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Outre les personnes recommandables qui se réfugièrent à Altona, il y vint aussi quelques intrigailleurs au nombre desquels était Fauche-Borel. Je me rappelle qu'il me fut fait un rapport sur une vive altercation que Fauche eut l'audace d'avoir avec le comte de Gimel, parce qu'il ne put tirer de celui-ci de l'argent pour ses intrigues. M. de Gimel n'avait de fonds que pour payer les pensions; il avait d'ailleurs trop de tact pour croire à l'utilité des grossiers pamphlets de Fauche-Borel, de sorte qu'il l'éconduisit avec un refus; Fauche se permit de faire l'insolent, ce qui mit M. de Gimel dans la nécessité de le chasser de chez lui assez durement et comme il le méritait. Ce fait, que je sus d'abord par un rapport, m'a été depuis confirmé par une personne témoin de cette scène. Fauche-Borel ne fit que passer à Hambourg, et s'embarqua pour Londres sur le même bâtiment qui ramenait le lord Morpeth en Angle

terre.

La présence du comte de Gimel à Altona fut une des choses qui donna le plus d'occupation à la police de Paris pendant plusieurs années. On en concevait en vérité des inquiétudes bien gratuites. La police en fut bientôt délivrée. Après un court voyage qu'il venait de faire en Angle

terre, il mourut au commencement de 1807. M. de Gimel ne mérita les persécutions de la police, dont il fut si long-temps et si souvent l'objet, que pour avoir rempli avec une extrême probité, et beaucoup de bienveillance, une charge d'humanité que ses anciens maîtres avaient confiée à son honneur, et qu'ils n'auraient pu mieux placer.

CHAPITRE XIV.

Haine et danger de l'arbitraire.

Utilité de la justice.

M. Graëppel, pillage et indemnité. Craintes de la ville de Hambourg.-Les Français à Bergdorff.

Ordres

-

favorables de Bernadotte. Lettre de Bernadotte. Incroyables extorsions en Prusse.-Les faux endosseurs. Souvenirs de Clarke à Berlin. Exactions des Hollan

-

dais. Le roi de Hollande et le siége de Hameln.-Soins de Napoléon pour les blessés.

Mission de Duroc.

-Besoin mutuel de la paix. -Demandes exagérées.Duroc à Osterode, et refus du roi de Prusse.

Triste

situation de la Prusse. - Négociation dont je suis chargé à Hambourg. Accord des ministres et colère du roi

de Suède. - M. Netzel et M. de Wetterstedt.

Il faut souvent très-peu de chose pour se placer bien ou mal dans l'opinion d'une ville où l'on est appelé à résider comme ministre étranger, surtout lorsque le gouvernement que l'on a l'honneur de représenter est armé d'une sorte d'omnipotence, comme l'était le gouvernement impérial,

après la défaite de l'armée prussienne. Dans une pareille situation, le moindre acte arbitraire est d'autant plus odieux, qu'il semble résulter d'un abus de la force, et il m'est permis de dire que jamais je n'ai eu recours à ces moyens que condamne la morale, et que proscrit également une bonne et sage politique. Lorsqu'au contraire on cherche à adoucir, à réparer des injustices ou des violences, les habitans du pays ou l'on est accrédité regardent presque comme une haute faveur, la réparation d'un dommage, alors même que le ministre n'a agi que selon les lois d'une justice rigoureuse. J'eus plusieurs fois la preuve de ce que je dis, pendant mon séjour à Hambourg, et notainment dans une circonstance qui me revient à l'esprit. Un parti français ayant été un moment repoussé par les Prussiens, jusques sous les murs de Hambourg, vint bivouaquer près d'une maison appartenant à M. Graëppel, l'un des membres les plus recommandables du sénat. Les troupes françaises, malgré la discipline et l'ordre qu'il leur était enjoint d'observer, causèrent à M. Graëppel quelques dommages. Aussitôt que j'en fus informé, sans attendre ses réclamations, je m'empressai de lui faire offrir la réparation du tort qu'il avait éprouvé. Cette démarche si simple en elle

même contribua à m'acquérir, plus que jamais, l'amitié et l'estime des Hambourgeois, et ne fut pas même sans influence sur les dispositions favorables au gouvernement français, que le sénat de Hambourg manifesta dans des circonstances importantes, comme on le verra plus tard.

Dans ces momens de crise, la ville de Hambourg était menacée de tous les côtés. Les Français même occupaient une partie de son territoire. Ces corps, heureusement pour le pays, dépendaient de celui que commandait le prince de Ponte-Corvo. Cette occupation effraya la ville de Hambourg, et en effet, elle lui était très-nuisible. J'écrivis au maréchal Bernadotte. Les raisons qu'alléguait le sénat, pour demander cette évacuation, étaient trop justes, pour que Bernadotte ne les comprît pas. Le séjour prolongé des troupes françaises dans le bailliage de Bergdorff, séjour auquel celui qui les commandait donnait tous les caractères d'une occupation, pouvait entraîner la confiscation de toutes les propriétés hambourgeoises en Angleterre, l'embargo sur les vaisseaux de cette république, et par conséquent, la ruine d'une grande partie du commerce de la France et de la Hollande qui se servaient du pavillon hambourgeois pour leurs expéditions lointaines. Le motif pour garder

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