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lettre, est censé n'avoir pas entendu qu'elle seroit négociée sur des lieux éloignés, ni par-conséquent avoir voulu se soumettre, en cas de protêt, au coût des gros rechanges auxquels cette négociation donneroit lieu.

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Ceci s'éclaircira par un exemple. Finge. Denis, négociant de Paris, m'a fourni une lettre de change sur George de Rouen : j'ai négocié cette lettre, et j'en ai passé l'ordre au profit de Conrad, négociant de Hambourg, qui en a remis la valeur à mon correspondant. Le correspondant de Conrad s'étant présenté à l'échéance à George de Rouen, qui a fait refus de payer, il a fait son protêt et il a pris de l'argent d'un banquier de Rouen pour une lettre de change qu'il lui a donnée, tirée sur mon correspondant de Hambourg. Il a payé au banquier qui lui a donnée de l'argent pour une lettre tiree sur Hambourg, un gros rechange. J'ai été obligé de faire acquitter cette lettre, et de rembourser à Conrad, outre les frais de protêt et de dénonciation, le rechange que son correspondant a payé au banquier de Rouen; mais je ne pourrai pas me faire rembourser par Denis de Paris, qui m'a fourni la lettre, ce rechange que j'ai éte obligé de rembourser à Conrad de Hambourg, si ce n'est seulement jusqu'à concurrence de ce qu'il en eût coûté pour le rechange, si la lettre eût été tirée sur Paris où j'ai fait la remise à Denis de la valeur de celle qu'il m'a fournie et qui a été protestée; à moins que Denis, lorsqu'il m'a fourni cette lettre, ne m'eût expressément permis de la négocier sur Hambourg, ou indéfiniment; tit. 6, art. 6.

68. Le donneur de valeur, en cas de défaut de paiement de la lettre qui lui a été fournie, peut, selon la nature du contrat d'échange, comme nous l'avons déjà ci-dessus observé, répéter, si bon lui semble, au lieu de ses dommages et intérêts, ce qu'il a donné pour la valeur de la lettre qui lui a été fournie, condictio ne ob rem dati re non secutâ.

Si ce sont des marchandises qu'il a données pour la valeur de la lettre, qui soient encore en nature, et en la possession du tireur qui lui a fourni une lettre, il a un

privilège sur lesdites marchandises contre tous les autres

créanciers du tireur.

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69. C'est le refus que fait d'acquitter la lettre celui sur qui elle est tirée, qui donne ouverture à ces actions contre le tireur; et il y donne ouverture, soit que le paiement en ait été requis par le donneur de valeur, qui étoit encore propriétaire de la lettre lors de l'échéance, soit qu'il l'ait été par un cessionnaire médiat ou immédiat de la lettre de change, au profit de qui le premier donneur de valeur, ou son successeur, l'auroit endossée car le tireur s'est obligé envers le premier donneur de valeur de faire payer la lettre de change soit à lui, soit à celui qui auroit l'ordre de lui; et le refus fait à celui au profit de qui la lettre a été endossée, est censé fait au premier donneur de valeur, qui a intérêt qu'elle soit payée à celui à qui il l'a endossée, s'étant obligé envers lui de la lui faire payer. Mais quoique par le refus fait au propriétaire de la lettre de change à qui elle a été endossée, l'action contre le tireur soit ouverte du chef du premier donneur de valeur, en la personne de qui elle réside; neanmoins ce n'est pas par ce premier donneur de valeur qu'elle doit être intentée, mais par le propriétaire de la lettre de change, à qui cette action est censée avoir été créée l'endossement de la lettre qui lui a été fait.

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le

70. Outre les deux obligations que le tireur, par contrat de change, contracte envers le donneur de valeur, savoir, cele de lui fournir la lettre, et celle de la faire acquitter à l'échéance, il en contracte encore une troisième, lorsque la lettre n'est payable qu'au bout d'un certain temps, savoir, celle de la faire, en attendant, accepter par celui sur qui elle est tirée. Faute par lui de pouvoir satisfaire à cette obligation, par le refus que feroit d'accepter la lettre celui sur qui cette lettre est tirée, il est obligé de donner caution au donneur de valeur de faire acquitter la lettre à l'échéance au lieu où elle est payable, sinon de rendre la valeur qu'il a reçue, et les frais. La raison de cela, c'est que l'acceptation de celui sur qui la lettre est tirée, est une sûreté sur laquelle celui & qui la lettre a été fournie,

comptoit lors du contrat qui est intervenu entre lui et le tireur le tireur ne pouvant la lui procurer, il doit lui donner une sûreté équivalente, en lui donnant cetle caution.

71. Il y a un cas particulier dans lequel la lettre de change est aux risques du donneur de valeur, et dans lequel il n'a, à défaut de paiement, aucun recours contre le tireur; c'est celui dans lequel le donneur de valeur a répondu au tireur de la solvabilité de celui sur qui la lettre est tirée, pour la somme qui est tirée sur Jui. C'est ce qui paroîtra dans l'espèce suivante. Paul a donné à Pierre à Orléans une somme de mille livres pour une lettre de change de pareille somme que Pierre s'est obligé de lui donner sur Lyon. Pierre n'ayant point de correspondant à Lyon pour faire compter à Lyon cette somme à Paul, Paul lui a indiqué Jacques, qui est le sien; et par une lettre d'avis, Paul a prié Jacques de rendre cet office à Pierre, dont il lui a certifié et garanti la solvabilité : en conséquence Pierre a donné à Paul une lettre de change sur Jacques de Lyon, conçue en ces termes, M. Jacques, vous paierez à Paul, ou à son ordre, la somme de mille livres, valeu recue comptant dudit Paul; et Paul récrit au dos, pour moi paierez à vous-même. Jacques a acquitté la lettre en se rendant au compte qu'il a avec Paul, débiteur de cette somme de mille livres, comme l'ayant reçue pour lui; et au compte de Pierre, il s'est porté créancier de Pierre pour la même somme comme ayant acquitté pour lui la lettre de change. Par la suite, Jacques, pour être payé des mille livres que lui doit Pierre, et pour s'acquitter en même temps envers Paul de pareille somme qu'il lui doit, envoie à Pauí une lettre de change tirée sur Pierre. Si Paul n'en peut être payé à l'échéance, par l'insolvabilité de Pierre, il ne peut avoir aucun recours contre Jacques, tireur de cette lettre, qui la lui a fournie. La raison est, que Jacques n'ayant avancé une somme de mille livres pour Pierre, en acquittant sa lettre de change, qu'à la prière de Paul, Paul doit répondre à Jacques, actione mandati con raria, des mille livres qui lui sont dues par Pierre.

§. II I.

Des obligations que contracte le donneur de valeur par le contrat de change.

72. L'obligation principale que contracte le donneur de valeur, est de payer la valeur de la lettre de change qui lui est fournie. Il doit la payer en même temps que la lettre lui est fournie, sans attendre qu'elle ait été acceptée ou acquittée, à moins qu'il n'en ait été convenu autrement. Néanmoins s'il étoit arrivé depuis la convention un changement de fortune considérable, soit dans la personne de celui qui lui a fourni la lettre soit dans celle sur qui elle est tirée, il pourroit exiger que pour la valeur qu'il paieroit, on lui donnât caution que la lettre seroit acquittée.

73. De l'obligation que contracte le donneur de valeur, naît une action que celui qui a fourni ou qui doit fournir la lettre de change, a contre lui pour s'en faire payer la valeur.

Il a pour cette action un privilége sur la lettre qu'il a fournie, semblable à celui qu'un vendeur a sur la chose qu'il a vendue, pour le prix qui lui en est dû. C'est pourquoi si celui à qui la lettre a été fournie et qui en doit la valeur, venoit à faire faillite, et que la lettre fût trouvée sous les scellés de ses effets; quoique la lettre exprime valeur recue comptant, celui qui l'a fournie pourroit, en rapportant le billet de celui à qui il l'a fournie, par lequel il paroîtroit que la valeur lui en est due, exercer son privilége sur cette lettre contre les créanciers du failli à qui il l'a fournie, et s'en faire accorder la récréance.

Il peut aussi la saisir et arrêter entre les mains de celui qui en est le porteur, pourvu que ce soit son débiteur à qui il l'a fournie, qui en soit encore le propriétaire.

Mais si avant qu'elle ait été saisie, il l'a endossée au profit d'un autre, celui qui la lui a fournie ne peut plus la saisir pour la valeur qui lui en est due, et son privi❤

lége s'éteint: car c'est un principe commun à tous les effets mobiliers, du nombre desquels sont les lettres de change, que le privilége qu'un créancier a sur ces effets ne dure qu'autant qu'ils appartiennent à son débiteur: de là cette maxime, meubles n'ont pas de suite.

74. Celui à qui la lettre est fournie s'oblige encore envers le tireur qui la lui fournit, à présenter la lettre au temps de l'échéance, à celui sur qui elle est tirée ; à faire constater par le protèt le refus qu'il feroit de l'acquitter, et à dénoncer ce refus au tireur, afin que ce tireur puisse prendre ses mesures pour faire payer celui sur qui la lettre est tirée, au cas qu'il soit son débiteur, ou qu'il ait des fonds à lui. Cette obligation de celui à qui la lettre est fournie, résulte d'une espèce de mandat dont il se charge envers le tireur qui lui a fourni la lettre, lequel est accessoire au contrat de change qui se fait entre eux. Faute de remplir cette obligation, il est responsable de la perte que souffriroit le tireur, des fonds que ledit tireur avoit chez celui sur qui la lettre est tirée, pour l'acquittement de la lettre; ce qui rend celui à qui la lettre a été fournie, non-recevable à en demander le paiement à celui qui la lui à fournie, comme nous le verrons ci-après au Chapitre suivant.

75. Celui à qui la lettre a été fournie, quoiqu'il ait grand intérêt de la faire accepter, ne s'oblige pas néanmoins envers le tireur qui la lui a fournie, à la faire accepter; et faute de l'avoir fait, il n'est pas déchu de son action de garantie contre lui, lorsque la lettre a été protestée faute de paiement au jour de l'échéance. Savary, parere 42.

§. IV.

Si le contrat de change qui est intervenu entre le tireur et le donneur de valeur, peut se résoudre

ou recevoir quelque changement sans le consentement des deux parties.

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75. Le contrat de change qui intervient entre le tireur et le donneur de valeur, étant, de même que

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