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tent tous les points, ne négligent rien pour connaitre parfaitement tous les moyens opposés de part et d'autre, et si les titres invoqués par les parties sont favorables ou défavorables à l'une d'elles Au lieu d'être guidés dans leur travail par leur Secrétaire, ce sont eux qui dirigent le sien; ce qui est beaucoup plus naturel et infiniment plus sûr.

Lorsque les plaideurs se présentent devant eux, ces juges évitent de leur dire : Voyez mon Secrétaire, remettez cela à mon Secrétaire, dans la crainte qu'ils ne croient que ce Secrétaire est un personnage essentiel à leur affaire. S'ils ne lui défendent pas de recevoir des procureurs, ce que ceux-ci sont dans l'usage de donner, c'est parcequ'ils sont persuadés que cette défense serait absolument inutile et ne ferait que rendre le don plus caché; mais ils lui recommandent expressément de ne rien exiger, et font tout ce qui dépend d'eux pour convaincre toutes les parties qu'il n'a aucune influence sur leur rapport, et qu'il ne peut pas même l'accélérer : il n'y a pas de meilleur moyen que celui-là, pour rendre les présens très-rares et très-peu onéreux aux parlies.

Si ces juges n'ont pas tous la très-bonne habitude de faire eux-mêmes leurs extraits ou de les dicter à leur Secrétaire, ils relisent avec tant d'exactitude (et les pièces à la main) ceux qu'on a faits, ils relevent si sagement les fautes de discernement, et si sevérement celles de negligence ou d'infidélité, que bientôt ils n'en trouvent plus de semblables.

Un juge intègre et délicat ne peut pas trop se hater de congédier un Secrétaire inexact ou infidèle, parcequ'il l'expose tous les jours à la ruine ou au déshonneur; en effet, le magistrat auquel un plaideur a le droit de reprocher la perte de son procès par une suite de sa confiance aveugle dans le travail de son Secrétaire, n'a qu'un parti à prendre, s'il a de la probité : c'est de réparer de sa fortune le dommage qu'il a occasionné, en se reposant sur un autre du soin qui lui était personnel. Je ne crois pas au contraire, qu'il soit tenu à cet acte de justice, si, après avoir apporté tous ses soins à la recherche des moyens respectifs et employé toutes les facultés de son esprit pour présenter un rapport exact et ouvrir une opinion conforme à l'équité, il a, par une fatalité trop ordinaire, omis de rendre compte d'une pièce essentielle ou d'un fait décisif; alors, sa faute est plus celle de l'homme que celle du juge, et il n'y en a point qui soit assez riche pour pouvoir réparer les funestes suites de toutes les erreurs qu'il a commises dans le cours d'une longue vie. Il suffit donc, pour

être tranquille avec lui-même de pouvoir se dire : « Je n'ai cherché que la vérité et la jus>>tice; mes yeux ont lu tout ce qui m'a semblé » devoir m'y conduire; ce que j'ai cru nécessaire » d'entendre, je l'ai recueilli avec soin: si j'ai » été trompé, que celui qui ne peut pas l'être, » vienne prendre ma place, je la lui cède sans >> regret ».

Jamais un Secrétaire, quelque honnête qu'il soit, n'attachera autant d'importance que le juge même à faire rendre un jugement équitable, parcequ'il ne peut pas avoir l'enthousiasme de l'équité au même degré que le magistrat. On ne peut attendre du premier qu'une exactitude servile, tandis qu'il doit sortir de l'ame de l'autre une sublime sévérité de justice.

Les Secrétaires des rapporteurs, s'ils sont infidèles, sont encore plus dangereux que ceux des avocats-généraux, parceque le rapport que fait le juge, est secret : ni les parties, ni leur défenseur ne savent s'il altère un fait, s'il dissimule une pièce, s'il omet un moyen ; au lieu qu'à l'audience, les avocats presens peuvent, après que le ministère public a conclu, et pendant que les juges opinent, relever rapidement les erreurs qui sont préjudiciables à leurs cliens, et ramener l'attention des juges sur le véritable point de la cause. On voit tous les jours de semblables fautes relevées par l'heureuse assurance des avocats; aussi les Secrétaires d'avocats-généraux qui prévoient et craignent ces répliques impétueuses, apportent-ils une attention plus sévère dans leur travail : souvent, il est vrai, ils ne font que colorer avec plus d'adresse la partialité qu'une des parties a trouvé le moyen de leur inspirer.

C'est surtout dans les causes où un homme pauvre a pour adversaire un homme riche, dans celles où un citoyen obscur lutte contre un homme puissant, qu'un juge doit redoubler de soins et de surveillance sur le travail de son Secrétaire. Il doit être bien assuré que la défense de l'homme riche sera présentée dans le jour le plus favorable, et que ses torts serout adoucis autant qu'il aura été possible de le faire mais le pauvre qui n'aura pu donner que quelques faibles espérances attachées au succès de ses demandes, s'il n'a un droit bien lumineux, s'il n'a essuyé un tort bien palpable, bien révoltant, court le risque d'être immolé à l'indifférence qu'il inspire. Les nuages que son adversaire a su repandre, resteront; heureux encore si on ne les rend pas plus épais!

J'ai dit plus haut que le juge ne peut trop recommander à son Secrétaire, de ne rien exiger des parties pour son travail; mais j'insiste

pour qu'il lui fasse les plus expresses défenses de rien recevoir de celles qui sont indigentes, jusqu'à ce que ces prétendus droits soient juridiquement établis et passent en taxe.

Combien d'affaires portées au palais, dont l'objet n'est pas de plus de cent ecus, coûtent plus du double en faux frais! N'est-il pas de l'humanité des juges d'étouffer, autant qu'il dépend d'eux, de semblables abus? N'est-ce pas une espèce de honte pour la justice, qu'un homme sense doive souffrir un dommage assez considerable, plutôt que d'en demander la reparation, par la raison qu'en l'obtenant, elle lui serait plus onéreuse encore que la perte qu'il endure?

Au nombre des faux frais qui retombent sur le plaideur qui a gagné sa cause, il faut principalement compter ce qu'il a été obligé de donner aux differens Secrétaires à qui ses pieces ont été remises; je dis différens, parcequ'il arrive souvent qu'avant qu'une affaire soit rapportée, ou qu'une cause soit portée à l'audience, le juge ou l'avocat-général a passé d'une

chambre à une autre : alors le Secrétaire rend les pièces; mais il ne croit pas devoir faire au plaideur l'affront de lui rendre l'argent qu'il en a reçu ; d'ailleurs, à l'entendre, son travail était déjà achevé: il résulte de cet événement inattendu, qu'il faut disposer en sa faveur un nouvel agent qui ne manque pas d'observer qu'il ne doit pas souffrir d'un changement dont il n'est pas la cause.

Des liaisons d'intérêt, d'amitié ou de parenté, peuvent aussi déterminer souvent les Secrétaires à retarder le jugement d'une affaire, ou à la précipiter avant que l'instruction en soit complète, à admettre une pièce qui n'a pas été produite juridiquement, sans même la communiquer aux parties adverses qui auraient pu la détruire. En voilà plus qu'il n'en faut pour faire sentir combien il serait à souhaiter que les Secrétaires restassent inconnus et aux parties et aux procureurs ; que les magistrats ne leur confiassent que le travail dont ils ne pourraient pas absolument se charger; ils en connaitraient mieux les affaires soumises à leur rapport, ils previendraient bien des inconvéniens, bien des surprises funestes; et les faiblesses d'une ame mercénaire que l'inté rêt ou de petites considérations maitrisent, n'influeraient plus sur les oracles de la jus

tice.

Dans plusieurs parlemens, et entre autres, dans ceux de Rouen et de Douai, les magistrats, à l'exception du premier président, n'ont point de Secrétaire en titre; c'est une charge et un danger de moins pour les plai

deurs. Ne dirons-nous rien de ces Secrétaires attachés aux présidens, qui, par la prééminence de leur rang, ont le droit de faire le róle des audiences, c'est-à-dire, de placer les causes dans l'ordre où elles doivent être appelées? C'est dans les mains de ces Secrétaires que retombent tous les placets presentés pour obtenir l'audience; il arrive de la que ces subalternes sont les maîtres de rejeter tous les placets des plaideurs obscurs qui n'ont pas pris les moyens de les interesser; moyens toujours honteux, toujours injustes, qui ne sont favorables qu'à l'intrigue des solliciteurs et à la médiocrité des defenseurs cette justice qui doit, dit-on, etre pour tout le monde, n'est plus alors que pour les riches ou pour ceux. qui, par leur consistance personnelic, sont faits pour attirer sur eux l'attention des chefs auxquels ils s'adressent directement. Il y aurait sans doute un moyen certain de remédier à ces abus dont on se plaint depuis trop long-temps; il faut espérer qu il n'échappera pas à la sagacité des magistrats auxquels on ne doit jamais imputer aucune de ces partialités si au-dessous de leur auguste caractère, et qui se perpétuent toujours à leur insçu.

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A Dieu ne plaise que nous ayons l'intention. de faire croire qu'il n'existe pas au palais des Secrétaires dignes de la confiance dont les magistrats auxquels ils sont attaches, les honorent! Notre zele ne nous aveuglera jamais au point d'envelopper dans la même proscription tous ceux que des considérations particulières ont pu determiner a embrasser un état qui exige du discernement, de l'intelligence, et qui serait une ressource honnête contre le besoin, s'il etait toujours rempli avec délicatesse. .

Nous devons méme déclarer que, parmi les Secrétaires dont les circonstances nous ont quelquefois rapproché, nous en avons connu qui nous ont paru animes par des sentimens trés-desintéresses, et être doues d'un esprit si juste, que nous aurions consenti à ce qu'ils dussent juger les affaires que nous défendions; mais ils ne sont pas en assez grand nombre pour contrebalancer le mal qui résulte de la confiance qu'ont usurpee les autres, et qui forme une des calamités des plaideurs. (M. DE LA CROIX.)*

[[Les abus contre lesquels s'élève avec tant de raison l'auteur de cet article, ne se sont pas jusqu'à présent reproduits dans les tribunaux qui ont remplacé ceux de l'ancienne organisation judiciaire; ou du moins il n'est pas à ma connaissance que, depuis 1790, il y ait eu en France un seul magistrat qui ait eu ce qu'on appelait autrefois un Secrétaire en titre. ]]

[[SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. C'est un titre commun à trois sortes d'officiers publics.

I. Le conseil d'état qu'avait institué la constitution du 22 frimaire an 8, avait un Secrétaire général, qui était nommé par le chef du gouvernement.

Ses fonctions étaient, aux termes de l'art. 13 du règlement du 5 nivóse an 8,

« 10 De faire le départ des affaires entre les differentes sections;

» 2o De tenir la plume aux assemblées géné rales du conseil d'etat, et aux assemblées particulières que les presidens des sections tiendraient chaque semaine ;

» 30 De présenter au chef du gouvernement le résultat du travail de l'assemblée generale; » 4° De contresigner les avis motivés du conseil, et les décisions des bureaux;

» 5o De garder les minutes des actes de l'assemblée générale du conseil d'état, des sections, et des conseillers chargés des parties d'administration; d'en délivrer ou signer les expéditions ou extraits». (V.l'artiele Décision) Mais il a été fait de grands changemens à ces fonctions par l'ordonnance du roi du 29 juin 1814, relative à l'organisation du Conseil d'état.

II. Chaque ministre-Secrétaire d'état a un Secrétaire général, dont les fonctions consistent principalement à inspecter et surveiller les bureaux.

III. La loi du 28 pluviose an 8, en créant les préfectures de département, a établi dans chacune un Secrétaire général. « Un Secretaire » général de préfecture ( porte-t-elle, art. 7) » aura la garde des papiers, et signera les ex"péditions ».

V. les articles Préfet et Compétence, S. 2, nq.]]

* SÉDITION. On entend par ce mot le soulèvement du peuple, ou d'une troupe nom. breuse, contre ses chefs ou contre l'autorité souveraine.

La Sédition a divers caractères, comme elle a différentes causes : elle est punissable dans tous les cas, mais avec des modifications que doivent établir les règles de l'équité d'après son principe et les effets qu'elle a produits.

Toutes les fois qu'elle ose se porter directement contre le souverain, elle ne peut être trop tôt et trop sévérement réprimée, parcequ'elle met en peril la personne sacrée du chef du royaume, et qu'elle expose l'État à une révolution désastreuse.

Lorsque la Sedition se dirige seulement

contre ceux des officiers que le price a revêtus d'une partie de son autorité, soit dans l'administration de la justice, soit dans le commandement d'une province, soit enfin dans l'exercice de la police, le souverain doit, pour le maintien de ses ordres, punir d'abord les séditieux pour avoir porté le trouble dans ses États; mais aussi, lorsque le calme a succede à l'émotion, lorsque tout est rentré dans l'ordre, il se doit à lui-même, comme père et qu'il a constitues en place, n'ont pas, par protecteur de ses sujets, d'examiner si ceux gligence, porte les esprits à la revolte. abus de leur pouvoir, ou par une vicieuse ne

prits, et que les guerres de religion sont Depuis que le fanatisme n'agite plus les eséteintes, il n'y a plus à craindre de Séditions que celles qui proviendront d'une cherte excessive des blés, d'une sévérité révoltante envers des sujets irreprochables et dignes de l'intérêt public, ou d'une atteinte frappante aux propriétés générales.

les unes que les autres à la Sédition : dans celIl est en France des provinces plus portées les du midi, les esprits échauffés, agites par la chaleur du climat, sont sujets à l'emportement. Les assemblées y sont turbulentes,la pofice des spectacles s'y maintient difficilement. La jeunesse y est toujours prête à l'émotion. Aussi les guerres de religion y ont-elles été, sous les derniers règnes, plus acharnées et plus opiniâtres que dans les autres parties de la France.

En 1382, il y eut une Sédition terrible à Paris au sujet d'un droit d'aide qu'on voulait établir. Cette Sedition commença par un homme du peuple, pour lequel vraisemblablement cet impót n'était pas très-onéreux. Les séditieux s'armerent de maillets de plomb qu'ils allerent chercher en foule à l'hótel-deville. On arrêta plusieurs de ces mutins; mais le peuple se revolta de nouveau, en apprenant qu'on voulait les punir. Suivant le rapport d'un historien, on n'imagina pas de meilleur moyen pour diminuer le nombre de ces seditieux, que de jeter dans la rivière ceux qu'on pouvait saisir.

Cette manière de ramener à l'obeissance des sujets révoltés, n'est rien moins que legale, et ne pouvait être excusable que parceque l'ordre et le calme de la loi sont eux-mė. mes nécessairement troubles, lorsque la Sédition est portée à un certain point.

C'est la raison pour laquelle en Angleterre, où la vie de chaque sujet est si fort à l'abri sous la sauve-garde des lois, où le citoyen le souverain, la loi martiale, semblable à l'auplus obscur ne craint pas le ressentiment du

torité des anciens dictateurs, s'élève audessus de toutes les autres lois, et menace de mort indistinctement tous les séditieux.

Il y a déjà plusieurs années qu'il s'éleva dans la capitale une sédition qui avait été allumée par un sentiment bien naturel. Le gouvernement avait cru devoir sauver du danger de l'oisivete de petits vagabonds abandonnes de leurs pères. Un bruit se repandit parmi la populace, qu'on voulait enlever aux pauvres leurs enfans pour les transporter dans les colonies. Des insensés pousserent le delire ou la méchanceté jusqu'a persuader à des esprits faibles, que plusieurs de ces innocentes créatures étaient destinées à être égorgées pour former des bains de sang, qu'on disait être nécessaires au rétablissement d'un prince exténué. A l'instant, les mères alarmees devinrent comme autant de furies, s'attroupèrent, excitèrent leurs maris à la Sédition. Tout ce qui avait, aux yeux de cette multitude revoltee, l'apparence d'un agent de police, etait poursuivi, enveloppé, et courait le risque de périr sous la fureur du peuple. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on parvint à dissiper des alarmes aussi extravagantes.

Nous avons vu, en 1775, une Sédition s'étendre rapidement des villages dans des villes, et venir jeter le trouble dans la capitale, à l'occasion du prix du blé, qui cependant n'excédait pas les facultés du journalier. Une troupe nombreuse de vagabonds, plus animée de l'esprit de nuire, que celui de faire baisser la valeur de la denrée si nécessaire à l'homme, portait la devastation chez tous les fermiers, chez les boulangers. Ces sédittieux ne respectant pas même l'asile du monarque, jete. rent l'épouvante dans les marchés de Versailles; on les vit bientot après entrer en troupe dans les rues de la capitale, enfoncer les portes des boulangers, s'emparer insolément de leurs pains, qu'ils se distribuaient. Deux habitans de Paris, trouvés parmi ces séditieux, et convaincus d'avoir attenté à la propriété des boulangers, furent condamnés à être pen. dus à des potences dont l'extrême elevation avait été dirigée par l'intention d'en imposer à la multitude.

Nous avons taché d'établir dans le chap. 24 de nos Réflexions philosophiques sur la civilisation, la différence qu'il y a entre les se ditieux et les perturbateurs. » (avons nous dit) ne troublent pas seulement » par eux-mêmes le repos public, ils exci> tent encore les autres à le troubler. Le per» turbateur n'est dangereux que par le mal » qu'il fait. Le séditieux est punissable par le » mal qu'il veut faire commettre ».

Il est de principe dans notre jurisprudence, que tout ce qui tient à une troupe de séditieux, tout ce qui parait faire corps avec elle, est également punissable; ainsi, malheur à celui que la main de la justice saisit ! Il faut convenir que ce principe a son danger, et que le hasard, la simple curiosité et niéme la violence peuvent envelopper un citoyen paisible dans un corps de séditieux, et lui donner, par consequent, quoique innocent, les apparences d'un coupable. Nous reclamons donc, au nom d'une justice éclairée, une instruction réguliere, non pas avant d'arrêter un accuse de Sedition, mais avant de lui infliger une peine capitale.

Suivant une déclaration du 17 janvier 1561, ceux qui retirent dans leurs maisons les accusés de Sedition, doivent être condamnés à une amende de 1,000 écus, et en cas d'insolvabilité, à la peine du fouet et du bannisse

ment.

C'est encore là une de ces lois imparfaites qui doivent être modifiees par l'équité et la sagesse des juges. Et en effet, comment refuser l'asile à un parent, à un ami poursuivi par la justice, et qui demande un refuge en attendant qu'il puisse se justifier, et que la prevention qui le menace soit dissipée? L'humanité hospitalière, lorsqu'elle ne se rend pas com plice du crime, ne doit pas être fletrie parcequ'elle est indulgente. [[ V. l'art. Recéleur, no 2. ]]

Nous sommes de l'avis de Jousse, qui, dans son Traité de la justice criminelle, pose en principe que les émotions populaires qui n'ont pour objet que d'empêcher l'enlèvement des bles, ne doivent pas être mises dans la classe des Séditions, toutes les fois qu'elles ne sont pas accompagnées de meurtre; mais que, si elles sont suivies de vol, et soutenues par le port d'armes, comme elles prennent alors le caractère de l'injustice et de la rébellion, elles sont très-punissables. (M. DE LA CROIX.) *

[[V. les articles Autroupement, Loi martiale et Rébellion. ]]

SEGRAIRIE. Bois possédés par indivis et en commun, soit avec l'Etat, soit avec des particuliers. V. l'article Gruerie.

* SEIGNEUR. Ce mot a deux significations principales : l'une, personnelle et simplement des «Les premiers relative à la dignité ou au rang personnes à qui on donne cette qualité; l'autre, réelle, et qui a pour objet les droits utiles ou honorifiques qu'elles peuvent avoir sur tels ou tels domaines et dans de certains territoires : le mot Seigneurie ne s'emploie guère en France que dans ce dernier sens.

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I. C'est dans le premier sens qu'on dit un Seigneur, un grand Seigneur, monseigneur, haut el puissant Seigneur. Nous n'avons point de règles fixes qui établissent ce protocole de la vanité, mais il y a des usages plus ou moins généralement observés.

Comme ces usages ne tiennent que de fort loin à la jurisprudence, et qu'ils varient d'ailleurs beaucoup, suivant les diverses relations de dépendance et d'intérêt de ceux qui traitent ensemble de vive voix ou par écrit, on ne s'étendra pas davantage sur cette première acception du mot Seigneur. On va donc se borner ici à parler des Seigneurs et des seigneuries dans la relation purement réelle.

la

II. Dans presque toutes les langues anciennes, les magistrats étaient désignés par un nom dérivé de celui de vieillard, parceque nature indique à tous les peuples, dans leur origine, de confier l'administration publique à ceux en qui une longue vie doit avoir mis plus d'éloignement des passions et plus de connaissance des usages de la nation.

Dans vingt passages de la Bible, les magistrats sont appelés les anciens ou les vieillards du peuple. En grec, le même mot désigne aussi le magistrat et le vieillard. A Rome, les noms de sénat, de sénateurs et de pères, qu'on donnait à ceux en qui résidait la principale autorité de l'Etat, indiquaient la même chose (1). C'est à cet usage ancien, qu'est dû le nom de Seigneur que nous donnons à celui qui jouit de la puissance publique dans un territoire, et qui vient évidemment du mot latin senior, c'est-à-dire, plus âgé que les autres. Les Italiens et les Espagnols se servent presque du même mot ; ils disent signior et senor daus le même sens. C'est ce que Loyseau aétabli d'une maniere plus detaillée au chap. 1 du Traité des seigneuries.

Le même auteur a fort bien déterminé le véritable sens de ce mot, et les différentes acceptions dans lesquelles il est pris.

«Le mot de Seigneur ( dit-il ), emporte et signifie autorité et supériorité. Néanmoins, pour ce que nos seigneuries, qui, de leur origne, n'etaient qu'office, ont, à succession de temps, été changées en propriété, de là est venu qu'aujourd'hui le mot de seigneurie cm

(1) On peut ajouter à ces observations de Loyseau, que le même usage a lieu chez les peuples que nous

appelons barbares. Il suffira de citer ici le témoignage du père Lafitau. « L'un des noms (dit-il) que les » tribus de l'Amérique septentrionale donnent à leur » chef, est celni de Roksten-Goa, qui signifie le » vieillard ou l'ancien par excellence ». ( Maurs des sauvages, tome 2, édition in-12, page 172).

porte toujours quelque propriété ; voire que c'est aujourd'hui le terme le plus usité que nous ayons pour signifier la propriété de quelque chose, l'appeler seigneurie, qui devrait être appelée sieurie, (1), mais ce mot s'en va hors d'usage, et désormais est trouvé rude. » De sorte que maintenant le mot de seigneurie a deux significations: l'une, de signifier in abstracto, tout droit de propriété ou puissance propriétaire qu'on a en quelque chose, qu'à l'occasion d'icelle on peut dire sienne; l'autre, de signifier, in concreto, une terre seigneuriale. Expliquons en premier lieu cette première signification, qui, à la verite, comme la plus générale, comprend aucunement la seconde que nous avons à traiter.

» Donques la seigneurie, en cette generale signification, est definie puissance en propriété : definition bien courte, mais qui a et son genre, à savoir, puissance, qui est commune aux seigneuries et aux offices; et sa dif férence, à savoir, propriété, qui distingue les seigneuries d'avec les offices, dont la puissance n'est que par fonction ou exercice, et non pas en propriété, comme celle des seigneuries.

» Quant à sa division, la seigneurie a deux espèces : à savoir, la seigneurie publique et privée. La publique consiste en la supériorité et autorite qu'on a sur les personnes, qui toutefois est propre au seigneur (2); au lieu que la superiorité qu'a l'officier, n'est que par exercice, comme j'ai prouvé au commencement du second livre des offices: et cette espèce de seigneurie est appelée publique, pour ce qu'elle concerne et emporte le commandement ou puissance publique, et aussi qu'elle ne peut être exercée que par personnes publiques.

» Quant a la seigneurie privée, c'est la vraie proprieté et jouissance actuelle de quelque chose, et est appelée privée, pour ce qu'elle concerne le droit que chacun particulier a en sa chose. Donques le seigneur qui a la seignenrie publique, a pour son relatif le sujet ; et celui qui a la seigneurie privée, l'esclave ».

Ainsi, le nom de Seigneurie, dans sa significatiou la plus etendue, indique l'autorite; et dans l'usage, on l'applique, tantôt au simple domaine de propriete, tantótà une supériorité quelconque qu'on a sur la chose d'autrui, et surtout à la directe, tantôt enfin à l'autorite publique, c'est-à-dire, au droit de justice, dont on jouit en qualité de proprié

(1) Du mot sier, qui indique la propriété. (.le mėme Loyseau, no 22).

(2) C'est-à-dire, possédée en propriété par le Seigneur.

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