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mande en Séparation de patrimoines, parcequ'on ne peut pas en conclure que l'un ait suivi la foi de l'autre.

Sur le second point, la loi 2 du titre des pandectes qui vient d'être cite, est on ne peut plus précise: elle porte que la Séparation ne peut plus être demandée, quand une fois l'hérédité a été vendue sans fraude, par la raison que tout ce qui a été fait de bonne foi dans l'intervalle par l'héritier, doit être maintenu: Ab herede vendita hereditate, Separatio frustrà desiderabitur : utiquè si nulla frau. dis incurrat suspicio. Nam quæ bona fide medio tempore per heredem gesta sunt, rata conservari solent.

[[Sur ces deux points, le Code civil est parfaitement d'accord avec le droit romain.

L'art. 879 porte que « ce droit ne peut plus » être exercé, lorsqu'il y a novation dans la " créance contre le défunt, par l'acceptation » de l'héritier pour débiteur ».

par

L'art. 880, après avoir dit que ce droit « se » prescrit, relativement aux meubles, le » laps de trois ans », ajoute « qu'à l'égard des » immeubles, l'action peut être exercée tant » qu'ils existent dans la main du debiteur »: ce qui suppose clairement qu'une fois alienes, ils ne sont plus passibles de la demande en Se paration de patrimoines; et quoique cet article ne le décide ainsi implicitement que pour les immeubles, à plus forte raison doit on decider la même chose pour les effets mobiliers. V. l'article Privilège de créance, sect. 4, S. 6, 110 2. ]]

Que devrait-on décider à l'égard des biens vendus, dont le prix subsisterait encore?

Voet, sur le digeste, titre de Separationibus, no 4, ne doute pas que le privilege de la Séparation ne puisse s'exercer sur ce prix : Si tamen, dit-il, pretium rerum hereditaria. rum vel etiam universæ hereditatis ab emptore nondum solutum sit, rationem non video cur non, pretii saltem respectu, separationis petendæ facultas supersit, dùm in judiciis universalibus pretium succedit loco rei.

[[ Et l'on trouvera ci-après, no 7, deux arrêts de la cour de cassation, dont l'un suppose et l'autre adopte formellement cette doctrine.

Mais cette doctrine ne doit-elle pas être limitée au cas où le prix est encore du au vendeur lui-même? Ne doit-on pas en exclure celui où le prix ayant été touché par le vendeur, les créanciers contraignent, par un droit qui leur est propre, l'acquéreur à payer une seconde fois ?

Le 27 thermidor an 3, les sieur et dame Baroy, héritiers de la dame Dazigre, vendent

un immeuble dépendant de sa succession, et ils en touchent le prix peu de temps après.

Plusieurs années s'écoulent sans que l'acquéreur éprouve aucun trouble dans sa possession; mais, en 1810, il est poursuivi en déclaration d'hypothèque par les créanciers de son vendeur; et il est forcé, pour conserver l'objet de son acquisition, d'en payer de nouveau le prix, et de le consigner pour être distribué entre les créanciers.

En conséquenc, un ordre est ouvert, et le sieur Halley, créancier personnel de la dame Dazigre, par un contrat public du 4 janvier 1751, forme, en s'y présentant, une demande en Séparation de patrimoines.

Les créanciers personnels des sieur et dame Baroy soutiennent que cette demande est nonrecevable, parceque les choses ne sont plus

entières.

Le 14 juillet 1810, jugement qui admet la demande du sieur Halley.

Mais, sur l'appel, arrêt de la cour de Paris, du 29 août 1811, qui la rejette,

«Attendu que la Séparation de patrimoines ne peut être demandée que lorsque les choses sont encore en entier, et que l'heritier a entre les mains l'immeuble dépendant de la succession, ou que le prix lui en est dû;

» Que, dans l'espèce, le sieur Baroy et sa femme, propriétaires de la maison dont il s'agit, l'avaient vendue des le 27 thermidor an 3, et en avaient touché le prix intégral;

» Que, si un ordre se poursuit actuellement relativement à ladite maison, c'est par l'effet d'une circonstance particulière, savoir, l'obligation où se sont trouvés les acquéreurs de payer une seconde fois, faute d'avoir pris les précautions indiquées par la loi ».

Le sieur Halley se pourvoit en cassation; mais, par arrêt contradictoire du 27 juillet 1813, au rapport de M. d'Avemann,

« Attendu qu'en décidant que le privilége de Separation de patrimoines et le droit d'hypothèque sont des droits distincts et indépendans l'un de l'autre, et que le droit de Séparation de patrimoines est eteint par le paiement du prix de la vente de la maison provenant de la succession de la dame Dazigre, fait à ses héritiers sans dol ni fraude, et en l'absence de toute requisition à fin de séparer, la cour de Paris n'a violé ni pu violer aucune loi ; » La cour rejette le pourvoi...».]]

Au surplus, on ne peut pas, en cette matière, assimiler l'hypothèque à l'alienation proprement dite. Quand l'héritier aurait hypothèque les biens de la succession, les créanciers du defunt n'en seraient pas moins en droit d'exercer sur ces biens le bénéfice de la

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Separation. C'est ce que décide la loi 1, §. 3, D. de Separationibus; et il en a été ainsi jugé par un arrêt du parlement de Dijon, du 5 mai 1689, que nous rapporterons au no suivant. On verra d'ailleurs ci-après, §. 5, que cette jurisprudence est suivie même dans les pays de nantissement, [[et qu'elle est expressément consacrée par le Code civil. ]]

III. La troisieme chose à remarquer sur le temps dans lequel doit être formée la demande en Séparation, c'est que, par le droit romain, les créanciers du defunt n'ont, pour intenter cette action, qu'un espace de cinq ans, à compter du jour de l'adition d'hérédité. Cela est prouvé par le §. 13 de la loi que nous venons de citer..

Mais cette loi est-elle observée dans nos mœurs?

Elle ne l'est point dans une grande par tie de la France, parcequ'on y tient pour maxime que toutes les prescriptions du droit romain sont abolies, à moins qu'elles ne soient adoptées par les lois nationales ou par les coutumes. C'est ce qu'attestent Cujas, observation 140, et traité 9, ad Africanum: Mornac, sur le titre des pandectes de Separatio. nibus; Leprêtre, cent. 1, chap. 75; Brodeau, lettre H, S. 19; Lebrun, Traité des Successions, liv. 4, chap. 2, sect. 1, no 24; Ferrière, sur l'art. 168 de la coutume de Paris, no 34; Domat, liv. 3, tit. 2, sect. 2.

Leur assertion est cependant contredite par Bacquet, Traité des droits de justice, chap. 21, no 426; par Automne, dans sa Conférence,titre de Separationibus ; et par Bugnyon, des Lois abrogées, part. 2, liv. 6, cent. 113. Mais elle est conforme à l'usage le plus général.

Parmi les arrêts qui l'ont érigée en maxime, on remarque principalement celui qu'a rendu le parlement de Paris entre les créanciers du vidame de Chartres. Mornac observe, en le rapportant, que, quoique les biens hereditaires eussent passé successivement par différens degrés d'héritiers qui, dans une longue série d'années, avaient eu chacun des biens et des créanciers particuliers, l'ordre de la Séparation de patrimoines fut gardé entr eux tous, non-seulement après les cinq ans, mais apres les trente ans de l'ouverture de chaque succession: Quinquennio non modò exacto, sed quotiescumque vel post triginta annos.

C'est aussi ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Dijon, du 5 mai 1689, que Perrier, quest. 291, rapporte en ces termes :

« Le sieur Derodes, médecin à Lyon, ayant cession d'un billet sous écriture privée, de 5,000 livres en principal, portant arrérages

sur Guillaume de Montvert, procureur du roi au bailliage de Bellay, avait formé opposition aux subhastations qui se faisaient sur le fils de son débiteur, et soutenait qu'il devait être payé par préférence sur les biens du père, dont il était le seul créancier; que c'etait le cas de faire distinction des patrimoines.

» Les enfans de Montvert fils, créanciers de leur père à la date de son contrat de ma riage, pour les biens maternels, soutenaient au contraire que le sieur Derodes n'ayant pas demande la Separation des biens dans les cinq ans qui sont donnés par la loi 1, D. de Séparationibus bonorum, il n'était pas recevable dans ses prétentions, les biens du père et du fils devant être considérés comme les mêmes patrimoines, par le long temps que ce der nier les avait possédés, sans que le sieur Derodes se fût pourvu pour empêcher cette confusion; qu'enfin, n'etant que créancier chirographaire, il ne pouvait être payé par preference sur des biens qui étaient devenus sujets aux hypothèques des créanciers de Guillaume Montvert fils, au moment qu'il s'était immiscé dans l'hérédité de son père.

» A quoi était répliqué par le sieur Derodes, que la loi 1.D. de Separationibus bonorum,n'avait lieu en France que pour les Séparation de meubles, lesquels étaient difficiles à reconnaimeubles, lesquels étaient naturellement distre; mais qu'elle ne s'observait pas pour les intingués, de manière qu'il est inutile d'obliger les créanciers à en demander la Séparation dans les cinq ans, attendu qu'elle se pourra faire dans tous les temps; que tel était le sen timent des auteurs français, Bacquet, Traité des droits de justice, chap. 21, no 422; Bro deau, sur la coutume de Paris; l'auteur des notes sur les arrêts de Leprêtre.

» Le sieur Derodes était appelant de la sentence du bailliage de Bellay qui l'avait débouté. La cour a mis l'appellation et ce, etc.; par nouveau jugement, a ordonné que l'appelant serait payé par privilege de son principal et arrérages sur les biens de Guillaume Montvert père, le 5 mai 1689, au rapport de M. de Chaumely, doyen.

» M. le premier président, qui était des juges, m'a dit qu'on avait jugé que les cinq ans donnés par le droit romain pour les Separations de biens, n'avaient lieu en France que pour la Séparation des meubles seulement, et qu'on n'en avait point pour la Séparation des immeubles, qui sont déjà séparés de leur

nature ».

On conçoit aisément la raison de cette jurisprudence.

Ce n'est ni l'adition d'hérédité, ni la possession de l'héritier, qui donne ouverture à l'action, dont il s'agit. A quoi servirait en effet cette action, et quel pourrait être son objet, tant que l'héritier possède les biens du défunt avec les siens propres, et qu'il a toutes les apparences de la solvabilité? Obligé personnellement, par l'adition d'hérédité, aux dettes du défunt, il ne peut soustraire aux créanciers de celui-ci ni ses propres biens, ni ceux de la succession ; et dès-lors, il est très-indiffé rent aux créanciers qu'il les paie sur les uns plutôt que sur les autres. Ce n'est donc que par l'insolvabilité de l'heritier, ou du moins par les poursuites qui se font contre lui, que les différens créanciers du défunt commencent à avoir intérêt de prendre leurs sûretés sur les biens de leur débiteur primitif, et d'empêcher que leur gage ne diminue par le concours des créanciers personnels de l'héritier. C'est donc aussi à cette époque seulement qu'ils commencent à avoir l'action en Séparation de patrimoines. Car il est impossible que l'on ait action tant qu'on est sans intérêt. Aussi n'estce pas contre l'héritier que les créanciers du défunt exercent cette action: ils ne l'exer

cent que contre les créanciers de l'heritier. Mais si cette action ne prend naissance qu'au moment où les biens sont saisis sur l'héritier, à quel propos, pour savoir si elle est recevable, rechercherait-on dans quel temps l'héritier a recueilli la succession, et si les biens de la succession ont ou n'ont pas passé, à titre héréditaire, par plusieurs mains? Dės que ces biens existent encore, et que l'action principale du créancier n'est point prescrite, il n'y a nulle raison pour que celle-ci ne ́s'exerce pas sur ceux-là avec tous ses avantages, et par conséquent avec le droit de Séparation des patrimoines.

IV. Mais doit-on juger de même dans les provinces belgiques?

Presque tous les auteurs de ce pays, religieusement attachés au droit romain, répon dent que non. Tels sont, entr'autres, Zypæus, Notitia juris belgici, liv. 1, tit. de executione rei judicatæ ; Pérez, sur le Code, liv. 7, tit. 62, no 20; Vanleuwen, Censura forensis, liv. 4, chap. 9, no 10; Regnerus, Censura belgica, titre de Separationibus.

Les raisons sur lesquelles se fondent ces jurisconsultes, sont rappelees fort au long par Dulaury, dans son recueil d'arrêts du grand conseil de Malines, §. 133; il nous parait assez inutile de les transcrire ici. Il suffit que l'on sache qu'elles ont déterminé la jurispru TOME XXX.

dence belgique en faveur de la prescription de cinq ans.

Pollet, à l'endroit déjà cité, rapporte un arrêt du parlement de Flandre, du 25 février 1689, qui juge, en infirmant une sentence de la gouvernance de Lille, que le laps de cinq ans etablit une fin de non-recevoir contre la demande en Separation de patrimoi

nes.

M. le premier président de Blye, et M. le procureur géneral de Baralle, qui font mention du même arrêt, assurent qu'il fut rendu de l'avis des chambres, et qu'il ne fut contredit que de trois voix.

Il en a été jugé de même au conseil souverain de Brabant, au mois de mars 1703. Dulaury, S. 133, dit que l'arrêt passa de toutes voix. Mème décision au grand conseil de Malines,

le

décembre 1714: on jugea, dit Dulaury, que « le benefice de Séparation n'est ouvert » que pendant le terme de cinq ans, en confor» mité de la disposition du droit écrit ».

V. Cette jurisprudence fut long-temps observée en Artois. Mais, en 1677, on l'attaqua comme contraire, et au droit général de la France, et a la disposition particuliere de la coutume de cette province.

«Par les art. 72 el 73 de cette coutume (di»sait-on), il est expressement porte qu'il n'y » a point de prescription moindre de vingt » ans entre presens, et trente ans entre absens. » Le plus grand effet qu'on puisse attribuer » au droit romain en Artois, est de l'admettre » seulement dans les cas sur lesquels il n'est » rien décidé par la coutume : il est donc evi>>dent qu'on n'a pu y introduire la prétendue >> prescription de cinq ans ».

A ces raisons, on opposait l'usage qui était prouve par une foule de jugemens rendus par tous les tribunaux de la province, et auxquels on joignait plusieurs actes de notoriété.

La constestation était entre la veuve Savelle, Adrien Enlart et le nommé Delaforge, d'une part; Charles Petit et consorts, de l'autre. Il s'agissait de la préférence sur le prix de la terre de Willerval et d'autres biens vendus par décret sur François d'Oignies et Antoinette d'Oignies, enfans et héritiers d'Antoine d'Oignies et de Marguerite Josse de Mastaing.

Par sentence du 30 septembre 1677, le conseil provincial d'Artois, suivant son ancienne jurisprudence, débouta les créanciers qui réclamer étaient venus, après les cinq ans, le bénéfice de la Séparation de patrimoi

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cembre 1678, un arrêt pro visoire qui or donna la Séparation au profit des créanciers du père et de la mère des décrétés, en donnant caution; et le 4 juillet 1679, la sentence du conseil d'Artois fut infirmée definitivement. L'arrêt « ordonne que Separation sera faite » des biens provenant d'Antoine d'Oignies et » Marguerite Josse de Mastaing, son épouse, » dans les biens particuliers de François et >> Antoinette d'Oignies ; et que, sur le prix des » terres de Willerval et autres biens qui ont >> appartenu à Antoine d'Oignies et Marguerite » Josse, les nommés de Delaforge et Enlart, » créanciers d'Antoine d'Oignies et sa femme, » seront payés par préférence aux créanciers, » particuliers des enfans; même que le nommé » Petit, créancier particulier de François d'Oi»gnies, sera tenu de rapporter les deniers par » lui touches, et les intérêts du jour de l'em» pêchement par lui forme, et aux dépens ». Les créanciers de François et d'Antoinette d'Oignies se pourvurent en cassation contre cet arrêt. Le procureur général du conseil d'Artois et les états de la province intervin. rent en leur faveur; mais tous leurs efforts furent inutiles. Par arrêt du 16 avril 1680, le conseil rejeta leur requête, et les renvoya au parlement pour y procéder sur l'exécution de l'arrêt du 4 juillet 1679.

Depuis, le conseil d'Artois s'est toujours conformé à la jurisprudence du parlement de Paris. Le 16 octobre 1683, il a rendu, sur l'ordre des deniers de la terre de Rollancourt, une sentence qui a admis la Séparation de patrimoines après un intervalle de plus de cinq ans; et sur l'appel qu'en ont interjeté les creanciers de l'héritier sur qui la vente par décret avait été faite, elle a été confirmée par arrêt du 15 mai 1692, rendu à la cinquième chambre des enquêtes (ì).

La même chose a été jugée par arrêt du 3 septembre suivant, à la seconde chambre des enquêtes, au profit de Marie Vendendame, contre Boutry et consorts.

Le 21 mai 1703, autre arrêt confirmatif d'une sentence du conseil d'Artois, rendue en faveur de la Séparation demandée après cinq ans, par les créanciers d'un défunt, et combattu par le sieur Noyelles et le sieur Berles, créanciers de l'héritier (2).

Il a même été jugé en Artois, comme on l'avait fait long-temps auparavant dans l'ordre des créaneiers du vidame de Chartres, que la Séparation de biens peut être obtenue après

(1) Brunel; Observations sur le droit coutumier d'Artois, chap. 6, no 10, date cet arrêt du 5 mai. (2) Brunel, loc. cit.

vingt et même trente ans, à compter du jour de l'adition de l'hérédité, et qu'elle n'est pas prescrite tant que la créance de celui qui la demande, ne l'est point. L'arrêt a été rendu le 24 mai 1685, sur l'appel d'une sentence du conseil d'Artois, du 27 janvier 1682, qui avait adopté la même opinion.

[[ VI. On a déjà vu plus haut, no 2, que l'art. 880 du Code civil adopte, pour les immeubles, la jurisprudence des parlemeus de Paris et de Dijon ; et que, pour les meubles, il soumet le droit de Séparation à la prescription de trois

ans.

Mais comment accorder cette disposition, en ce qui concerne les immeubles, avec l'art. 2111, suivant lequel « les créanciers et léga» taires qui demandent la Séparation du patri» moine du défunt, conformément à l'art. 878 wdu titre des successions,conservent,à l'égard » des creanciers des héritiers ou représentans » du defunt, leur privilege sur les immeubles » de la succession, par les inscriptions faites sur » chacun de ces biens dans les six mois, à » compter du jour de l'ouverture de la succes>>sion ?

Suivant l'art. 880, qui a été décrété le 29 germinal an 11, la Séparation des patrimoines n'est assujetie, non-seulement à aucune formalité, mais même, en ce qui concerne les immeubles, à aucune prescription; tant que les immeubles du defunt existent dans les mains de l'héritier, les créanciers du défunt sont admis à en réclamer la Separation.

L'art. 2111, qui n'a été décrété que l'année suivante, le 28 ventose an 12, en dispose autrement : il veut, que, dans les six mois de l'ouverture de la succession, les créanciers qui demandent la Séparation du patrimoine du défunt, fassent inscrire leur privilége sur les immeubles de la succession même.

Et de là, que résulte-t-il? Une chose fort simple: c'est qu'à compter de la promulgation de l'art. 2111, les créanciers du défunt ne peuvent plus exiger la Separation de son patrimoine, envers les créanciers hypothecaires de l'héritier, qu'autant qu'ils en forment la demande dans les six mois de sa mort, et qu'ils joignent à cette demande la précantion de s'inscrire sur chacun de ses immeubles.

Observons, en effet, que l'art. 2111 n'accorde la faculté, comme il n'impose le devoir, de s'inscrire sur les immeubles du défunt, qu'aux créanciers qui demandent la Sépara tion de son patrimoine.Il est donc dans son intention que l'inscription ne puisse avoir lieu ou produire son effet, que dans le cas où

elle est, soit accompagnée, soit précédée d'une demande en Séparation. Si l'on pouvait élever là-dessus quelques doutes, ils seraient bientôt résolus par un fait dont le procès verbal du conseil d'etat nous offre la preuve: c'est que les mots, qui demandeni la Sparation du patrimoine du défunt, confor mément à l'art. 878, ne se trouvaient pas dans le projet de l'art. 2111, tel qu'il avait été prépare par la section de législation; c'est qu'ils ont été ajoutés d'après un amendement proposé dans le sein du conseil d'état même. Or, cet amendement, quel pouvait en être le but? Bien évidemment il ne pouvait pas en avoir d'autre que de limiter aux créanciers qui demanderaient la Séparation du patri moine du défunt, la faculté de s'inscrire sur les immeubles de la succession, à l'effet de conserver le privilege de cette Separation; il ne pouvait pas en avoir d'autre, que d'exclure de cette faculté ceux qui, dans les six mois de l'ou verture de la succession, n'auraient pas formé leur demande en séparation du patrimoine du défunt: il ne pouvait pas en avoir d'autre que de modifier l'art. 880 du Code, en ce sens, que la faculté accordée par cet article aux créanciers du défunt de demander la Séparation de ses immeubles, durerait, envers les créanciers chirographaires de l'héritier, tout le temps que les immeubles resteraient dans la main de celui-ci; mais qu'envers les créanciers hypothécaires de l'héritier qui se se raient fait inscrire sur les biens de la succession, elle ne subsisterait que pendant les six mois qui suivraient la mort du defunt.

1 VII. Ce que nous venons de dire, répond d'avance, en ce qui concerne la législation etablie par le Code civil, à la question de savoir quelles formalités les créanciers du defunt ont à remplir pour pouvoir réclamer ellicacement le bénéfice de la Séparation de l'atrimoines.

On voit en effet que, relativement aux meu. bles et aux immeubles qui ne sont frappes d'aucune inscription de la part des créanciers personnels de l'héritier, les créanciers du défunt ne sont, pour l'exercice de leurs droits, astreints à aucune formalité; mais que, relativement aux immeubles sur lesquels des créanciers hypothécaires de l'héritier sc seraient inscrits, les créanciers du défunt perdraient leur privilege, s'ils ne l'avaient fait inscrire dans les six mois de l'ouverture de la succession.

En était-il de même sous la loi du 11 bru maire an 7?

Voici deus arrêts qui jugent que non.

1o Le 8 novembre 1769, le sieur Julliot de Fromont constitue à la dame de Châteauneuf une rente perpétuelle au capital de 9,000 livres, avec hypothèque sur tous ses biens et privilége sur deux maisons de Paris.

Il meurt peu de temps après, et son fils accepte son hérédité.

Le 15 pluviose an 9, la dame Duliege, épouse divorcee du sieur Julliot de Fromont fils, prend une inscription hypothécaire sur tous les biens de son ci-devant époux, pour assurer le recouvrement des droits résultant de son contrat de mariage.

Le thermidor suivant, les sieurs Gri maud, héritiers de la dame de Chateauneuf, font inscrire l'hypothèque du contrat du 8 novembre 1769, sur tous les biens du sieur Julliot de Fromont fils, qui ont précédemment appartenu au sieur Julliot de Fromont père.

En 1802, tous les biens de Julliot de Fromont fils sont vendus, et un procès verbal d'ordre est ouvert pour en distribuer le prix.

La dame Duliège se présente comme premiere inscrite, et prétend en conséquence se faire colloquer au premier rang.

Les sieurs Grimaud réclament la Sépara tion des Patrimoines. Notre créance, disentils, dérive d'un titre souscrit par le père de votre ci-devant mari. Nous devons donc vous préceder, quoique votre inscription hypothecaire soit antérieure à la nôtre, et que la notre soit, à votre égard, considérée comme non avenue; car la loi du 11 brumaire an 7 ne donne effet à la priorité d'inscription, que sans préjudice du droit qu'ont les créanciers. et les légataires de demander la distinction et la Siparation des patrimoines conformé

ment aux lois.

La dame Duliége répond: il est vrai qu'abs traction faite de la loi du 11 brumaire an 7, votre titre de créance, par cela seul qu'il est souscrit par le père de mon débiteur, vous autoriserait à demander la Séparation du patrimoine de l'un d'avec le patrimoine de l'autre. Mais l'art. 2 de la loi du 11 brumaire an 7 porte que les priviléges sur les immeubles n'ont d'effet que par leur inscription dans les registres publics à ce destinés. Or, vous n'avez fait inscrire le privilége que vous aviez de demander la Séparation des deux patrimoines, que postérieurement à l'inscription que j'avais prise en vertu de mon contrat de mariage. Mon inscription prime donc la vótre; je dois donc être colloquée avant vous.

Sur ces débats, arrêt de la cour d'appel de Paris, qui, « attendu que la loi » du 11 brumaire n'a pas considéré le droit » qu'ont les créanciers des personnes décédées

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