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pacité dont ils étaient précédemment frappés par l'art. 132 de l'ordonnance de 1629.

Elle le confirme, en tant qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la veuve aux conclusions subsidiaires des héritiers, parceque, dans la tentative de conciliation qui a eu lieu pour la totalité des biens délaissés par le sieur Castanie, ont été nécessairement compris les immeubles situés à Cazouls.

Elle le confirme enfin, en tant qu'il a recueilli ces conclusions subsidiaires,

«Attendu que feu Castanié a donné tous ses biens, noms, voix, droits, actions et hérédité, à Marie Castelbon, son épouse, par les actes des 4 vendémiaire an 4 et 8 messidor an 5; mais que ces donations ont été faites, non entre-vifs, mais à cause de mort ; de sorte que ces donations, soit comme faites entre mariés, soit comme l'ayant été à cause de mort, étaient sujettes à Révocation; que feu Castanié a révoqué ces donations, par l'aliénation qu'il a faite en faveur du sieur Bouillon, le 4 vendémiaire an 8, quant aux biens qui sont l'objet de cette aliénation;

à

» Qu'en effet, la Révocation d'une donation à cause de mort, résulte de tout acte qui contient la manifestation d'une volonté contraire à la donation; que la Révocation n'a pas besoin d'être expresse, comme l'observe Domat, Lois civiles, liv. 4, tit. 1, sect. 5, no 6, d'après le S. 1, Inst. de donationibus ; et l'alienation de la chose léguée révoque le legs; ainsi que l'observe encore Domat, liv. 4, tit. 2, sect. 11, no 13, d'après plusieurs textes de droit décision qui doit avoir son application, lors même que l'aliénation est nulle, et que les biens rentrent dans la main du defunt ou que la Revocation résulte d'une disposition faite en faveur d'un incapable ou indigne, conformément la loi 20, D. de adimendis legatis, à la loi 12, D. de his quæ ut indignis, à la loi 24, D. de adimendis legatis, et à l'opinion de Furgole, Traité des testamens, chap. 14, no 57; sans qu'on puisse opposer qu'il était nécessaire d'une Revocation expresse, ainsi qu'on l'a prétendu d'après la loi 68, D. de legatis 2o, parcequ'il s'agit, dans l'espèce de cette loi, d'une donation faite entre-vifs en faveur de l'un des époux, et que les donations faites en faveur de la veuve Castanie, l'ont été à cause de mort; que l'aliénation du 4 vendémiaire an 8 est, dans le fait, quant aux biens aliénés, une véritable Révocation de la donation, quoique l'alienation ait eté ensuite annulée comme feinte et simulée, puisque cet acte manifeste par lui-même, une autre volonté que celle de maintenir dans la donation les biens aliénés ; que, quelqu'ait été le but ultérieur du sieur Castanié en alienant; cet acte est, de sa part,

l'effet et la manifestation d'une volonté toute différente, toute opposée à la donation; et que, dès-lors, les biens aliénés ayant été ainsi distraits de la donation, ne peuvent appartenir à la donataire, mais bien aux héritiers légitimes;

» Qu'il importe peu que feu Castanie ait donné ses actions, ses droits, même son hére. dité, par les actes dont il s'agit; que ces droits, ces actions, cette hérédité ne peuvent s'enten: dre de ce qui en a été postérieurement détaché par un acte qui restreint, quant à ce, les effets des donations; et que, comme tout ce qui n'a pas été donné, appartient aux héritiers légitimes, il s'ensuit que ceux-ci ont seuls droit et qualité pour exercer les actions résultantes de la nullité de vente, et recueillir les effets de cette nullité ».

La veuve Castanié se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

« Quatre moyens de cassation (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 4 no. vembre 1807) vous sont proposés par la demanderesse: dans la forme, contravention à l'art. 5 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790; au fond, violation de la loi 68, D. de legatis 2o; violation du §. 12, Inst. de legatis ; viola tion de la coutume générale de France, sur les effets de l'indignité.

» Le premier de ces moyens s'écarte en peu de mots. A la vérité, l'art. 1 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790 ne permettait pas aux héritiers Castanié de former leur demande en délaissement des immeubles vendus, le 4 vendémiaire an 8, au sieur Bouillon, sans avoir prealablement cité en conciliation la partie qui détenait ces immeubles. Mais ils avaient pleinement satisfait à cette loi, et par la citation qu'ils avaient fait donner à la veuve Castanié devant le bureau de paix, le 5 fructidor an 10, et par le proces-verbal de non-conciliation qui s'en était ensuivi.

» Peu importe que, devant le bureau de paix, il ne se soit agi que de leur demande en délaissement de tous les biens du feu sieur Castanié. En demandant tous les biens du feu sieur Castanie, ils demandaient necessairement ceux qu'il avait vendus, le 4 vendemiaire an 8, et dont la vente avaît été jugée nulle, le 22 germinal an 10; et il a toujours été de principe, la cour a même jugé, le 8 inessidor an 11, au rapport de M. Vermeil et sur nos conclusions, qu'une seconde tentative de conciliation est inutile, lorsque le demandeur réduit sa demande principale et corrige en conséquence ses conclusions (1).

(1) V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Bureau de paix, 8. 4.

» Peu importe encore qu'en restreignant, par leurs conclusions subsidiaires, l'objet de leur demande principale, les héritiers Castanie aient fait naître devant le tribunal de première instance, une question toute differente de celle qui, d'après la tentative de conciliation, paraissait devoir y être seule agitée. Il en est de la défense que fait l'art. 5 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790, d'intenter aucune action principale sans citation préalable en conciliation, comme de la défense que fait l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2, de former en cause d'appel aucune nouvelle demande. Or, l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 7 est-il violé, lorsqu'en cause d'appel, soit pour faire réformer, soit pour faire confirmer un jugement de première instance, on produit de nouveaux titres, on articule, on prouve de nouveaux faits, qui donnent lieu à des questions qui n'ont pas été agitées, qui n'ont pas été effleurées, qui n'ont pas même été aperçues devant les premiers juges? Non certainement, et la cour l'a ainsi jugé par une foule d'arrêts. L'art. 5 du tit. 10 de la loi du 24 août 1795 n'est donc pas non plus violé, lorsqu'en presentant ou en restreignant devant un tribunal la demande qu'on a préalablement soumise à un bureau de paix, on élève des questions auxquelles, devant le bureau de paix, ni l'une ni l'autre des parties n'avait pensé.

» Ainsi nulle irrégularité à reprocher au jugement du tribunal civil de Béziers; et par conséquent, nécessité de rejeter le premier moyen de cassation qui vous est proposé contre l'arrêt qui l'a confirmé.

» Cet arrêt a-t-il, au fond, violé la loi 68, D. de legatis. 20? C'est la question que nous présente le deuxième moyen de cassation de la demanderesse, et la solution n'en est pas difficile.

» La loi dont il s'agit, est ainsi conçue: Sequens quæstio est anetiam quæ vivus per donationem inuxorem contulit, in fideicommissi petitionem veniant? Respondi ea extrà causam bonorum defuncti computari debere, et proptereà fideicommisso non contineri: quia ea habitura esset, etiam alio herede instituto. Planè nominativè maritus uxori fideicommittere potest, ut et restituat. Ainsi, d'une part, la donation entre-vifs qu'a faite un mari à sa femme, quæ vivus per donationem contulit, étant toujours révocable, peut être grevée de fideicommis par le donateur; de l'autre, le donateur n'est cependant pas censé la comprendre dans le fideicommis général dont il greve tous les biens qu'il laissera à sa mort; elle ne peut y être comprise que par une disposition expresse, et dont elle soit

nommément l'objet spécial. Voilà tout ce qui résulte de cette loi.

» Mais de là s'ensuit-il que la donation à cause de mort qu'un mari a faite à sa femme, n'est pas révoquée par l'aliénation que le mari fait ensuite des biens qu'elle comprend?

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» Pour que cette conséquence fut exacte, il faudrait qu'il n'y eût, par rapport aux époux, aucune différence entre la donation qualifiée entre-vifs, et la donation qualifiéc à cause de mort; il faudrait qu'il existat, entre l'une et l'autre, une identité parfaite et universelle. Or, il s'en faut beaucoup que ces deux espèces de donations soient, parfaitement et à tous égards, semblables l'une à l'autre. Elles ont bien cela de commun qu'elles sont également revocables. Mais à la revocabilité près, la donation entre-vifs que fait ou un mari à sa femme, ou une femme à son mari, a tous les caractères et tous les effets de la donation entre-vifs ordinaire : elle transfère à l'époux donataire, la propriété résoluble des biens donnés; l'époux donataire perçoit incommutablement pour son propre compte, les fruits que produisent ces biens; il y a plus : cette donation est soumise par la loi 25, C. de donationibus inter virum et uxorem, à la formalité de l'insinuation, c'està-dire, à une formalité absolument étrangère aux dispositions à cause de mort, et qui n'a jamais été prescrite que pour les donations entre-vifs.

» Aussi Furgole, Traité des testamens, chap. 14, no 57, nous avertit-il que la loi 68, D. de legatis 20, ne doit pas être tirée à conséquence pour les donations qualifiées à cause de mort : cette loi (dit-il) qui parle (de la nécessité) d'une substitution expresse aux biens donnés, ne parle pas d'une donation à cause de mort proprement dite; elle parle d'une donation faite entre mariés, qui differe de la donation à cause de mort, quoiqu'elle ne soit pas irrévocable, non plus que la donation à cause de mort. Ainsi, il ne faut pas confondre ces deux espèces de donations, parceque la donation entre mariés et celle qui est faite par le père de famille à ses enfans en sa puissance, tiennent de la nature des donations entre-vifs, et par conséquent ont besoin d'une Révocation expresse et spéciale: au lieu que la donation à cause de mort, qui est rangée dans la catégorie des dernières volontés, se révoque plus facilement et dès qu'il parait un changement de volonté, sans qu'une Révocation spéciale soit nécessaire, ou, comme s'explique le §. 1, de donationibus, aux Institu

tes, si EUM DONATIONIS POENITUISSET.

» Mais, dit la demanderesse, tous les au

teurs, notamment Cujas, Maynard et Furgole lui-même enseignent, d'après la loi citée, qu'une donation entre époux ne peut être révoquée que par une disposition expresse.

» De quelle espèce de donation entre époux parlent donc ces auteurs? De la donation qualifiée à cause de mort? Non : ils ne parlent que de la donation pure et simple, et par conséquent de la donation qui est censée faite entre-vifs, puisque c'est comme donation entre-vifs que doit être considérée toute donation de biens présens qui n'est pas formuellcment qualifiée à cause de mort.

» Mais, dit encore la demanderesse, il a été jugé par deux arrêts du parlement de Toulouse, l'un du 10 juillet 1708, l'autre du mois d'août 1723, que la disposition de la loi sequens quæstio était applicable aux donations qualifiées à cause de mort, comme aux donations qualifiées entre-vifs.

» D'abord, il serait assez indifférent que le parlement de Toulouse se fut fait, sur cette matière, une jurisprudence qui eût donné à la loi sequens quæstio, une extension que ses termes ne comportent nullement. L'arrêt que vous dénonce la demanderesse, devrait sans doute être cassé, s'il avait violé la loi sequens quæstio, puisqu'elle était encore en vigueur à l'époque du décès du sieur Casta. nié. Mais casser un arrêt pour avoir viole un point de jurisprudence, c'est ce que vous n'avez jamais fait, c'est ce que vous ne ferez jamais,

» Ensuite, est-il bien vrai que les deux arrêts cités par la demanderesse, aient jugé ce qu'elle leur prête?

» Le premier, qui est rapporté dans le Journal du palais de Toulouse, tome 3. page 308, a été rendu au sujet d'un acte par lequel Jean Valentin avait donné à Louise Sigaud, son épouse, une somme de 3,000 livres, par donation à cause de mort, qu'il veut ( c'étaient les propres termes de l'acte) étre irrévocable, et à titre de l'augmentation de l'augment dotal et du gain de survie, et ce à cause des bons services qu'il a reçus d'elle et qu'il espère d'en recevoir. Jean Valentin était mort sans avoir révoqué expressément cette donation; mais il avait fait, dans l'intervalle, un testament par lequel, entre autres dispositions, il avait légué à sa femme l'usufruit de tous ses biens, et avait déclaré révoquer tous autres testamens et dispositions de der. nière volonté. Il avait fait plus à ce testament avait succédé un codicille, par lequel il avait fait à son épouse un legs de 5,000 livres, et avait révoqué toute autre disposition, hors son testament et ce codicille, Question

de savoir si, dans les révocations prononcées en termes généraux par ce codicille et ce testament était comprise la donation à cause de mort, de 3,000 livres ? L'arrêt a jugé pour la négative, après partage. Mais on le voit clairement, ce n'est point sur une question de droit qu'il a prononcé : il n'a jugé qu'une simple question de volonté ; il a juge, et rien de plus, que Jean Valentin n'était pas censé avoir révoqué, par des termes qui ne pou vaient s'appliquer qu'à des dispositions testamentaires, une donation qu'il avait, à la vérité, qualifiée à cause de mort, mais qu'il avait en même temps déclarée irrévocable, à laquelle il avait, en même temps, cru pouvoir imprimer le caractère d'augmentation de l'augment dotal, et qu'il avait, par consequent, annoncée comme ne pouvant, dans son opinion, être révoquée. Or, de bonne foi, qu'y a-t-il de commun entre cette espèce et le cas où, comme ici, l'époux donateur a fait, des biens qu'il avait précédemment donnés à cause de mort, une vente spéciale et matériellement incompatible avec la donation

même ?

» Le second arrêt va beaucoup plus loin. Furgole, quest. 41, nous en retrace ainsi l'espèce: Titius ayant un frère et une sœur, fit une premiere donation à cause de mort, en faveur de son frère, en 1680. En 1689, il en fit une pareille en faveur de sa sœur. Dix mois après, il déclara, par acte devant un notaire et deux témoins, qu'il voulait que la première donation füt exécutée sans avoir révoqué expressément la seconde. Le donateur étant mort dans cette volonté, le premier donataire prend possession des biens donnés, et en jouit pendant environ vingthuit ans la sœur, seconde donataire, ou ses héritiers, ayant prétendu que la seconde donation devait prévaloir, comme n'ayant pas été suffisamment révoquée, formèrent instance en délaisement des biens donnés ; et, par arrét rendu en la seconde chambre des enquêtes du parlement de Toulouse, au mois d'août 1723, les biens donnés leur furent adjugés.

» Il faut convenir que ce serait là un arrêt fort étrange, s'il n'avait pas eu d'autre motif que le défaut de Révocation spéciale de la seconde donation. Aussi Furgole en fait-il expressément la remarque: Comme nous n'avons pas (dit-il ) une connaissance parfaite des circonstances particulières qui peuvent avoir déterminé cet arrét, nous ne pensons pas qu'on nous impute de manquer au respect dú à la chose jugée, si nous prenons la liberté d'examiner, en point de droit, la question telle que nous l'avons proposée,

c'est-à-dire, la question de savoir si celui qui a fait deux donations à cause de mort à deux personnes différentes, en différens temps, déclarant, par acte devant notaire et deux témoins, qu'il veut que la première sorte à effet, est censé avoir suffisamment révoqué la seconde, sans qu'il y ait eu révocation expresse.

"

Furgole rappelle, sur cette question, tout ce que l'on peut dire pour et contre ; et il finit par se décider en faveur du premier donataire, nonobstant le défaut de Révocation spéciale de la deuxième donation dans l'acte confirmatif de la première : Les donations à cause de mort (dit-il) pouvant être révoquées par une volonté tacite, de même que par une volonté expresse, il n'était pas nécessaire que la déclaration portát une Révocation expresse et individuelle de la seconde donation; mais il suffisait que la seconde donation ne fut pas compatible avec la première dont l'exécution avait été ordonnée ; et la loi 68, D. de legatis 2o, ne décide rien de contraire; car, si elle dit que les biens donnés ne sont pas compris dans un fideicommis vague, ce n'est pas à dire que, si le fideicommis s'y ap pliquait d'une manière à faire comprendre que la volonté du testateur était d'y englo ber la donation à cause de mort, il ne dút sortir à effet, tout de même que s'il était fait mention expresse des biens donnés ; or, on ne peut pas douter que, dans le cas que nous traitons, la Révocation qui résulte de ce que le donateur veut que la première donation soit exécutée, ne soit aussi expresse que si elle était individuelle.

» En voilà beaucoup plus qu'il n'en faut pour faire disparaître le deuxième moyen de cassation de la demanderesse. Voyons si le troisième est mieux fondé.

» Le §. 12, Inst., de legatis, en décidant que l'aliénation de la chose léguée révoque le legs, ajoute qu'elle n'empêche pas le legs de subsiter, si le testateur n'a pas eu, en aliénant, l'intention d'en priver son légataire : si non adimendi aurum vendidit, nihilominùs deberi. Or, dit-on, il est impossible que le sieur Castanié ait eu, en vendant ses biens de Cazouls, l'intention de révoquer, quant à ces biens, la donation à cause de mort dont il avait précédemment gratifié son épouse ; et la preuve en est qu'il ne les a pas vendus sérieusement; la preuve en est qu'il n'en a fait qu'une vente simulée; la preuve en est que cette vente a été déclarée nulle après sa mort, comme entachée de simulation.

» Mais y a-t-il une loi qui déclare que, par cela seul qu'une vente est simulée, le testateur TOME XXX.

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» Le troisième moyen de la demanderesse ne vaut donc pas mieux que les deux premiers.

>> Le quatrième moyen est plus embarrassant; mais pour le bien entendre, une observation préliminaire est indispensable: c'est que l'acte de vente du 4 vendémiaire an 8 n'a été déclaré nul, par le jugement du 22 germi. nal an 10, que parcequ'il a été reconnu avoir eu pour objet de faire passer gratuitement à la¦fille adultérine du sieur Castanié, par l'interposition de son futur époux, le sieur Bouillon, les immeubles que le soi-disant vendeur possédait dans la commune de Cazouls. A la vérité, l'arrêt qui est sous vos yeux, ne donne là-dessus aucune espèce de renseignement : mais nous en trouvons la preuve dans la manière dont la demanderesse elle-même propose le moyen dont il est ici question. L'acte du 4 vendémiaire an 8, dit-elle, avait été consenti en faveur d'un indigne. Cet indigne quel était-il ? Ce n'était sûrement pas le sieur Bouillon: il n'existait, entre lui et le sieur Castanié, aucun rapport qui le rendit indigne de recevoir du sieur Castanié, les libéralités que celui-ci jugerait à propos de lui faire. L'indignité ne pouvait donc se trouver que dans la personne de la fille adultérine du sieur Castanie. Cela posé, la fille adulterine du sieur Castanié ayant été jugée indigne de retenir les biens qui lui avaient été transmis par le canal du sieur Bouillon, à qui ces biens devaient-ils retourner?

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D'après le droit romain, ils auraient dû appartenir au fisc: c'est la décision littérale d'une foule de lois, et la demanderesse en convient.

» Mais, à cette décision avait prévalu, parmi nous, tant en pays de droit écrit qu'en pays coutumier, l'usage de laisser dans l'hérédité, les biens que le défunt avait tenté de faire passer à un indigne ; et c'est sur la contravention à cet usage, qu'est fondé le quatrième moyen de cassation de la demanderesse.

>> Cette contravention est en effet très-palpable.

4

» D'une part, la disposition des lois romaines qui déclarent le legs tacitement révoqué par l'aliénation de la chose léguée, n'est applicable qu'au legs particulier, qu'au legs de choses certaines et déterminées; elle ne l'est point du tout au legs universel (V. l'article Révocation de legs, S. 2, no 2-4o); le légataire universel n'est pas appelé à tels ou tels biens que le testateur possede au temps de son testament; il est appelé à tous les biens qui se trouveront dans l'hérédité; il est appelé à ce que les lois romaines appellent universum jus quod quis tempore mortis habuit.

» D'un autre côté, point de différence entre un légataire universel et un donataire universel à cause de mort. La donation à cause de mort et le legs sont absolument identifiés, quant à leurs effets, par la loi dernière, C. de donationibus causá mortis.

» Enfin, à la saisine légale près, qui, dans les pays de droit écrit, appartenait à l'héritier institué, comme à l'héritier ab intestat, le légataire universel et le donataire universel à cause de mort avaient, dans les pays de droit écrit, avant le Code civil, les mêmes droits que l'héritier institué. Or, il est certain, d'après l'usage général invoqué par la demanderesse, et qui est très-constant, que, si le sieur Castanie avait, par un testament en bonne forme, institue un héritier universel, ce ne serait pas à ses héritierer ab intestat, mais à son héritier testamentaire, que devrait profiter la nullité de l'aliénation qu'il avait faite, avant sa mort, de ses biens de Cazouls. Pourquoi donc la demanderesse ne recueillerait-elle pas également, en sa qualité de donataire universelle à cause de mort, l'effet de cette nullité? N'a-t-elle pas droit, en sa qualité de donataire universelle à cause de mort, à tout ce qui s'est trouvé dans la succession de son mari? Et que n'est-ce pas dans la succession de son mari, s'est trouvée l'action en vertu de laquelle la vente des biens de Cazouls a été déclarée nulle?

"Il n'est donc pas douteux que la cour d'appel de Montpellier n'ait doublement mal jugé : qu'elle n'ait mal jugé en appliquant à une donation universelle à cause de mort, un genre de Révocation qui n'a été introduit que pour les legs particuliers ; et qu'elle n'ait mal jugé, en déférant aux héritiers ab intestat, l'effet d'une nullité qui, par l'usage général de la France, devait être déféré, soit à l'héritier institué, soit au légataire universel, soit au donataire universel à cause de mort.

» Mais en jugeant aussi mal sur l'un et l'autre point, a-t-elle violé quelque loi? Car, c'est toujours à cette question qu'il faut revenir devant vous: les erreurs même de droit, les

faux raisonnemens, ne sont pas des ouvertures de cassation; pour qu'un arrêt puisse être cassé, il faut qu'une loi formelle ait été violée dans son propre texte; il faut que le texte de la loi violée soit transcrit en toutes lettres dans l'arrêt de cassation.

» Or, quelle loi pourrait-on citer, pour justifier la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier ?

» Citerait-on la loi qui déclare que le legs particulier est tacitement révoqué par l'aliénation de la chose léguée ? Mais tout ce qui pourrait resulter de cette loi, c'est qu'il en a été fait une fausse application; et vous savez qu'en matière civile, la fausse application d'une loi n'emporte pas nécessairement la violation d'une autre loi.

» Citerait-on les lois qui veulent que les legs, les donations à cause de mort, reçoivent leur exécution, tant qu'il n'est pas prouvé que le donateur ou le testateur les a révoqués ? Mais prenons-y garde : la question de savoir si telle donation à cause de mort, si tel legs a été révoqué par le testateur ou donateur, n'est presque jamais une question de droit ; c'est presque toujours une question de volonté; et si l'on ne peut pas citer une seule loi qui dise que les biens aliénés par le testateur après son testament, sont, par cela seul, présumés distraits de son legs universel, on ne peut pas non plus en citer une seule qui décide le contraire. Car, remarquons-le bien, il n'en est pas, à cet égard, du legs universel, comme de l'institution d'héritier. L'institution d'héritier, suivant les lois romaines, embrasse nécessairement l'universalité des biens qui composent la succession. Le testateur luimême ne peut pas déroger à cet ordre de chodecedere ses: asservi à la règle, nemo potest partim testatus, partim intestatus, par cela seul qu'il institue un héritier, il est force de lui laisser l'universalité de sa succession; et ce qu'il a manifesté l'intention d'en détacher, s'y réunit, s'y consolide même nonobstant son intention qui est, à cet égard, réputée non écrite. Mais il n'en est pas de même du legs universel. Le legs universel n'empêche pas la saisine légale de l'héritier ab intestat ; et bien loin de là, il la suppose, puisque c'est de l'héritier ab intestat que le légataire universel doit obtenir la délivrance de son legs. Le testateur peut donc détacher du legs universel, tout ce qu'il ne juge pas à propos d'y comprendre; il peut donc laisser à l'héritier ab intestat tout ce qu'il juge à propos d'oter au légataire universel; et dès qu'il peut le faire, il est évident que la question de savoir s'il le fait réellement par tel ou tel acte, ne présente

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