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fermes chacun jouira de la moitié, à charge qu'incontinent le trépas de femme advenu, la totalité dudit alloet appartiendra à l'homme où à ses hoirs, nonobstant devise de mariage ou autres dispositions au contraire; et les mainfermes, après le trépas de l'un ou de J'autre desdits divorces, appartiendront à leurs hoirs par moitié, s'il n'y a condition au contraire auparavant ledit divorce.

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4. Si lesdits divorcés ne s'accordaient şur maniance, perception, censissement,oulouage desdits acquêts, ils seront dûment passés à recours, à cense ou louage, à terme ordinaire, léalement et sans fraude.

» 6. Aussi seront tenus de payer et satisfaire, chacun par moitié, toutes dettes par cux constituées avant la poursuite dudit divorce, et si l'un était poursuivi pour le tout par les créditeurs, il aura son recours sur l'autre de ce qu'il aurait payé outre sa moitié ; mais les dettes contractées depuis le procès encommencé sur ledit divorce, seront à la charge de celui qui les aura faites.

» 11. La femme divorcée pourra, demi-an ensuivant le divorce déclaré, ou partage de meubles fait, renoncer en notredite cour aux meubles et dettes de son mari, encore qu'elle n'ait douaire, pourvu que quinze jours ensuivant le partage des meubles, inventaire soit fait des biens qu'elle aurait eus pour sa part, comme il est dit pour une femme veuve, après le trepas de son mari; et rapportant par elle lesdits meubles selon l'inventaire, elle aura à son profit les héritages et rentes venant de son côté, et la moitié des acquets, s'il y en a sans néanmoins deroger à la modération faite ci-dessus en l'article quatrième des renonciations des veuves, ne soit que par notredite cour y soit autrement pourvu pour l'entretenement de son mari ».

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[[ V. l'article Renonciation à la commu̟nauté, no 4. ]]

IV, Nous avons établi sous les mots Sépa ration de biens, sect. 5, §. 5, qu'on doit toujours faire remonter à l'époque de la demande de la femme, l'effet de la sentence qui la sépare de biens d'avec son mari. Cette vérite est encore plus sensible dans le cas où la Séparation de corps est jointe à celle de biens. Pourquoi,en effet, accorde-t-on à une femme la Séparation de corps? C'est parcequ'elle n'est plus en sûreté avec son mari ; c'est parceque celui-ci, par ses violences, ses excés et ses mauvais traitemens, a abusé des droits que le mariage lui avait donnés sur elle. Ce n'est pas la sentence qui enlève ces droits au mari; elle déclare seulement qu'il les avait

perdus, et que la femme n'était plus obligée de partager son habitation, lorsqu'elle a imploré la justice et l'autorité du juge.

Mais si dès-lors, il avait perdu tout droit à la société conjugale, qui est la source et le fondement de la société des biens, comment aurait-il pu conserver celle ci jusqu'à la sentence? Cùm principalis causa non subsistit, nec ea quæ sequuntur locum habent. ( Loi 129, §. 1, D. de regulis juris ).

Vandenhane,sur la coutume d'Ypres, rubṛ. 11, art. 6, fait très-bien sentir que cela ne cadrerait, ni avec les principes, ni avec la simplicité de nos mœurs.

Il observe d'abord que, par l'opinion commune des interprêtes, celui des époux qui donne lieu à la Separation de corps par sa faute, doit être privé de tous les gains nuptiaux. Puis, il ajoute la raison en est sim. ple: pour qu'on puisse profiter des avantages dépendans de l'union conjugale, ut enim obve nientia ex matrimonio sive lucra, sive commodaretineantur, il faut, non seulement, que le lien du mariage subsiste, mais encore que son usage et sa possession se maintiennent, necessarium est ut duret non tantùm, matrimonium, sed etiam ejus usus et possessio; or, cet usage, cette possession, ne peuvent consister que dans une parfaite et intime communication, sine communicatione thori et cohabitationis non intelligitur; et il semble que, dans toutes les lois qui établissent, dans toutes les conventions qui promettent des avantages ou gains nuptiaux, on doit toujours sous-entendre cette exception, pourvu qu'il n'arrive point de divorce par la faute de celui qui doit recueillir ces gains ou profiter de ces avantages: quasi omnibus commodis et lucris nuptialibus tacitè insit hæc conditionalis exceptio, nisi divortium fiat culpa ejus qui vult lucrari aut commodum accipere.

Or, ce que cet auteur appelle l'usage et la possession du mariage, et ce qui forme, à son avis, le motif et le fondement de la communauté conjugale, ainsi que la condition résolutive de cette communauté, cesse d'avoir lieu du jour qu'une femme se plaint d'excès suffisans pour obtenir la Separation de corps. La permission d'ester en jugement, celle de quitter la maison maritale, permission qu'on lui accorde, tant pour sa propre sûreté que pour la mettre à portée de suivre l'instruction de sa cause, sont déjà une Séparation provisoire; et lorsque, par la suite, on décide qu'elle a été fondée à la demander, c'est une provision qui se convertit en un jugement définitif.

Si d'ailleurs, le mari cherche à faire pren dre aux droits de la femme une époque plutot qu'une autre, c'est évidemment parcequ'il y trouve plus de profit. Mais il ne mérite pas de faveur; et si, dans nos coutumes, nous n'avons pas poussé la rigueur jusqu'à lui faire perdre tous ses droits nuptiaux, au moins l'équité et la raison veulent qu'on ne rende pas la femme de pire condition qu'elle n'eût été, elle n'avait pas dú faire des preuves fâcheuses, et essuyer des tracasseries et des chicanes de la part de son mari.

si

Peut-être que, si,durant la procédure,il était survenu au mari quelque succession ou bonne fortune qui dût enrichir la communauté,on serait tenté d'admettre la femme à partager sur le pied où étaient les choses au temps de la sentence. On pourrait alors être touché de eette considération que la femme ne doit point perdre par l'inconduite et les violences de son mari, les avantages dont elle avait l'es pérance; mais au vrai, il serait, alors même, de la bonne justice, de borner ses droits au jour de sa demande.

Il n'importe que, durant l'instance en Séparation, le mari administre encore sans qu'on puisse l'inquieter : c'est qu'on ne peut condamner personne sans l'entendre, qu'on ne peut lui óter ses prérogatives sans le juger cou pable, et qu'on ne doit jamais déposseder qui que ce soit sans l'autorité de la justice. Mais ensuite du jugement qui déclare que la femme doit demeurer séparée d'avec son mari, il resulte que, pendant l'instance, il a administre des biens sur lesquels il n'avait plus de droits. Au surplus, on doit ici distinguer l'administration simple d'avec ce pouvoir presque illimité qu'a le mari sur les biens de la communaute. Ces biens, pour la part qui en appartient à la femme, deviennent litigieux par la demande en Séparation : dès-lors, il est incertain si le mari y retiendra ou perdra cette propriété de puissance et d'autorité, qui l'en rend, en quelque sorte, maitre absolu; c'est donc à ses seuls risques qu'il en use en maitre, pendant le temps que dure l'indécision de la demande.

Et pour appliquer encore ici le principe de Vandenhare, la cause de la communauté conjugale était l'usage et la possession du mariage, il était question de savoir si cette cause devait subsister ou cesser du jour de la demande; en attendant, on a laissé les choses dans leur état, parcequ'il fallait juger de la cause de cet état. On a déclaré qu'elle devait cesser et qu'elle avait legitimement cessé depuis lors. Donc la communauté avait aussi cessé de droit, et la femme est demeurée pro

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priétaire de la moitié des effets qui la composaient dans ce moment.

Tel est aussi l'esprit de la seule coutume qui s'est particulièrement occupée des Séparations de corps. L'art. 6 du chap 121 des chartes générales de Hainaut porte que les épous séparés seront tenus de payer,chacun par moitié, toutes dettes par eux constituées avant la poursuite du divorce; mais que les dettes contractées depuis le procès encommencé sur le divorce, seront à la charge de celui qui les aura faites. Il y a une correlation naturelle entre les charges et les profits. Si les charges accumulées durant l'instance en Separation, ne sont pas communes, les profits faits dans le même temps, ne le sont pas non plus. Ainsi, dès que la demande en Séparation est formée, et qu'elle est appuyée sur des moyens legitimes, on doit regarder la communauté comme dissoute de droit, quoiqu'elle ne le soit pas encore de fait.

On peut ajouter que cette opinion, la mieux fondée en droit et en raison, est aussi la plus équitable et la plus propre à prevenir les fraudes et les procés. On ne peut douter,en esset, qu'un mari poursuivi en Séparation et qui a des reproches à se faire, ne cherche à arranger ses affaires à son avantage singulier, et ne soit porté par humeur, par haine, ou par les impulsions de parens avides, à faire repentir sa femme, par la diminution de ses esperances ou de ses biens, d'une démarche qui l'offense profondement, en le dénonçant au public comme un époux indigne de ce titre.

Il est vrai que, dans ce cas, la femme aurait la ressource de prouver les divertissemens, les fraudes, les ecarts d'une mauvaise administration; mais elle y serait souvent trompee, et elle le serait d'autant plus facilement qu'elle ne saurait de quelle epoque partir pour etablir un plan d'administration. Il serait d'ailleurs bien difficile qu'elle prouvat clairement des fraudes qu'on a toujours soin de couvrir et d'envelopper d'opérations dont le principe et le fondement sont des mystères presque impénetrables.

Après tout, laisser à la femme la ressource d'une preuve directe sur le fait de l'administration d'autrui, ce ne serait lui donner qu'un remède, après lui avoir fait sentir toute l'apreté du mal: or, le bon sens ne nous dit-il pas qu'il vaut mieux prévenir celui ci que d'ètre obligé de recourir à celui là? Melius est intactam causam servare, quàm post vulnera remedium quærere.

V. On a établi à l'article Institution contractuelle, S. 9, que la femme peut, en obte

nant la Séparation de corps pour cause de sévices, révoquer les avantages qu'elle avait faits à son mari en l'épousant; et c'est ce qu'a encore jugé l'arrêt du 7 septembre 1782,rapporté `ci-devant, §. 1, no 4. On remarque la même disposition dans un arrêt du 19 mai 1779, rendu sur les conclusions de M. l'avocat-général Séguier : il «< ordonné que la demoisselle C...., » femme du sieur P...., sera et demeurera sé» parée de corps et de biens, déclare nulle la donation par elle faite à son mari, par son » contrat de mariage, de la propriété de ses >> biens meubles et de l'usufruit de ses immeu»bles, etc. ». .

Mais la femme a-t-elle la même faculté, lorsque les avantages sont réciproques? L'Epine de Grainville nous retrace un arrêt du 8 mars 1725, qui juge pour la négative.

« Les faits (dit-il) se sont trouvés assez graves et assez prouvés pour accorder à la femme la Séparation de corps qu'elle demandait; mais son contrat de mariage portait une donation de 10,000 livres réciproque entre le mari et la femme; elle en demandait la nullité, comme une conséquence de sa demande en Séparation.

» A l'égard du chef qui concernait la donation, la question, n'était point traitée dans les moyens des parties; mais l'une et l'autre avaient pris des conclusions: Comme c'était une pure question de droit, elle a cependant été décidée par l'arrêt, et la donation n'a point été déclarée nulle pour cause d'ingratitude, comme on le demandait.

» La donation n'était point gratuite, elle était réciproque; par conséquent, elle ne pouvait être détruite par le motif d'ingratitude : une donation réciproque est une stipulation égale à l'égard du mari et de la femme; elle ne tourne au profit de l'un ou de l'autre que par l'événement de la mort de l'un et de la survie de l'autre. Elle doit être regardée comme on regarde une stipulation de preciput, qui n'est pas détruite par la Séparation ».

» divorcés (portent-elles, chap. 121, art. 10) » allait de vie à trépas durant le divorce, l'au» tre ne succédera es meubles du trépassé » mais ils écherront aux enfans d'icelui, ou à » ses plus prochains hoirs, sans avoir égard naux promesses de leur mariage,ravestisse »ment ni autres dispositions ».

Du reste, l'arrêt rapporté par l'Epine de Grainville, est le seul qu'on puisse nous opposer, et il n'est pas de fort grand poids. Comme il n'a été précédé d'aucune discussion de la part des défenseurs des parties, il est très-permis de croire que la question n'a été qu'effleurée dans les opinions.

qu'il n'a point fait jurisprudence, ntème au Ce qu'il y a du moins de bien constant, c'est parlement de Paris; car depuis il en est intervenu dans cette cour, trois autres qui ont directement jugé le contraire.

Le premier a été rendu à la troisième chambre des enquêtes, le 26 février 1728. Voici de quelle manière il nous est retracé par Denisart, au mot Révocation :

« La dame de Mariny avait demandé sa Séparation au châtelet, pour cause de sévices et mauvais traitemens de la part de son mari, et que la donation mutuelle portée par leur contrat de mariage fat révoquée. Elle avait éte admise à la preuve de ces faits.et avait fait faire une enquête; mais elle était décédée avant le jugement.

» Ses héritiers ayant repris l'instance, il intervint au châtelet une sentence sur productions, le 19 juin 1725, qui, sur la demande en révocation, mit hors de cour.

» Sur l'appel, les héritiers de la dame de Mariny obtinrent des lettres de rescision contre la donation; ils en demandèrent l'enterinement, et soutinrent 10 que l'action ayant été intentée par la dame de Mariny, cette action leur était transmise, au moyen de ce qu'ils étaient ses héritiers; 2o que la révocation devait être admise, quoique la donation fût faite par le contrat de mariage et qualifiée

mutuelle.

» Le sieur de Mariny répondait que le don mutuel n'était pas une vraie donation; qu'il ne devait pas être sujet à revocation; que c'était une convention sacrée, contenue dans un contrat de mariage; que la dame de Mariny aurait pu survivre, et par conséquent en profiter elle-même.

Quelque respectable que soit cette autorité, nous ne croyons pas devoir y souscrire. Il est certain qu'une donation, pour être mutuelle, ne perd pas son caractère de libéralité et de bienfaisance. De là les dispositions de l'ordonnance de 1731, qui l'assujetissent, comme les donations simples, aux formalités de l'acceptation, de la tradition, de l'insinuation. Pour» L'arrêt n'eut aucun égard à ces moyens; quoi donc serait-elle exempte de la loi qui au- la sentence du châtelet fut infirmée, et la dotorise tout donateur payé d'ingratitude, à ré-nation portée par le contrat de mariage, dévoquer sa donation ?

Les chartes générales de Hainaut s'expliquent nettement sur ce point : « Si l'un des

clarée nulle et révoquée, et cela ( porte l'arrêt )......... sans s'arrêter aux lettres de rescision ».

Le second arrêt est du 4 février 1782. Nous l'avons rapporté ci devant, §. 1, no 4.

Le troisieme arrêt est du 6 février 1783. Un mari et une femme s'étaient fait, par contrat de mariage un don mutuel,en toute propriété, de l'universalité de leurs bieus. La femme, obligee de plaider en Séparation de corps, demande en même temps la révocation du don mutuel. Son moyen est l'ingratitude de son mari; et la preuve de cette ingratitude résulte de sa demande en Séparation. Sentence du châtelet qui prononce la Séparation de corps, imais déboute la femme de sa demande en révocation du don mutuel. Elle fait signifier cette sentence à son mari, sous la réserve de se pourvoir contre la deuxième disposition. Elle meurt avant d'en avoir interjeté appel. Ses héritiers se rendent appelans de la sentence, quant au second chef, et soutiennent que le don mutuel doit être révoqué, pour cause d'ingratitude, dont la sentence de Séparation de corps forme la preuve complète. Le mari les soutient non-recevables, attendu le silence

de la femme, morte sans avoir interjete appel

du second chef de la sentence. L'arrêt cite met l'appellation et ce au néant; émandant, revoque le don mutuel, et condamne le mari aux dépens.

[[L'art. 959 du Code civil ne déroge-t-il pas à cette jurisprudence, tant pour les donations mutuelles que pourles donations simples? En disant que les donations en faveur de mariage ne seront pas revocables pour cause d'ingratitude, n'est-il pas cense dire que l'ingratitude de l'époux donataire, prouvée même par le jugement de Séparation de corps qu'a obtenu contre lui l'époux donateur, ne peut pas entraîner la révocation des avantages sous la foi desquels le mariage a été contracté?

L'affirmative paraît ne devoir souffrir aucun doute, surtout si l'on considère que l'art. pour le 299 établit bien une règle contraire divorce, mais que, dans le chapitre de la Séparation de corps, il n'y a pas un mot qui permette d'assimiler la Séparation de corps au divorce, quant aux effets qui doivent en résulter.

La cour d'appel de Rennes avait cependant jugé le contraire par un arrêt du 21 mai 1808. Mais c'était dans une espèce où le mariage avait été contracté avant le Code civil ; et cet arrêt n'a échappé à la cassation qui en a été provoquée, que parceque la question qu'il avait mal jugée d'après le Code civil, devait être jugée et se trouvait bien jugée ( quoique par de mauvais motifs ), d'aprés l'ancienne jurisprudence. V. le plaidoyer et l'arrêt du

10 août 1809, rapportés dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Séparation de corps.

La même espèce s'est présentée depuis, et a encore reçu la même decision.

Le 7 pluviose an 8, contrat de mariage entre le sieur Devers et la demoiselle de Valadoux. Par cet acte, les deux époux se font une donation mutuelle.

Le 5 décembre 1866, la dame Devers forme contre son mari, une demande en Séparation de corps, pour sévices et mauvais traitemens, et déclare revoquer la donation qu'elle lui a faite en l'épousant.

Le 23 juillet 1807, jugement qui prononce la Séparation de corps, et déclare la donation révoquée.

Le sieur Devers appelle de ce jugement: par arrêt du 29 mars 1808, la cour de Lyon dit qu'il a été bien jugé sur l'un et l'autre chef.

Recours en cassation fondé, quant à la révocation de la donation, sur l'art. 959 du Code civil.

Par arrêt du to décembre 18fo, au rapport

de M. Delacoste et sur les conclusions de M. l'avocat général Daniels,

« Considérant que le contrat de mariage qui contient les avantages qui ont été annulés par les deux tribunaux, par suite de la Sépa ration de corps pour sevices èt màuvàis traitemens, est du 7 pluvióse an 8, et par conséquent d'une date antérieure à la publication du Code civil;

» Qu'à cette époque, les futurs époux pouvaient, en stipulant leurs conventions d'apres les lois alors existantes et les principes reçus, faire entrer dans les motifs de leurs stipula tions et des avantages qu'ils se faisaient, l'espoir de les faire annuler pour cause d'ingratitude, et, à plus forte raison, pour les cas de Separation pour sévices : et c'est à cette epeque qu'il a fallu se référer pour prononcer sur l'effet de ces stipulations et avantages:

» Qu'il suit de là que la cour d'appel de Lyon n'a pas violé l'art. 955 du Code civil, en confirmant le jugement qui avait annule les avantages contenus au contrat de mariage;

» La cour rejette le pourvoi... ».

La manière dont cet arrêt et celui du ro août 180g sont motives, fait assez entendre que, si la question eût dù, dans l'une et l'autre espéce, être jugée d'après le Code civil, elle l'eût été dans un sens tout oppose.

Et c'est ce qu'ont effectivement décidé, depuis, d'autres arrêts de la cour de cassation, que l'on trouvera dans mon Recueil de Questions de droit, à l'endroit cité.

Il existe néanmoins un arrêt de la cour royale

de Caen, du 22 avril 1812, qui juge que, même entre époux mariés sous le Code civil, la Separation de corps prononcée pour cause de mauvais traitement, autorise celui qui l'a ob tenue, à demander la révocation des dona. tions qu'il a faites à l'autre par le contrat de mariage.

Mais pour réfuter l'opinion qu'il adopte, il me suffira d'en transcrire ici les motifs, en les accompagnant de simples notes:

« Considérant que le chap. 5 du Code civil, intitulé des Séparations de corps, ne con. tient que six articles et qu'aucun d'eux ne renferme aucune disposition précise, soit positive, soit négative, sur la question de savoir si la Séparation de corps et d'habitation emporte, ainsi que le dispose l'art. 299 du même Code, dans le cas de divorce, la perte de tous les avantages faits par l'époux qui obtient le divorce, au profit de celui contre lequel il est obtenu;

que

« Considérant le silence gardé par la loi sur cette question, ne peut être, d'après l'art. 4 du même Code, un prétexte pour se dispenser de la résoudre ; mais qu'au contraire, il est du devoir du magistrat d'en rechercher la décision, soit dans les dispositions analogues, soit dans la raison, l'équité et le droit naturel (1);

» Or, avant l'existence du Code actuel, il n'était douteux pas la Separation de que corps et d'habitation emportait la révocation (2) des donations faites au profit de son conjoint par celui des époux qui avait donné lieu, par sa conduite, à cette Separation; loin que cette jurisprudence ancienne ait été abrogée, elle se trouve formellement consacrée de nouveau par l'art. 299 du Code ci-dessus cité et pour le cas du divorce (3);

» Considérant que, lorsque le projet du Code fut adressé aux différentes cours d'appel, pour faire leurs observations, il ne contenait aucunes dispositions relatives à la Séet d'habitation : et le seul paration de corps moyen qu'un époux malheureux eût pu employer pour se soustraire à un joug tyrannique, eût été de recourir au divorce, si le Code fut resté definitivement tel qu'il était projeté; mais lors de la discussion au conseil d'état, fut reconnu que les principes religieux du

catholicisme professé par l'immense majorité des Français, s'opposaient à l'emploi d'un remède qui anéantissait un lien que la religion catholique a déclaré indissoluble; en sorte qu'il eût fallu, pour un catholique, ou agir contre les règles de sa conscience, ou vivre toujours malheureux, si on n'eût pas substitué un autre remede; et ce fut par ce motif que le titre de la Séparation de corps se trouva ajouté au Code;

>> Considérant que, dans l'esprit du législateur, ce second reméde introduit par la loi pouvait et devait être considéré comme le divorce des catholiques, puisque la demande peut en être formée pour les mêmes causes et pour les mêmes motifs qui peuvent autoriser la demande en divorce, au quel cas il devenait, à peu près, inutile de répéter dans ce titre les dispositions qui venaient d'être décrétées immediatement au chapitre précédent sur les effets du divorce (1). Il y a donc lieu d'appliquer, dans le cas de la Séparation de corps, la revocation de la donation, comme elle s'applique dans le cas de divorce.

» En effet, la Séparation de corps et le divorce sont absolument la même chose, à cette seule différence près, que, dans le premier cas, le lien conjugal est relâché sans être rompu, et qu'au second cas, les époux peuvent contracter de nouveaux engagemens, ce qui n'est pas possible dans le premier (2);

» Considérant que ce ne peut pas être parceque le mariage est entièrement dissous par le divorce, que la loi a prononcé la révocation de la donation contre celui des époux qui y a donné lieu; car autrement, il aurait fallu prononcer la révocation des donations récila loi laisse subsister l'aproques, tandis que vantage fait au profit de l'époux qui a obtenu le divorce (3). C'est donc sur un autre principe que cette révocation est fondée, et ce principe est évidemment l'ingratitude et l'indignité du donataire. Or, l'époux qui donne lieu à la demande en Séparation de corps, estil moins ingrat ou moins indigne que celui qui donne lieu à la demande en divorce? Il

(1) Pourquoi donc l'art. 308 répète-t-il, pour les cas de Séparation de il motivée corps par l'adultère de la femme, la disposition de l'art. 298, relative à l'effet du divorce prononcé pour la même cause?

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(2) Cette seule différence est décisive pour notre question. V. mon Recueil de Questions de droit, à l'article cité.

(3) Et la loi est, à cet égard, aussi sage que juste. Il eût été bien étrange qu'elle eût fait à un époux un titre de ses torts, de ses crimes mêmes, pour priver son épouse des droits qu'il lui avait assurés sur ses biens par le plus sacré de tous les contrats. 56

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