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» Sur l'appel que les héritiers de la veuve Bourdon ont interjeté, le tribunal d'appel seant à Rouen a considéré qu'Anne-Louise Marie Beauveau étant mariée et domiciliée à Paris, lors du contrat de création de la rente de 507 livres 10 sous, le contrat étant fait sous l'empire d'une coutume où le Sénatus-consulte Velléien est abrogé, est exécutoire au respect de ladite Beauveau comme à l'égard des autres personnes qui se sont obligées avec elle, par le même acte, à la faisance de ladite rente; et qu'il est même valable aux termes de l'art. 538 de la coutume; que les art. 539 et 540 ne pouvaient être invoqués dans la circonstance où il était constant au procès, 1o qu'après avoir recouvre le plein exercice de son droit par le divorce, elle a fait, contradictoirement avec l'administration centrale de la Seine, au nom de la nation, le 6 germinal an 7, un acte de partage par lequel elle a été chargée, d'après son obligation personnelle, de payer aux représentans de la veuve Bourdon la rente de 507 livres 10 sous dont il s'agit; 2o qu'en considération de la charge qu'elle prenait de cette rente, il lui a été accordé un prélèvement en immeubles, proportionnel au capital de la rente, et dans lequel prélèvement est entrée une partie des fonds de la terre d'Harcourt; 30 qu'elle reconnaissait que cette rente était par elle légitimement due, et qu'elle possédait dans la ci-devant province de Normandie des biens qui y sont sujets.

» En conséquence, par jugement du 18 prairial an 9, le tribunal d'appel de Rouen a infirmé le jugement de première instance et a déclaré les poursuites regulières.

>> La demande en cassation contre ce jugement du tribunal d'appel de Rouen était fondée sur deux moyens.

» Le premier etait pris d'une prétendue contravention à l'art. 2 de la loi du 11 brumaire an 7, en ce que le commandement de payer qui a précédé la saisie de la terre d'Harcourt, ne contenait pas la désignation par tenans et aboutissans de l'immeuble dont l'expropriation a été poursuivie.

» Le second résultait d'une prétendue violation des art. 538, 539 et 540 de la coutume de Normandie, qui ne permettent à la femme d'aliéner ses immeubles, que sous la condition que le juste prix sera employé à son profit, et qu'elle en aura récompense sur les biens du mari et subsidiairement sur les acquéreurs.

» On soutenait, pour la demanderesse en cassation, qu'il résultait de ces articles, que la vente faite par une femme de ses biens situes en Normandie, n'etait point valable; qu'elle ne pouvait être passible des dettes qu'elle avait

contractées ; que ses créanciers étaient obligés de discuter les biens du mari avant de recourir à la femme, et que par conséquent on n'avait pu poursuivre l'expropriation forcée de la terre d'Harcourt, située en Normandie, pour le paiement de la créance de la veuve Bourdon.

» Les défendeurs soutenaient que la demande en cassation était non-recevable sous deux rapports.

» 1o Le pourvoi en cassation a pour objet de faire décider que, d'après la coutume de Normandie, les héritiers Bourdon ne pouvaient exercer leurs droits sur la terre d'Harcourt, quoiqu'il soit irrevocablement jugé par un jugement du tribunal de première instance de Paris, du 14 floreal an 9, confirmé le 11 nivôse dernier, que ces héritiers pourraient, pour le paiement de leurs créances, exercer leurs poursuites contre la demanderesse en cassation, sur la terre d'Harcourt;

» 20 Par le partage fait avec l'administration centrale de la Seine, le 6 germinal an 7, la demanderesse a été chargée spécialement de payer la créance des héritiers Bourdon; en conséquence la terre d'Harcourt lui a été abandonnée; elle a accepté ce prélèvement, et elle s'est obligée à payer cette créance.

» Cette nouvelle obligation contractée à une époque où elle était dégagée de la puissance maritale, se trouvait soustraite aux disposi tions des art. 539 et 540 de la coutume de Normandie. La demande en cassation, qui a pour objet de faire décider que ces articles ne permettaient pas de diriger, faute de paiement de la créance des héritiers Bourdon, des poursuites en expropriation forcée sur la terre d'Harcourt, est donc inadmissible.

» Sur quoi, ouï le rapport du cit. Oudot, l'un des juges......;

» En ce qui concerne les fins de non-recevoir, attendu qu'elles se résolvent par les moyens du fond, le tribunal passe à l'examen de ces moyens;

» Sur le premier, résultant de ce que le commandement du........ ne contient pas une désignation détaillée des fonds dont les défendeurs se proposaient de poursuivre l'expropriation,

» Attendu que l'art. 2 de la loi du 11 frimaire an exige seulement l'indication de l'objet que l'on veut saisir, dans le comman. dement; que ce n'est que dans l'art. 4 de la même loi, et à l'égard de l'exploit de saisie et de l'affiche, que le legislateur prescrit la désignation des fonds par tenans et aboutissans; qu'il n'y a donc pas de violation de l'art. 2 de la loi du 11 brumaire an 7 ;

» Attendu, sur le deuxième moyen tire de la prétendue contravention aux dispositions de la coutume de Normandie, que les art. 539 et 540 de cette coutume ne prononcent pas d'une manière absolue la nullité de l'aliénation consentie par la femme conjointement avec le mari; que ces articles l'annullent seulement dans le cas où la femme ne trouverait pas le moyen de se faire indemniser; que, dans l'espèce, il paraît, d'après le partage fait avec la nation par la demanderesse alors divorcée, libre et maîtresse de ses droits, qu'elle a été indemnisée du montant de la créance des Chiquet; et que le jugement attaqué, en déclarant, d'après ce partage, qu'elle était nonrecevable à exciper des art. 539 et 540, point contrevenu à la coutume;

n'a

» Attendu en outre qu'après l'acquiescement qu'elle a donné au jugement du tribunal de la Seine, du 22 floréal an 9, elle était encore non-recevable à se prévaloir des articles cites de la coutume de Normandie;

» Le tribunal rejette la demande en cassation... ».

S. III. 10 Abrogation du Sénatus consulte Velléien dans les pays où il avait conservé toute son autorité sous l'ancienne législation.

2o De quelle époque date-t-elle ?
30 La femme mariée peut-elle aujour-

d'hui cautionner son mari avec la seule
autorisation de son mari lui-même et sans
qu'ils soit besoin d'autorisation judi-

ciaire?

4° Le peut-elle,si elle a été mariée sous l'empire du Senatus-consulte Velléien?

50 La femme qui, dans les contrées soumises au Sénatus-consulte Velléien, s'était rendue, avant le Code civil, caution d'une dette contractée par un tiers, peutelle aujourd'hui, pour échapper au paiement de cette dette, invoquer l'exception que lui accordait le Sénatus-consulte, ou bien est-elle déchue de cette exception, pour ne l'avoir pas fait valoir avant le Code civil?

I. Que le Code civil ait abrogé le Sénatusconsulte Velleien, dans les pays où il était précédemment en vigueur, c'est ce qui ne saurait être révoqué en doute, d'aprés l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an 12.

II. Mais quelle est celle de ses dispositions qui l'a abrogé ?

Cette question, quoique purement transitoire, est d'une grande importance, parce

que les différentes parties du Code civil ont été promulguées successivement, et que, dans l'intervalle de leurs promulgations respectives, beaucoup de femmes ont pu contracter des cautionnemens que l'ancienne législation eût proscrits. Elle s'est présentée dans l'espèce suivante :

Le sieur Mesnager et le sieur Blétry, son gendre, négocians au Havre, obligés par l'em barras de leurs affaires, de prendre des termes avec leurs créanciers de Paris, se rendent en cette ville, et y passent devant notaires, le 25 germinal an 11, un acte par lequel ils reconnaissent devoir une somme de 72,585francs La femme du sieur Mesnager, autorisée par son mari, intervient dans cet acte, se rend caution solidaire des deux debiteurs, et hypotheque à son cautionnement divers immeubles qu'elle possède dans l'arrondissement duHavre,

Quelque temps après, la dame Mesnager obtient contre son mari un jugement de séparation de biens; et, se fondant sur le Sénatusconsulte Velléien, elle forme contre les creanciers au profit desquels a été passé l'acte du 25 germinal an 11, une demande en nullité de son cautionnement.

Le 16 germinal an 13, jugement du tribunal civil du département de la Seine, qui rejette cette demande, attendu que le cautionnement a eu lieu après la publication de la loi du 26 ventóse an 11, dont fait partie l'art. 217 du Code civil, lequel en déclarant que « la femme, même non commune ou séparée » de biens, ne peut donner, hypothéquer, ac» quérir à titre gratuit ou onéreux,sans le con» cours du mari dans l'acte ou son consentement » par écrit», fait suffisamment entendre que les femmes ont, dans toute la France, la capacité de s'obliger sous l'autorisation maritale. La Dame Mesnager appelle de ce jugement.

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L'unique question à juger (dit-elle) est de savoir si le Sénatus-consulte Velleien a été abrogé par l'art. 217 du Code civil, décreté le 26 ventose an 11, antérieurement à l'acte dont il s'agit, ou s'il ne l'a cté que par l'art. 1123, décreté le 17 pluvióse an 12, postérieurement à ce même acte.

» Que fait l'art. 217? Rien autre chose que prononcer contre les femmes en puissance de mari, une prohibition générale de contracter sans l'autorisation maritale.

»Si sa disposition est conciliable avec le Sénatus consulte Velléien, si ces deux lois peuvent s'exécuter sans contradiction, sans froissement, il est clair que l'une n'est pas abrogée par l'autre, puisqu'il n'y a point d'abolition nominative. Or, rien de plus facile que de les faire marcher concurremment

Lorsque le Code exige le concours ou le consentement par écrit du mari pour habiliter la femme à contracter,sa disposition s'applique à celles à qui les statuts municipaux accordent le pouvoir de le faire; son objet unique est de maintenir avec sévérité la dépendance que produit, à légard des femmes, la chaîne conjugale, et de leur faire sentir qu'elles ne peuvent, dans aucun cas, s'en affranchir. Mais les rédacteurs du Code ne sont pas alles plus loin ; il ne résulte nullement de l'article, qu'ils aient entendu relever les femmes soumises au Séna

tus-consulte Velleien, de l'incapacité absolue, dont il les frappait, ni établir, pour toute la France, une aptitude universelle et uniforme aux femmes en puissance du mari, de contracter avec leur attache. Si tel cût été leur vou, ils l'eussent exprimé en termes posi tifs au contraire, toutes leurs expressions sont négatives et relatives à la capacité antécédente qu'elles supposent, sans aucune tendance à la généraliser; et, bien loin de la généraliser, elles la restreindraient par la condition qu'elles imposent à son exercice, si cette condition n'eût pas existé dans tous les anciens régimes coutumiers. Conséquemment la prohibition de contracter sans autorisation, a seulement rapport à l'aptitude préexistante, qu'elle modifie pour les femmes en état de jouir, sans créer cette aptitude pour celles qui en étaient privées : telle a été la version naturelle de l'art. 217; voilà toutes les inductions qu'il est permis d'en tirer; il n'en offre pas d'autre.

» La capacité de contracter avec autorisation maritale, n'a commencé pour les femmes normandes, qu'à la promulgation de la loi du 17 pluviose an 12. L'art. 1123 ploclame toute personne habile à contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi ; et les femmes mariées ne sont mises par l'article suivant, au nombre des incapables, que dans les cas exprimés par la loi, c'est-à-dire, ceux du défaut d'autorisation maritale ou judiciaire; c'est pourquoi, suivant l'art. 1125, la femme mariée ne peut attaquer pour cause d'incapacité, ses engagemens, que dans les cas prévus par la loi. Cette derniere disposition surtout, habilitant dans l'empire français toutes les femmes indistinctement à contracter sous l'auto

risation maritale, sans pouvoir opposer d'autre incapacité que celle prévue dans ce cas, relève évidemment de l'impuissance où les tenait le Velleien, celles qu'il enchaînait; et comme elles ne peuvent être en même temps aptes et inhabiles à former des obligations, il résulte de la loi du 17 pluviôse an 12, une abrogation de toute législation incompatible avec ce

qu'elle prescrit. Voilà le véritable caractère de l'abolition; voilà le terme juste où le statut normand a fini pour céder l'empire à une legislation nouvelle, uniforme, sans exceptions; voilà enfin le point de départ qu'on ne trouve pas dans l'art. 217.

» Or, si le traité du 25 germinal an 11 est postérieur à la loi du 26 ventose de la même année, il est antérieur à celle du 17 pluviôse an 12, cette anteriorité, qui s'applique à un fait passé, ad factum præteritum, à une convention que le statut normand, statut purement personnel, declarait illicite, oppose à la législation postérieure qui en permet la validité pour l'avenir, une barrière insurmontable. Cette convention, nulle dans son principe, ne saurait jamais produire des effets contre la dame Mesnager. De là découle, comme conséquence nécessaire, le mal jugé du jugement dont est appel ».

Par arret du 11 frimaire an 14,

« Considérant qu'il est constant 10 que le Sénatus-consulte Velleien avait force de loi dans toute la ci-devant province de Normandie, avant la promulgation des lois des 17 et 24 pluviôse an 12, qui ont abrogé cette partie de législation; 2o que les obligations dont il s'agit, contractées par la partie de Sicy (la dame Mesnager), ont pour date le 25 germinal an 11, et par conséquent sont antérieures aux dites lois ;

» La cour (d'appel de Paris) a mis et met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge la partie de Sirey des condamnations contre elle prononcées; au principal, déclare nuls et de nul effet les traites et conventions dudit jour 25 germinal an 11, et tout ce qui a suivi, ainsi que toutes les oppositions, saisies-arrêts, inscriptions, et toutes autres poursuites faites par les parties de Guéroult (les créanciers), en vertu desdits actes ».

III. La troisième question est déjà préjugée par l'arrêt precedent; car il suppose évidemment que, depuis la publication de l'art. 1123 du Code civil, la femme mariee est valablement obligée par le cautionnement qu'elle a contrac te pour son mari,et avec sa seule autorisation.

C'est ce qu'ont également jugé deux arrêts de la cour de cassation, dont il sera parlé au

no suivant.

Et cette jurisprudence est clairement justifiée par l'art. 1431 du Code civil : « La femme » qui s'oblige solidairement avec son mari » pour les affaires de la communauté ou du » mari, n'est réputée, à l'égard de celui-ci, » s'être obligée que comme caution; elle doit

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caution.

Il reconnaît donc qu'elle peut, dans tous les cas et à toutes fins, s'obliger comme caution de son mari.

Mais, dit-on, c'est un principe général que nemo potest esse auctor in rem suam. Le mari ne peut donc pas autoriser sa femme à le cautionner.

La conséquence serait juste, si le principe était généralement vrai. Il l'était sans doute dans le droit romain; mais il n'a jamais été admis en France dans toute sa généralité; il ne l'a jamais eté du mari à la femme (2); et il l'est encore moins aujourd'hui.

On objecte encore que l'art. 1431 ne dispose que relativement à la femme mariée sous le régime de la communauté; et que, dés-lors, il est inapplicable à la femme mariée sous le regime dotal.

Mais ce que l'art. 1431 décide en termes exprès pour la femme mariée sous le régime de la communauté, les art. 217, 218 et 219 le décident implicitement pour toutes les femmes, sous quelque régime qu'elles aient été mariées; et c'est ce que la cour de cassation a solennellement jugé dans l'espèce sui

vante :

Le 17 mars 1809, les sieur et dame Borelli, mariés sous le régime dotal, contractent solidairement une obligation sous seing privé, au profit du sieur Tobasso. Il est dit à la fin de l'acte,que « la dame Borelli est dûment assistée » et autorisée de son mari ».

Le sieur Borelli meurt avant l'échéance de l'obligation; l'échéance arrivée, le sieur Tobasso fait assigner la veuve Borelli devant le tribunal civil de Turin.

La veuve Borelli se présente, et reconnaît sa signature apposée au bas du billet, mais soutient que ce billet est nul à son égard, parcequ'elle ne l'a signé que dans le seul in

(1) V. le plaidoyer du 12 août 1812, rapporté au mot Vente, S. 1, art. 1, no 3.

(2) V. l'article Autorisation maritale, sect. 6, S. 1.

térêt de son mari; qu'elle n'a profité ni directement ni indirectement de la somme qui y est portée; qu'ainsi, elle ne peut être censée l'avoir souscrite que comme caution; que son mari n'a pu l'autoriser à se rendre caution pour lui, et qu'elle n'aurait pu le cautionner qu'en vertu d'une autorisation judiciaire.

Le 18 juin 1810, jugement qui déclare le billet nul à l'égard de la veuve Borelli,et décharge celle-ci de la demande du sieur Tobasso à la charge d'affirmer qu'elle n'a profité ni directement ni indirectement de la somme qui est l'objet de cette demande.

Le sieur Tobasso appelle de ce jugement; mais par arrêt du 27 août de la même année la cour de Turin met l'appellation au néant, attendu que nemo potest esse auctor in re propria, et qu'il résulte de l'art. 1427 du Code civil, que la femme ne peut contracter pour l'intéret de son mari, si elle n'y est autorisée par la justice.

Recours en cassation de la part du sieur Tobasso; et le 13 octobre 1812, arrêt, au rapport de M. Carnot, par lequel,

« Vu les art. 217, 218 et 219 du Code civil;

» Et attendu qu'il résulte des dispositions combinées de ces articles, que la femme est suffisamment autorisée par son mari pour contracter des obligations envers des tiers, et qu'elle ne doit recourir à l'autorité de la justice, que dans l'absence ou par refus de son mari de l'autoriser;

» Que le Code civil a bien établi quelques exceptions à cette règle générale, mais qu'il n'en a établi aucune pour le cas où la femme contracte envers des tiers, dans le seul intérêt de son mari, et que les exceptions étant de droit étroit, ne peuvent s'appliquer par induction d'un cas à un autre ;

» Que, si l'on consulte les dispositions de l'art. 1431, on voit même que l'esprit du législateur a été que la femme puisse s'obliger pour le seul intérêt de son mari, sans avoir besoin d'en demander l'autorisation à la justice;

>> Qu'il ne faut pas en effet confondre le cas particulier où la femme Borelli s'est obligée par le même acte, conjointement avec son mari, envers des tiers, avec celui où une femme contracte une obligation personnelle envers son mari;

» Que les dispositions de l'art. 1427, quel que soit le sens dans lequel il peut être entendu, ne peuvent recevoir dans l'espèce aucune application;

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» Attendu cependant que, contre les termes des art. 217, 218 et 219, la cour d'appel de Tu.

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A l'échéance, ils laissent protester la lettre de change faute de paiement; et en conséquence, le sieur Caron les fait citer devant le tribunal de commerce de Laigle. savoir, l'un et l'autre pour se voir condamner solidairement à payer la lettre de change, et le mari pour autoriser sa femme à ester en jugement, sinon l'y voir autoriser par justice.

La dame Roussel comparait seule sur l'assig. nation, et le mari fait défaut.

Le 10 juin 1806, jugement qui condamne par défaut le sieur Roussel à payer la lettre de change; mais à l'egard de la femme,

« Considérant 10 que le tribunal de commerce est incompétent pour autoriser la femme à ester en jugement, au refus du mari ;

» Que, suivant les art. 218 et 219 du Code civil, ce droit appartenait exclusivement au tribunal de premiere instance;

» 2o Que la femme Roussel n'a pu s'obliger à la contrainte par corps, et qu'étant mariée sous la coutume de Normandie qui admettait le Sénatus-consulte Velleien, elle

n'a pu engager ses deniers et droits dotaux, » Déclare qu'il n'y pas lieu à statuer ». Le sieur Caron se pourvoit en cassation contre ce jugement; et par arrêt du 17 août 1813, au rapport de M. Cassaigne,

« Vu les art. 218, 1123 du Code civil, et 7 de la loi du 30 ventôse an 12;

» Attendu 1o que, si le mari refuse d'autoriser sa femme à ester en jugement, lorsqu'elle est defenderesse, l'art. 218 du Code Civil donne au juge le droit d'accorder l'autorisation; que le juge dont cet article parle, est évidemment le juge saisi de la contestation; qu'on ne doit point confondre ce cas qui veulent intenter des actions, ou passer avec ceux de l'art. 219, relatifs aux femmes des actes; qu'en ces derniers cas, l'autorisation formant l'objet d'une demande principale, c'est au tribunal de première instance qu'il appartient naturellement d'en connaitre; qu'au contraire, lorsque la femme est defenderesse, l'autorisation n'étant qu'une simple formalité, le juge saisi de la contestation, peut et doit l'accorder, sans quoi, les procédures seraient inutilement multiplices et prolongées contre le but de la loi qui est de les simplifier et d'accélérer l'expédition ;

» Attendu 2o qu'il est au pouvoir du législateur d'abolir pour l'avenir les statuts personnels, sans pour cela donner aucun effet retroactifà la loi, ni enlever aucun droit acquis; que le Senatus-consulte Velleien était un statut purement personnel, et non un statut matrimonial, puisqu'il atteignait les veuves et les filles, comme les femmes mariées; que conséquemment, en abrogeant ce Sénatus-consulte, l'art. 1123 du code Civil et la loi du 30 ventôse an 12 l'ont aboli pour les femmes qui se trouvaient mariees au moment de la publication de ce Code, comme pour celles qui ne l'étaient point;

» Que, si la femme ne peut s'obliger à la contrainte par corps, ni engager ses biens dotaux, il ne s'ensuit point que le cautionnement qu'elle contracte, soit nul en lui-même, mais seulement qu'il ne peut-être exécuté sur sa personne, ni sur sa dot, qu'il demeure toujours qu'il peut recevoir son exécution sur ses autres biens;

» Attendu enfin qu'il suit de tout ce que dessus qu'en se déclarant incompétent pour autoriser la femme Roussel à ester en jugement, et en la renvoyant de la demande de Caron, sous prétexte que l'engagement par elle contracté n'est pas valable, le jugement attaqué viole formellement les articles de lois cidessus cités;

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