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» La cour casse et annulle le jugement du tribunal de Laigle, du 10 juin 1806... ».

V. Sur la cinquième question, V. L'art. Effet rétroactif, sect. 3, §. 3, art. 1, no. 3. ]] SENTENCE. C'est ainsi que se nomment les décisions des juges inférieurs, qui sont régulièrement sujettes à l'appel. V. l'article Jugement.

SENTIER. Chemin etroit au travers des champs, des près, etc. V. les articles Chemin et Servitude.

SEPARATION DE BIENS. Nous connais. sons deux espèces de Séparations de biens entre mari et femme.

L'une se fait avant le mariage, et on l'appelle vulgairement Séparation contractuelle, parcequ'elle est stipulée par le contrat qui précède la cérémonie nuptiale. Son effet est d'empêcher que le mariage n'établisse une communauté entre les futurs époux.

L'autre s'opere pendant le mariage, et rompt par conséquent la communauté que l'union des deux époux avait établie entre eux, ou, s'il n'y avait pas entre eux de communauté, rend à la femme la jouissance de ses biens dotaux et propres. On la nomme communément Séparation judiciaire, parce qu'elle ne peut régulièrement avoir lieu que par l'effet d'un jugement rendu en bonne forme.

SECTION I. De la Séparation de biens par contrat de mariage.

I. Personne ne doute que le contrat de mariage ne soit susceptible de toutes les stipulations, de toutes les clauses, qui n'at taquent ni l'ordre public ni la pureté des

mœurs.

C'est de là que dérive le pouvoir des époux de stipuler en se mariant, qu'il n'y aura point entre eux de communauté.

Mais cette stipulation ne suffit pas pour établir une separation contractuelle.

Huerne de la Motte a dit dans ses Essais de jurisprudence, tome 1, page 213, que « le » mari n'ayant de puissance sur les biens » d'une femme, que par l'ouverture de la com» munauté, une femme peut se refuser à ses >> effets en l'interdisant expressément». Cette assertion est une grosse erreur. On a toujours distingué la clause d'exclusion de communauté, d'avec celle de Séparation contractuelle; et toujours on a tenu que la première ne fait que réduire les biens de la femme à la qualité de dotaux, qualité qui donne par soi au mari le droit d'en jouir pour faire face aux

charges du mariage, ad sustinenda onera matrimonii.

Ainsi, pour qu'il y ait Séparation contractuelle, il faut, non-seulement que le contrat de mariage stipule une exclusion de communauté, mais encore qu'il accorde à la femme le droit de jouir elle-même de ses biens.

[[ C'est ce que décident très-clairement les articles suivans du Code civil:

«1530. La clause portant que les époux se marient sans communauté, ne donne point à la femme le droit d'administrer ses biens, ni d'en percevoir les fruits : ces fruits sont censés apportés au mari pour soutenir les charges du mariage.

» 1536. Lorsque les époux ont stipulé par leur contrat de mariage, qu'ils seraient séparés de biens,la femme conserve l'entière adminis tration de ses biens meubles et immeubles, et la jouissance libre de ses revenus.

»1537. Chacun des époux contribue aux charges du mariage, suivant les conventions contenues en leur contrat ; et s'il n'en existe point à cet égard, la femme contribue à ces charges jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus ». ]]

II. Pour que la Séparation contractuelle ôte aux créanciers du mari le droit de se pourvoir sur les biens de la femme, soit pour en faire saisir les fruits, soit pour en faire décréter le fonds dans le petit nombre de coutumes qui le leur permettent en cas de communauté, est-il nécessaire qu'elle soit publiée et enregistrée en justice ?

Le meilleur arrêtiste du parlement de Flandre, Pollet, part 1, §. 35, soutient que cette precaution est indispensable; mais de deux arrêts qu'il rapporte à ce sujet, un seul paraît confirmer son avis; l'autre le rejette formelle

ment.

Cet avis est cependant très-sage, mais il n'est fondé sur aucune loi, et l'exemple de ce qui se pratiquait pour les substitutions avant que les ordonnances en eussent prescrit la publication et l'enregistrement, est une preuve sans réplique qu'en cette matière, des raisons d'inconvéniens ne peuvent pas suppléer au silence de la loi.

Si la nécessité de publier les Séparations contractuelles, était de droit commun, elle serait générale. Cependant il est un ordre de citoyens à l'égard desquels le législateur en a fait une règle spéciale: ce sont les marchands(1).

(1) Voici ce que porte l'ordonnance du mois de mars 1673, titre des Séparations de biens.

« Art. 1. Dans les lieux où la communauté de biens

que

Par-là, sans doute, il a reconnu qu'elle ne peut pas avoir lieu sans une loi expresse; et puiscette loi n'existe point pour ceux qui ne sont pas marchands, il est clair qu'il n'y a pour ces personnes, aucune obligation de faire pu blier en justice les Separations de biens qu'elles trouvent à propos de stipuler en se mariant.

III. Voilà le droit commun. Mais en Normandie, il faut que la Séparation contractuelle soit inscrite, avec les noms, surnoms et demeure des époux, dans un tableau affichée au greffe du tabellionage de chaque ville ou district. On s'est fondé, pour l'introduction de cette formalité, sur l'esprit d'un arrêt de re

entre mari et femme est établie par la coutume ou par l'usage, la clause qui y dérogera dans les contrats de mariage des marchands grossiers ou détailleurs et des banquiers,sera publiée à l'audience de la juridiction consulaire, s'il y en a, sinon, dans l'assemblée de l'hôtel commun des villes et insérée dans un tableau exposé en lieu public, à peine de nullité; et la clause n'aura lieu que du jour qu'elle aura été publiée et enregistrée.

» 2. Voulons le même être observé entre les négocians et marchands, tant en gros qu'en detail, et banquiers, pour les Séparations de biens d'entre mari et femme, outre les autres formalités en tel cas requises D.

Ces dispositions out été, pendant quelque temps assez mal observées en Bretagne. Mais le parlement de Rennes a rendu, le 14 mars 1768, un arrêt qui « ordonne l'art. du tit. 8 de l'ordonnance de que

» 1673 sera bien et dûment exécuté; en conséquence'

» que les clauses de non communauté entre les mar

» chands grossiers ou détailleurs et les banquiers, >> seront insérées en un tableau exposé en lieu public » dans la salle des audiences des juridictions consulaires, s'il y en a dans le lieu où habitent les par»ties contractantes, ou, à défaut, dans la salle d'as» semblée de l'hôtel commun; et s'il n'y avait ni con>> munauté ni juridiction consulaire, que lesdites clau» ses seront enregistrées au tableau du consulat du >> ressort, à peine de nullité»>

Il est à remarquer que l'ordonnance de 1673 n'est pas enregistrée au conseil provincial d'Artois et n'a conséquemment par elle-même aucune force de loi dans la ville de Dunkerque, qui cependant est une place de commerce très-importante. Mais il a été remédié à cet inconvénient par un arrêt du parlement de Paris, du 21 décembre 1782, qui « ordonne que >> les clauses des contrats de mariages des marchands, » négocians et banquiers de la ville de Dunkerque, pas»sés depuis le 18 février 1776, portant dérogation à » la communauté de biens entre mari et femme qui » sont négocians, marchands on banquiers, seront publiées à l'audience de la juridiction consulaire » de la ville de Dunkerque, et insérées dans un tableau exposé dans ladite juridiction; et que les clauses de dérogation à la communauté de biens et les Séparations de biens n'auront lieu que du jour qu'elles auront été publiées et enregistrées ».

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glement du 30 août 1555, qui la prescrit pour les Séparations judiciaires ; et il a été jugé par un arrêt du 30 août 1673, que, faute de l'avoir remplie, une femme séparée par son contrat de mariage, ne pouvait pas empêcher que ses meubles ne fussent vendus à la requête des créanciers de son mari.

Si cependant la femme avait fait faire, avant mariage, un inventaire des meubles qu'elle apportait à son mari, le défaut d'inscription dans le tableau du tabellionage, ne pourrait pas lui être objecté. C'est ce qu'ont jugé deux arrêts du parlement de Rouen, des 17 novembre 1665 et 26 octobre 1666. On a pensé qu'il fallait distinguer la femme qui prétendait exercer sur les biens de son mari les droits attachés à la qualité de femme séparée contractuellement, d'avec celle qui se bornait à réclamer sa propriété ; le défaut d'inscription, a-t-on dit, doit nuire à la première, mais non à la seconde.

Du reste, ce défaut ne peut être oppose que par les créanciers : la femme ne peut pas s'en faire un moyen pour prendre envers eux la qualité de commune en biens. C'est ce qui a été décidé par un arrêt du parlement de Rouen, du 1er juin 1655, rapporté, ainsi que les deux précédens, par Basnage, sur l'art. 301 de la coutume de Normandie.

[[ IV. Le Code de commerce renouvelle, pour les commerçans, la disposition de l'ordonnance de 1673; mais il n'attache pas les mêmes effets à son inexécution. Voici ses termes:

« Art. 67. Tout contrat de mariage entre époux, dont l'un sera commercant, sera transmis par extrait, dans le mois de sa date, aux greffe et chambres désignés par l'art. 1872 du Code de procedure civile, pour être exposé au tableau, conformément au même article.

Cet extrait annoncera si les époux sont mariés en communauté, s'ils sont séparés de biens, ou s'ils ont contracté sous le régime dotal.

» 68. Le notaire qui aura reçu le contrat de mariage, sera tenu de faire la remise ordonnée par l'article précédent, sous peine de 100 francs d'amende, et même de destitution et de responsabilité envers les créanciers, s'il est prouvé que l'omission soit la suite d'une collusion.

» 69. Tout époux séparé de biens et marié sous le régime dotal, qui embrasserait la profession de commerçant postérieurement à son mariage, sera tenu de faire pareille remise dans le mois du jour où il aura ouvert son

commerce, à peine, en cas de faillite, d'être puni comme banqueroutier frauduleux.

» 70. La même remise sera faite, sous les mêmes peines, dans l'année de la publication de la présente loi, par tout époux séparé de biens ou marié sous le régime dotal, qui, au moment de ladite publication, exercerait la profession de commerçant (1) ».

On voit que, par ces articles, le législateur n'autorise pas, comme le faisait l'ordonnance de 1673, les créanciers du mari à exercer leurs droits, en cas de Séparation contractuelle non publiee, sur les biens qui seraient tombés ⚫ dans la communauté, si cette Séparation n'avait pas été stipulée; et l'on peut d'autant moins douter que son intention n'ait été d'abroger, à cet égard, la disposition de cette ordonnance, que cette disposition a été proposée au conseil d'état qui l'a rejetée.

« Cependant (dit M. Locré, Esprit du Code » de commerce, tome 1, page 300), l'exécu» tion de l'art. 67 n'en est pas moins assurée: » elle l'est par la disposition qui charge le » notaire de la publication du contrat, et fait » porter sur lui la peine de l'omission ».

Du reste, ce qu'il y avait sur cette matière, de particulier à la jurisprudence normande, avait été abrogé, même relativement aux commerçans, par le Code civil. Cela résulte de l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an 12. 2. ]]

V. On a prétendu que la Séparation contractuelle n'avait pas lieu en Hainaut, ou du moins qu'elle n'y pouvait pas empêcher les créanciers de l'un des époux de faire saisir les biens de l'autre, même dans le cas où elle eût été publiée et enregistrée.

Mais cette opinion singulière, qui n'avait d'autre base que des consultations de Mons, a été proscrite par un arrêt du parlement de Flandre, du 22 mars 1763, entre le sieur Hanicart de Briffoeil et les créanciers de la veuve de Fénal, son épouse. Il s'agissait de l'exécution d'un contrat de mariage passé à Namur le 29 décembre 1761. Cet acte contenait la clause la plus étendue de Séparation de biens et de dettes ; il avait été précédé d'un inventaire général de tous les biens et effets de la femme, et on l'avait publié et enregistré dans la meilleure forme. Les créanciers de la

femme prétendaient, malgré cela, pouvoir saisir les biens que le mari possédait en Hainaut; mais l'arrêt cité les a déboutés de leurs demandes.

les art. 1530, 1536 et 1537 du Code civil, rapportés ci-dessus, no 2, sont communs à toute la France. ]]

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nérale avec son mari.

[[Toutes ces décisions s'accordent parfaite. ment avec le principe établi par l'art. 1395 du Code civil, que les conventions matrimoniales ne peuvent recevoir aucun change. ment après la célébration du mariage, et dont cependant il ne faut pas étendre les con séquences jusqu'à dire que les actes par lesquels deux époux séparés de biens par leur contrat de mariage, se mettraient en communauté, n'auraient pas entre eux l'effet de donations révocables à volonté. V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrat de Mariage, §. 5. ]]

VII. C'est une question s'il faut un inventaire pour que la Séparation contractuelle ait son effet en faveur de l'un des époux contre les créanciers de l'autre.

Perchambault, sur la coutume de Bretagne, tit. 20, S. 11, adopte l'affimative; et l'on trouve dans les notes d'Hevin, sur la même loi, art. 424, no 84, deux arrêts du parlement de Rennes, des 14 juillet 1608 et 14 septembre 1653, qui, de la manière dont ils sont cités, paraissent confirmer nettement cette opinion.

Mais Poullain du Parcq prouve très-bien

[[ Aujourd'hui, plus de doute sur ce point: que ces arrêts sont mal appliqués. Il fait voir

(1) V. l'article Faillite et Banqueroute, sect. 2, S. 2, art. 6, TOME XXX.

que le premier a été rendu dans l'espèce d'une simple clause de réalisation des dettes antérieures au mariage, sans exclusion de com

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munauté ; et que, lors du second, il s'agissait seulement d'une Séparation judiciaire demandée par la femme sans cause suffi

sante.

Du reste, Si Hévin a pris le change sur l'espèce de ces deux arrêts, il n'a pas pour cela embrasse la décision qu'il leur prêtait. Le chap. 7 de ses observations sur Frain, annonce clairement qu'il regardait l'inventaire comme inutile. Lebrun, liv. 2, chap. 3, sect. 4, no 16, établit très-solidement la même these; et Poullain du Parcq rapporte un arrêt du parlement de Rennes, du 15 juillet 1695, qui l'a confirme in terminis.

Il est vrai que l'inventaire est une excel lente précaution pour prévenir les embarras et les discussions que chaque époux pourrait appréhender de la part des créanciers de l'autre, et qui seraient encore plus à craindre pour la femme, parcequ'elle pourrait être obligée de prouver en détail que tels meubles Jui appartiennent, faute de quoi, ils seraient présumés appartenir au mari; mais, comme le remarque fort judicieusement Poullain du Parcq, les mêmes embarras peuvent se ren. contrer lorsque deux personnes habitent depuis long-temps ensemble; et cependant la difficulté de justifier la distinction de leurs meubles respectifs, ne suffit pas pour assuje tir l'un au paiement des dettes de l'autre.

Il est également vrai qu'il faut un inventaire dans le cas où le contrat de mariage ne stipule qu'une séparation de dettes [[et que telle est la disposition expresse de l'art. 1510 du Code civil]]; mais il y a une grande difference entre cette espèce et celle de la Séparation de biens.

commu

Dans la première, il existe unc nauté qui opère la confusion, non-seulement des meubles, mais de l'argent et des créances dont le mari a l'entiére disposition, et cette confusion se fait sans retour; le défaut d'inventaire doit donc faire présumer qu'au temps du mariage, il s'est trouvé, dans la mise en communauté de chaque époux, un mobilier suffisant pour acquitter ses dettes antérieures, et que, si ce mobilier n'existe plus au moment des contraintes exercées par les créanciers, c'est que le mari en a disposé et l'a dissipé.

Dans le second cas, on ne peut rien présumer de semblable; la Séparation contractuelle prive le mari de toute espèce de droit sur le mobilier de sa femme: il n'y a donc pas d'apparence qu'il l'ait aliéné.

VIII. Voici une espèce singulière qui a été jugée au parlement de Normandie en 1740.

Madelaine Damamme, veuve avec enfans

du sienr Varoc, contracte un second mariage avec le sieur de l'Écluse; en se mariant, elle fait reconnaitre par son mari que tous les meubles qui existent dans la maison matrimoniale, lui appartiennent, qu'elle se les réserve et à ses enfans, et que, « si elle prédécède, » son mari aura à son profit particulier tous les >> biens qu'ils auront pu gagner et qui se trou» veront augmentés en leur maison, comme un » fruit de ses peines et de son bon ménage ».Le contrat de mariage stipule de plus une Sépa ration de biens, et point de don mobile.

La dame de l'Ecluse meurt la première : les enfans du premier lit pretendent que les meubles existans à cette époque dans la maison, leur appartiennent. Sentence au baillage de Saint-Lô, qui juge en leur faveur.

Appel de la part du sieur de l'Ecluse. Ses défenseurs observent que la Séparation stipulée par le contrat du second mariage de la dame de l'Ecluse, ne l'a point rendue propriètaire des biens meubles de la maison qu'elle et son mari ont occupée jusqu'à sa mort.

« En effet (disent-ils), il ne faut pas considerer la Séparation stipulée par contrat de mariage, du même œil que la Séparation judiciaire, qui a sa cause dans le désordre des affaires du mari Quoique ces deux séparations aient des ressemblances, elles différent aussi en bien des points; elles n'ont ni les mêmes motifs, ni les mêmes effets. La Séparation convenue par un contrat de mariage, est susceptible de toutes les clauses et conditions qui plaisent aux parties. En vertu de cette convention, la femme ne peut demander son douaire; ce qui néanmoins lui est accordé en Normandie, dans le cas d'une Séparation judiciaire; et bien loin qu'il en résulte que tous les meubles possédés, par les conjoints appartiennent à la femme, tous, au contraire, sont réputés, lorsqu'il n'y a point de preuve contraire, appartenir au mari; des-là donc les enfans du premier lit de la dame de l'Ecluse n'ont aucun principe pour prétendre que les meubles excedant ceux apportés par leur mère, soient à elle.

» S'il a été stipulé par son contrat de mariage, qu'elle serait séparée de biens, ç'a été sous la condition qu'au cas où le mari survivrait, les meubles qu'ils auraient gagnés ensemble appartiendraient à ce dernier, comme fruits de son industrie. Cette condition n'a rien de contraire aux lois, elle est plutôt dans l'ordre commun et naturel : si la Separation stipulée avait pu la détruire, il est sensible que le sieur de l'Ecluse n'aurait pas consenti à la Séparation. En admettant donc que les clauses fussent incompatibles, ce serait la dernière qui anéantirait la Séparation, et non la

clause de Séparation qui annéantirait l'autre, sur la foi de laquelle le mari a vécu et a formé un établissement auquel il a consacré son temps, ses soins, son industrie, et qui, dans l'intention des parties contractantes, devait être sa récompense, s'il survivait à sa femme.

>> En vain opposerait-on que la femme a contribué à l'augmentation des meubles ; ce qu'elle a fait, dépendait de la volonté du mari: d'ailleurs, l'un et l'autre ont travaille pour vivre et remplir la loi de leur contrat ; pour qu'il n'eut pas son exécution, il faudrait citer une loi qui en proscrivit la clause.

» L'edit des secondes noces ne renferme point une semblable proscription; ce dont les meubles sont augmentés, n'a jamais appartenu à la femme: il y a plus, le vœu de cet édit est que la femme n'enrichisse pas son sccond époux aux dépens des biens qui doivent appartenir naturellement à ses enfans d'un premier lit; et ce vœu est rempli par le contrat de mariage du sieur de l'Ecluse; car il ne donne pas même à celui-ci, sur le mobilier de sa femme, une part égale à celle de ses premiers enfans; il le leur a conservé en entier, et independamment des soins qu'a pris le sieur de l'Ecluse pour le leur transmettre sans altération, il courait le risque, si ses travaux n'eussent pas réussi, d'ètre seul responsable des droits des enfans. Enfin, la clause contient une donation mutuelle en faveur du survivant, des fruits de l'industrie commune. La coutume de Normandie defend-elle à la femme de renoncer, par son contrat de mariage, à sa part dans les meubles à venir? Ou plutot de droit, ces meubles n'appartiennent ils pas sans réserve au mari, si la femme décède la premiere »?

Sur ces raisons, arrêt du 18 août 1740, qui met l'appellation et ce au néant, émendant, décharge le sieur de l'Ecluse des condamnations prononcées contre lui, et condamne les intimes aux dépens.

IX. Il n'est pas besoin, sans doute, d'avertir que la Séparation contractuelle ne dispense la femme, ni de l'obligation de demeurer dans la maison matrimoniale, ni de celle de contribuer aux charges du mariage : cependant il a fallu depuis peu que le parlement de Paris rendit deux arrêts pour rappeler ces maximnes à une femme qui paraissait les mé

connaitre.

En 1766, la demoiselle de Bouron, majeure de trente ans, jouissant d'une fortune de 10,000 livres de rentes, épousa le sieur d'Armancourt, garde-du-corps et chevalier de Saint-Louis, à peu-près du mème âge qu'elle. Par le contrat de mariage, il y eut stipulation

de non communauté et de Séparation de biens.

En 1767, les deux époux consentirent une Separation volontaire, et il fut passé entre eux un acte par lequel le mari, sous prétexte que l'air de la ville de Mantes, où etait fixé leur domicile, ne convenait pas à la santé de sa femme, lui permit d'aller reprendre son air natal, et de demeurer à Paris, à la charge néanmoins qu'elle lui paierait une pension

convenue.

Quelques années après cet arrangement, la dame d'Armancourt ne payant pas exactement la pension de son mari,le sieur d'Armancourt forma contre elle une demande tendante à ce qu'elle eût à se reintégrer dans la maison maritale.

Une sentence des premiers juges lui adjugea cette demande : la dame d'Armancourt en interjeta appel, et conclut à la Séparation de corps.

Elle n'a pas été plus heureuse sur l'appel; un arrét de 1780 a confirmé le sentence, et a deboute la femme de sa demande en Séparation de corps.

Pour échapper à l'exécution de cet arrêt, la dame d'Armancourt a fait solliciter et a obtenu des ordres supérieurs pour être ellemême retenue, par lettre de cachet, au cou vent des dames de la Presentation.

Dans cette position, le sieur d'Armancourt ne pouvant plus la rappeler avec lui,et se trou. vant privé de la fortune qu'elle eût du naturellement consommer dans la maison maritale, a demandé qu'elle fût tenue de lui payer 30,000 livres pour sa contribution aux charges de la maison qu'il avait tenue seul depuis 1767, et à lui payer pour le même objet, une somme de 2,000 livres par chaque année.

A cette demande, la dame d'Armancourt a répondu par des offres d'une somme de 6,000 livres pour le passé, et d'une pension de 2,000 livres par chacun an, payable de trois mois en trois mois, et sans retenue.

Le mari a insiste sur la necessité d'une forte condamnation, en faisant voir combien était dangereuse et de mauvais exemple l'adresse d'une femme qui, ayant succombé dans sa demande en Séparation, parvenait, en obtenant une lettre de cachet, à se soustraire à l'exécution de l'arrêt ; et qu'ainsi, une condamnation à une grosse somme la détermine. rait à rentrer dans son devoir, en sollicitant la main levée de la lettre de cachet, plutot que de payer.

Par arrêt du 31 juillet 1782, rendu sur les conclusions de M. l'avocat général Séguier, la dame d'Armancourt a été condamnée à payer à son mari 1,000 livres par an depuis 1767,et à lui fournir dorénavant 2,000 livres de

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