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cutives. Enfin, il était victorieusement prouvé, par une enquête, que Grimaud avait excédé sa femme de plusieurs manières, notam ment qu'il lui avait donné des soufflets en pleine rue, à la face du public. Cependant, par arrêt du 15 janvier 1776, rendu dans une audience solennelle, il fut ordonné à la femme Grimaud de revenir à la compagnie de son

mari.

C'est ainsi que les magistrats, en cédant lui quelquefois au torrent des mœurs, opposent, par intervalles, des digues propres à en prévenir les débordemens qui entraîneraient bientôt, avec les débris de la législation, la ruine entière du corps social.

les que " [[ Le Code civil porte, art. 231, »époux pourront réciproquement demander »le divorce pour excès, sévices ou injures gra>ves de l'un d'eux envers l'autre »; et l'art. 306

declare cette disposition commune à la Sépa ration de corps.

Ainsi, la Séparation de corps peut être demandée, non-seulement par la femme, mais même par le mari, pour l'une ou l'autre de ces causes.

la

La demande en Séparation de corps formée par une femme, pour cause de sévices et d'excès graves, peut-elle être écartée par preuve que la femme avait provoqué ces sévices et ces excès par son inconduite?

V. l'article Divorce, sect. 2, S. 12. ]]

:

est

IV. Une cause de Séparation qui approche beaucoup de celle dont on vient de parler, qui même semble mériter plus de faveur, la diffamation. Il est possible à une femme que la religion éclaire et console, de dévorer dans le silence les chagrins dont la haine d'un mari se fait une étude de l'abreuver. On a vu des épouses soutenir les regards étincelans d'un mari furieux, et braver les écarts de sa colére mais une femme qui se respecte, peutelle, sans frémir, se voir enlever l'honneur, ce dépôt si précieux à son sexe? Peut-on la supposer assez lâche pour supporter la vue de celui qui l'a diffamée et couverte d'opprobres? On peut, en cette matière, distinguer trois sortes de diffamations : la première, qui consiste dans une accusation judiciaire de delits ou de crimes; la seconde, qui se manifeste par des libelles ou par de simples propos ; la troisième, qui s'exerce par la voie sourde et oblique des délations, et par des provocations de lettres de cachet.

1o. Qu'une femme ait le droit, en se justifiant d'une accusation capitale ou infamante, intentée contre elle par son mari, de se faire

autoriser à vivre pour toujours séparément, c'est une vérité qui se sent mieux qu'on ne saurait la prouver; aucune loi n'a pris soin de la consacrer, mais elle est elle-même une loi innée, non scripta, sed nata lex. Quels sévices, en effet, quels mauvais traitemens peuvent jamais égaler l'indignité d'un mari qui porte sa haine contre sa femme jusqu'à vouloir la rendre victime d'une accusation calomnieuse? Il n'est pas même nécessaire, en pareil cas, de former une instance partilière pour obtenir la Séparation. La femme peut, dans la procédure criminelle instruite contre elle, conclure à ce qu'elle soit en même temps déclarée innocente et séparée de corps.

C'est ce qui a été jugé par un arrêt du parlement de Paris, du 16 juillet 1695, rendu sur les conclusions de M. d'Aguesseau. Le sieur de Laistre accusait sa femme de supposition de part; celle-ci se justifiait, et demandait en conséquence, d'être autorisée à vivre séparée de biens et d'habitation d'avec lui. Le sieur de Laistre soutenait cette demande prématurée et étrangère à la procédure criminelle. C'est, disait-il, une contestation purement civile, dans laquelle l'arrêt de la cour pourra fournir des moyens à l'une ou à l'autre des parties, mais dont il ne s'agit point encore présentement. M. d'Aguesseau écarta cette subtilité, et fit voir que la demande en Séparation était parfaitement connexe avec le chef d'accusation « Si l'appelante ( ce sont ses termes) est justifiée par votre jugement, si son » fils est redevable de la vie à un commerce » suivi d'un mariage légitime, et non pas à l'imposture de sa mère, pourra-t-on refuser

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»à une femme accusée faussement d'un crime » capital,la juste satisfaction de se séparer pour » toujours d'un mari qui a voulu la déshonorer >> par une calomnie atroce? L'obligera t-on à >> soutenir toute sa vie la vue et la présence de >> son accusateur? Et les exposera-t-on l'un et »l'autre à toutes les suites funestes d'une société >> malheureuse qui ferait le supplice de l'inno>> cent encore plus que du coupable »? L'arrêt qui termina cette contestation, déchargea la

femme de l'accusation intentée contre elle,

ordonna qu'elle demeurerait séparée de biens

et d'habitation d'avec son mari, et ne renvoya devant les premiers juges que la demande de la femme en restitution de sa dot et de ses conventions matrimoniales.

Cet arrêt n'est pas le seul qui ait décidé qu'une accusation capitale et jugée calomnieuse, est, pour la femme, un moyen légi. time de Séparation : le Journal des audiences nous en fournit un semblable, du premier

février 1716; et il y en a encore un de 1723 dans le recueil de Denisart.

Un autre arrêt, du 7 juillet 1755, confirme une sentence du 29 mars 1752, qui, en déchargeant une femme de l'accusation d'adultère, la renvoyait à se pourvoir à fins civiles pour Séparation de corps et restitution de ses biens, ainsi qu'elle l'avait démandé (1).

La dame Pichon ayant été déchargée.par arrêt du 25 septembre 1776, d'une accusation d'adultere intentée contre elle par le sieur Pernet de Blercourt, son mari. a pris de là occasion de former sa demande en Séparation de corps. Le châtelet a prononcé en sa faveur ; et par arrêt du 23 avril 1777, la sentence a été confirmée sur les conclusions de M. l'avocat-général Séguier.

Voici une autre espèce dans laquelle il a été fait de ce principe une application qui mérite d'être remarquée.

La demoiselle C... avait épousé le sieur V... à qui elle avait apporté 12,000 livres en dot. Au bout de deux mois, la mésintelligence se met entre les deux époux ; propos piquans de part et d'autre, mauvais traitemens de la part du mari: il abandonne sa femme, emporte ses meubles, et la laisse sans secours ; ensuite. Séparation volontaire. Le mari permet à sa femme de demeurer chez son père et sa mère, et de toucher les intérêts de sa dot; il lui promet de plus 200 livres de pension. Quatre mois après, le mari change d'avis; il fait sommer sa femme de rentrer chez lui. et s'oppose à ce que son beau-père continue de lui payer les intérêts de sa dot. Alors, demande en Séparation. La femme articule des faits de sévices et de mauvais traitemens, et en offre la preuve. Le mari, pour toute défense, donne, de son côté, une requête dans Jaquelle il accuse sa femme de vivre en commerce scandaleux avec un ecclésiastique, conclud à ce qu'elle soit déchue des avantages portés dans son contrat de mariage, rasée et enfermée dans un couvent pour le reste de ses jours. Sentence du présidial de Mâcon, qui, sans s'arrêter à la demande à fin de faire preuve des faits articulés par le mari, prononce la Séparation. Appel, et le 19 janvier 1780, arrêt confirmatif, rendu conformément aux conclusions de M. l'avocat-général d'A. guesseau, sur le principe que l'action en adul tére intentée par le mari contre sa femme, étant un motif de Séparation, il doit en être de même d'une défense qui inculpe vaguement une femme, et dans laquelle on conclud contre elle aux peines prononcées contre les adultères.

(r) Traité des injures, chap. 4, sect. I, n. 27.

2o La diffamation qui s'exerce par des libel les ou de simples propos, est incontestablement une juste canse de Séparation. Plusieurs arrêts l'ont ainsi jugé.

En voici un qui est rapporté par Denisart: « Par arrêt rendu le 15 avril 1734, la cour a » confirmé une sentence du châtelet, par la» quelle la dame Monet était admise à prouver » que son mari avait publié que l'enfant dont » elle était grosse, n'était point de lui. que » c'était une p...., etc.; qu'elle avait voulu » l'empoisonner plusieurs fois; et comme l'en

quête faite en conséquence de cet arrêt, » contenait une preuve complète de la diffam»mation (elle ne prouvait cependant pas le » fait du poison), la cour prononça la Sépara» tion le 24 mai 1735 ».

Il a été rendu deux arrêts semblables en 1782.

Deux époux n'ayant pu vivre ensemble, se séparérent de fait, et la femme se retira dans un couvent. Au mois de juin 1781, le mari vint à ce couvent avec une des supérieures, et déclara devant les religieuses et en présence de sa femme, qu'il venait dénoncer un scandale affreux; que, depuis un an, il était instruit que la supérieure et la dépositaire laissaient entrer et sortir à toute heure du jour et de la nuit, un chevalier et un vicomte qui avaient avec sa femme des entrevues crimi.

nelles; qu'ils couchaient même dans le couvent; que sa femme était enceinte de huit mois et demi; que l'accoucheur était retenu et le lieu des couches arrêté ; que la dame.... devait être enlevée du consentement de la supérieure. Enfin, les injures et les menaces du sieur... ayant causé à sa femme une révolution, le mari soutint que c'était la preuve de la grossesse, et que l'état de la dame.... déposait contre elle. L'excès de cette diffamation a déterminé la dame.... à rendre plainte et à demander sa Séparation. Par arrêt du 4 juillet 1782, conforme aux conclusions de M. l'avocatgénéral Séguier, la cour, sans s'arrêter aux moyens de nullité de procédure proposés par le sieur....,faisant droit sur l'appel de la sentence d'appointement, évoquant le principal faisant droit, a ordonné que la dame........ serait et demeurerait séparée de corps et de biens d'avec son mari ; a condamné le sieur... à restituer à sa femme sa dot et tous les biens qui lui appartenaient, avec les intérêts et fruits du jour de la demande; a déclaré nulle et de nul effet la donation mutuelle portée au contrat de mariage des deux époux; et a condamné le mari à tous les dépens.

et

y

L'autre arrêt est du 7 septembre suivant. Le sienr M...., orfèvre, ayant été arrêté et

constitué prisonnier sur une accusation de faux poinçons, une foule de créanciers se sont présentés, et la femme a cru, pour mettre sa dot en sûreté, devoir former sa demande en Separation de biens. Les premiers juges la lui ont accordée. Le mari a interjeté appel de la sentence, et a fait signifier une requête contenant contre sa femme des faits de diffamation, l'accusant de mauvaise conduite, et d'avoir elle-même suscité le procès criminel qu'il es suyait, et sollicité une lettre de cachet pour le faire enfermer, ou une commission dans les pays étrangers, pour obtenir à ce prix une pleine liberté. La dame M.... se voyant ainsi diffamée, a conclu à la Séparation de corps et à la révocation d'une donation qu'elle avait faite à son mari par contrat de mariage. Le sieur M.... a soutenu sa femme non-recevable dans sa demande en Séparation de corps, formée incidemment à une demande en Sépara tion de biens, et a prétendu qu'elle devait, sur la première, être renvoyée devant les juges inférieurs. Mais par l'arrêt cité, conforme aux conclusions de M. l'avocat général d'Aguesseau, la cour, attendu la diffamation, a ordonné la Séparation de corps et de biens, a prononcé la revocation de la donation, et a condamné le mari aux dépens.

L'arrêt suivant prouve que la diffamation est, dans tous les états, un moyen de Séparation pour la femme.

La femme M...., marchande de modes, épouse d'un frotteur du roi de....... fatiguée des mauvais traitement de son mari et de la diffamation qu'elle éprouvait de sa part, a formé sa demande en Séparation sur ces deux motifs, et a offert la preuve qu'il s'était livré contre elle aux excès les plus violens, qu'il l'avait excédée de coups, qu'il l'avait laissée manquer du premier nécessaire, qu'il avait vendu son magasin de commerce, qu'il la déprimait dans le monde en la faisant passer pour une femme de mauvaise vie, qu'il publiait l'avoir surprise en adultère plus d'une fois, qu'elle s'en était allée à Bruxelles avec un étranger, et qu'il avait répandu dans le public des mémoires manuscrits, dans lesquels ces différens faits étaient consignés. Un arrêt du mois de décembre 1781 a admis la femme à la preuve de ces faits, sauf au mari la preuve du contraire. La femme a fait entendre plusieurs témoins, tous parens ou voisins, et leurs dépositions ont été concluantes. Le mari a voulu reprocher ces témoins, à raison de l'amitié et des liaisons qu'il leur supposait avec sa femme, et a fait une contre-enquête dans laquelle ses témoins n'ont point contredit les faits de diffamation. M. l'avocat général d'Aguesseau a TOME XXX.

établi qu'en cette matière, les pareas, voisins ou domestiques, étaient des témoins nécessaires qui ne pouvaient pas être reproches, qu'ainsi leurs dépositions (celles des père et mère de la femme mises à l'écart) n'étant pas dementies par les témoins du mari, c'était le cas de prononcer la Séparation demandée. Arrêt du 12 février 1782, qui, adoptant ces conclusions, prononce la Séparation de corps et de biens, et condamne le mari à rendre la dot, ainsi que les effets de sa femme, et aux dépens.

Il n'est pas toujours nécessaire, pour qu'une femme puisse se séparer de son mari, que la diffamation ait été publique. Une femme de condition, élevée dans les principes les plus sévères sur l'article de l'honneur, est admise à se séparer d'un époux qui, chaque jour, se fait un jeu de la calomnier, même dans l'in térieur de sa maison, et d'irriter sa juste sensibilité, par l'imputation de fautes qui la désho noreraient, si elles étaient réelles. C'est, dit Houard (Dictionnaire de droit Normand, au mot femme, sect. 2), l'espèce dans laquelle se trouvait en 1752, la marquise de C........... qui, au rapport de M. de la Tournerie, fut appointee par arrêt du parlement de Rouen, à prouver que son époux lui avait plusieurs fois reproché un commerce criminel avec ses propres domestiques, et des démarches suspectes dans un hotel où logeaient des officiers.

30. Une femme qui a été séquestrée en vertu d'une lettre de cachet surprise au gouvernement par les imputations calomnieuses et clandestines de son mari, peut-elle, à ce seul titre, demander sa Séparation de corps et de biens?

« Tout le monde convient (dit Huerne de » La Motte, Essais de Jurisprudence, tome » 2, page 282), et en effet, on ne peut discon» venir, que ces ordres surpris n'aient pour » motif le dernier degré de la haine du mari, » qui veut éluder la vue d'un tribunal exact. » On ne peut disconvenir que cette surprise » d'ordres si respectables ne soit un attentat » qui mérite l'effet de la Séparation ».

Mais, comme le remarque le même auteur un mari coupable d'une pareille surprise, ne manque jamais de défier qu'on prouve que l'ordre a été donné à sa requête : « et comme » l'on sait que le sanctuaire du prince est un >> sanctuaire sacré et impénétrabe, que le » prince même n'est comptable qu'à Dieu seul » de ses ordres, un mari regarde ce mystère » comme le conservateur de ses droits. C'est » le prince, dit-il, c'est sa propre autorité, » dont je ne suis point garant Ce mari ira » plus loin; il affectera même de plaindre le sort de sa feinme; il cherchera par l'hypo

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» crisie la plus raffinée, à s'entremettre pour » fléchir la sévérité du prince qu'il aura eu » l'art d'exciter par ses publicités et ses impos»tures. Le magistrat lui-même, séduit par de » vaines apparences, aimera mieux imputer » la détention que souffre la femme aux ac» tions que le mari supposera à sa femme, plu» tót qu'à la haine de ce même mari ».

C'est en effet ce qui est arrivé en 1756, dans l'affaire de la comtesse de Montboissier. Entre autre faits de haine et de sévices, elle articulait que son mari avait sollicité et obtenu, sur des exposés faux et calomnieux, un ordre du roi, en vertu duquel elle avait été arrêtée et mise dans un couvent, le même jour qu'un homme avec qui le comte de Montboissier faccusait d'un commerce criminel, avait été conduit à la Bastille. Le comte de Montboissier répondait qu'on ne pouvait admettre son epouse à prouver un pareil fait; et par arrêt du 7 avril 1756, la comtesse de Montboissier fut déboutée de sa demande, avec dépens.

[[ Ce que les art. 231 et 306 du Code civil disent des sévices et excès, ils le disent éga lément des injures. Ainsi, nul doute qu'aujourd'hui, comme sous l'ancienne jurisprudence, la diffamation ne soit une cause legi. time de Séparation de corps.

Mais la femme ne pourrait plus, incidem. ment à une accusation capitale, intentée contre elle par son mari, obtenir sa Séparation 'des juges criminels. V. ci-après, §. 3, no 4.]] .V. Quand un mari a méprise sa femme au point de tenter de dissoudre le mariage, pour avoir la liberté d'en contracter un autre, y at-il lieu à la Separation de corps? is

Cette question s'est présentée au parlement de Paris en 1730, et a été jugée aflirmativement, par un arrêt du 31 août, confirmatif d'une sentence du bailliage de Blois.

« L'espèce de cet arrêt (dit Denisart) est que la femme du sieur Ciret, médecin à Blois, venue à Paris pour les affaires de son mari, y resta plus long-temps qu'il ne voulait. Ne pouvant la faire retourner, après avoir épuisé toutes ses ressources, il lui proposa de rompre le mariage de concert; il lui envoya même des projets d'actes, et interjeta appel comme d'abus de la célébration de son mariage. S'en étant depuis désisté, la dame Ciret, incidemment à ce désistement, demanda sa Séparation. On plaida sur le désistement, dont il fut donné acte. Mais sur la Separation, les parties furent renvoyées à Blois, où elle fut accordée à la femme par la sentence qui depuis a été confirmée l'arrêt. par » Le moyen de l'arrêt a été l'indignité du

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[[ On ne pourrait plus juger de même aujourd'hui, à moins que la demande en nullité du mariage n'eût été accompagnée de diffamation. ]]

VI. Les infidélites qu'un mari fait à sa femme, en entretenant avec une autre un commerce illicite, sont-elles un moyen de Séparation ?

Elles l'étaient chez les Romains, suivant la novelle 117, chap. 9, §. 2; mais il en est autrement parmi nous. Nos tribunaux ont considéré que l'adultère a, du côté de la femme, des effets tout différens de ceux qu'il a du côté du mari. Le crime de l'un et de l'autre est égal quant à l'acte; tous deux violent les droits sacrés de l'union conjugale; tous deux rompent le serment de fidelité qu'ils se sont mutuellement fait à la face des autels, tous deux enfin profanent le sacrement qui les unit; tel est le crime en lui-même. Mais si on l'envisage dans ses effets, il paraitra bien plus grave de la part de la femme. En commettant un adul tére, la femme introduit de faux héritiers dans sa famille; elle donne à son mari des enfans qu'il n'eut jamais. Le mari, au contraire, porte ailleurs sa fécondité; et la femme n'en reçoit aucun préjudice. C'est cette différence qui a fait rejeter les demandes en Séparation auxquelles on ne donnait d'autre base que l'adultère du mari.

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crime rende le magistrat plus favorable à la femme, et qu'il serve, sinon de moyen, au moins d'adminicule à la Séparation,

Il est d'ailleurs un cas où la justice ne peut refuser et ne refuse pas en effet d'écouter les plaintes de la femme d'un mari adultere : c'est lorsque la debauche du mari va jusqu'à contraindre la femme de recevoir chez elle l'objet de ses affections scandaleuses, et d'être témoin de ses désordres. L'honnêteté publique exige alors qu'on vienne au secours d'une épouse in

fortunée.

[[Et c'est ce que fait le Code civil, art. 230 en permettant à la femme de demander le divorce (et par conséquent aussi la Séparation de corps, aux termes de l'art. 306), pour cause d'adultère de son mari, lorsqu'il aura tenu sa concubine dans la maison commune.

Un mari actionné par sa femme en Séparation de corps, sur le fondement qu'il a tenu une concubine dans sa maison commune,

peut-il opposer, comme fin de non-recevoir, à l'offre de prouver ce fait, la preuve que cette prétendue concubine est sa fille? V. l'article Adultère, no 8 bis.

Il s'est élevé, sur cette matière,plusieurs autres questions qui sont traitées dans mon Recueil de Questions de droit, au mot Adultère, S. 7. ]]

VII. La tache d'infamie dont une condamnation judiciaire a flétri l'un des époux, estelle pour l'autre un moyen de Séparation?

Cette question s'est présentée pour la première fois en 1774; et sa nouveauté même semblait prouver qu'elle devait être résolue pour la négative.

« En effet ( disait-on), cette position malheureuse d'une épouse n'est pas un phénomène inoui dans la société : ce cas a dù arriver plus d'une fois, et cependant la jurisprudence n'offre point de traces qu'une femme ait prétendu s'autoriser de ce moyen pour rompre les liens du mariage. Et pourtant quoi de plus naturel, de plus juste que le désir que doit avoir une femme innocente, de se voir désunie d'un coupable que son crime et sa punition retranchent de la société et couvrent de misère et d'opprobre! Si l'on ne trouve pas que, dans ces tristes conjonctures, les épouses aient tenté cette voie et y aient réussi, n'est-ce pas déjà une preuve que cette voie n'a jamais été ouverte à la Séparation?

» Mais si la question n'est pas décidée par les exemples, en devient - elle moins proposable, et la force du moyen en est-elle affaiblie? Avons-nous rien de plus cher que l'honneur? II l'est plus encore pour celui

qui ne l'a jamais perdu. Comment exiger d'une épouse honnête, qu'elle continue la plus intime des sociétés avec le malheureux que les lois ont retranché de la société civile, et flétri d'ignominie? Est-il d'existence plus cruelle et plus douloureuse qu'un pareil sort, pour une femme qui n'a jamais manqué au devoir de citoyen? Les sevices et les emportemens d'un mari, qu'on peut toujours aimer et chérir, sont-ils plus graves, plus insuportables pour elle, que le sentiment affreux de se voir unie au crime, et confondue avec le criminel, à tous les yeux, et dans tous les esprits? La loi qui commanderait cette société forcée, cet esclavage honteux, ne punirait-elle pas l'innocence d'une peine plus rigoureuse, que le criminel mème? N'agirait-elle pas même contre son propre but, qui est de prévenir la contagion du crime par l'exemple de sa punition? Ne doit-elle pas craindre que la femme qui vit avec le coupable dans l'union la plus étroite, lasse enfin des principes d'honneur et de probité, vaincue d'ailleurs par l'ascendant d'un mari vicieux et déshonoré, ne se corrompe avec lui, ne se plonge dans l'infamie dont elle est si voisine, et ne finisse par ressembler à celui qu'on la force de garder pour compagnon inséparable de ses jours?

» Il faut convenir que ces raisons ne sont pas seulement spécieuses, et que la position d'une femme, en pareil cas, est affligeante et bien propre à émouvoir. Cependant, si l'on consulte moins cette vivacité du sentiment d'honneur qui soulève l'ame honnête contre tout ce qui a l'apparence de le blesser, et si l'on vient à examiner les lois, on ne trouve point que ce cas ait été prevu par elles ; jamais cette cause n'a été mise au rang des causes de Séparation: pourquoi ce silence? Est-ce oubli de leur part? Non sans doute.

» Des raisons plus solides attachent l'épouse malheureuse au mari qui a encouru la peine. des lois.

» En effet, distinguons ici deux cas : ou la mort civile du mari doit durer toute sa vie, ou elle n'est que passagere et pour un temps. » Si elle égale la durée de sa vie, et qu'elle entraine la mort physique, alors plus de question, la femme est séparée de fait et de droit pour toujours.

» Ou cette peine ne va pas à la mort,et se réduit au bannissement, aux galeres perpétuelles. Dans ce cas, la Séparation de fait est laissée à la volonté de l'épouse, elle n'est pas obligée par la loi de suivre l'exil de son mari, ou d'aller l'accompagner sur les lieux où s'opére l'expiation de son crime: rien ne l'empêche, si c'est son choix, de rester dans la société d'où

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