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la lettre, deviendroit de nul effet: mais il ne suffiroit pas, pour empêcher l'effet de cette protestation, que Jacques eût écrit à ce banquier qu'il le rembourseroit de la lettre de change tiree sur lui par Pierre, lorsqu'il l'auroit acquittee, ce banquier étant le maître de refuser Jacques pour débiteur.

109. Le banquier qui a accepté la lettre de change tirée sur lui par Pierre, payable par Jacques, sous la protestation qu'il n'entendoit pas s'adresser à Jacques, doit donner avis à Pierre de cette protestation, afin que Pierre, qui a des fonds chez Jacques pour le remboursement de la lettre de change, puisse, si bon lui semble, les retirer. Si Pierre, faute d'avoir ete averti de cette protestation par le banquier, n'avoit point retiré les fonds qu'il avoit chez Jacques, et qu'il vînt à les perdre par la faillite de Jacques qui surviendroit, Scacchia décide qu'en ce cas le banquier seroit tenu envers Pierre de cette perte; car en acceptant la lettre, quoique sous cette protestation, il n'a pas à la vérité accepté le mandat qu'elle renferme, mais au moins il s'est chargé de la gestion des affaires de Pierre, relative à cette lettre, et par-conséquent il s'est chargé de faire tout ce qu'il étoit de l'intérêt de Pierre qu'il fit relativement à cette lettre. Or Pierre avoit un intérêt manifeste d'être averti de la protestation sous laquelle ce banquier a accepté la lettre, afin de pouvoir retirer ses fonds de chez Jacques : le banquier qui a manqué de l'en avertir, a donc manqué à quelque chose que l'intérêt de Pierre exigeoit qu'il fit, et que la gestion des affaires de Pierre, relative à la lettre qu'il avoit acceptée, l'obligeoit de faire; par-conséquent, faute de l'avoir fait, il est responsable de la perte que Pierre a soufferte en ne retirant pas avant la faillite de Jacques les fonds qu'ils avoit chez Jacques pour acquitter la lettre.

110. Quoique le contrat de mandat qui intervient entre le tireur et l'accepteur, soit de sa nature gratuit, et qu'en conséquence l'accepteur ne puisse rien demanque le remboursement de ce qu'il a déboursé pour accepter la lettre; néanmoins il est d'usage que par une

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convention particulière le tireur accorde à l'accepteur un certain salaire ou recompense à raison de tant pour cent. On appelle cette recompense une provision. Elle est très licite ut utroque foro, lorsque l'accepteur est un banquier, pourvu qu'elle ne soit pas excessive, c'est-à-dire, qu'elle n'excède pas ce qu'il est d'usage d'accorder pour cela aux banquiers: c'est un gain et un profit légitime de son commerce de banque. *

ARTICLE I V.

Si les endosseurs contractent quelque engagement envers l'accepteur.

III. Ordinairement les endosseurs ne contractent aucun engagement envers l'accepteur; car quoique le paiement que l'accepteur fait de la lettre de change, opère indirectement la libération des obligations des endosseurs envers le proprietaire de la lettre de change ce n'est point pour les endosseurs que l'accepteur fait le paiement de la lettre de change, mais pour s'acquitter du mandat que le tireur lui a donné d'acquitter cette lettre. (Art. 118 du Code de Commerce). Ce n'est donc que contre le tireur, qui est son seul mandant, qu'il a action pour s'en faire rembourser. Bien loin que les endosseurs contractent aucune obligation envers lui, c'est au contraire lui qui, par l'acceptation qu'il a faite de la lettre, a accédé à l'obligation de faire acquitter la lettre, dont le tireur étoit tenu envers les endosseurs.

112. Néanmoins si le banquier ou autre sur qui la lettre est tirée, après avoir refusé de l'accepter, et avoir laisse protester, acquittoit la lettre en déclarant expressément et par écrit que c'est pour faire honneur à un tel endosseur; en ce cas le banquier ne l'ayant pas acquittée pour le tireur, dont il a refusé d'accepter le mandat, mais pour cet endosseur, et ayant en cela

*Voyez les lois rapportées sur les agens de change, bauquiers, etc.

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géré utilement l'affaire de cet endosseur, puisqu'il l'a libéré de la dette dont il étoit tenu envers le proprietaire de la lettre il n'est pas douteux qu'il se forme en ce cas entre le banquier et cet endosseur le quasi-contrat negotiorum gestorum, et que le banquier peut se faire rembourser par cet endosseur, actione contrariâ negotiorum gestorum; sauf à cet endosseur son recours contre les précédens endosseurs et contre le tireur.

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Da quasi-contrat entre celui qui, pour faire honneur au tireur ou à quelqu'un des endosseurs acquitte la lettre au refus de celui sur qui elle est tirée, et ledit tireur ou endosseur.

113. Lorsque celui sur qui la lettre est tirée refuse de l'accepter, ou de la payer après l'avoir acceptée, et qu'une autre personne l'accepte ou l'acquitte pour faire honneur au tireur ou à quelqu'un des endosseurs, ce n'est point un contrat de mandat qui intervient entre cette personne et le tireur ou l'endosseur à qui il a déclaré qu'il vouloit faire honneur, qui ne l'en avoit point chargé, et qui n'a aucune connoissance du service que cette personne lui rend; mais c'est le quasicontrat qu'on appelle en Droit negotiorum gestorum, qui produit les obligations qui en naissent. Le tireur ou l'endosseur est donc obligé envers cette personne, actione contrariâ negotiorum gestorum, à lui remettre la somme qu'elle a payée pour l'acquittement de la lettre de change.

114. Celui qui acquitte une lettre de change pour l'honneur du tireur ou de quelqu'un des endosseurs, doit, pour obliger envers lui actione negotiorum gestorum celui pour l'honneur de qui il l'acquitte, la laisser protester par le porteur avant que de la payer; Elem. Jur. Camb. Heinec. cap. 6, §. 9, in not. La raison est que le tireur et les endosseurs ne devenant débiteurs de la lettre que par le protêt qui en est fait, il faut qu'il ait été fait, pour que celui qui l'a payée puisse

prétendre les en avoir acquittés, et avoir en conséquence contre eux l'action negotiorum gestorum.

L'etranger qui acquitte une lettre protestée, n'a pas seulement cette action negotiorum gestorum contre celu pour l'honneur de qui il l'a acceptée; l'ordonnance de 1673, tit. 5, art. 3, le subroge en toutes celies qu'avoit le propriétaire de la lettre de change qu'il a payee, contre tous ceux qui en sont tenus. Cet article porte: Au moyen du paiement, il demeurera subroge en tous les droits du porteur de la lettre quoiqu'il n'en ait pas de transport, subrogation ni ordre.

Il n'est donc pas besoin pour cela, qu'en payant il en ait requis la subrogation.

Pareillement, il n'est pas nécessaire qu'après le protet fait par le porteur de la lettre, l'étranger qui la lui paie fasse un nouveau protet, qu'on appelle protét d'intervention. Cet acte, quoiqu'il soit en usage en ce cas dans certaines provinces, est absolument inutile et superflu.

Au reste il doit intenter ces actions contre le tireur dans les mêmes delais dans lesquels le porteur, s'il n'eût pas été payé, auroit dû les intenter selon la règle Qui alterius jure utitur eodem jure uti debet.

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Il doit même intenter dans les mêmes délais l'action negotiorum gestorum qu'il a de son chef; autrement celui pour l'honneur de qui il a payé, et cujus negotium gessit, seroit de pire condition que s'il ne l'eût pas fait; ce que la nature du quasi-contrat negotiorum gestorum ne permét pas.

ARTICLE I V.

Du contrat qui intervient entre l'accepteur sur qui la lettre est tirée, et le propriétaire de la lettre.

§. I.

Quel est ce contrat, et comment intervient-il.

115. L'acceptation que celui sur qui la lettre est tirés

fait de cette lettre, renferme un contrat entre l'accepteur et le propriétaire, par lequel l'accepteur accède à l'obligation du tireur de la lettre, et s'oblige en conséquence, conjointement et solidairement avec le tireur, envers le propriétaire de la lettre, à lui payer en acquit du tireur la somme portée par la lettre, à son échéance, et au lieu où elle est payable.

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116. Ce contrat est un contrat unilatéral; car il n'y que celui sur qui la lettre est tirée, qui par le contrat que son acceptation renferme, contracte une obligation envers le propriétaire de la lettre ; celui-ci de son côté n'en contracte aucune. *

S. I L

Des obligations qui naissent du contrat que l'acceptation renferme.

117. Il appert par la définition que nous avons donnée du contrat qui intervient par l'acceptation entre l'accepteur et le propriétaire de la lettre, que l'obligation principale et primitive qui naît de ce contrat, est de payer la somme portée par la lettre à son échéance.

Les obligations accessoires et secondaires consistent en ce que faute de paiement à l'échcance. l'accepteur est obligé de payer au propriétaire de la lettre, avec la somme principale, 1.° les intérêts de cette somme, qui courent de plein droit du jour de protet, avant qu'il ait été donné aucune demande; 2. le coût du protêt, les frais de voyage, de la même manière que nous avons dit suprà, qu'en étoit tenu le tireur; 3. le rechange, de la même manière que nous avons vu suprà, qu'en étoit tenu le tireur, à l'obligation duquel l'accepteur est censé avoir accédé par son acceptation.

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L'obligation solidaire du tireur et de l'accepteur résulte aujourd'hui de l'artecle 115, qui porte que le tireur ne eesse pas d'être obligé, et de l'art. 121 qui impose à l'accepteur l'obligation de payer la lettre de change, même en cas de faillite du tirear.

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