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L'art. 1339 fournit encore un argument plus victorieux : Le donateur, porte cet article, qui ne présente qu'une application des principes développés dans l'article précédent, ne peut réparer, par aucun acte confirmatif, les vices d'une donation entre-vifs; nulle en la forme, il faut qu'elle soit refaite en la forme légale. Ainsi, soit que les donations entre-vifs soient nulles en la forme, soit qu'elles soient valides, du moment où elles ont été révoquées, elles ne peuvent revivre que par une nouvelle disposition.

» Or, les testamens ne sont pas assujétis à des formalités moins rigoureuses que les donations entre-vifs: comment donc, lorsqu'ils sont nuls ou révoqués pourraient-ils reprendre l'existence par la simple déclaration du testateur?

» Et ce qui prouve qu'en effet l'art. 1039 n'est point limitatif, mais démonstratif, c'est que l'art. 1340, qui porte que la confirmation, ou ratification, ou exécution volontaire d'une donation par les héritiers ou ayantcause du donataire, après son décès, emporte leur renonciation à opposer, soit les vices de forme, soit de toute autre exception, ne distingue pas entre les donations entre vifs et les donations testamentaires, et que le mot entre-vifs, qui se trouvait dans le projet de Code, a même été effacé dans la rédaction définitive: d'où il résulte évidemment que toutes les règles que nous venons d'exposer, et qui sont tirées du §. 5, tit. 3, chap. 6, intitulé des actes récognitifs et confirmatifs, s'appliquent tout aussi bien aux donations testamentaires qu'aux donations entre-vifs.

» Aussi les auteurs les plus accrédités, se fondant sur ce principe établi par Dumoulin, que confirmer n'est pas donner, qui confirmat nihil dat, ont-ils constamment professé, avant comme depuis le Code civil, la doctrine qu'il a consacrée.

» Ricard, à leur tête, s'exprime ainsi, no 177: il échet de demander.si, au cas auquel le testament révoqué ne revit pas de plein droit, le testateur peut le faire revivre par la seule déclaration de sa volonté, ou s'il est besoin pour cet effet d'un testament solennel? La plupart soutiennent que la déclaration de la volonté du testateur est insuffisante, suivant le §. 2 de la loi 11, D. de bonorum possessione secundùm tab. Elle est, dans l'espèce, d'un homme qui, après avoir fait un testament, s'était donné en adrogation. Le premier testament était révoqué ou anéanti, dans ce cas, par un double motif: 19 par le changement d'état, résultat nécessaire de l'adrogation; 2o par la volonté tacite de ré

voquer, présumée exister chez celui qui s'exposait, sciens et volens, au changement d'état qui entraînait la révocation du testament antérieur. Le jurisconsulte ajoute: Plane, si sui juris effectus codicillis aut aliis litteris, eodem testamento se mori velle declaraverit, judicio recenti rediisse intelligitur, non secùs ac si quis aliud testamentum fecisset, ac supremas tabulas incidisset, ut priores supremas relinqueret. Mais ceux qui défendent cette opinion, n'ont point considéré que cette loi ne parle précisément que de l'action possessoire, et non pas de la validité du testament; ce qui est toutefois remarqué, en cette loi 11, par le grand Papinien: nec putaverit quisquam nudá voluntate constitui testamentum, non enim de jure testamenti maximė 'quæritur. Or, pour ce qui était de la possession, elle était toujours donnée au testament, pourvu qu'il se trouvát signé de sept témoins, et que le testateur eût droit de faire testament au jour qu'il avait été fait et de son décès, quoiqu'il se trouvát,au surplus,contraire à la disposition du droit. Et si cette loi semble toucher quelque chose du fond et de la validité du testament, ce n'est que dans le particulier, et dans l'espèce d'une exception personnelle, au cas que l'héritier institué se trouve le plus habile à succéder ab intestat, ou, quoique ce soit, que celui qui débat le testament, ne soit pas partie capable pour évincer celui qui le défend, ce qui est mar. qué par les dernières paroles de la loi : Sed de viribus exceptionis quæritur quin in hoc judicio quanquam actori opponatur, ex personȧ tamen ejus qui opponit æstimatur. Lesquelles paroles sont éclaircies par ce qui nous reste d'Ulpien, tit. 33, Quemad. Test. Recep, où parlant dans le même sujet que notre loi, il finit par ces termes : Quæ bonorum possessio, cùm re, id est, cùm effectu habetur, si nemo alius jure heres sit. De sorte que, tant s'en faut que cette loi décide notre question pour cet avis, qu'il est facile de voir que l'on en doit induire tout le contraire, en vertu de ces mots généraux, nec putaverit quisquam nudâ voluntate constitui testamentum. Aussi est-il de règle que ce qui est éteint par une Révocation, ne puisse être restitué dans son effet, que par les mêmes solennités qu'il avait reçu sa perfection la première fois.

» Ricard achève d'établir son opinion par des raisons également solides: il fait remarquer que, si le second testament qui révoquait le premier, a été rayé et biffé dans l'intention de le rendre sans effet, comme il est alors censé n'avoir jamais existé, aucun obstacle ne

s'oppose à l'exécution du premier; et il conclud en ces termes : Mais si ce second testament n'est pas entièrement détruit, et qu'il soit seulement révoqué par un acte postérieur, j'estime que la force ne pourrait pas être rendue à un premier testament par un postérieur, si le premier n'y était entièrement transcrit, parceque, s'il ne fallait pas observer tant de cérémonies par le droit romain, c'était par la raison de ce que, comme nous l'avons remarqué, ce premier testament ne valait que par forme de codicille ou de fideicommis, quod nudâ voluntate constitui poterat; mais nos testamens ne pouvant pas subsister sans toutes leurs solennités, qui consistent principalement dans le temps quiest employé a écrire, DICTER ET RELIRE LE TESTAMENT,QUI EST LA PIERRE DE TOUCHE DE LA VOLONTÉ CONSTANTE DU TESTATEUR,ce premier testament,dans notre espèce, ayant cessé de subsister par la volonté du testateur, si on veut prétendre que sa volonté a encore une fois changé, et que son intention a été de faire exécuter le contenu en ce premier testament, il est nécessaire que le té moignage de cette dernière soit solennel et authentique, aux termes de la coutume.

» Rousseau Delacombe, Recueil de jurispru dence civile, au mot Testament, no 6, transcrit et approuve l'opinion de Ricard.

» Le président Favre et Henrys, liv. 5, quest. 5, la partagent.

» Perrier, arrêts notables du parlement de Dijon, tome 2, quest. 269, no 84, s'exprime en ces termes: On fait encore ici une ques. tion, et on demande si un second testament étant révoqué, non facto testantis, sed lege, le premier testament ne reprend point sa force? Ricard dit que non, ce que je crois vrai; quia heres non habet supremam defuncti voluntatem, l. 21, D. de his quæ ut indignis auferuntur; mais si le second testament subsiste, il ne suffit pas, au moins en pays de droit écrit, que le testateur déclare par un troisième, qu'il veut que le premier testament, et non le se cond, ait son effet, parceque le premier testament est annulé par le second, et ne peut étre valable, tandis que celui-ci qui est revétu des solennités de droit, subsiste; et pour lors, on ne peut faire revivre le premier, qu'en observant, dans le troisième, ces mêmes formalités; ce que je crois devoir être observé en Bourgogne.

» Enfin, M. Grenier, dont l'opinion doit être d'un si grand poids, à raison de la part qu'il a prise, en sa qualité de tribun, à la discussion du Code civil, s'explique dans les termes suivans, sur l'art. 1035 de ce Code, tome 2, page 231 de son Traité des donations: Si un pre

TOME XXX.

mier testament a été révoqué, et que le testateur veuille revenir aux dispositions conte nues dans ce testament, ce ne serait pas le cas d'une simple déclaration portant changement de volonté, respectivement au second testament, et persévérance dans les dispositions du premier. La Révocation a détruit l'effet du premier testament; dès-lors, il faut une nouvelle disposition testamentaire, Cela résulte de la disposition de l'art. 1035 du Code, qui n'admet la déclaration du changement de volonté, que dans le sens de la Révocation ; ce qui est bien différent de la réhabilitation du testament révoqué par un acte postérieur. On peut assimiler ce cas à celui où un testa. teur voudrait ratifier ou confirmer, par un simple acte ordinaire, un testament qui serait nul par le défaut de formalités. On ne peut confirmer, ni un testament qui n'existe point, ou, ce qui est de même, qui est nul, ni celui qui était valable dans le principe, mais qui a cessé d'exister.

» Qu'ont opposé les juges d'appel à des textes de lois aussi précis et à des autorités aussi respectables? Que le premier testament n'ayant été annulé par la Révocation que jusqu'à la manifestation d'une volonté contraire, il avait dû reprendre son existence du moment où cette manifestation avait eu lieu par la déclaration légalement faite.

» Mais il ne suffit pas, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, de la volonté du testateur pour constituer un testament, nec putaverit quisquam nudá voluntate constitui testamentum: il faut encore que cette volonté soit exprimée dans les formes et avec les solennités requises pour qu'il ne reste aucun doute sur la nature, l'étendue et l'authenticité de ses dispositions, solennités qui, comme l'observe judicieusement Ricard, consistent principalement dans le temps qui est employé à écrire, dicter et relire le testament, qui est la pierre de touche de ia volonté constante du testa

teur.

» Il est vrai que la cour d'appel a objecté que la formalité de la dictée au notaire, et de la lecture au testateur, avait été observée dans le testament du 29 septembre.

» Mais il est évident qu'argumenter de cette formalité pour légitimer la simple déclaration faite par le testateur, sans en répéter les dispositions, qu'il prétend confirmer un précé dent testament annulé, lorsque le but de la loi est précisément de connaître ses dispositions dans leur ensemble, et dans les termes mèmes dans lesquelles elles sont conçues, c'est tomber dans un cercle vicieux, et contrevenir directement au vœu de la loi, puisque cette for

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malité, appliquée à cette déclaration, n'ajoute rien à cette déclaration elle-même.

» Qu'au surplus, ainsi que l'a encore considéré la cour d'appel de Rennes, il n'y ait aucune loi qui exige, à peine de nullité, que l'on répète dans le dernier testament les disposi tions du premier, lorsque ce premier a été révoqué, la raison en est sensible: c'est que le premier testament étant annulé par le fait de la Révocation, le nouveau ne peut être fait que suivant les formalités prescrites par l'art. 972 du Code civil. Pour qu'on pût se dispenser de répéter dans le dernier testament les dispositions du premier, il faudrait au contraire, qu'il existât dans la loi une exception pour ce cas particulier; et nous avons vu que, loin qu'il existe une pareille exception, elle répugnerait à tous les principes.

» Nul doute donc qu'un testament révoqué ne puisse revivre par la seule déclaration qu'en

fait le testateur.

» Rien ne prouve mieux l'insuffisance d'une pareille déclaration pour expliquer la volonté du testateur, que l'effet que les juges d'appel ont attribué à celle du sieur Le Horeau.

» La cour se rappelle en effet que, par son premier testament du 12 avril, le sieur Le Horeau avait fait au sieur Collet, son beau-fils, un legs universel de tous ses immeubles et de ses crédits, à la charge d'une rente viagere de 900 francs au profit des demoiselles Ameline. Ce même testament contenait, au profit des demoiselles Ameline, un legs particulier du surplus de son mobilier, à l'exception de ses bi joux et de sa garde-robe. Ce premier testament ayant été révoqué en son entier par celui du 29 juillet, le legs universel fait au sieur Collet se trouvait compris dans cette Revocation, ainsi que la charge dont il était grevé, puisque l'accessoire suit toujours le sort du principal. Depuis, et par son dernier testament, en date du 29 septembre, la Révocation ayant été expressément confirmée, il ne restait plus que la disposition directe, faite en faveur des demoiselles Ameline, d'une partie du mobilier.

» Cependant l'arrêt attaqué a ordonné qu'il leur serait fait délivrance, non-seulement de ce legs, mais encore de la rente de 900 francs, qui, étant une charge du legs universel, était nécessairement révoquée avec lui.

» Or, il est évident que, par cet arrêt, la cour d'appel a jugé que le sieur Le Horeau avait, en rentrant, par la Révocation de son premier testament, dans l'ordre naturel des successions, et en transportant à ses héritiers présomptifs les biens qu'il avait précédemment légués au sieur Collet, grevé tacitement ceux-ci de la charge qu'il avait imposée à ce

lui-là ; qu'elle a établi par conséquent sur de simples conjectures, une donation à cause de mort, qui ne pouvait exister que par une donation expresse revêtue de toutes les formalités voulues par la loi, et que, sous ce nouveau rapport, elle a encore contrevenu à l'art. 972 du Code civil ».

Ces moyens n'ont fait ni dû faire aucune impression sur la cour suprême. Par arrêt du 4 décembre 1811, au rapport de M. Vallée,

<«< Attendu, sur le moyen tiré d'une prétendue violation de l'art. 972 du Code civil, qu'aucune disposition de ce Code ne défendant à un testateur de faire revivre un premier testament qu'il avait révoqué, et le testament du 29 septembre 1808, qui rend l'existence à l'une des dispositions de celui du 12 avril, même année, étant revêtu des formalités prescrites par la loi, la violation alléguée se trouve dénuée de tout fondement;

» La cour rejette le pourvoi... ».

V. l'arrêt du parlement de Toulouse du 9 septembre 1647, cité dans le §. suivant, no 1-6o.]]

S. V. De la Révocation du testament par un simple acte.

I. On a dit ci-devant, S. I, qu'un testament seul que le testateur a déclaré qu'il avait changé parfait ne peut être censé révoqué, par cela de volonté ; mais cette règle, puisée dans les principes de l'ancien droit romain, a été modifiée par une loi célèbre de l'empereur Justinien. Cette loi, qui est la vingt-septième, au Code, de testamentis, porte qu'un testament n'a plus d'effet, lorsque le testateur a déclaré, soit en présence de trois témoins, soit devant tions fussent exécutées, et qu'il s'est, en outre, le juge, qu'il n'entendait plus que ses disposiécoulé un intervalle de dix ans.

Pour bien entendre ce texte, et pouvoir en faire une juste application aux usages actuels des pays de droit écrit, il faut discuter les différentes questions qui en naissent.

10 Pourrait-on prouver par témoins la déclaration qu'un testateur aurait faite de vouloir révoquer son testament?

On le pouvait sans difficulté dans le droit romain. La loi que nous examinons, en contient une disposition très-précise : cette déclaration (dit-elle) doit être faite en présence de trois témoins, et prouvée par leurs dépositions; et hoc per testes idoneos non minùs tribus.

Mais il est aisé de sentir que cette jurisprudence ne peut plus être admise parmi nous. L'art. 1 de l'ordonnance de 1735 déclare nul

les toutes les dispositions testamentaires et à cause de mort, qui sont purement verbales : or, d'une part, révoquer un testament, c'est certainement, comme je l'ai dit aux mots Ré. vocation de codicille, §. 4, no 1, faire un acte de derniere volonté, une disposition à cause de mort. De l'autre, il est de principe que, pour détruire un acte, il faut employer une force égale à celle dont on s'est servi pour lui donner l'être. Omnia quæ jure contrahuntur, contrario jure pereunt, dit la loi 100, D. de regulis juris. On ne peut donc attribuer la moindre efficacité aux déclarations purement verbales qui tendent à anéantir un testament valable.

20 Ne devrait-on pas au moins regarder comme suffisante, une déclaration sous seingprivé, qui serait signée de trois témoins?

Le principe qu'on vient de rappeler, décide nettement cette question. Les testamens olographes ne sont reçus dans les pays de droit écrit qu'entre les enfans et descendans de ceux qui disposent : ce n'est donc qu'entre enfans, ou en leur faveur, qu'on peut révoquer par un testament olographe, ou, ce qui revient au même, par une déclaration privée, un testament qui a été fait précédemment en forme authentique; c'est ici, comme l'on voit, le cas de la règle, nihil tam naturale est quàm eo genere quidque dissolvi quo colligatum est.

Le président Bouhier, à l'endroit cité, no 13, rapporte deux arrêts du parlement de Dijon, des 24 janvier 1583 et 9 juillet 1613, qui reçoivent ici une application directe. Par le premier, il a éte juge qu'un partage entre enfans, signé, mais non ecrit de la main du père, ne révoquait pas une disposition que celui-ci avait faite auparavant en faveur d'un de ses enfans. Le second a décidé qu'une écriture privée,faite de la main d'une personne tierce, et signée du testateur, qui n'avait point d'enfans, ne portait aucune atteinte à un testament antérieur.

L'Epine de Grainville, page 525, nous a conservé un arrêt du parlement de Paris, du mois d'août 1725, par lequel il a été jugé, pour les pays de droit écrit, qu'une déclaration privée, écrite et signée du testateur, qui n'avait pour parens que des collatéraux, ne suffisait pas pour révoquer un testament solennel, quoiqu'il y eût, de la confection de cet acte à la mort du testateur, un intervalle de trentetrois ans.

3o Quelle est donc la forme dans laquelle doit être faite la déclaration dont il s'agit, lorsqu'elle tend à anéantir un testament qui avantage des étrangers ou des parens collatéraux, et qu'elle n'a point pour objet de favoriser les enfans ou descendans du testateur, soit en rétablissant entre eux l'ordre de suc

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céder ab intestat, soit en appelant quelquesuns d'entre eux à la place des étrangers ou collatéraux précédemment institués?

Cette question n'est pas difficile à résoudre. En combinant les dispositions de l'ordonnance de 1735 avec celles de la loi 27, C. de testamentis, qui peuvent encore s'adapter à nos mœurs, on arrive tout naturellement à la conséquence que cette déclaration doit être faite, ou devant le juge inter acta, ou en présence de trois personnes, dont l'une soit revêtue de la qualité de notaire, per tres testes idoneos, non minùs quàm tribus.

On a prétendu devant le parlement de Dijon, avant l'ordonnance de 1735, et nous ignorons pourquoi, que cette dernière forme était in. suffisante.

« Ce fut (dit le président Bouhier) au sujet du testament de Balthasar Morel, du pays de Bresse, qui avait été fait à Lyon, dans toutes les formes, au profit d'un de ses cousins. Quinze ans après, s'étant retrouvé devant le même notaire qui l'avait passé, il avait demande, en présence de deux témoins, acte de la Révocation qu'il faisait de son testament, et l'avait fait insérer sur la minute. Après sa mort, l'héritier institué impugna cette Révocation, parcequ'il n'y avait que deux témoins, quoiqu'il en fallút sept.

» Mais la cour ne laissa pas de la confirmer par arrêt donné à l'audience le 26 mars 1615 ».

40 Faut-il que le laps de dix ans, dont parle la loi 27, C. de testamentis, concoure avec la déclaration du testateur, pour opérer la Révocation de ses dernières volontés ?

L'affirmative est clairement établie par la loi même qu'on vient de citer; mais parmi les parlemens des pays de droit écrit, il y en a un qui s'en est écarté; c'est celui de Dijon.

« Nous avons (dit le président Bouhier) un arrêt du 29 mai 1612, qui confirma un acte de Révocation qu'un nommé Louet avait passé, par-devant un notaire et deux témoins, d'un testament qu'il avait fait trois mois auparavant. Taisand, sur notre coutume, page 399, en rapporte un autre du 4 juillet 1661, rendu en bien plus forts termes; car la Révocation était du même jour que le testament.

» Je ne crois pas que notre jurisprudence ait varié sur ce point ».

5. Mais comment doit-on, dans les autres parlemens, compter les dix ans dont il s'agit? Courent-ils du jour du testament, ou seulement de celui de la déclaration ?

Ce dernier parti a eu quelques sectateurs; mais l'autre est, sans contredit, plus conforme à la lettre et à l'esprit de la loi 27, C. de testamentis.

« Les termes, si in medio, de cette loi (dit Catellan, liv. 2, chap. 2), établissent formellement qu'il suffit qu'avec la Révocation, il se trouve dix ans entre la mort et le testament. Godefroi même, sur cette loi, en rapporte deux arrêts, l'un de Paris, l'autre de Grenoble (on peut y ajouter celui du parlement de Dijon, du 26 mars 1615, que nous citions à l'instant).

» Mais outre les paroles expresses de la loi, il n'y a qu'à entrer dans son sens qui était précisément d'ajouter au laps de dix ans, seul autrefois suffisant pour la Révocation des tes. tamens, la nécessité et l'obligation d'une Révocation plus précise pour les emporter ».

Cette raison qui est certainement sans réplique, est parfaitement développée par Furgole, chap. 11, no 99.

60 Faut-il que le laps de dix ans concoure avec la déclaration, lorsqu'elle est faite en présence de sept témoins,dont l'un est notaire? Il y a, dans le recueil de Boniface, tome 5, liv. 2, chap. 4, tit. 14, un arrêt du parlement de Provence, du 9 juin 1679, qui juge pour la négative.

Mais l'opinion contraire, soutenue par Ca. tellan, liv. 2, chap. 2, et par Furgole à l'endroit cité, no 100, paraît plus juridique.

C'est un principe général que le seul changement de volonté ne suffit pas pour annuler un testament: la loi 27, C. de testamentis, n'a dérogé à ce principe que pour le cas du concours du laps de dix ans avec une simple Révocation; on ne peut donc pas étendre cette dérogation au cas où il ne se trouve qu'un acte révocatoire sans intervalle de dix ans. Peu importe que cet acte soit passé en présence de sept témoins, au lieu des trois qu'exige la loi citée; le plus ou le moins de solennité n'ajoute rien à sa force. Tout le but de l'empereur Justinien, dans ce texte, est de changer la jurisprudence établie par la loi 3, au Code Théodosien, de testamentis, suivant laquelle un testament était regardé comme nul et non ayenu par le seul laps de dix années. « L'em» pereur (dit Catellan) ne veut donc point » qu'à l'avenir le temps seul suffise pour abro» ger un testament, si, au-delà de dix années, » il n'y a quelque Revocation positive faite par » le testateur, ou dans un acte public, ou » devant tout au moins trois témoins, ce que » l'empereur veut qui établisse suffisamment » la Révocation; mais non que la Révocation » seule suffise pour emporter le testament pré» cédent, sur quoi la décision de la loi ne porte » point, puisque l'empereur n'appuie que sur » le laps de temps, comme sur ce qui autrefois » seul suffisait pour infirmer une disposition,

» et la seule chose qu'il veut changer, laissant » sans doute tout le reste à régler selon les » principes et les règles ordinaires de droit ». A cette raison, bien décisive sans doute, se joint une réflexion qui doit, ce semble, trancher toute difficulté. Il est très certain qu'un acte de dernière volonté fait apud acta, c'està-dire, devant le juge, avait chez les Romains autant de force que s'il eût été passé en présence de sept témoins. La loi 19, C. de testamentis, en contient une preuve sans réplique, et c'est ce que Fachinée, liv. 6, chap. 86, nous paraît avoir parfaitement démontré. Or, la loi 27, C. de testamentis, ne se contente pas, pour anéantir un testament, d'un acte révocatoire fait apud acta : elle exige encore un intervalle de dix années. Donc, quand l'acte révocatoire serait passé en présence de sept témoins, il n'opérerait rien sans le concours de dix ans.

Guy-Pape, quest. 200,et Ferrière, son commentateur, opposent à cela que, par la déclaration révocatoire, le testateur est censé appeler ses héritiers ab intestat; qu'ainsi, étant faite en présence de sept témoins, cette décla ration doit être regardée comme un testament, et par cela seul anéantir le testament antérieur.

Mais cette objection est déjà détruite par ce qu'on vient de dire sur les actes passés devant le juge. Ajoutons, avec Catellan, « qu'on >> ne peut assurer que, dans la simple Révo»cation, le testateur ait voulu appeler ses » héritiers ab intestat, puisqu'il pouvait n'a» voir d'autre vue que celle d'ôter sa succession » à celui qu'il avait institué, et que, soit rai» son, soit caprice, il ne voulait plus qu'il fût » son héritier, projetant peut-être d'en faire » un autre ; ce qui est précisément le cas où, » suivant la loi 17, §. si eodem, C. de testa. »mento militis, sold exheredatione heredi» tas adimi non potest, c'est-à-dire, où l'on » ne peut ôter une succession, pour l'ôter seu-, »lement, mais pour en disposer en faveur de » quelque autre ».

Que faut-il donc décider dans le cas où le testateur a déclaré en présence de sept témoins, non-seulement qu'il révoque son testament, mais encore qu'il entend mourir intestat?

La loi 36, §. 6, D. de testamento militis, veut que le testament subsiste nonobstant cette déclaration; mais il ne paraît pas que, dans l'espèce particulière dont elle parle, le testateur eût pris un nombre suffisant de témoins loi 1, §. 8, D. si tabulæ testamenti nullæ pour manifester son intention; et du reste, la extabunt, décide qu'une pareille déclaration doit valoir comme codicille et fidéicommis; en sorte que, par là, l'héritier institué est censé prié de rendre l'hérédité aux successeurs

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