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dans le sein de son épouse, qu'il entre dans la couche nuptiale? Si on pouvait lui attribuer cette intention feroce et la prouver, alors la cause du divorce serait, non dans la communication du mal vénérien considérée isolé ment et en elle même, mais dans les circonstances aggravantes qui présenteraient les vé ritables caractéres des excès ou sévices exigés par l'art. 231 du Code civil. C'est dans ce sens que la cour d'appel a décidé que la simple communication du mal vénérien par l'un des époux à l'autre, n'avait rien de commun avec les excès, les sévices dont parle le Code civil. Dira-t-on que c'est du moins une injure grave, un outrage que le mari fait à femme, et qu'elle atteste la bassesse de ses goûts, et les infidélités dont il s'est rendu coupable envers elle' Mais l'adultère du mari n'est point pour la femine une cause de divorce, à moins que le mari n'ait condamné sa femme à vivre avec sa concubine dans la maison commune. Il est donc bien démontré par les expressions de la loi, par l'explication qu'en a donnée l'orateur du gouvernement, que le législateur n'a point mis la communication du mal vénérien au nombre des causes de Séparation ou de divorce. Croit-on que, si cette cause fût entrée dans sa pensée, il ne s'en fût pas expliqué d'une manière à prévenir désormais et à dissiper tous les doutes? Il n'ignorait pas que cette question avait été souvent agitée, et qu'elle avait partagé les meilleurs esprits sous l'ancienne législation; et s'il n'a pas expressément déclaré que la communication du mal vénérien serait une des causes de Séparation ou de divorce, il faut en conclure qu'il n'a pas entendu lui attribuer ce caractère et ces effets. Mais a-t-il dû le faire? Et en ne le faisant pas, aurait-il, comme on l'a prétendu, favorisé le relâchement des mœurs? Non. Parmi les infirmites auxquelles l'espèce humaine est condamnée, il en est une qui, sous mille formes diverses, étend, et, en quelque sorte, generalise ses ravages. Chez les uns, elle est la peine et le fruit du libertinage; chez les autres, elle accuse l'inconduite des pères; les enfans l'ont sucée avec le lait qui les a nourris; elle a coulé dans leurs veines avec le germe de la vie : là, c'est une victime; ici, c'est un coupable qui expie ses écarts. Tel s'en croit à l'abri, dont le sein renferme un mortel poison; tel autre s'en croit infecté, dont l'imagination fait le seul tourment. Qui sondera cette vaste plaie ? Qui même lui assignera des bornes pour la génération qui nous suit, alors que, comme une lépre contagieuse, elle semble se multiplier et s'étendre par la reproduction? Osons donc le dire, c'eût été une

grande erreur tout à la fois en morale et en politique, si le législateur avait mis la communication du mal vénérien au nombre des causes qui doivent operer la dissolution du lien conjugal; il n'aurait remédié à rien; souvent la victime eût été confondue avec le coupable, et ce dangereux moyen de dissoudre ou du moins d'attaquer le lien conjugal, aurait été bien moins souvent la ressource du malheur, que l'arme de l'inconstance et du libertinage.

» A ces considérations s'en joignent d'autres, puisées dans la nature des preuves auxquelles donneraient lieu ces sortes d'accusations dirigées par l'un des époux contre l'autre. Qui ne sent toute la difficulté de fixer la source et l'origine de cette maladie ? Quel est le juge qui pourra se commettre avec sécurité à des élémens de preuves nécessairement incertains, douteux et suspects de leur nature? Qui ne conviendra aussi que cette sorte d'exploration ne peut se concevoir sans des révélations scandaleuses, sans que le secret, l'honneur d'autres familles ne soient mis en péril et souvent à l'occasion de débats qui auraient dù leur être absolument etrangers ? Admettre le principe, c'eût été autoriser les conse quences ; et c'est calomnier le législateur, que de lui supposer tant d'imprévoyance et des vues si directement contraires au but constant de ses travaux ».

Par arrêt du 16 février 1808, au rapport de M. Vallée,

« Considérant que la demanderesse n'articulait aucune circonstance qui donnát au fait dont elle se plaignait, le caractère de sévices ou d'injures graves; et qu'ainsi, la cour d'appel de Pau a pu la déclarer non-recevable dans sa demande en Séparation de corps, pour cause de communication du mal vénerien, sans contrevenir à la loi;

» La cour rejette le pourvoi... ».

On voit que la cour de cassation n'a pas approuve dans toute son étendue, le motif qui avait determiné l'arrêt de la cour d'appel de Pau; qu'elle a bien, comme celle-ci, reconnu que la communication du mal vénerien n'est pas essentiellement une cause de Séparation de corps, mais qu'elle a en même temps fait entendre que, si cette communication était accompagnée de circonstances qui lui donnassent le caractère de sévices ou d'injures graves, il en résulterait, pour l'époux ainsi outrage, un moyen de Separation de corps.

Et c'est ce qu'ont, en effet, jugé un arrêt de la cour d'appel de Besançon, du 1er février 1806, un arrêt de la cour royale de Lyon, du

4 avril 1819, et un arrêt de la cour royale de Toulouse, du 30 janvier 1821 (1). ]]

X. La folie ou la fureur du mari sont-elles pour la femme des causes légitimes de demander la Séparation de corps et de biens?

:

Non elles opèrent bien, pendant le temps de leur durée, la désunion réelle des deux époux; mais ce n'est point en vertu et à titre de la loi des Separations; c'est en vertu et à titre de la loi qui règle ce qu'on doit faire des fous et des furieux.

Pothier (à l'endroit cité, no 515) va nous expliquer ceci. « La perte (dit-il) que le mari "a faite de sa raison, quoiqu'il soit dans le » cas d'être enfermé, n'est pas une cause de » demande en Séparation d'habitation; la femme peut seulement, en ce cas, poursui»vre l'interdiction de son mari. Cette inter» diction est ordonnée par le juge sur un avis n de parens. On nomme à l'interdit un cura» teur, et c'est ordinairement à la femme qu'on » défère cette tutelle. Le juge ordonne même, » s'il en est besoin, qu'il sera enfermé. Mais » cela n'opère aucune Séparation, la commu»nauté continue, et cet interdit continue d'en » être le maître ».

Voilà les vrais principes. Nous devons cependant convenir qu'ils sont contrariés par deux arrêts du parlement de Paris.

Bouchel, tome 3, page 453, en rapporte un du 7 septembre 1599, qui accorde la Séparation de corps à la femme de M. Duval, conseiller à la cour, tombé en démence, et ordonne la restitution de sa dot.

Le Journal du Palais, tome 2, page 973, édition in folio, nous en retrace un autre dont il n'indique point la date, et qui juge la même chose en faveur d'un mari dont la femme était devenue furieuse..

Mais le même recueil en contient un du parlement de Rouen, du 14 mars 1673, par lequel la femme d'on mari furieux a été déboutée de sa demande en Séparation de corps, et n'a obtenu que la restitution de sa dot, avec le tiers des meubles.

· [[ Cet ́arrêt est plus régulier que les deux précédens, en ce qu'il rejette la demande en Séparation de corps. Mais à quel propos accorde-t-il à la femme qui avait formé cette demande, la restitution de sa dot et le tiers des meubles ? On ne peut voir, dans ces dispositions, que l'exercice d'un pouvoir arbitraire; et, bien certainement, le Code civil

(1) Jurisprudence de la cour de cassation. tome 6, partie 2, page 401; tome 19, partie 2, page 131, et tome 21, partie 2, page 344.

ne permettrait plus aujourd'hui de juger de même. ]]

XI. Le dérangement des affaires du mari n'est point une cause de Séparation de corps.

Cette vérité, qui n'avait jamais été contredite dans aucun tribunal français, l'a été de nos jours dans le consistoire de Strasbourg.

Marie-Barbe Parquay, femme de Jean-Jacques Hanser, bourgeois de cette ville, après vingt-sept années de mariage, obtint de l'Ammeistre Régent la permission de se retirer de la maison de son mari, pendant l'action en Separation de corps qu'elle pretendait intenter. Elle allégua, il est vrai, à ce magistrat, qu'elle avait été maltraitée par son mari; mais il n'en parut, dans la cause, aucune sorte de preuve.

Jean-Jacques Hanser fit assigner sa femme devant le consistoire, pour la faire condamner à le rejoindre, sous l'offre qu'il faisait de la traiter maritalement. Il parait que celle-ci se fonda beaucoup par ses defenses sur le déran gement des affaires de son mari, et l'impossibilité où il était de l'entretenir suivant son état. Le 11 mai 1751, le consistoire rendit une sentence par laquelle il ordonna que la femme serait et demeurerait séparée de corps d'avec son mari, jusqu'à ce qu'il eût fait clairement apparoir qu'il pouvait et voulait la nourrir convenablement. Hanser interjeta appel de cette sentence au conseil souverain d'Alsace.

La cause portée à l'audience du 18 décembre 1753, l'appelant dit que c'était pour tacher de faire revenir sa femme de sa démarche inconsidérée, qu'il avait temporisé et n'avait point suivi avec chaleur l'appel d'une sentence qui portait avec soi la preuve de sa singularité et de son injustice; mais que ce menagement ayant produit un effet tout opposé, il était forcé de conclure à la réformation d'un jugement contraire à tous les principes de la matière.

L'intimée soutint le bien jugé de la sentence; mais se défiant avec raison des moyens qu'elle employait à cet effet, elle articula et offrit de prouver des sévices et mauvais traitemens qui autorisent, suivant nos maximes, la Séparation de corps et d'habitation.

M. l'avocat général Müller s'expliqua en ces

termes :

« C'est en vain que l'intimée a établi sa demande en séparation de corps, devant le consistoire, sur le dérangement des affaires de son mari et sa mauvaise économie, parceque ces causes ni même la pauvreté ne peuvent fonder la Séparation corporelle et le divorce. Aussi ne se trouvent-elles exprimées, ni dans le droit divin ni dans le droit civil. Capzow,

dans sa jurisprudence ecclésiastique, qui est un des guides des juges consistoriaux, traite toutes les causes qui peuvent opérer la Separation de corps et d'habitation; il y en a qui répugnent à nos maximes, et qui, dès lors, sont réprouvées. Celles qui nous sont enseignées par notre droit et que nous suivons, sont les sévices, la machination de la mort, ou les mauvais traitemens desquels il a pu résulter quelque danger de vie et autres semblables; mais il faut que ces causes soient prouvées, afin que la Séparation ne soit accordée qu'en pleine connaissance de cause, sur des preuves certaines, et même après avoir épuisé les moyens de réconciliation.

» L'intimée, forcée en cause d'appel de rendre hommage à ces principes, pose en fait des sévices et mauvais traitemens, tels qu'ils ont même mis sa vie en danger. L'appelant en disconvient. C'est donc le cas d'en ordonner la preuve ».

En conséquence, M. l'avocat-général a conclu à ce qu'avant faire droit sur l'appel, il fût ordonné à l'intimée de prouver que, dans un temps relatif à la sentence du 11 mai 1751, l'appelant, son mari, avait exercé sur elle des voics de fait et des traitemens qui avaient mis sa vie en danger, sauf à celui-ci la preuve du contraire.

Ces conclusions ont été suivies, de point en point, par arrêt du 18 décembre › 753.

S. II. Des fins de non-rerevoir qui peuvent étre opposées à la demande en Séparation de corps.

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Si cependant il ne paraissait pas que la réconciliation eût été bien sincère, la femme serait encore écoutée. C'est ce qui a été jugé par un arrêt du 29 août 1724, que Lépine de Grainville nous a conservé dans son recueil.

« Le procès ( dit-il) était entre gens d'une condition distinguée. Il y avait preuve que le mari était coupable d'injures atroces, d'un mépris continuel, de refus des choses les plus nécessaires dans un temps où la femme était malade, de l'avoir forcée d'habiter seule dans un pavillon presque découvert, de l'avoir exclue de sa table.

» Il est vrai qu'elle avait paru se réconcilier avec lui postérieurement à de pareils mauvais

traitemens; mais il n'y avait point eu précédemment de plainte rendue, ni d'action intentee; et l'on a jugé que cette réunion apparente devait être plutôt considérée comme un effort de patience qui lui était devenue inutile par la continuation des mauvais traitemens qui avaient suivi cette espèce de réunion ».

[[Le Code civil contient, sur les fins de non-recevoir qui peuvent écarter l'action en divorce pour cause déterminée, des dispositions qui, d'après l'art. 306 du même Code, s'appliquent également à la demande en Séparation de corps. Voici ces dispositions :

« Art. 272. L'action en divorce sera éteinte par la réconciliation des epoux, survenue, soit depuis les faits qui auraient pu autoriser cette action, soit depuis la demande en divorce.

» 273. Dans l'un et l'autre cas, le demandeur sera déclaré non recevable dans son action; il pourra néanmoins en intenter une nouvelle pour cause survenue depuis la réconciliation, et alors faire usage des anciennes causes pour appuyer sa nouvelle demande.

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274. Si le demandeur en divorce nie qu'il y ait eu réconciliation, le défendeur en fera preuve, soit par écrit, soit par témoins, dans la forme prescrite en la première section du premier chapitre ».

V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Adultère, §. 8. ]]

II. De toutes les fins de non-recevoir qui peuvent être opposées par un mari à sa femme, il n'y en a pas, après la réconciliation, dont il puisse tirer un plus grand avantage, que le choix libre qu'elle a fait de la demande en Séparation de biens, de préférence à la demande en Séparation de corps. En effet, il est bien difficile de se persuader qu'une femme qui peut reprocher à son mari des torts graves et de nature à opérer sa Séparation de corps, se contente de demander une Separation de biens, qui ne la met pas à couvert des sévices, injures et mauvais traitemens de tout genre, dont elle se prétend la victime.

C'est cette fin de non-recevoir que le marquis du Pont-du-Château opposait à son épouse lorsqu'après avoir succombé dans sa demande en Séparation de biens par sentence du chatelet,du 21 août 1737,confirmée par arrêt du 27 janvier 1740, elle forma, le 27 avril 1742, une demande en Séparation de corps, dont elle fut déboutée par arrêt du 26 juin de la même

année.

C'est cette même fin de non-recevoir que le marquis de S..... a opposée à la marquise de S..... dans une cause plus récente dont voici l'espèce.

Il y avait plus de dix ans que le marquis et la marquise de S..... paraissaient vivre dans une union parfaite et cimentée par la naissance de plusieurs enfans, lorsqu'un voyage de six mois, projeté par le mari à sa terre de B...., fut l'occasion de la mésintelligence des deux époux. Soit par un goût décidé pour les plaisirs de la capitale, soit par tout autre motif, la marquise déclara formellement qu'elle ne voulait point quitter Paris. Le marquis, de son côté, décidé à ce voyage par des raisons d'économie, ne jugea pas à propos de changer de résolution; et sur le refus que fit la marquise de S..... de partir avec lui, il la fit sommer de le suivre. Alors, la marquise forma sa demande en Séparation de biens. Le marquis, peu satisfait de ce procédé, ne crut pas que la co-habition fût convenable à deux époux qui plaidaient ensemble; il proposa à la dame de S... de se retirer au couvent; elle y consentit et fit choix du monastère des religieuses du Précieux-Sang

Cependant, les familles assemblées pour dé. libérer sur les suites de la demande en Séparation de biens, et le marquis ayant justifié l'état de sa fortune, on reconnut que son patrimoine était plus que suffisant pour répondre de la dot qu'il avait reçue. Dès-lors, la demande en Séparation de biens ne pouvant réussir, on engagea la marquise à s'en désister; elle y consentit, et l'acte de désistement fut signé,

Quelques jours après, le marquis fit des offres réelles à sa femme d'une somme de 1,200 livres pour le paiement de sa pension et de ses autres dépenses au couvent, avec sommation de revenir dans son hôtel.

Ce fut alors que la marquise forma sa demande en Séparation de corps. Ses moyens étaient le mépris qu'il avait pour elle, une injurieuse préference pour une femme étrangère qu'il avait placée dans sa propre maison, des injures et des fureurs en réponse aux re'présentations qu'elle lui faisait sur sa conduite et sur l'objet de ses inclinations, des menaces aprés avoir été force de renvoyer cette étrangère; enfin, la marquise reprochait à son mari de l'avoir diffamée ; et ce qu'il y avait d'étonnant, elle plaçait tous ces faits dans l'espace de temps qui s'était écoulé depuis le mois de juin 1781, jusqu'en avril 1783, date de la demande en Séparation de biens. Elle prétendait que, depuis l'époque de cette demande, jusqu'à celle en Separation de corps, son mari avait montré dans le public la même indifférence pour elle, et le désir de la quitter; qu'il avait consenti avec joie qu'elle se retirat dans un couvent; enfin, qu'il n'avait pas cessé de la diffamer.

TOME XXX.

La défense du mari était simple, mais péremptoire: il opposait à la marquise la fin de non-recevoir résultant du choix volontaire qu'elle avait fait de la demande en Séparation de biens, dont elle avait été forcée de reconnaitre l'injustice par un acte de désistement en bonne forme, et à laquelle avait succédé immédiatement sa demande en Separation de corps. Par-là, il écartait sans retour tous les reproches sur lesquels elle fondait sa nouvelle prétention; d'ailleurs, pour se justifier de ces reproches, le marquis opposait à son épouse les témoignages d'attachement et de satisfaction qu'elle lui avait donnés dans plusieurs lettres qu'il rapportait. Il faisait voir que la demande en Séparation de biens n'avait eu d'autre cause que le désir de se soustraire au voyage qu'il avait projete pour sa terre de B.., et où il voulait que son épouse le suivit ; que la demande en Séparation n'était que le résultat de mauvais conseils qui lui avaient aigri l'esprit,singulièrement depuis qu'elle avait été forcée de se désister de sa première demande; enfin, que la marquise n'étant pas ret venue dans la maison de son mari depuis l'acte de desistement, et ayant formé sur-lechamp sa demande en Séparation de corps, elle n'avait plus d'espérance de réussir.

D'après ces moyens respectifs, une sentence du châtelet, du mois de décembre 1783, a déclaré la marquise non-recevable dans sa demande. Et, sur son appel, il est intervenu, le 2 mars 1784, un arrêt qui a confirmé la sentence avec amende et dépens, conformément aux conclusions de M.l'avocat général Seguier.

III. Peut-on repousser une demande en Séparation de corps, sur le seul fondement que déjà la partie qui la forme, a eté déboutée d'une demande semblable, mais motivée sur d'autres faits ou d'autres circonstances?

On a vu aux mots Séparation de biens, sect. 2, S. 1, no 11, que l'exception de la chose jugée n'est, en pareil cas, d'aucune ressource contre une demande en Séparation de biens; et il y a évidemment identité de raison, lorsqu'il s'agit de Séparation de corps.

C'est, en effet, ce qui a été jugé au conseil supérieur du Cap-Français dans l'espèce sui

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Le 4 avril 1778, nouvelle sentence du juge du Cap, qui, sur des poursuites réitérées de la demoiselle T...., prononce de rechef la Séparation.

Appel par le mari. Cette fois, ses efforts furent inutiles. Le conseil supérieur a mis purement et simplement l'appellation au néant, par arrêt du 2 juillet de la même année, rendu conformément aux conclusions du minis. tére public.

La cause de la marquise de..... fournit une nouvelle preuve de cette vérité incontestable. Déjà cette femme avait formé une première demande en Séparation, dans laquelle elle avait succombé.

Depuis l'arrêt qui avait proscrit sa demande, elle a prétendu que son mari l'avait diffamée publiquement dans une requête, et elle a profité de ce nouveau moyen pour former une nouvelle demande en Séparation de corps.

Elle a demandé à faire preuve de nouveaux faits, savoir: « que son mari parlait d'elle » comme d'une femme perdue, qui avait une >> chambre en ville; qu'il disait s'embarrasser » fort peu que sa femme ne voulût pas revenir » avec lui: qu'il s'en débarrasserait avec 1,500 » livres ou 2,000 livres ; que ce serait le plus » beau jour de sa vie ; qu'il avait dit qu'il la fe>> rait enfermer dans une maison de force, afiu » qu'elle ne pût pas se prostituer.... ; qu'il di» sait que sa femme allait raccrocher aux Tui»leries; qu'il s'était vanté de ne vouloir la » r'avoir que pour la réduire, la punir, et la » faire rentrer dans son devoir; qu'il espé»rait bien la faire enfermer entre quatre mu» railles ; qu'il avait dans une requête signi>> fiée, donné pour motif de son opposition à >ce que sa femme restât dans l'hôtel de son »père, pour y prendre les bains ordonnés › par le médecin, l'absence de son père de » l'hôtel pendant trois jours de la semaine » pendant lesquels elle serait seule, livrée à » elle-même, sans autre compagnie que celle » d'un de ses frères, jenne homme de vingt» cinq ans ; qu'il était au vu et sçu de tout » Paris, que la marquise de.... était tous les » jours aux spectacles, aux promenades, et » dans les rues de Paris, qu'elle parcourait » seule, à pied, et à des heures indues ».

La cause a été plaidée par M. Gerbier, pour la marquise; et par M. Hardouin pour le mari. Par arrêt du 6 septembre 1785, conforme aux conclusions de M. l'avocat-général Joly de Fleury, le parlement de Paris a aduis la marquise à la preuve des faits qu'elle articulait, sauf la preuve contraire.

S. III. De la forme des Séparations de

corps.

I. C'est un principe général que le consentement du mari ne suffit pas pour autoriser une femme à se séparer de lui. Comme on le disait dans la cause rappelée ci-dessus, §. :, no 9, « la dignité du mariage, le sort des en>> fans, le scandale que produit le divorce, sont » des objets qui intéressent trop esssentielle» ment l'ordre public, pour qu'il soit permis » de les abandonner aux caprices et à la fai» blesse de l'un ou de l'autre des deux époux. » Aussi les arrangemens qu'il leur plaît de » faire entre eux, ne forment-ils pas des fins » de non-recevoir que la justice puisse admet» tre; en un mot, on ne transige point con»tre le droit public et contre les mœurs ». Voilà la regle générale ; nos livres sont remplis d'arrêts qui l'ont confirmée.

Sauvageau sur Dufail, liv. 1, chap. 220, en rapporte deux du parlement de Bretagne, des 21 mai 1632 et 9 septembre 1640, Dufail, liv. 1, chap. 144, nous en fournit un autre de la même cour, du 1er octobre 1659.

Le parlement d'Aix en a rendu de semblables les 11 juin 1596, 5 juin 1642, 16 octobre 1649 et 19 février 1685; et tous, à l'exception du deuxième, vont jusqu'à défendre aux notaires de recevoir aucun acte de Séparation volontaire entre mari et femme ils sont rapportés par Boniface, tome 1, liv. 5, tit. 8, chap. 1; et tome 4, liv. 5, tit. 14, chap. 2.

Augeard, tome 1. §. 69, rapporte deux arrêts du parlement de Metz, des 12 juillet et 14 décembre 1691, par lesquels il a été jugé qu'un mari pouvait contraindre sa femme à retourner chez lui, nonobstant un acte de Séparation volontaire qu'ils avaient passé devant le juge.

Le parlement de Toulouse a décidé la même chose par un arrêt du 8 juillet 1727, rapporté dans les Institutions du droit français de Serre, liv. 1, tit. 9. §. 1.

Nous avons rendu compte, au mot Nullité, §. 3, no 1, d'un arrêt semblable du parlement de Paris, rendu sur les conclusions de M. d'Aguessau, le 4 mai 1695.

Il en avait été rendu précédemment un autre qui avait préjugé la même chose. Un mari attaqué du mal caduc, avait consenti, par deux transactions que sa femme demeurât séparée d'avec lui. Quelque temps après, il la redemanda; et son action donna lieu d'agiter la question de savoir si le mal caduc était une cause suffisante pour séparer deux époux. Par arrêt du 22 mai 1663, rapporté dans le recueil de Soëfve, tome 2, cent. 2, chap. 82,

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