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I. Tous les principes qu'on vient d'établir au sujet du concours d'un codicille avec un testa. ment, s'appliquent également au concours d'un codicille avec un autre codicille.

Pothier, Traité des donations testamentaires, chap. 6, sect. 1, fait là-dessus une ob. servation qui trouve naturellement ici sa place: a Nos testamens ne contenant point d'ins »titution d'héritiers, et n'étant autre chose » que ce qu'étaient par le droit romain les co» dicilles; de même que, par le droit romain, » une personne pouvait faire plusieurs codi» cilles en différens temps, qui étaient valables, » en ce qu'ils n'avaient rien de contraire, de » même, par notre droit français, un premier » testament n'est point rompu par un testament » postérieur, à moins que le testateur n'ait dé» claré, par le testament postérieur, qu'il ré» voquait les précédens; l'un et l'autre subsis» tent ensemble dans ce qu'ils n'ont rieu de » contraire à l'égard des dispositions conte» nues dans le premier testament, qui se trou" veraient contraires à quelque-unes de celles » qui se trouvent dans le second, elles sont » censées révoquées par celles du second ».

Voici une espèce dans laquelle ces principes ont été solennellement confirmés par le parlement de Paris.

La dame de Crevecœur,avait fait, le 16 avril 1742, le 22 octobre 1754, et le 25 du même mois, un testament et deux codicilles, par lesquels elle nommait le prince de Tingry et la duchesse d'Havre ses légataires universels. En1736, elle fit,en un seul corps d'acte,trois codicilles qui ne contenaient que des legs particuliers, et dont néanmoins les héritiers ab intestat voulurent induire une Révocation tacite du legs universel. Ils soutenaient que ces codicilles étant revėtas des solennités requises, formaient un testament complet, qui emportait, par sa nature, la Révocation de toute disposition anterieure ; et ils insistaient principalement sur le préambule du premier de ces actes, où la testatrice annonçait qu'elle allait faire un seul et unique testament, qui contiendrait toutes ses dernières volontés.

Les légataires universels répondaient :

«Les trois codicilles de 1756 sont, à la yerité, revêtus des solennités légales; mais par

cela seul qu'ils ne sont que des codicilles, ils ne forment que des actes accessoires, insuffisans pour opérer la Révocation.

» Il est vrai que la testatrice avait annoncé dans le préambule, qu'elle allait faire un seul et unique testament, c'est-à-dire, réunir dans un seul et même instrument toutes ses dernieres volontés si elle avait achevé cet acte, on pourrait dire que la clôture, réunie au préambule, aurait opéré la Révocation de toutes ses dispositions anterieures; mais le projet qu'elle avait annoncé, elle ne l'a point exécuté ; à la fin de chaque vacation, et notamment à la troisième, elle a remis la continuation à un autre jour; par cette remise, elle a déclaré elle-même qu'elle n'a pas rédigé toutes les dispositions qu'elle entendait faire. Des-là, l'acte qu'elle a fait, n'est plus un acte principal ra tione voluntatis ; ce ne sont plus que de simples codicilles; et comme des actes de cette nature n'emportent point, de l'aveu des héritiers, une Revocation generale des dispositions précédentes, le seul effet qu'on puisse attribuer aux codicilles de 1756, c'est d'avoir, par Révocation tacite, rendu inutiles les tes tamens et codicilles de 1742 et 1754, quant aux legs particuliers compris dans ces derniers codicilles: mais ces premiers actes subsistent toujours quant au legs universel, puisqu'à cet égard, le testament que la dame de Crevecœur entendait faire, n'a point été achevé.

» La testatrice, en dictant ces trois codicilles, était bien éloignée du dessein de mourir ab intestat; elle y annonce au contraire des légataires universels qu'elle nommera ci-après et des exécuteurs testamentaires dont il sera ci-après parle. Il est bien constant que ces légataires universels et ces exécuteurs testamentaires ne sont autres que ceux qu'elle avait nommés par ses précédentes dispositions: mais quand il serait possible d'élever quelque doute sur ce point, il est toujours certain que ce n'est pas en faveur des héritiers du sang qu'elle a entendu disposer de nouveau. Ainsi, ils sont, aux termes des lois, non-recevables à exciper d'un prétendu changement de volonté qui n'aurait pas eu pour objet de les gratifier; ce serait le cas de dire, avec la loi, que la testatrice n'aurait entendu dépouiller les premiers légataires universels, qu'autant qu'elle en aurait institué d'autres : Qui ità demùm à priore testamento recedere velit, si posterius valiturum sit ».

Sur ces raisons, arrêt est intervenu le 23 mai 1759, par lequel la cour, conformément aux conclusions de M. Joly de Fleury, avocatgénéral, a fait délivrance du legs universel.

[[II. Pour faire revivre un codicille revoqué par un codicille postérieur, suffit-il au

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V. l'article Révocation de testament, S. 4, • 6.]]

S.III. De la Révocation d'un codicille par une donation entre-vifs.

Si, après avoir disposé par un codicille, de certains objets, on en disposé par une donation entre-vifs, il est clair que la première disposition est révoquée de plein droit par la seconde.

Il en est de même dans le cas où, après avoir fait un codicille qui renferme une disposition universelle de tout ce qu'on possédera à sa mort, on fait, par contrat de mariage, une donation de tous ses biens présens et à venir.

Mais une donation entre-vifs qui ne porte que sur des objets certains et déterminés, ne révoque pas un codicille dans lequel est contenu un legs universel : elle ne fait que dimi nuer l'avantage qui est déféré, par ce dernier acte, au légataire.

On voit par là que nous devons, comme le dit Furgole, chap. 12, no 69, appliquer au concours d'un codicille avec une donation, les mêmes règles qu'à celui du concours d'un codicille avec un testament ou avec un autre codicille.

S. IV. De la Révocation d'un codicille par la simple déclaration du testateur.

I. On ne doute nullement qu'un codicille ne puisse être révoqué par la simple déclaration d'un changement de volonté : il ne contient que des legs ou des fideicommis, et la loi 36, S. 3, D. de testamento militis, décide nettement que les legs et les fideicommis deviennent inutiles, dès que le testateur a manifesté son intention de les révoquer.

Mais la question est de savoir dans quelle

forme doit être faite la déclaration du testateur, pour qu'elle puisse opérer son effet.

A partir de la règle, nihil tam naturale est quàm unumquodque eodem genere dissolvi quo colligatum est, il est clair que cette déclaration doit être revêtue des mêmes formes que le codicille qu'elle tend à anéantir. C'est en effet ce que decide l'art. 19 du chap. 32 des chartes générales de Hainaut : «< Tous » testamens et codicilles se pourront révoquer » quand bon semblera au testateur ou testa»trice, moyennant qu'icelle Révocation soit >> faite aussi solennellement que lesdits testa» mens et codicilles auraient été faits ». L'art. 1 du chap. 31 des mêmes lois confirme cette disposition. Après avoir établi que les pères et les mères ne peuvent faire avis et partage à leurs

.

enfans de tous leurs biens immeubles venus et à venir, si ce n'est par avis et conseil de leurs parens et communs amis, deux de chacun côté pour le moins,le même texte ajoute, en parlant de ces actes de partage:et si avant... que Révocation..... s'en fera, devra être par l'accord des proximes ou communs amis.

Cette jurisprudence n'est pas particulière au Hainaut : une déclaration du roi d'Espagne, du 17 novembre 1631, nous apprend qu'elle est commune à toute la Belgique. Le lieutenant général de la gouvernance de Douai ayant à décider si un testament avait pu être prescrites par la confection des actes de cette révoqué sans l'observation exacte des formes nature, par l'art. 12 de l'édit perpétuel de 1611, s'adressa au conseil privé de Bruxelles, et demanda comment il devait prononcer. Par la déclaration citée, il fut dit, «< que, sous » l'ordonnance de l'art. 12 de notre édit perpétuel de 1611, est aussi comprise la Révo>>cation des légats qui seraient par-avant » laissés par testamens ».

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On trouve dans le recueil de Néostade, chap, 1, un arrêt du conseil souverain de Hollande, qui est conforme à cette décision.

[[ Et Furgole, Traité des Testamens, chap. 12, no 70, établissait positivement que l'on devait juger de même dans tous les pays de droit écrit:

» Comme dans les codicilles (c'étaient ses termes), on ne peut faire que des legs ou fideicommis, qui peuvent être révoqués par un simple changement de volonté, et sans faire un testament nouveau, ni observer les formalités requises aux testamens, ils peuvent être révoqués par une simple déclaration révocatoire, sans le secours du laps de temps (1), qui n'est nécessaire que pour la révocation des institutions ou des substitutions directes contenues dans un testament, suivant la loi 36, D. de testamento militis, et la loi 27,

C. de testamentis.

» Mais afin que la déclaration révocatoire soit efficace, il faut qu'elle soit revêtue de la formalité nécessaire au codicille, parceque nihil tam naturale est quàm eo genere unumquodque dissolvi quo colligatum est (loi 35, pays de droit écrit, elle soit faite devant cinq D. de regulis juris) Il faut donc que, dans les témoins, y compris le notaire, entre étran gers, et qu'elle soit entièrement écrite, datée et signée, si elle est en faveur des enfans (2),

(1) V. l'article Révocation de Testament, S. 5. (2) Le testament olographe n'était admis, avant le Code civil, dans les pays de droit écrit, qu'en faveur des enfans. V. l'article Testament, sect. 4, S. 4, art. 1.

ou passée devant un notaire et deux témoins; c'est-à-dire, qu'elle soit revêtue de J'une des formes prescrites pour la validité du codicille en pays de droit écrit, par les art. 14, 15 et 16 de l'ordonnance de 1735 ».

Le président Bouhier n'était pas de cet

avis :

« Les legs (digait-il, chap. 20, no 16 ) peuvent être révoqués, non-seulement par un acte moins solennel, mais même nudá voluntate, suivant la loi 3, §. dernier, D. de adimendis legatis, et la loi 18, D. de legatis 30 et puisqu'elles veulent (loi 30, D. de adimendis legatis, et loi 22, C. de fideicommissis) qu'on puisse faire un legs ou un fidéicommis per epistolam et libellum, il n'y aurait pas d'apparence d'exiger une plus grande solennité, quand il s'agit de les révoquer.

» Comme cette révocation ne met point le testateur en danger de mourir ab intestat, on y fait moins de façon, et il suffit qu'on ait une preuve suffisante de sa volonté, sans s'em. barrasser en quelle forme ».

intervint cinq témoins dans tous les actes de dernière volonté non-compris sous la dénomination de testament: in omni ultima voluntate, excepto testamento.

L'opinion du président Bouhier avait cepen. dant prévalu dans les pays coutumiers. Ecou tons Ricard, Traité des donations, part. 3, no 121:

« Le sujet pour lequel un testament, par le droit romain, ne se pouvait révoquer que par un autre testament solennel, résulte.... de ce que les testamens y étaient considérés comme des lois particulières qui réglaient les successions de ceux par qui ils étaient faits, et par lesquelles ils dérogeaient à la loi commune qui disposait des successions ab intestat; si bien que le testateur ayant une fois aboli la loi publique pour son regard, par une autre qu'il s'était faite, il fallait, s'il avait dessein de changer sa volonté, que ce fût une autre loi solennelle.

par

» Il s'ensuit de là que nos testamens ne détruisant pas la loi des successions ab intestat, parcequ'ils ne contiennent point d'institution d'héritier, la raison du droit romain n'y milite pas; et que, si un testateur s'est un peu détourné de l'ordre des successions ab intestat par son testament, s'il veut ensuite

s'y conformer et rompre le testament qu'il avait fait, comme le retour au droit commun est facile, il peut le faire par toutes sortes d'actes entre-vifs ou testamentaires, pourvu

lonté.

» En effet, si nous désirons des solennités

particulières aux testamens, ce n'est qu'en
tant qu'ils s'éloignent de la prévoyance de la
loi, et pour faire que les testateurs ne se
laissent
de leurs biens ceux qui y sont appelés par la
pas emporter si facilement à priver
voie légitime et par l'ordre du sang.

Mais en convenant que les lois des Pandectes qui permettaient de révoquer les legs par une simple déclaration, n'étaient la conque séquence de celles de la même époque qui n'exigeaient qu'une simple déclaration pour Ja validité des legs, le président Bouhier ne faisait pas attention que ces dernières lois avaient été singulièrement modifiées, en 424, qu'ils soient capables de faire foi de sa vopar la constitution de l'empereur Thedose, qui est transcrite dans la loi 8, §. 3, C. de codicillis, et aux termes de laquelle tous les actes de dernière volonté qui étaient affranchis des formalités du testament proprement dit, ne laissaient pas d'être nuls, s'ils n'étaient faits en présence de cinq témoins (1) Assurément c'eût été violer cette loi que de juger valable, dans les pays de droit écrit, un legs contenu dans un acte dont la présence de cinq témoins n'aurait pas garanti l'authenticité. C'était donc aussi la violer que de juger un legs valablement révoqué par une déclaration qui n'avait été faite que devant un notaire et deux témoins; et cela résulte, non seulement de la règle de droit nihil tam naturale est quàm unumquodque eodem genere dissolvi quo colligatum est, mais encore du texte même de la loi dont il s'agit; car une déclaration révocatoire d'un legs est certaine ment un acte de dernière volonté ; et encore une fois, cette loi voulait expressément qu'il

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» Si bien que, lorsque les particuliers veulent au contraire réduire leurs successions aux termes de la loi, le chemin leur en doit être libre, et ils n'en doivent être retardés par aucun empêchement et par des formalités singulières, mais ce changement si favorable leur doit être permis par toutes sortes d'actes légitimes ».

Ces raisons (que j'ai appelées un peu trop légèrement très-bonnes, dans des conclusions du 14 floréal an 11(1), où je n'en parlais qu'en passant et sans qu'il entrât dans mon objet de les apprécier ) n'étaient pas, à beaucoup près,

(1) V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Révocation de Testament, §. 1.

2

sans réplique; car on aurait pu les appliquer également aux codicilles des pays de droit écrit ; et cependant il était généralement reconnu dans ces pays, sauf ceux où, comme on le verra à l'article Révocation de testament, S. 5. no, les testamens même proprement dits pouvaient être révoqués par une simple déclaration faite devant un notaire et deux témoins, que les codicilles n'y pouvaient être révoqués que par des actes revêtus des formalités propres aux dispositions des actes de dernière volonté. Pourquoi donc s'était-on habitué insensiblement dans les pays coutumiers, à regarder comme suffisamment révoqué tout testament qui l'était par un acte quelcouque, pourvu qu'il fût en forme probante? Parceque les lois romaines n'y avaient que l'autorité de raison écrite, et que les testamens y étant en général vus de mauvais œil, on avait cru pouvoir aller, pour en favoriser la révocation, jusqu'à dire que les actes qui les révoquaient, n'étaient pas essentiellement des actes de dernière volonté.

Quoi qu'il en soit, la jurisprudence du parlement de Paris était constante sur ce point. ]]

Le recueil des œuvres de l'avocat général Servin nous en fournit un rendu sur les con clusions de ce magistrat, le 29 mai 1608. On y voit que « Servin, pour le procureur » général du roi, a dit qu'encore que la Ré>> vocation de la disposition faite par le tes»tateur, ne soit pas un testament, si est-ce » qu'étant recue par notaire en présence de » témoins, elle ne laisse pas de valoir pour » dire qu'il a voulu décéder sans tester ».

Bouguier, lettre R, S. 18, dit que, par arrêt rendu à la troisième chambre des enquêtes, le 3 mars 1612, « il fut jugé, sur procès parti, que le legs se pouvait révoquer » par un acte simple, passé par-devant notaires, n'ayant aucune forme de testa

»ment ».

Pothier, Traité des donations testamentaires, chap. 6, sect. 1. S. I, soutient même que la Révocation dont il s'agit,« peut se faire » par un acte écrit ou seulement signe de la >> main du testateur »; et le président Bouhier, chap. 20, no 15. assure qu'il en a été jugé ainsi par un arrêt du parlement de Dijon, du 17 mai 1624, rendu sur un procès évoqué, et confirmatif d'une sentence des requêtes du palais de Paris (1).

(1) [[Mais cet arrêt a été rendu dans une espèce particulière. Voici comment le président Bouhier le rapporte à l'appui de son prétendu principe que, même en pays

Il faut cependant remarquer, avec l'ancien annotateur de Ricard, « qu'une déclaration » par-devant notaires, signée du testateur, » qu'il révoque son testament, non signée da » notaire, a été jugée sans effet par arrêt du » 7 mai 1643 ».

Mais, comme l'observe Valin, sur la coutume de la Rochelle, art. 41, « sans doute » que cela ne fut ainsi jugé, que parceque le » testateur avait voulu révoquer par un acte » authentique, et que cet acte étant demeuré » imparfait, il était à présumer que c'était » par le fait propre du testateur qui avait » empêché le notaire de signer; et il en eût » été tout autrement, selon toute apparence, » s'il se fût trouvé, parmi les papiers da tes»tateur, un acte de Révocation écrit et signé » de lui ».

cipe « que, quoiqu'un second testament qui II. Pothier va plus loin: il met en prin» contient une clause de Révocation du pre

mier, soit nul dans la forme, le premier » ne laisse pas d'être révoqué par cette clau. » se; car la révocation des testamens pouvant » se faire nudd voluntate, quoique le second » testament qui contient la clause de Révocation, ne soit pas revêtu des formalités né

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» Ils en furent déboutés par sentence des requêtes do palais à Paris ; et sur l'appel qu'ils en interjetèrent, le procès ayant été évoqué en notre parlement, la cour, par arrêt donné au rapport de M. Brenugat, le 17 mai 1624, mit l'appellation au néant ».

Il est évident que, dans cette espèce, l'acte révocatoire du legs avait toute la forme d'un testament olographe; car c'était à Angoulême qu'il avait été fait, et les testamens olographes étaient bien constamment admis dans la coutume d'Angoûmois, comme on le

» cessaires pour le rendre valable, il doit au » moins étre valable pour cette clause de Ré» vocation qui n'est point assujétie à ces for» malités ».

Rousseaud de Lacombe, au mot testament,

verra à l'article Testament, sect. 2, S. 4, art. 1. Que peut donc avoir jugé l'arrêt dont il s'agit? Rien autre chose si ce n'est que le testament ologra phe par lequel le testateur révoque les legs qu'il a précédemment consignés dans un testament solennel, doit avoir tout son effet, quoiqu'il ne contienne pas d'autre disposition.

On devrait même s'étonner que cela eût été mis en question à l'époque dont parle le président Bouhier, si l'on n'en eût encore fait de nos jours et même sous le Code civil, la matière d'une contestation sérieuse.

Le 8 février 1810, la dame Adam, qui avait, par son testament, fait un legs à son mari, le révoque par un acte entièrement écrit, daté et signé de sa maia, et ainsi conçu : « je soussignée Marie-Louise Frichet, » révoque le legs fait à mon mari, et j'entends qu'il » demeure nul, comme étant mes dernières volontés : à Fontainebleau, le 8 février 1810. Signé MarieLouise Frichet».

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Après la mort de la dame Adam, procès entre son mari et les héritiers légitimes.

Lesieur Adam invoque l'art. 1035 du Code civil, et dit: l'acte du 8 février 1810 n'est, ni un acte pardevant notaire, portant déclaration de changement de volonté, ni un testament postérieur à celui qui contient un legs en ma faveur. Qu'il ne soit point un acte devant notaire, cela est de toute évidence. Est-il un testament ? Non; l'art, 895 définit le testament

un acte pár lequel le testateur dispose pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens; et par l'acte dont il s'agit, la dame Frichet n'a disposé de rien.,

Séduit par ce sophisme, le tribunal de première instance, sans avoir égard à la révocation portée par l'acte du 8 février 1810, condamne les héritiers légi times à faire au sieur Adam la délivrance de son legs. Mais sur l'appel, arrêt de la cour royale de Paris, da 15 juillet 1813, qui déclare le legs valablement révoqué, a altendu que l'acte du 8 février 1810....... » réunit toutes les formes exigées pour un testament »olographe; que la révocation de tout legs antérieur est nécessairement une disposition de dernière volonté; que l'art. 1035, en disposant que la révocation » peut être faite par un testament, entend seulement que l'acte révocatoire soit revêtu des formes du tes

»tament ».

Vainement le sieur Adam se pourvoit-il en cassation. Par arrêt de la section des requêtes, du 17 mai 1814, au rapport de M. Ja Saudade, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Jourde, son recours est rejeté,

« Attendu que l'écrit sous seing-privé, du 8 février 1810, est revêtu de toutes les formalités requises pour les testamens olographes;

• Attendu que cet écrit contient une disposition de dernière volonté au profit des héritiers de droit ».j!

dit la même chose, et appuie son assertion sur un arrêt rendu dans la coutume de Mondidier, le 29 décembre 1687.

Mais il est fort douteux que ce soit là ce que juge cet arrêt. Voyez le compte qu'en rend le journal du palais à l'ordre de sa date.

[[ III. Le Code civil porte,art. 1035, que les testamens (qui ne different plus en rien des codicilles ) « ne pourront être révoqués, en » tout ou en partie, que par un testament » postérieur, ou par un acte devant notaires, »portant déclaration de changement de vo»lonte».

Au lieu de cet article, les auteurs du projet de Code en avaient proposé un ainsi conçu: « Les testamens ne pourront être révoqués, » en tout ou en partie, que par une déclara» tion de changement de volonté dans l'une » des formes requises pour les testamens ».

Mais M. Tronchet ayant observe qu'il devait suffire d'une déclaration pardevant notaires, l'article a été rédigé tel que nous le lisons aujourd'hui dans le Code:

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Comment doit on d'après cela, decider aujourd'hui la question sur laquelle on vient de voir que Pothier et Rousseaud de Laconibe s'étaient expliqués sous l'ancienne législa tion?

Cette question a été prévue dans la discussion du Code civil.

» M. Berlier (est-il dit dans le procès-verbal) observe que, dans la section dont les

articles viennent d'être soumis à la discussion, on ne trouve point de disposition sur un cas qui semble cependant devoir etre prévu. Si un premier testament est révoque par un acte postérieur, mais que cet acte soit nul, que deviendra le premier testament? Cette question etait fort controversée dans l'ancien droit. Les uns soutenaient que, quoique le second testament ou l'acte révocatoire fut nul, il indiquait un changement de volonté, et qu'alors il fallait regarder la succession comme ouverte ab intestat. Les autres, se fondant sur la maxime que ce qui est nul, ne produit aucun effet, soutenaient que le premier testament subsistait dans toute sa force. L'opinant partage le premier avis. Au surplus, quelle que soit l'opinion du conseil,il importe de ne point laisser cette question indecise.

>> M. Tronchet dit que le second acte, quoique nul, annonce néanmoins, de la part du testateur, un changement de volonté dont l'effet est d'anéantir le testament.

» Le conseil adopte l'observation de M. Tronchet, et décide qu'elle sera convertie en disposition ».

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