent pareille à celle portée par la lettre qui n'a pas éte acquittée, et donner à ce banquier en échange de l'argent qu'il reçoit de lui, une lettre de change de cette somme tirée à vue sur celui qui lui avoit fourni la sienne, ou sur quelque autre per

sonne.

Si pour avoir cet argent en échange de cette lettre, il a payé à ce banquier un droit de change, parce que l'argent alors gagnoit sur les lettres, ce droit de change qu'il a payé à ce banquier pour avoir l'argent dont il avoit besoin, est ce qu'on appelle le rechange, dont il doit être remboursé par celui qui lui a fourni la lettre dont on lui a refusé le paiement.

Celui à qui la lettre a été fournie, pour pouvoir se faire rembourser de ce rechange, est tenu de justifier par des pièces valables, qu'il a pris de l'argent dans le lieu auquel la lettre qui lui a été fournie étoit tirée; ordonnance de 1673, tit. 6, art. 7.

L'intérêt de ce rechange ne lui est dû que du jour de la demande; art. 7.

65. La lettre de change qu'il donne au banquier pour de l'argent qu'il reçoit de lui, doit être tirée sur fe lieu où s'est faite la remise de celle qui a été protestée. Quand il l'a tirée sur un lieu plus éloigné, et qu'il a en conséquence payé un rechange plus fort que n'eût été celui qu'il eût payé si la lettre eût été tirée sur le lieu où s'est faite la remise de la lettre protestée, il ne peut demander au tireur de la lettre protestée le rembourse

ment de ce rechange que jusqu'à concurrence de ce qui en eût éte paye si la lettre eût été three sur le lieu où s'est faite la remise de la lettre protestée.

66. S'il n'y avoit pas de commerce entre le lieu où la lettre a été protestée et où il a eté oblige de prendre de l'argent, et celui où la remise en a été faite, de manière qu'il n'eût pu trouver de l'argent pour une lettre de change sur ce lieu; comme il ne doit pas être réduit à l'impossible, il doit lui être permis d'en tirer une sur un autre lieu mais il doit en ce cas, arbitrio boni viri, choisir le lieu le plus commode à celui qui lui a fourni la lettre protestée, et lui ménager autant qu'il pourra les frais du rechange; car l'équité veut qu'en nous procurant notre indemnité, nous le fassions de la manière la moins onéreuse à celui qui nous la doit.

67. Lorsque celui à qui la lettre a été fournie l'a endossée au profit d'un tiers, le tireur, en cas de protêt faute de paiement, est tenu d'indemniser celui à qui il l'a fournie, de tout ce dont celui-ci est tenu envers celui au profit de qui il l'a endossee, tant en principal qu'intérêts et frais, et en outre, des frais par lui faits pour dénoncer les poursuites faites contre lui au ti

reur.

Néanmoins si j'avois négocié dans un lieu plus éloigné la lettre de change qui m'a été fournie, et que la lettre de change ayant été protestee faute de paiement, le proprietaire de la lettre eût, au lieu où elle étoit payable, pris de l'argent d'un banquier, pour une lettre de change qu'il auroit tirée sur le lieu éloigné où la remise m'a été faite de la valeur de la lettre protestée, ce qui auroit produit un gros droit de rechange que je suis tenu de rembourser; celui qui m'a fourni la lettre ne seroit tenu de m'en indemniser que jusqu'à concurrence de ce qui eût été donné pour le rechange d'une lettre de change sur le lieu où je lui ai fait la remise de la valeur de la lettre protestée qu'il m'a fournie ; à moins qu'il ne m'eût donné par écrit la permission de la négocier sur le lieu où je l'ai negociée, ou indéfiniment sur tel lieu que bon me sembleroit. C'est ce qui est décidé par l'ordonnance de 1673, tit. ·6, art. 5 et 6: car sans cela le tireur qui m'a fourni la

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