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«De tous les principes de la dame de La Pouplinière, elle a conclu elle-même qu'il n'importait point que son mari connût ou non sa grossesse. Un testateur, a-t-elle dit, ignore sa paternité, tant que son enfant n'est point ne, quoiqu'il sache qu'il est conçu. Mais ce ne serait pas là une erreur de fait, ce serait une erreur de sentiment : il en résulterait qu'un citoyen dont la femme est enceinte, tomberait, dès-lors, dans une interdiction de tester. La dame de La Pouplinière va en effet jusque-là: elle soutient que, quand le sieur de La Pouplinière aurait dit, aurait écrit, en mourant: J'ai fait mon testament; je sais que ma femme est grosse; le fils qui va naítre, se trouvera, par l'effet de mes disposi tions, réduit à sa légitime; je le veux, j'y persiste; ce testament, à entendre la dame de La Pouplinière, devrait toujours être annulé. Quel paradoxe! Un père, en acquérant cette qualité si chère, cesse-t-il donc d'être frère, oncle, ami, citoyen, homme enfin ? Peut-il lui être défendu de satisfaire à tous ses devoirs?

» Selon la dame de La Pouplinière, il suffit qu'un père ait ignoré, en testant, la conception de son enfant, pour que le testament soit susceptible d'être révoqué, quand même il aurait vu naître dans la suite son fils, sans témoigner aucun changement de volonté.

>> Mais un testament est la sentence de der nière volonté, et n'a d'effet qu'au jour de la mort du testateur. Ce n'est pas sa date que l'on consulte, c'est celle de la mort de celui qui l'a fait. Jusque-là, ce n'est qu'un papier domestique, ce n'est qu'un projet d'intention pour le jour où l'on quittera la vie; c'est un acte qui commence au moment qu'on le fait, et qui ne se consomme qu'au moment où l'on meurt. Ainsi, tant qu'on ne le change pas, on le confirme. Chaque instant de la vie est une ratification nouvelle; à chaque instant et jusqu'à la dernière heure, un testateur est présumé dire : je donne et lègue, j'institue tels et tels; et ces idées-là ne sont pas des TOME XXX.

subtilités elles sont prises dans la nature propre des choses; elles sont nécessairement renfermées dans l'énergie des termes de testament et d'ordonnance de dernière volonté; en sorte que c'est au dernier moment dela vie du sieur de La Pouplinière, qu'il faut le saisir et le considérer; on doit recevoir ses intentions, comme s'il les eût déposées sur le papier le jour même de sa mort.

» Or, il y a preuve acquise que le sieur de La Pouplinière, bien avant sa maladie et sa mort, a eu la plus parfaite connaissance de l'état de son épouse ».

M. l'avocat général Joly de Fleury a conclu à la nullité du testament; mais la cour,par arrêt du 12 mars 1764, a confirmé la sentence du châtelet qui en avait ordonné l'exécution. L'arrêt a passé de seize voix contre douze, après un délibéré de deux heures.

La dame de La Pouplinière s'est pourvue en requête civile, sur le fondement que son fils avait été mal défendu ; et pour l'établir, elle a articulé et offert de prouver plusieurs faits nouveaux dont il paraissait résulter que le sieur de La Pouplinière n'avait aucune connaissance de la grossesse de sa femme au moment de sa mort. Elle a prétendu que les juges s'étaient déterminés par le seul motif que le testateur connaissait sa grossesse ; et en conséquence, elle a soutenu que ce motif etant détruit par les faits nouveaux qu'elle articulait, l'arrêt ne pouvait plus subsister.

M. l'avocat général Joly de Fleury a en effet conclu à l'entérinement des lettres de requête civile; mais par arrêt du 4 juillet 1764, la dame de La Pouplinière en a été déboutée, avec dépens.

[[ Le Code civil déclare, comme l'ordon nance de 1731, la donation entre-vifs revoquée par la survenance d'un enfant au donateur qui n'en avait point au moment où il donnait ; et, comme l'ordonnance de 1735, il garde le silence sur ce mode de Révocation, par rapport aux donations testamentaires. On doit donc, à cet égard, raisonner sous le Code civil, comme on le faisait sous l'ordonnance de 1735; ou pour mieux dire, on doit aller plus loin encore.

En effet, l'ordonnance de 1735 avait laissé subsister les lois romaines qui, dans certains cas et à raison des circonstances, permettaient au juge de tenir pour révoqués les testamens après la confection desquels il était survenu des enfans aux testateurs. Mais aujourd'hui ces lois sont abrogées par l'art. 7 de celle du 30 ventose an 12. Il ne reste donc plus d'autres causes révocatoires des testamens,

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que

celles qui sont fixées par les art. 1035, 1039, 1-042 et 1046 du Code civil. ]]

Au surplus, V. les articles Indignité, Légitime, Révocation de legs, Révocation de testament, etc.

RÉVOCATION DE DÉMISSION. V. l'artiele Démission de biens.

RÉVOCATION DE DONATION. Nous avons à parler ici, d'abord de la Révocation des donations entre-vifs, ensuite de la Révocation des donations à cause de mort.

S. I. De la Révocation des donations entre.vifs.

I. Quoique l'irrévocabilité soit, de toutes les conditions requises pour la validité des donations entre vifs, la plus essentielle et la plus indispensable. il ne laisse pas d'y avoir deux causes pour lesquelles ces donations peuvent être révoquées : la première est la survenance d'enfans au donateur; la seconde, l'ingratitude du'donataire.

Il est parlé de l'une et de l'autre aux mots Donation, Ingratitude, Institution contractuelle, et Séparation de corps, S. 3, no 5. Nous n'ajouterons ici qu'un exposé des effets que produit la seconde, tant à l'égard des tiers ayant-droit du donataire, que par rapport au donataire lui-même.

II. Relativement aux tiers, il semblerait, au premier coup d'œil, que la Révocation pour cause d'ingratitude, dût anéantir tous les droits qu'ils avaient acquis sur le bien donné, par la raison que le donataire de qui ils le tiennent, est regardé comme n'ayant jamais possédé, et que le bien retourne au do. nateur, avec la qualité de propre, lorsqu'il l'avait avant la donation, et sans donner ouverture aux droits seigneuriaux. ( V. l'article Propre, S. 14, et Dumoulin sur la coutume de Paris, S. 43, no 51 ).

Cependant il faut distinguer si la Révocation pour ingratitude est fondée sur le refus du donataire d'exécuter les engagemens auxquels la donation l'assujetit, ou sur l'une des autres causes qui peuvent y donner lieu.

Dans le premier cas, dit Furgole, chap. 10, sect. 1, no 154, « le donateur pourrait évin» cer les tiers acquéreurs, même à titre one>> reux, s'ils ne voulaient eux-mêmes accom»plir les charges et conventions, parceque » les charges imposées in traditione rei, lui >> impriment une espèce de caractère qui la » suit en quelques mains qu'elle passe ; que » la Resolution se fait ex causa antiqua, » et en vertu d'une condition qui doit avoir » un effet rétroactif; et que le droit du dona

taire étant résolu, celui de son acquéreur, » ou de toute autre personne qui le représente, » se trouve résolu par voie de conséquence, » suivant cette maxime, resoluto jure dantis, » resolvitur jus accipientis ». (Loi 31, D. de pignoribus).

Ricard, des Donations, part. 3, no 724, établit la même doctrine, mais il la restreint aux donations qui contiennent une clause résolutoire le cas d'inexécution des engapour gemens contractés par le donataire; et en cela il se trompe visiblement. « La seule imposi» tion des charges (dit Furgole) renferme im» plicitement la résolution de la donation, en » cas qu'elles ne soient pas exécutées, attendu » qu'elles sont comme la condition et la cause » finale sans laquelle la donation n'aurait » pas été faite, comme l'observe fort bien M. » le président Favre, dans son Code; cela est » même fondé sur la loi 2, §. dernier, D. de » donationibus, qui ne fait aucune différence » entre la cause finale et la condition, par » rapport à la résolution de la donation ».

[[Cette doctrine est expressément consacrée par l'art. 954 du Code civil.]]

II. Dans le second cas, il faut sous-distinguer entre les droits acquis par des tiers après la demande en Révocation, et ceux qui ont été acquis auparavant.

Les premières s'anéantissent par la Révocation; la loi 7, D. de revocandis donationibus, le décide ainsi; et cela est fondé sur le principe, qu'une chose litigieuse ne peut pas être aliénée par le défendeur au préjudice du demandeur.

H en est autrement des seconds: la loi citée déclare que toutes les aliénations, et par consequent toutes les constitutions d'hypothèques ou d'autres charges réelles, subsistent, nonobstant l'ingratitude du donataire, lorsqu'elles ont été faites avant la demande en Révocation; et quoique la disposition de ce texte paraisse littéralement bornée au cas d'une donation faite par une mère à ses enfans, elle ne laisse pas d'être générale et com. mune à toutes les donations, n'importe par qui elles sont faites.

En vain dirait-on que la Révocation pour survenance d'enfans a constamment son plein effet contre les tiers, en quelque temps qu'ils aient acquis; le principe est vrai; mais on n'en peut rien conclure ici.

« Ceux qui contractent avec le donataire (dit Furgole), peuvent et doivent naturellement prévoir la survenance des enfans; mais il ne doivent pas prévoir le cas d'ingratitude, parceque c'est une espèce de crime odieux dont on ne doit pas penser que le

donataire soit capable: nefas est hujusmodi casum expectare, par argument de la loi 83, §. 5, D. de verborum obligationibus. Voilà pourquoi on doit attribuer un effet rétroactif à la condition sous-entendue dans le cas de la loi si unquàm; mais il en doit être autrement dans celui de l'ingratitude, par rapport à ceux qui ont contracté avec le donataire.

» Il y a encore une autre différence, en ce que la survenance des enfans révoque la donation de plein droit, au lieu que l'ingratitude n'opère pas le même effet, parcequ'elle gît en connaissance de cause, et qu'elle dépend de la volonté du donateur ».

Cette decision admet cependant une exception dans un cas : c'est lorsque les alienations ont été faites, ou que les charges réelles ont été établies, après l'ingratitude commise, et qu'on peut prouver qu'elles l'ont été en fraude du donateur. Mais pour cela, il ne suffit pas que le donataire, eu aliénant ou chargeant le bien, ait eu l'intention de frauder: il faut encore que l'acquéreur ou le créancier ait eu connaissance de cette intention, connaissance qu'on pourrait néanmoins présumer aisément, s'ils savaient, à l'époque de l'alienation ou de Phypothèque, que le donataire était tombé dans un des cas qui ouvrent la Révocation par ingratitude : c'est ce qu'enseignent uniformément Dumoulin, Perez, Ricard et Furgole.

[[L'art. 958 du Code civil établit, sur tout cela, une règle absolument nouvelle : « La » Révocation pour cause d'ingratitude ne pré» judiciera, ni aux alienations faites par le » donataire, ni aux hypothèques et autres » charges réelles qu'il aura pu imposer sur » l'objet de la donation, pourvu que le tout » soit antérieur à l'inscription qui aurait eté » faite de la demande en Révocation, en marge » de la transcription prescrite par l'art. » 939 ». ]]

VI. C'est une grande question si, lorsque le donataire a aliéné, le donateur peut, en revoquant la donation par ingratitude, l'obliger à l'indemniser, c'est-à-dire, à lui rendre la chose ou l'argent qu'il a tiré de l'aliénation.

Ricard et Pothier soutiennent la négative. Le premier se fonde d'abord sur ce que la Revocation n'est qu'un accessoire de l'action d'ingratitude; que l'objet direct et principal de cette action est la vengence de l'injure; et qu'ainsi, la donation ne se révoque que par l'effet éloigné et accessoire de la peine que l'ingratitude a méritée.

Furgole combat cette raison. « Il est bien » vrai (dit-il) que l'ingratitude produit la Re» vocation, et qu'on peut dire, dans ce sens,

» que la Révocation est accessoire, mais il » n'est pas également vrai que les biens don» nes ne soient qu'un objet subordonné à l'in» jure, et qu'ils n'en fassent part qu'accessoi>>rement; car les lois n'imposent d'autre peine » à l'ingrat que la Revocation de la donation. » Elles considèrent les biens comme l'unique » objet de la Révocation, et non pas la seule » vengeance de l'injure; en sorte que l'injure » n'est pas proprement le fondement de l'ac» tion, mais elle est la condition qui donne » naissance à l'action, pour faire résoudre la >> donation, tout comme dans le cas de la loi » si unquàm ».

Une autre raison de Ricard est que la loi 7, C. de revocandis donationibus, n'oblige le donataire qu'à rendre ce qu'il tient à titre de donation: Quidquid igitur is qui à matre impietatis arguitur ex titulo donationis tenet, matri cogitur reddere. Pothier se fonde également sur ce texte. « Une disposition pénale, » telle qu'est celle-ci (dit-il), doit être ren» fermee dans ses termes. Or, le sens oblique » de ceux-ci, quidquid titulo donationis tenet, » ne comprend que les choses mème qui ont » été données, et non pas ce que le donataire » a acquis du prix de ces choses; car il n'est » pas vrai de dire qu'il les possède donationis » titulo ».

Mais peut-on être aussi subtil, lorsqu'il s'a git de punir un ingrat? Ne doit-on pas plutôt dire, avec Dumoulin (sur la coutume de Paris, §. 35, gl. 1, no 157), que ces mêmes termes comprennent tout ce que le donataire tient des bienfaits du donateur, non-seulement immédiatement et directement, mais même mediatement? L'équité le demande sans doute; et si l'on veut s'assurer, par un exemple, que son vœu est conforme aux décisions du droit, il n'y a qu'à jeter les yeux sur les lois 70, 71 et 72, D. de legatis 2o. Un testateur ordonne à son héritier de rendre à un tiers tout ce qui lui restera de l'hérédité après un certain temps, quidquid ex hereditate supererit. L'héritier vend quelques biens du défunt,et en emploie le prix, soit à de nouvelles acquisitions, soit au paiement de ses propres dettes. On demande si ce prix doit faire partie des objets dont la restitution est ordonnée, et les lois-citées déclarent qu'oui, par la raison que non absumitur quod in corpore pa trimonii retinetur. Sans doute, si l'on étend de la sorte contre un héritier grevé de fideicommis, les termes quidquid ex hereditate supererit, on peut bien, pour punir un donataire ingrat, ne pas restreindre, comme le font Ricard et Pothier, les termes quidquid donationis titulo tenet.

Furgole va plus loin, et soutient que,

dans

le cas de l'aliénation à titre gratuit, le donataire doit être condamné à rendre au donateur l'estimation de la chose. « Il n'est pas juste » (dit-il) qu'ayant commis un crime qui em» porte la Révocation du bienfait qu'il avait > reçu, il en tire cet avantage d'avoir gratifié » un autre aux dépens des biens donnés, sans » compter qu'il est bien vrai que la condition » tacite qui fait révoquer la donation, lorsque » le donataire est ingrat, ne doit pas, à la vé»rité, nuire aux acquéreurs du donataire à » titre onéreux ou gratuit; mais, par rapport » à lui, la donation doit être considérée com» me si elle n'avait pas été faite; et il doit » rendre les biens tels qu'il les a reçus, ou du » moins indemniser le donateur par le rem» placement de la valeur »,

C'est aussi le sentiment d'Auroux des Pommiers, dans son commentaire sur la coutume de Bourbonnais, art. 225, no 32.

On devine bien que cette doctrine n'est avouée ni de Ricard ni de Pothier; ces auteurs donnent même dans l'extrémité opposée : ils soutiennent que, dans le cas d'échange, le donataire ingrat ne doit pas être oblige de rendre au donateur les choses qu'il a reçues en contr'échange des objets dont celui-ci l'avait gratifie, « La loi (disent-ils) a voulu seulement » que ce qui était le gage de l'amitié, ne de» meurat pas en la possession de l'ingrat; ce » qui ne convient qu'à la chose même qui a été » donnée ».

Encore une fois, c'est trop subtiliser pour dérober un ingrat à la peine qu'il mérite. L'échange est, de tous les contrats, celui qui opere le plus naturellement la subrogation d'une chose à l'autre : pourquoi ne produiraitil pas cet effet contre un donataire qui s'est rendu indigne des bienfaits du donateur? Il le produit bien, suivant l'une des trois lois citées plus haut, contre un héritier greve de substitution!

Au reste, il y a plusieurs cas où ne peut y avoir, relativement à toutes ces questions, le moindre doute sur le parti que nous adoptons d'après Dumoulin.

Le premier est lorsque l'aliénation, à quelque titre qu'elle ait été faite, est postérieure à l'ingratitude commise, quoiqu'antérieure à l'instance en Révocation. « Il ne me semble » pas douteux (dit Furgole) que le donataire >> ne doive alors remplacer ou indemniser le » donateur, parcequ'il est dans une mauvaise » foi visible, et que son dol doit le faire con» sidérer comme possesseur de la chose alie» née, suivant la loi 131, D. de regulis juris ». S'il en était autrement, il n'est point de donataire qui, après étre tombe dans un des cas marqués pour la Révocation par ingratitude,

n'aliénât, pour se mettre à couvert de toutes poursuites, la chose qu'il tient de la libéralité du donateur.

Le deuxième cas est lorsque la donation consiste dans une somme de deniers. Comme on ne considère pas dans l'argent les corps de monnaie, mais la valeur que leur donne la loi, on ne peut guère dire que le donataire ait aliene l'argent qui lui a été donné, puisque, même en le dépensant, il a épargne le sien.

Le troisième cas est celui de la donation d'un fonds de boutique. « Quoique ce ne soit » pas les mêmes choses ni les mêmes marchan» dises (dit Pothier), mais d'autres qui aient » succédé à celles qui y étaient lors de la do»> nation, c'est toujours le même fonds qui a » été donné; et ainsi, elle est révocable jus» qu'à concurrence de sa valeur lors de la do >> nation ».

Le quatrième cas est lorsque le donataire n'a fait qu'hypothéquer le bien. Ricard luimême convient qu'il est tenu, après la Révocation, de rapporter au donateur une décharge de l'hypothèque. « La raison en est (dit-il ) » qu'en ce cas, la chose donnée était toujours » demeurée vers le donataire. Il en avait tou»jours été le véritable possesseur, et l'enga»gement qu'il en avait fait, était relatif à une

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obligation principale, laquelle demeurant » particulièrement, c'est lui qui la doit acquit»ter, et qui est tenu de dégager l'héritage qui » n'y était qu'accessoirement obligé ».

[[L'art. 958 du Code civil porte indistinctement que, « dans le cas de Revocation, le do»nataire sera condamné à restituer la valeur » des objets aliénés, eu égard au temps de la » demande ».]]

V. Quel est l'effet de la Révocation par rapport aux fruits?

Dumoulin (sur la coutume de Paris, §. 43, gl. 1, no 44) prouve très-clairement qu'ils ne doivent pas être restitués depuis la donation; et en effet, il n'en font pas partie, suivant la loi 9, S. 1, D. de donationibus.

Mais le donataire n'est-il pas obligé de restituer tous ceux qu'il a perçus depuis l'ingratitude commise?

Ripa, dans sa quest. 66 sur la loi dernière, C. de revocandis donationibus, soutient l'affirmative; et il se fonde sur ce que, du moment où le donataire se rend ingrat, il devient possesseur de mauvaise foi. Il est aise de sentir tout le faux de cette raison. La Révocation par ingratitude ne se fait pas de plein droit : il faut, pour lui donner effet, que la personne à qui appartient le droit de l'exercer, fasse connaitre sa volonté ; donc, tant que le donataire n'est point poursuivi, il a un titre légi

time pour faire les fruits siens; donc il ne peut être tenu qu'à la restitution de ceux qu'il a perçus après la demande judiciaire. Furgole, à l'endroit cité, no 166, dit qu'il en a été ainsi jugé « par arrêt du parlement de Toulouse, » du 6 septembre 1724, rendu en faveur de » Me Pauradé, procureur au parlement, con. » tre le sieur de Giscare »,

[[Telle est aussi la disposition expresse de l'art. 958 du Code civil.

an 10, le tribunal civil de Béziers déclare la vente nulle, et condamne le sieur Bouillon à délaisser les biens qui y sont compris, à la veuve Castanié.

Le 27 du même mois, la veuve Castanie marie sa fille Claudine au sieur Bouillon, et lui abandonne le tiers des biens du sieur Castanie, conformément à l'art. 13 de la loi du 12 brumaire an 2.

Le 5 fructidor suivant, les héritiers ab intestat du sieur Castanié font citer sa veuve

S. II. De la Révocation des donations devant le bureau de paix, pour se concilier

à cause de mort.

Les principes sur cette matière ont été de veloppés dans une affaire qui s'est présentée en 1807 à la cour de cassation. Voici les faits: En décembre 1786, Marie Castelbon met au monde une fille, qu'elle fait nommer Claudine, et dont elle attribue la paternité à Claude Castanié, mari de Gabrielle Ferronil, et domicilié, comme elle, dans les environs de Béziers. Gabrielle Ferronil meurt le 22 janvier 1790. En novembre 1792, Claude Castanié reconnaît, devant l'officier public de l'état civil, qu'il est père de la fille dont Marie Castelbon est accouchée en 1786.

Le 23 juin 1793, il passe, avec Marie Castelbon, un contrat de mariage, par lequel il lui donne, en cas de survie, une somme de 15,000 livres. Le 19 juillet suivant, il l'épouse.

Le 13 vendémiaire an 4, il lui fait, devant notaire, donation universelle à cause de mort, de son hérédité.

Le 8 messidor an 5, il lui donne, par un acte également notarié,tous les biens meubles et immeubles, tous les droits et actions, de quelque nature qu'ils puissent être, qu'il laissera à sa

mort.

Le 4 vendémiaire an 8, il vend à fonds perdu, au sieur Bouillon, tous les biens qu'il possède à Cazouls.

Il meurt le 7 vendémiaire an 9.

Marie Castelbon, sa veuve, se regardant, en qualité de donataire universelle, comme habile à exercer toutes les actions qui pour raient appartenir à ses héritiers legitimes, fait assigner le sieur Bouillon devant le tribunal civil de Béziers, pour voir dire que le contrat de vente à fonds perdu que lui a passé Claude Castanie, le 4 vendemiaire an 8, sera déclaré nul, comme simulé et fait dans la seule vue de faire passer à sa fille Claudine les biens qui en sont l'objet. Dans le fait, elle prouve que Claude Castanie a, nonobstant la vente, continué jusqu'à sa mort de jouir de ces biens; et le sieur Bouillon, interroge sur faits et articles, convient n'en avoir payé aucun prix. En conséquence, par jugement du 22 germinal

sur l'assignation qu'ils se proposent de lui donner devant le tribunal civil de Beziers, à l'effet de voir déclarer nulle, conformément à l'art. 132 de l'ordonnance de 1629, la donation universelle qui lui a été faite par son mari, attendu qu'avant de l'épouser, elle avait vécu avec lui en concubinage.

A défaut de conciliation, l'affaire s'engage effectivement devant le tribunal civil de Béziers; et, tout en persistant dans leur demande principale, les héritiers concluent subsidiairement à ce que, dans le cas où il serait jugé que l'incapacité de Marie Castelbon a été effacée par son mariage, il soit du moins déclaré que, dans sa donation universelle, ne sont pas com. pris les biens de Cazouls, que le donateur luimême en a distraits par la vente simulée qu'il en a faite au sieur Bouillon, par l'acte du 4 vendémiaire an 8.

La veuve Castanié, après avoir repoussé la demande principale par les moyens indiqués à l'article Indigne, no 6, oppose aux conclusions subsidiaires 1o qu'elles sont non-recevables, parcequ'elles n'ont pas été précédées d'une épreuve de conciliation; 2o qu'elles sont mal fondées, et d'après la loi sequens quæstio, 68, D. de legatis 2o; et parceque l'action que le sieur Castanié a laissée dans sa succession pour attaquer la vente des biens de Cazouls, est nécessairement comprise dans la donation universelle qu'il lui a faite de tous ses biens, droits et actions.

Le 5 thermidor an 13, jugement qui, sans s'arrêter, ni à la fin de non-recevoir de la veuve Castanie, ni à la demande principale des héritiers de son mari, adjuge à ceux-ci les biens de Cazouls.

Appel, tant de la part de la veuve que de celle des héritiers. Par arrêt du 9 juin 1806, la cour de Montpellier, sans avoir égard ni à l'un ni à l'autre appel, confirme le jugement dans tous ses points.

Elle le confirme, en tant qu'il a rejeté la demande des héritiers en nullité de la donation universelle, parceque le sieur Castanie et Marie Castelbon ont effacé, par le mariage qu'ils ont contracté le 19 juillet 1793, l'inca

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