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pas informé des mœurs de l'esclave dont il avoit chargé son mandataire de faire l'emplette; nam certè, dit-il, mandatis culpam esse, qui talem servum emi sibi mandaverit. C'est donc à ce cas auquel le dommage souffert par le mandataire à l'occasion du mandat, pourroit être attribué à quelque faute du mandant, qu'on doit restreindre tout ce qui est dit dans cette lois Justissimè procuratorem allegare, non fuisse se id damnum passurum, si mandatum non suscepisset. Et plus bas AEquius esse, nemin officium suum (quod ejus cum quo contraxerit, non etiam sui com. modi causâ suscepit) damnosum esse.

Lorsque c'est la faute du mandataire qui a donné lieu au dommage qu'il a souffert à l'occasion du mandat, il n'est pas douteux qu'il ne peut pas demander à en être indemnisé; d. L. 6, §. 7.

Il résulte de tout ceci qu'on ne doit pas décider indistinctement que le tireur doive indemniser le ban quier de la perte que lui a causée l'erreur en laquelle l'a induit la falsification de la lettre, et qu'on doit décider au contraire que le tireur n'est tenu de cette indemnité que dans le cas auquel, par quelque faute de de sa part, ou par celle de son facteur, il auroit donné lieu à cette falsification, faute d'avoir, en écrivant la lettre, pris les précautions qu'il pouvoit prendre pour la prévenir.

Dans le cas même où le mandant n'auroit pas eu le soin de prendre ces précautions, le mandataire ne pourra pas répéter du tireur ce qu'il a payé de plus que la somme qui étoit véritablement portée par la lettre, si la falsification pouvoit s'appercevoir avec quelque attention; car en ce cas, c'est la faute du banquier de n'avoir pas bien examiné la lettre qui lui a été présentée; et il n'est pas recevable, suivant les principes ci-dessus, à demander l'indemnité d'une perte à laquelle il a donné lieu par sa faute.

Observez qu'on doit à cet égard exiger plus d'un banquier de profession, que d'une autre personne sur qui la lettre seroit tirée, qui ne seroit pas de cet état, à l'égard de laquelle il me paroît devoir suffire pour l'excuser, que la falsification ne fût pas une falsifica tion grossière et qui saute aux yeux.

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103. Si un faussaire avoit fabriqué en entier une fausse lettre de change sous mon nom, adressée à mon banquier, et qu'il eût contrefait mon écriture et ma signature de manière à tromper une personne attentive et intelligente, il n'est pas douteux en ce cas que le banquier à qui il auroit présenté cette lettre, et qui lui auroit payé la somme y portée, n'auroit pas d'action contre moi pour s'en faire reinbourser; car le mandat général que je lui ai donné d'accepter et de payer les lettres de change que je tirerois sur lui, ne comprend que les lettres de change qui viennent de ma part, et ne peut s'étendre à celle fausse lettre qui ne vient pas de ma part. Ajoutez cette autre difference entre cette espèce et la précédente, qui est que dans la précédente le tireur peut quelquefois être en quelque faute pour n'avoir pas écrit sa lettre avec assez de précaution, et de manière qu'elle ne fût pas susceptible de falsification; au lieu que dans celle-ci il ne peut y avoir aucune faute de ma part, n'ayant pas pu empêcher qu'un faussaire contrefit mon écriture et ma signature. Voyez Scacchia, ibid.

104. Scacchia, §. 2, glos. 5, n. 340, propose une autre espèce. La lettre de change a été ravie par violence, et cette violence a été constatée. Avant qu'on en ait pu donner avis à l'accepteur, le voleur s'est présenté à lui avec la lettre, en prenant le nom de celui à qui l'ordre en étoit passé, et en a reçu le paiement. Ce paiement fait à ce voleur, qui n'avoit pas pouvoir de recevoir, n'ayant pas libéré le tireur ni l'accepteur envers le propriétaire de la lettre, comme nous le verrons infrà, chap. 6, art. I, §. I, on demande si cet accepteur pourra se faire faire raison, actione mandati contraria, par le tireur dont il est le mandataire, de la somme qu'il a payée au voleur? Scacchia décide pour la négative, parce que, dit-il, l'accepteur non fecit quod sibi mandatum est. L'action mandati contraria ne donne au mandataire la répétition que de ce qu'il a déboursé pour l'exécution du mandat, ex causâ mandati. Or l'objet du mandat que renfermoit la lettre de change que le tireur lui a adressée, étoit d'acquitter cette lettre, et de la payer à celui à qui elle

étoit effectivement payable. Le paiement qu'il en a fait à ce voleur, à qui elle n'étoit pas payable, n'est pas l'exécution de ce mandat: en le faisant, non fecit quod sibi mandatum est, et par-conséquent ce paiement ne doit pas donner ouverture à l'action mandati

contraria.

Il est vrai que le paiement que le banquier a fait à ce voleur est un déboursé qu'il a fait occasione mandati; mais suivant les principes établis sur les questions précédentes, le mandant n'est pas obligé d'indemniser le mandataire de ce que le mandataire a deboursé ou perdu occasione mandati, non ex causâ mandati lorsqu'il n'y a aucune faute de la part du mandant qui ait donné lieu à cette perte, et que c'est un cas purement fortuit et tout-à-fait imprévu qui y a donné lieu : ea magis casibus deputanda sunt. D'ailleurs les banquiers doivent se faire certifier des personnes qui leur présentent les lettres, lorsqu'ils ne les connoissent

pas.

105. Le tireur contracte envers celui sur qui la lettre est tirée, les obligations que nous venons d'exposer, lorsqu'il tire la lettre de change pour son compte particulier. Il arrive souvent dans le commerce que le tireur tire la lettre pour le compte d'un autre. Par exemple, Jacques d'Amsterdam, qui est débiteur envers moi d'une somme de trois mille livres, m'écrit, pour s'en acquitter, de tirer cette somme pour son compte sur son banquier de Paris en conséquence je tire une lettre de change sur ce banquier. Si par la lettre je déclare à celui sur qui elle est tirée, que c'est pour le compte de Jacques qu'elle est tirée, et que c'est par lui qu'il en sera remboursé, je ne contracte par cette lettre envers le banquier qui l'accepte purement et simplement, aucune obligation de remettre les fonds. au banquier. La loi portée par la lettre de change étant qu'elle est tirée pour le compte de Jacques, et que c'est par Jacques qu'il en sera remboursé, le banquier, en acceptant la lettre purement et simplement, suit la foi de Jacques pour le compte duquel elle est tirée, et il ne peut m'en demander les fonds sur le prétexte qu'ils ne lui auroient pas été remis par Jacques, et que

Jacques

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Jacques auroit fait depuis banqueroute. C'est la décision de Savary, tome 2, parere 12.

Par la même raison, si par la lettre de change que j'ai tirée il étoit dit que c'étoit pour compte à moitié entre Jacques et moi, je ne serois obligé envers le banquier qui l'auroit acceptée purement et simplement, qu'à la remise de la moitié des fonds ; et cet accepteur ne pourroit se pourvoir pour l'autre moitié que contre Jacques, dont il a bien voulu suivre la foi en acceptant la lettre purement et simplement.

Tout ce que le banquier pourroit exiger du tireur qui a tiré la lettre pour le compte d'un autre, est que si ce banquier l'eût acceptée sans en avoir avis de la personne pour le compte de qui elle est tirée, il pourroit demander que le tireur lui rapportât l'ordre ou le consentement que cette personne auroit donné de tirer pour son compte, afin de pouvoir se pourvoir

contre elle.

106. Quid, si le banquier, ne voulant pas avoir affaire à Jacques pour le compte de qui la lettre est tirée, avoit refusé d'accepter la lettre aux conditions qui y étoient portées, et que néanmoins, pour éviter au tireur un protêt et les poursuites qui en sont la suite, il eût accepté ou payé la lettre, en déclarant et protestant par écrit qu'il l'acceptoit ou qu'il la payoit par honneur pour le tireur, mais sans vouloir accepter Jacques pour débiteur, ni s'adresser à d'autres qu'au tireur pour en être remboursé? En ce cas le banquier qui auroit payé la lettre sous cette protestation aura-t-il action contre le tireur pour être remboursé? Oui. Il est vrai qu'il n'a pas l'action mandati contraria puisqu'il a refusé d'accepter le mandat aux conditions qui y étoient portées ; mais on ne peut lui refuser l'action negotiorum gestorum contraria, telle que l'auroit toute autre personne qui auroit acquitté la lettre de change par honneur pour le tireur car en acquittant cette lettre il a utilement géré les affaires du tireur; il l'a libéré de la somme portée par sa lettre, somme dont il étoit débiteur envers le propriétaire de la lettre ; et il lui a évité les frais d'un protét, et des procedures qui en auroient été la suite. Il est vrai que s'il eût Traité du Contrat de Change,

E

accepté la lettre purement et simplement, il n'eût pas été recevable à se pourvoir contre le tireur, et il eût dû être renvoyé à se pourvoir contre Jacques, La raison est, que s'étant soumis, par son acceptation pure et simple de la lettre, aux conditions de la lettre, il est oblige de satisfaire à ces conditions; mais lorsque par la protestation qu'il a faite lors de son acceptation, il a 'déclaré qu'il n'entendoit point avoir affaire à d'autres qu'au tireur, le tireur ne peut pas le renvoyer se pourvoir contre Jacques.

107. Scacchia rapporte un jugement de la Rote de Gênes, par lequel il a été jugé que le banquier qui avoit accepté avec cette protestation la lettre tirée sur lui, étoit obligé, lors du paiement qu'il en faisoit, de renouveller cette protestation; faute de quoi il étoit obligé de satisfaire aux conditions portées par la lettre. J'aurois de la peine à me rendre à cette décision.

Tout ce qu'on pourroit dire pour cette décision, est que le paiement que le banquier fait de la lettre qui est tirée sur lui, renferme une acceptation du mandat que cette lettre renferme, et une acceptation pure et simple, lorsque ce paiement se fait purement et simplement, et sans aucune protestation. La réponse est facile. Le paiement renferme l'acceptation de la lettre, lorsqu'il n'a pas été précédé d'une autre acceptation; mais lorsqu'il y a eu me acceptation précédente, le paiement qu'il fait de la lettre ne renferme pas l'acceptation, mais le par ment de l'obligation qu'il a contractée par son accepi. tion qui a précédé. Ce paiement est relatif à l'obligation qu'il a contractée par son acceptation faite avec la protestation de ne pas se soumettre aux conditions de la lettre, et il ne peut être censé lui en faire contracter d'autres. (Art. 124 du Code de Commerce).

108. Si le banquier sur qui Pierre a tiré une lettre de change avec la clause qu'il en seroit remboursé par Jacques, avoit reçu de Jacques les fonds suffisans pour ce remboursement, il est évident qu'en ce cas la protestation qu'avoit faite le banquier en acceptant

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