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léguée, en mettant le légataire hors d'état d'accomplir la condition dont le legs est le prix. C'est ainsi que, dans notre espèce, le testateur pouvait le faire, en renvoyant luimême la femme Cornu.

» Tant que le testateur jouit de sa raison, tant qu'il a la faculté de vouloir, le légataire ne tient rien. Réduit aux termes d'une simple promesse, il a tout au plus une espèce de jus ad rem. Il faut, pour que son droit soit irrévocablement consommé, que la volonté de celui qui donne, persiste et s'éteigne sur le legs

même.

» Mais il est des hommes qui meurent, pour ainsi dire, en deux temps différens, et chez lesquels le corps survit à l'esprit ; que prononcer dans cette triste circonstance ? Le sens de la loi, d'accord avec la raison, ne permet pas de douter; car si nous sommes forcés de convenir qu'un testament est le produit de l'esprit, et non l'ouvrage du corps, il est simple que c'est sur la durée de l'esprit et non sur celle du corps que la loi a prétendu régler la faculté de changer; autrement, le législateur, toujours exact dans ses expressions, au lieu de dire, ad extremum usque spiritum, aurait dit, ad extremam usque sensationem. Mais alors cette exactitude même serait devenue une absurdité choquante, puisque, quand une fois l'esprit s'est éclipse, le moral est fini, il ne reste plus ni testateur ni homme; et qu'il est ridicule de supposer, dans une volonté qui n'est plus, la possibilité de changer; d'où il suit que, si l'esprit et la volonté, qui seuls ont dirige le testament, et qui seuls peuvent l'anéantir, viennent s'éteindre à jamais, le testament demeure à jamais irrévocable, quel que soit désormais le sort du corps qui n'en était que l'instrument matériel.

» Appliquons ces raisonnemens à l'espèce. » En 1775, époque du testament, le sieur de Loiré sentait vivement les infirmités de la vieillesse. Plus il approcha de l'écueil inévita ble, et plus sa situation devint accablante.

» En 1777, brisé sous le poids de quatrevingt-sept ans, concentrant en soi les fàcheuses extrémités de la vie avec les commencemens déplorables de la mort, réduit à une existence automate et purement végétative, ne tenant plus enfin à la vie que de très-loin, et, pour ainsi dire, par la seule force de l'habitude, il parut abdiquer sa qualité d'homme, en perdant l'instrument de la parole et les organes de la pensée. Sa langue s'engourdit, ses idées s'altérérent, et son esprit épuisé ne jeta plus que les lueurs pâles d'un flambeau qui s'éteint. Arrivé alors à l'autre extrémité de la vie, il retomba dans la nullité de sa première enfan

ce, et il fallut l'interdire et lui nommer un

curateur.

» De ce moment, l'être pensant, voulant et agissant n'existe plus; il n'a plus en soi ni volonté ni choix, ni guide; l'époque de son interdiction est, en quelque sorte, la dernière page de sa vie intellectuelle: en un mot, l'effigie reste, mais on ne voit plus le testateur.

» C'est donc à cette époque importante, que le testament est devenu irrévocable. Or, à l'époque de son interdiction, le testateur n'avait point d'autre gouvernante que celle qu'il conservait depuis seize ans; elle l'a même encore servi pendant un mois après l'interdiction; c'est entre ses mains qu'il a rendu le dernier soupir de sa volonté; l'interdit dépourvu d'intention et de volonté, n'a donc pu transférer à d'autres la récompense que le testateur avait donnée à son ancienne gouvernante. Si elle a été chassée par le curateur, c'est un fait étranger au testateur, et qui ne peut avoir aucune influence sur sa propre volonté restée permanente et immuable.

» Qu'a entendu le testateur, quand il a écrit: La personne qui sera à mon service?

» Outre qu'il entendait parler de son ancienne gouvernante seule, il est sensible qu'il ne parlait que de son propre choix, et non de celui d'autrui; que de la personne qu'il prendrait, et non celle qu'on le forcerait d'accep ter; que d'une personne qui lui serait agréable, et non d'une personne inconnue, négligente; que d'une domestique éprouvée et affidée à sa maison, et jamais des adversaires, qui n'ont été que des gardiens à la journée, et non pas des domestiques à gages; vu que, d'un moment à l'autre, on s'attendait à voir expirer le sieur de Loiré, qui est en effet décédé six semaines après l'expulsion de la Cornu.

» Le sieur de Loiré dans ses instans lucides, a réclamé contre le choix du curateur et redemandé son ancienne gouvernante; et c'était alors qu'il expliquait clairement et énergique. ment le vrai sens de son testament. C'est donc à cette domestique dévouée, attachée seize ans au lit de ce vieillard, et âgée de soixanteonze ans, qu'appartient, aux yeux de la raison, de la reconnaissance, de la justice, et d'après la volonté du testateur expliquée par les faits, par son choix même, et par sa conduite, le legs de 1,600 livres. Et cette rigueur de la lettre, la seule ressource des adversaires, si on voulait la suivre, se retourne contre eux-mêmes; car au lieu de dire; je donne à la personne qui se trouvera à mon service, il aurait fallu dire, je donne aux personnes qui se trouveront à mon service. Le suisse et sa femme ne pouvaient recueillir et partager le legs »,

On ne pouvait pas mettre plus d'esprit, plus de sentiment, plus de raisons plausibles, dans cette défense; mais le parlement de Paris s'en est tenu à la lettre du testament; et, par arrêt du 26 mars 1779, la sentence du châtelet a été confirmée.

On a parlé à l'article Legs, sect. 3, §. 1,no14, des circonstances où la cause d'une disposition doit être regardée comme finale, plutôt que comme simplement impulsive.

V. les articles Indignité, Legs, sect. 7; Révocation de codicille, Révocation de donation, S. 2; Révocation de substitution, Révocation de testament, etc.

RÉVOCATION DE PROCUREUR. Il y a, comme tout le monde sait, deux sortes de procureurs : les uns qu'on appelle procureurs ad negotia, mandataires, fondes de pouvoirs, etc.; les autres qu'on nomme procureurs ad lites, procureurs postulans, ou simplement procureurs, [[ aujourd'hui avoués. ]]

Les uns et les autres sont également sujets à Revocation de la part de ceux qui les ont

constitués.

S. I. De la Révocation des procureurs

AD NEGOTIA.

I. Cette Révocation peut se faire, ou expressément, ou tacitement et de fait.

La Révocation tacite ou de fait peut avoir lieu de plusieurs manières.

1o Elle s'opere par le décès du constituant, mais alors elle n'a d'effet que du jour où le mandataire et ceux avec qui il a traité, ont eu connaissance de ce décès. Tout ce qu'il a fait jusqu'à ce moment, en vertu de sa procuration, doit être exécuté par les héritiers du constituant (S. 10, Inst. mandati, loi 26, D. mandati, loi 4, D. de manumissis vindicta). [[ V. l'article Mandat, S. 5. ]]

Il y a même quelques cas où le pouvoir du mandataire ne finit, après la mort du constituant, que par une Révocation expresse de la part des héritiers.

Le premier est lorsqu'il s'agit d'un commerce auquel le défunt avait preposé un facteur ou commis. Tant que les héritiers n'ont pas révoqué expressément ce facteur ou commis, il peut continuer d'acheter et vendre sous leur nom; et tout ce qu'il fait, est censé fait par eux-mêmes. (Loi17, S. 2, D. de institoria actione).

Le second cas est lorsqu'il s'agit d'une chose que le commettant à donné pouvoir de faire après sa mort. On sent, en effet, que la procuration serait absolument illusoire, si le décès de celui qui la donne en opérait la Révocation. (Loi 12, §. dernier, loi 13, D. mandati).

Le troisième cas est lorsque la procuration a été donnée par un officier en sa qualité. (Loi 49, §. 1, D. de judiciis).

Il y a une quatrième exception pour les cas où la procuration est regardée comme irrévocable; nous en parlerons ci-après, no 4.

2o La mort du mandataire met fin à son pouvoir; et ses héritiers ne peuvent pas en faire usage, pas même pour achever les choses qui sont restées imparfaites. (Loi 27, §. 3, D. mandati).

Si cependant ils avaient géré de bonne foi quelques affaires du constituant, qu'ils auraient regardées comme propres au défunt et faisant partie de sa succession, non-seulement ils seraient fondés à se faire rendre par le constituant toutes les dépenses que cette gestion leur aurait occasionnées ; mais le constituant luimême serait obligé d'entretenir tout ce qu'ils lui une lesion notable, et qu'il ne se fit restiauraient fait, à moins qu'il n'en résultât pour tuer en entier du chef d'erreur. (Loi 57, D. mandati, loi 37, D. de obligationibus et actionibus).

On peut voir dans le commentaire de Voët sur le Digeste, liv. 17, tit. 1, no 15, la raison pour laquelle le constituant peut plutôt sø faire restituer en entier dans ce cas, que ses héritiers ne le peuvent dans le cas où le dé. faut de notification de son décès au mandataire, a empêché celui-ci de s'abstenir de sa gestion. [[ Au surplus, V. l'article mandat, §. 5. ]]

Il faut remarquer que la mort du mandataire n'éteint point la procuration, lorsqu'elle est, suivant l'expression des lois, in rem suam, c'est-à-dire, lorsqu'elle ne tend qu'à autoriser le mandataire à exercer une action dont elle contient cession et transport à son profit. (Lei 33, C. de donationibus).

3. Si le mandataire change d'état, et éprouve ce que les jurisconsultes romains appellent diminutio capitis, c'est-à-dire, si de laïque il devient religieux profes,si de libre il est réduit à la condition d'esclave,s'il perd le droit de cité par une condamnation au bannissement ou aux galères à perpétuité, la procuration qu'on lui avait confiée avant ce changement, s'éteint et s'anéantit de plein droit. (Loi 38, D. de solutionibus ; §. 10, Inst. mandati; Henri Kinskot, respons. 26). [[ V. l'article Mandat, §. 5. ]]

4° La faillite du constituant et celle du mandataire produisent le même effet. Cela résulte de la loi 21, D. de procuratoribus; et c'est ce qu'enseigne Matthæus, de auctionibus, livre 1, chap. 20, no 16. [[ V. l'article Mandat, S. 5, no 5. ]]

5o La constitution que l'on fait d'un nou

veau mandataire, pour le même objet qui avait motivé celle de l'ancien, emporte également la Révocation des pouvoirs de celui-ci. (Loi 31, D. de procuratoribus ; chap. 14, extra, de procuratoribus).

Mais un mandat spécial, donné à une personne, laisse subsister le mandat général qui avait été donné précédemment à une autre. (Voët, ad pandectas, lib. 3, tit. 3, no 24 ).

En général, on ne doit pas présumer facilement la Revocation du mandat: elle suppose un changement de volonté; et la loi 22, D. de probationibus, met en principe que le changement de volonté ne se présume point.

II. La Révocation du mandat peut-elle annuler le contrat fait par le fondé de pouvoir, avant qu'elle fût parvenue à la connaissance de la personne avec qui il a contracté ?

Pothier (Traité des obligations, no 80) décide que non, et c'est effectivement ce qui résulte d'un texte bien précis : la loi 12, §. 2, D. de solutionibus, porte que le paiement fait à un procureur révoqué, libère le débiteur qui ignorait la Révocation. Il faut ajouter à cette loi celles qui,comme on l'a vu plus haut, déclarent valables et obligatoires, contre les héritiers du mandant, les actes que le mandataire a faits après la mort de celui-ci,mais avant qu'elle fût connue dans le lieu où les actes ont été passes. Il y a cependant quelques cas où cette décision n'est pas suivie.

Le premier est celui du mariage. Si je donne pouyoir à Titius d'épouser en mon nom Sempronia, et qu'avant la cérémonie nuptiale, je révoque le mandat par un acte authentique, le mariage qui se contractera ensuite, sera nul, quand même Titius et Sempronia auraient ignoré et n'auraient pu savoir cette Revocation. C'est la décision expresse du chap. 9, de procuratoribus, in 6o ; « en cela (dit Po» thier, Traité du contrat de mariage, no 367), » le mariage est différent des autres contrats.... » La raison de la différence est que le consen»tement des parties est tellement de l'essence » du mariage au temps auquel il se contracte, » que, lorsqu'il a cessé par la Revocation de la » procuration, quoiqu'ignorée, il ne peut être » supposé pour quelque cause que ce soit (1) ».

Le second cas est lorsqu'il s'agit de pures graces dont on a confié l'exercice à un procureur. La loi 4, D. de manumissis vindictá, porte que, si un père charge son fils d'affranchir un de ses esclaves, et qu'avant l'exécution de ce mandat, il lui dépêche un messager pour lui dire qu'il a changé de volonté, l'affranchissement qui sera fait par le fils après le départ

(1)[[. Particle Mariage, sect. 4, §. 1, art. 1, no 3, quest. 4.

et avant l'arrivée du messager, sera nul et ne produira aucun effet.

Le chap. 13, de præbendis,in 6o, décide pareillement que la Révocation du pouvoir accordé par le pape à un légat, de conférer toutes sortes de bénéfices sur résignation, fait absolument cesser ce pouvoir, même avant qu'elle soit notifiée. La raison qu'en donne le souverain pontife, est qu'en cela, il est question de simples graces, et qu'on ne lèse personne en empêchant qu'elles n'aient leur effet, nonobstant le changement de volonté de celui de qui elles dépendent de lucro dicti G tantùm agitur, et non de præjudicio.

III. Lorsqu'une procuration a été révoquée valablement, est-il au pouvoir du constituant de la faire revivre par un simple consentement; et peut-il, par-là, réparer la nullité des actes faits nonobstant la Révocation?

L'affirmative ne souffre pas de doute en matiere profane, « pourvu (dit Raviot sur Per»rier, quest. 117) qu'il ne s'agisse pas du droit » d'un tiers, et qu'on ne puisse y soupçonner >> aucune fraude, parcequ'en ce cas, le nouveau » consentement donné après la Révocation, ne » donnerait point d'effet retroactif à des hypo>>thèques contractées en vertu de la procura» tion révoquée; ce consentement n'opérerait » que l'obligation personnelle de celui qui au» rait révoqué la procuration, et qui, dans la » suite, se serait départi de sa Revocation ». Mais que doit-on décider, en matière bénéficiale,par rapport aux procurations ad resig nandum?

Perrier, à l'endroit qu'on vient de citer, rapporte un arrêt du parlement de Dijon, du 12 novembre 1672, par lequel il a été formellement jugé «< que le département de la Révo>>cation ne pouvait donner force et vigueur à >> des provisions de cour de Rome, intervenues » sur un consentement révoqué ». Il ajoute que « « cela avait été ainsi jugé au grand conseil » pour le prieur de la Charité »; et il renvoie au commentaire de Rebuffe sur la régle de infirmis, gl, 10, no 5, où en effet ce jurisconsulte

établit la même chose.

Raviot justifie parfaitement cette doctrine : « La collation sur une résignation en faveur (dit il), est une affaire qui demande le concours de deux personnes, savoir, du résignant qui la fait par une procuration, et du collateur qui est le pape, et qui confère sur la résignation.

» Ainsi, la collation sur une procuration révoquée étant radicalement nulle, parceque le fondement de l'édifice est non-seulement ébranlé, mais détruit, il ne reste plus que le simple acte du collateur, qui ne peut donner

un bénéfice non vacant et non résigné : or, il ne dépend pas du résignant de faire valoir ex post facto, une collation nulle dans son principe et dans sa forme ».

Ajoutons qu'une jurisprudence contraire ouvrirait la porte à des fraudes journalières : car (dit encore Raviot), donner une procu>ration pour résigner, la révoquer et pouvoir >> rectifier la collation par un département de » la Révocation, c'est se mettre en état de don » ner et retenir un bénéfice; ce qui est très« contraire aux canons et à la pureté de la » discipline »

IV. Nous avons fait entendre qu'il est des cas où la procuration n'est pas révocable: il faut les spécifier ici.

10 « Quand la procuration (dit Henrys, liv. » 2, quest. 67 ) est faite en vertu d'un contrat » et d'une convention précédente, elle n'est » point révocable; la Revocation serait inu»tile; et même si cette procuration avait » quelque mandement, le constituant serait >> contraint d'en passer une autre, parceque » c'est une suite et exécution nécessaire de la

>> convention ».

Cette doctrine, dont nous avons donné une preuve et en même temps un exemple à l'article Devoirs de loi, §. 2, no 7,[[admettait, sous l'ancien régime ]], une exception par rapport aux traités concernant les offices. V. l'article Office, no 10.

2o La procuration qui est donnée à quelqu'un in rem suam, est également irrévocable. Les lois 25 et 55, D. de procuratoribus, le décident ainsi ; et leur disposition est une conséquence du principe, qu'on ne peut pas révoquer un mandat donné pour l'exécution d'un contrat; car un procureur in rem suam n'est rien autre chose que le cessionnaire d'une dette, à qui le créancier a donné pouvoir de poursuivre le débiteur en son nom; et on l'appelle ainsi, parcequ'il exerce le mandat pour son propre compte, quoiqu'au nom du constituant.

3. Je donne pouvoir à Titius de stipuler de mon debiteur, que celui-ci fera entre ses mains le paiement de ce qu'il me doit ; cette stipulation s'effectue : puis-je révoquer la procura. tion qu'a Titius de recevoir en mon nom? La loi dernière, D. de solutionibus, décide que je ne le puis pas ; et la raison en est simple: le débiteur, en stipulant avec Titius, en consequence du pouvoir que j'avais donné à celui-ci, a acquis le droit de payer à Titius même ; je ne puis donc pas lui ôter ce droit, ni par conséquent le forcer de payer entre mes mains exclusivement.

Si cependant j'alléguais de justes raisons

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I. Les jurisconsultes romains n'autorisaient le client à révoquer son procureur, qu'avant la contestation en cause : une fois la cause contestée, le procureur en était considéré comme le maître absolu, dominus litis ; et il n'était plus permis de le révoquer, à moins qu'on ne s'y fit autoriser par le juge : encore n'en obtenait-on la permission que pour des raisons graves. (Lois 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, D. de procuratoribus, loi 22, C. eod. tit.).

Dans nos mœurs, le procureur, [[ aujour• d'hui l'avoué,]] n'est qu'un simple agent : ministre de la cause de son client, jamais il n'en est le maître : ce n'est point lui qui paraît dans les qualités, ce n'est ni pour ni contre lui que le jugement est rendu; aussi est-il sujet à Révocation en tout état de cause.

Il n'est cependant point permis d'insérer des termes injurieux dans l'acte par lequel on révoque un procureur; et si on le fait, non. seulement le procureur peut demander réparation de l'injure, mais encore faire déclarer la Révocation nulle, sauf à la partie à la réitérer en termes convenables : c'est ce qui a été jugé au grand conseil, comme l'atteste Brillon, au mot Procuration, no 11, par deux arrêts des 1er août 1749 et 23 juin 1710, en faveur du procureur Cochin.

II. L'art. 182 de l'ordonnance d'Abbeville déclare que la Révocation d'un procureur ne doit pas avoir d'effet, si en même temps il n'en est constitué un autre : Boniface, tome 1, liv. t, de Provence, du 15 décembre 1664, qui est tit. 19, no 8, rapporte un arrêt du parlement conforme à cette disposition.

[[ « Le défendeur ni le demandeur ( porte » l'art. 75 du Code de procédure civile) ne » pourront révoquer leur avoué sans en cons>> tituer un autre. Les procédures faites et les >> jugemens obtenus contre l'avoué révoqué et » non remplacé, seront valables ». ]]

La Révocation d'un procureur est également sans effet à l'égard de la partie adverse, tant qu'elle ne lui est pas signifiée. Cypers, Traité des procédures réelles, quest. 66, dit qu'il en a été ainsi jugé au grand conseil de Malines en 1674 et 1678.

Il est pareillement certain que la Révocation d'un procureur ne doit apporter aucun retar

dement, soit à l'instruction, soit au jugement de la cause. Brillon, au mot Procureur, no 52, en rapporte un exemple:

« Le 13 août 1708, une cause fut appelée à l'audience du grand conseil avec Mathieu, pro cureur: il dit qu'il était révoqué, et déclara que Brissard était procureur. La cause fut appelée avec Brissart: il dit qu'il n'était constitué que de la veille bien tard; qu'il n'avait pas de pièces ni de mémoires; qu'il en attendait, et demanda la remise à huitaine.

» On n'eut aucun égard à sa remontrance : la cause fut plaidée avec les autres parties, et l'on donna défaut contre la sienne ».

III. Rousseaud de Lacombe, au mot Procureur, part. 2, no 6, rapporte un arrêt du parlement de Paris, du 17 juillet 1734, par lequel il a été décidé, « sur un appointement avisé » de M. Gilbert, avocat général, que, quand » un procureur est révoqué après l'arrêt rendu, » et avant qu'il ait été levé, le droit de copie et » le droit de déclaration des dépens adjugés >> par ledit arrêt, sont acquis au procureur ré» voqué ».

pro

IV. Le décès du constituant a, pour les curations ad lites, le même effet que pour les procurations ad negotia; on a vu plus haut qu'il emporte de plein droit Revocation de celles-ci; il éteint également celles-là, suivant l'ordonnance de 1667, tit. 26, art. 2 et 4.

Brillon, à l'endroit cité, parle, d'après Papon, Dumoulin et Joannes Galli, d'un ancien arrêt du parlement de Paris, qui juge « qu'un » procureur ad lites, substitué par un fonde » de procuration générale, n'est point révoqué » par la mort du substituant, mais bien plutot » par la mort du premier constituant ».

V. La Révocation n'affranchit point le procureur qui en est l'objet, de la discrétion qu'il doit à son ancien client, pour tout ce que celui-ci lui a confié pendant qu'il occupait dans

sa cause.

De là un arrêt du parlement de Toulouse qui est rapporté en ces termes,dans le recueil d'Albert, chap. 83:

« Delmas, procureur, ayant été procureur de M. de Madern, prêtre, fut ouï catégoriquement à la requête de la partie de Madern : par sa réponse, il découvrit le secret de sa partie qui l'avait révoqué; et parceque ce qu'il avait dit, allait contre l'honneur de Madern, sa partie, cela l'obligea de donner requête à la cour en réparation d'honneur contre Delmas, à ce que les paroles injurieuses contre lui,couchées dans la réponse catégorique, fussent rayées et biffées, et à ce qu'il fût condamné aux peines de droit et aux dépens.

>> Sur quoi, la cour rendit arrêt, à l'audience de la seconde chambre des enquêtes, le 13 mars 1688, par lequel il fut ordonné que les paroles injurieuses, couchées dans la réponse catégorique de Delmas, seraient rayees et biffées par le greffier de la cour, avec inhibitions et defenses aux procureurs, après avoir été révoqués, de rien dire qui pût faire soupçonner les secrets que leurs parties leur avaient confiés; et condamna Delmas aux dépens ».

Au surplus, V. les articles Commissionnaire, Mandat et Procureur.

RÉVOCATION DE SUBSTITUTION. On peut substituer par deux sortes d'actes, les uns à cause de mort, les autres entre-vifs; de là, la division de cet article en deux parties.

S. I. De la Révocation des substitutions faites par actes de dernière volonté. Les substitutions se divisent, comme l'on sait, en deux classes générales. Dans l'une, sont les substitutions directes; dans l'autre, les substitutions fideicommissaires.

Les substitutions directes ne different en rien des institutions, et elles se révoquent de même. Ainsi, voyez ce qu'on a dit de celles-ci, à l'article Révocation de testament.

Les substitutions fideicommissaires sont as

similées par les lois aux simples legs; on en a vu la preuve sous ce mot, sect. 1. Ainsi tout ce qu'on a dit à l'article Révocation de legs, reçoit ici une application entière.

Ajoutons ici une espèce assez singulière, qui s'est présentée en 1718 au parlement de Grenoble, et que la Gazette des tribunaux, tome 2, page 151, nous retrace en ces termes :

«La demoiselle Lucréce Girin, veuve du sieur Michel Collavon, institua pour son héritière la demoiselle Jeanne Girin, sa sœur, veuve du sieur Ennemond Biais.

» Le 13 avril 1712, Jeanne Girin étant tom. bée malade, fit son testament devant notaire, et en présence d'un curé. Elle institua pour son héritière la demoiselle Marie Girin, sa niece, fille du sieur Claude Girin, huissier au parlement ; et elle déclara, pour la décharge de sa conscience, qu'il lui avait été ordonné auriculairement par la demoiselle Lucrèce Girin, de remettre son hérédité à la personne même qu'elle instituait.

» Six mois après, elle fit un codicille devant notaire, par lequel elle changea en partie les dispositions contenues en son testa. ment, et en ordonna l'exécution pour le surplus.

» Le 2 avril 1715, Jeanne Girin fit assigner Marie Girin devant le juge de Grenoble, pour voir prononcer la Révocation de sa declara

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