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deux Amériques? Certes, il la connaissait et s'y était vivement et personnellement intéressé; mais, selon lui, il ne pouvait jamais avoir été pour quelque chose dans tout ce qui n'était pas couronné d'un plein et entier succès. Muni des titres qu'il s'était faits, c'est-à-dire des décrets qu'il avait rendus, l'empereur fit saisir partout les piastres, les traites qui appartenaient aux associés, et fit de cela une affaire d'argent dont il tira de grands bénéfices, si toutefois de tels bénéfices peuvent être regardés par un souverain comme une compensation de la triste situation où fut pendant quelque temps le crédit public.

Ainsi fut renversée en un instant une des plus grandes entreprises commerciales qu'ait pu faire concevoir l'amour du gain secondé par une hardiesse prodigieuse et une grande habileté. Mais, à combien de revers sont exposés les ambitieux de la finance aussi bien que les ambitieux de gloire et de conquêtes. L'associé d'un roi qui allait exploiter le commerce des deux mondes, fut réduit en moins de deux ans à la nécessité de fléchir sous les coups réitérés d'une persécution acharnée contre lui, et de déposer enfin son bilan, en même temps que son associé Wanlerberghe.Tout ce que, pendant son séjour à Hambourg, M. Ouvrard me dit sur son

aventureuse carrière et surtout sur sa grande affaire des Amériques, m'intéressa vivement. D'abord son projet m'avait paru tellement gigantesque, qu'il m'effraya; mais j'avoue que lorsqu'il en eut développé les avantages, et les moyens d'exécution qu'il avait réunis, je fus tout-à-fait séduit; je n'avais pas vu M. Ouvrard depuis 1802, époque où il n'était encore question pour lui que d'aller se faire payer des cinq millions de piastres que l'Espagne lui devait pour les fournitures de toute nature faites à la flotte espagnole de Brest, ainsi que je l'ai dit plus haut.

CHAPITRE VII.

Déclaration de Louis XVIII. Envois par la poste. Instruction de Fouché pour des enveloppes.

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Ma réponse au ministre de la police. Surveillance exercée contre Dumouriez, Dumouriez, colporteur de pamphels. Pamphlet infâme. Imprimerie de Fauche

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· Bataille dans un

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cimetière. Lesimple. - Papiers singulièrement cachés. Filou, espion, faussaire et assassin. L'homme à quatre noms envoyé à Paris. — Intelligence d'un espion. -Trait remarquable de courage et de présence d'esprit. -Un autre espion.-Chefneux.-Ordres de Fouché pour la surveillance de M. de la Ferronays. Ordres pour

son arrestation. Hambourg.

M. de la Ferronays au théâtre de Avertissement donné à temps.

Je me suis un peu étendu sur les immenses entreprises de M. Ouvrard, et sur les désastres des finances pendant la campagne de Vienne. Actuel

lement je vais, pour ainsi dire; rentrer dans mon cabinet de ministre plénipotentiaire, où, je puis le dire, il s'est passé des choses assez curieuses. Je laisse les objets placés dans l'éloignement, sauf à parler plus tard de ce que m'en apprirent mes correspondances et les Français voyageurs que je me plaisais beaucoup à accueillir quand ils passaient par ma résidence. Les faits ne seront pas toujours liés les uns aux autres, par la raison toute simple qu'il n'y a pas de corrélation entre les rapports que l'on reçoit sur des choses diverses, pas plus qu'entre les réclamations des solliciteurs qui se succèdent dans une audience.

Le 2 janvier 1806 j'eus connaissance d'une déclaration de Louis XVIII, que beaucoup de maisons de Hambourg recurent par la poste, et chacune en reçut jusqu'à quatre exemplaires. Dumouriez en avait sa voiture remplie lorsqu'il passa à Brunswick. On en avait répandu dans cette seule petite ville plus de trois mille exemplaires, lorsque Dumouriez y passa. Le format de cette proclamation en rendait l'introduction très-facile par la poste, même en France. Je pense bien qu'avant même que le gouvernement français fût prévenu de cette publication, la poste avait épargné aux facteurs la peine d'aller en recevoir le port; car je

reçus une lettre de Fouché, du 16 janvier, à laquelle étaient jointes trois enveloppes qui avaient renfermé la déclaration du prétendent. Le ministre me demandait que je lui envoyasse de pareilles enveloppes, et cela, le plus que je pourrais. Prévoyant bien que cette démarche du ministre avait pour but d'ordonner plus tard des mesures acerbes contre des personnes qui n'étaient coupables que d'avoir ouvert un paquet à leur adresse, et dont elles ignoraient nécessairement le contenu, je répondis au ministre pour lui faire connaître l'impossibilité où je me trouvais de lui envoyer de ces enveloppes, et de lui indiquer le nom des villes où elles avaient été timbrées, parce que, 1° on s'était bien gardé d'adresser cette proclamation d'une manière directe; 2° parce que ce n'était pas la coutume de conserver les enveloppes de lettres, surtout quand on en recevait une grande quantité; 5° qu'il y avait beaucoup de villes d'Allemagne qui n'avaient pas de timbre particulier pour les lettres destinées à une autre ville du même pays, les lettres d'Allemagne n'étant souvent timbrées que lorsqu'elles allaient à l'étranger.

Quant à Dumouriez, dont toutes les lettres du ministre me recommandaient de surveiller tous les mouvemens, on n'entendait pas plus parler de

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